- L'ESSENTIEL
- I. L'ACADÉMIE NATIONALE DE CHIRURGIE NE
BÉNÉFICIE PAS D'UNE RECONNAISSANCE ÉGALE À CELLE
DES ACADÉMIES NATIONALES DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
- II. REVALORISER LE STATUT DE L'ACADÉMIE
NATIONALE DE CHIRURGIE : UNE ÉVOLUTION LÉGITIME ET
ESSENTIELLEMENT SYMBOLIQUE
- I. L'ACADÉMIE NATIONALE DE CHIRURGIE NE
BÉNÉFICIE PAS D'UNE RECONNAISSANCE ÉGALE À CELLE
DES ACADÉMIES NATIONALES DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 565
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 avril 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
la proposition de loi
portant statut de
personne morale de droit
public à statut
particulier
à l'Académie nationale
de chirurgie,
Par M. Khalifé KHALIFÉ,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Sénat : |
359 (2022-2023) et 566 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi vise à conférer à l'Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République. Ce statut a été reconnu par la loi aux académies nationales de médecine et de pharmacie respectivement en 2013 et 2016.
La commission a adopté la proposition de loi, considérant que cette revalorisation statutaire est de nature à renforcer le rôle de l'Académie auprès des pouvoirs publics ainsi que son indépendance.
I. L'ACADÉMIE NATIONALE DE CHIRURGIE NE BÉNÉFICIE PAS D'UNE RECONNAISSANCE ÉGALE À CELLE DES ACADÉMIES NATIONALES DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
A. UNE HISTOIRE ET UNE VOCATION PARTAGÉES
1. Un héritage historique commun
L'Académie royale de chirurgie est fondée en 1731 et la Société royale de médecine en 1778. Dès leur origine, ces deux institutions ont pour but de concourir aux progrès de la science, à la promotion de la recherche et à l'amélioration des pratiques de leur discipline. Symboles du pouvoir royal, elles sont néanmoins dissoutes par la Convention en 1793.
L'ordonnance royale du 20 décembre 1820 recrée une Académie royale de médecine « chargée de continuer les travaux de la Société royale de médecine et de l'Académie royale de chirurgie »1(*), au sein de laquelle siègent côte à côte des médecins, des chirurgiens et des pharmaciens.
Parallèlement, les chirurgiens poursuivent leur structuration en constituant en 1843 la Société des chirurgiens de Paris, qui devient la Société des chirurgiens français en 1875.
L'Académie nationale de pharmacie trouve quant à elle son origine dans la Société libre des pharmaciens de Paris, fondée en 1796. Reconnue d'utilité publique en 1877, elle devient Académie nationale de pharmacie en 1979.
2. Des institutions complémentaires
Les académies nationales de chirurgie et de médecine ont connu depuis deux siècles des évolutions parallèles, qui se sont traduites par une interpénétration des disciplines médicales et chirurgicales au sein de l'Académie de médecine et par une collaboration interacadémique fructueuse.
Si les missions des trois académies sont naturellement convergentes, l'Académie nationale de médecine peut se prévaloir d'une singularité qu'elle revendique : sa transdisciplinarité, héritée de l'ordonnance de 1820. Elle tient en particulier à sa composition organisée en 4 divisions : médecine et spécialités médicales ; chirurgie et spécialités chirurgicales ; sciences biologiques et pharmaceutiques ; santé publique.
En 1820, l'Académie royale de médecine est « chargée de continuer les travaux de la Société royale de médecine et de l'Académie royale de chirurgie » et de « contribuer aux progrès des différentes branches de l'art de guérir ».
Les académies nationales de chirurgie et de pharmacie soulignent pour leur part la spécialisation de leurs travaux et expertises. En outre, l'Académie nationale de chirurgie assure la représentation des 13 spécialités chirurgicales.
La collaboration de ces académies non concurrentes assure ainsi un renforcement du dialogue interdisciplinaire, qui se concrétise par des travaux interacadémiques réguliers.
B. UNE INÉGALE RECONNAISSANCE
1. Une différence de statut qui n'apparaît pas justifiée
La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 a érigé l'Académie nationale de médecine en personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République2(*). Moins de trois ans plus tard, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé3(*) accorde le même statut à l'Académie nationale de pharmacie, chargée « de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de la pharmacie, notamment pour ce qui concerne le médicament, les produits de santé, la biologie et la santé environnementale. »
En revanche, l'Académie nationale de chirurgie demeure constituée sous forme d'association loi de 1901. Cette différence de situation résulte d'une succession d'opportunités législatives dispersées, sans que la situation de cette académie n'ait été spécifiquement pensée.
L'existence d'une division dédiée à la pharmacie au sein de l'Académie nationale de médecine n'ayant pas constitué un obstacle pour accorder le même statut à l'Académie nationale de pharmacie, cet argument ne saurait donc être opposé à la transformation de l'Académie nationale de chirurgie en personne morale de droit public à statut particulier.
2. Des conséquences réglementaires à géométrie variable
La consécration par la loi de la qualité de personne morale de droit public à statut particulier s'accompagne d'une approbation par décret du statut des académies concernées. Or les conséquences réglementaires et pratiques issues de cette reconnaissance n'ont pas été identiques pour les académies nationales de médecine et de pharmacie.
Seuls les membres titulaires de l'Académie nationale de médecine perçoivent une indemnité au titre des fonctions qu'ils exercent. L'affectation de personnels étatiques, prévue dans les mêmes termes par les statuts des deux académies, n'existe de fait qu'au bénéfice de l'Académie nationale de médecine4(*). Enfin, le statut de l'Académie nationale de médecine prévoit le versement d'une subvention annuelle obligatoire, alors que ce versement n'est qu'une possibilité pour l'Académie nationale de pharmacie5(*).
Ni l'indemnisation des fonctions des membres titulaires ni l'affectation de personnels de l'État ou le versement d'une subvention annuelle ne sont donc des conséquences systématiques ou nécessaires découlant de l'acquisition du statut particulier de personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République.
Plus globalement, les situations budgétaires des trois académies étant disparates, il reviendra au Gouvernement d'apprécier les conditions permettant de garantir l'indépendance financière de l'Académie nationale de chirurgie.
II. REVALORISER LE STATUT DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE CHIRURGIE : UNE ÉVOLUTION LÉGITIME ET ESSENTIELLEMENT SYMBOLIQUE
A. CONSACRER LE PRESTIGE ET L'INDÉPENDANCE DE L'INSTITUTION
1. Un statut réservé à peu d'institutions
Quelques institutions prestigieuses bénéficient de ce statut spécifique, en particulier les cinq académies que rassemble l'Institut de France, en vertu de l'article 35 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche : l'Académie française, l'Académie des beaux-arts, l'Académie des sciences, l'Académie des sciences morales et politiques et l'Académie des inscriptions et belles lettres.
La Caisse des dépôts et consignations appartient également à cette catégorie sui generis6(*).
La transformation de l'Académie nationale de chirurgie en personne morale de droit public emporterait des attributs spécifiques attachés aux « prérogatives de puissance publique », comme l'insaisissabilité de ses biens ou la compétence du juge administratif pour les litiges la concernant.
2. Un statut gage d'indépendance
La proposition de loi a pour effet de renforcer et de consacrer l'indépendance de l'Académie, en prévoyant qu'elle « s'administre librement », que « [ses] décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable » et qu'« [elle] bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes ». L'octroi de ce statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie conduirait à faire certifier les comptes de l'institution par la Cour des comptes.
La protection du Président de la République, qui s'inscrit dans la lignée de la protection royale accordée aux premières académies créées au XVIIIe siècle, apparaît ainsi comme un gage d'indépendance.
B. SOUTENIR L'EXERCICE DE MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL AU SERVICE DES POUVOIRS PUBLICS
1. Des missions d'intérêt général
La proposition de loi vise à doter l'Académie nationale de chirurgie d'un statut susceptible de renforcer le rayonnement de la communauté académique et universitaire chirurgicale.
L'Académie nationale de chirurgie assure un rôle de promotion de « l'excellence du savoir et du savoir-faire de la chirurgie française en France et dans le monde en accompagnant les chirurgiens dans les transformations profondes de leur métier en raison de ses innovations continuelles » d'après le site de la fondation de l'Académie nationale de chirurgie. Elle contribue à la formation continue des chirurgiens, à la valorisation de la recherche et se positionne comme un garant de l'éthique de la profession.
Elle participe aux colloques hepta-académiques qui réunissent tous les deux ans les sept académies représentant les disciplines de santé.
2. Une instance de réflexion au service des pouvoirs publics
L'enjeu est également de reconnaître l'Académie nationale de chirurgie comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Elle précise ainsi que l'Académie « a pour mission de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s'occuper de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l'art chirurgical. »
Cette rédaction réplique celle relatives aux missions des académies nationales de médecine et de pharmacie, également chargées par la loi « de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement » sur les questions relevant de leurs domaines de compétences.
L'Académie entretient des relations avec diverses institutions participant à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de santé publique, par exemple la Haute Autorité de santé (HAS) ou l'Agence de l'innovation en santé (AIS). Elle travaille également en partenariat étroit avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée, qu'elle soit publique ou privée.
Les avis et études qu'elle produit contribuent ainsi à éclairer la décision publique.
C. RENOMMER L'ACADÉMIE NATIONALE DE CHIRURGIE : UN INTÉRÊT INCERTAIN
Le texte propose enfin de modifier l'intitulé de l'Académie, qui serait renommée « Académie nationale de chirurgie et des pratiques interventionnelles innovantes » afin de refléter l'évolution des pratiques opératoires marquées par le développement de la médecine interventionnelle.
Toutefois, l'introduction de cette distinction par rapport aux intitulés des deux autres académies, et plus particulièrement de l'Académie de médecine, ne semble pas opportune dans la mesure où cette évolution intéresse les deux académies. C'est pourquoi, à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement qui maintient la dénomination « Académie nationale de chirurgie ».
Réunie le 30 avril 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi modifiée par deux amendements.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Octroi du statut de personne morale de droit public à statut
particulier
à l'Académie nationale de chirurgie
Cet article propose de conférer à l'Académie nationale de chirurgie, association loi 1901, le statut de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République. Ce faisant, il vise à reconnaître à l'Académie nationale de chirurgie le même statut qu'aux académies nationales de médecine et de pharmacie.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement afin de conserver la dénomination actuelle de l'Académie nationale de chirurgie.
I°- Le dispositif proposé
A. L'Académie nationale de chirurgie, héritière d'un riche passé historique, ne bénéficie pas de la même reconnaissance par le législateur que les académies nationales de médecine et de pharmacie
1. Un héritage historique pluriséculaire
a) Des académies royales aux académies nationales
L'Académie royale de chirurgie a été fondée en 1731 et la Société royale de médecine en 1778. Dès leur origine, ces deux institutions ont pour but de concourir aux progrès de la science, à la promotion de la recherche et à l'amélioration des pratiques de leur discipline, la chirurgie et la médecine. Symboles du pouvoir royal, elles sont néanmoins dissoutes par la Convention en 1793.
Sous la Restauration, l'ordonnance royale du 20 décembre 1820 a recréé une Académie royale de médecine « chargée de continuer les travaux de la Société royale de médecine et de l'Académie royale de chirurgie » et de « contribuer aux progrès des différentes branches de l'art de guérir »7(*). Les chirurgiens vont siéger au sein de la deuxième division de cette Académie qui en compte trois à l'origine, respectivement dédiées à la médecine, à la chirurgie et à la pharmacie.
Parallèlement, les chirurgiens poursuivent leur structuration en constituant en 1843 la Société des chirurgiens de Paris, qui devient la Société des chirurgiens français en 1875.
Les académies nationales de chirurgie et de médecine ont donc connu des évolutions parallèles depuis le XVIIIe siècle, qui se sont traduites à la fois par une interpénétration des disciplines médicales et chirurgicales au sein de l'Académie nationale de médecine et par une collaboration interacadémique fructueuse.
L'Académie nationale de pharmacie est également l'héritière d'une histoire ancienne puisqu'elle succède à la Société libre des pharmaciens de Paris fondée en 1796, devenue la Société de pharmacie de Paris en 18038(*). Reconnue d'utilité publique par un décret du maréchal Mac-Mahon en 1877, elle devient Académie nationale de pharmacie en 1979.
C'est l'article 110 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 qui érige l'Académie nationale de médecine en personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président du République. La loi prévoit que l'institution a notamment pour mission « de s'occuper de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l'art de guérir. »
Moins de trois ans plus tard, l'article 130 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé accorde le même statut de « personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République » à l'Académie nationale de pharmacie, qui se voit chargée « de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de la pharmacie, notamment pour ce qui concerne le médicament, les produits de santé, la biologie et la santé environnementale. »
b) Des institutions complémentaires plutôt que concurrentes
Les missions des trois académies sont naturellement convergentes : outre leur rôle de conservation patrimoniale et de valorisation historique d'archives constituées depuis plus de deux siècles, elles assurent depuis leur création la promotion de l'expertise scientifique et de l'excellence du savoir et des pratiques françaises dans les disciplines médicales, chirurgicales et pharmaceutiques.
L'Académie nationale de chirurgie assure plus particulièrement un rôle de promotion de « l'excellence du savoir et du savoir-faire de la chirurgie française en France et dans le monde en accompagnant les chirurgiens dans les transformations profondes de leur métier en raison de ses innovations continuelles »9(*). Ses statuts précisent qu'elle remplit également une mission d'information, de formation continue des chirurgiens, de magistère moral et de garant de l'éthique de la chirurgie, ainsi que de valorisation de la recherche.
Ses travaux portent notamment sur les diverses innovations qui transforment la pratique de la chirurgie ainsi que sur la définition et l'actualisation de recommandations de bonnes pratiques. Ses études et rapports sont publiés sur son site internet.
L'Académie nationale de médecine, maison commune des disciplines médicales, chirurgicales et pharmaceutiques L'Académie nationale de médecine compte aujourd'hui quatre divisions dans lesquelles se répartissent notamment 135 membres titulaires : médecine et spécialités médicales (1ère division) ; chirurgie et spécialités chirurgicales (2e division) ; sciences biologiques et pharmaceutiques (3e division) ; santé publique (4e division). L'Académie nationale de médecine revendique sa transdisciplinarité, fruit d'un héritage historique qui garantit la richesse de son expertise. Ses divisions cohabitent avec l'existence des académies nationales de chirurgie et de pharmacie, dont les membres peuvent d'ailleurs être en partie communs. L'existence autonome d'une académie de chirurgie et d'une académie de pharmacie répond à une volonté de ces disciplines de se structurer autant qu'à la nécessité de spécialiser les travaux et les expertises de chacune. Ainsi, l'Académie nationale de pharmacie, de par son organisation interne, représente l'ensemble de la chaîne du médicament et des sciences pharmaceutiques et biologiques ; ses travaux s'intéressent à l'entièreté de ce vaste champ, que l'Académie nationale de médecine ne saurait couvrir seule. Quant à l'Académie nationale de chirurgie, elle est la seule institution qui assure la représentation des 13 spécialités chirurgicales : chirurgie orale - chirurgie maxillo-faciale - chirurgie orthopédique et traumatologique chirurgie pédiatrique - chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique - chirurgie thoracique et cardio-vasculaire - chirurgie vasculaire - chirurgie viscérale et digestive - gynécologie obstétrique - neurochirurgie - ophtalmologie - oto-rhino-laryngologie - chirurgie cervico-faciale - urologie. La collaboration de ces académies non concurrentes assure ainsi un renforcement du dialogue interdisciplinaire. |
Les trois académies entretiennent de longue date des relations de coopération qui donnent lieu à des travaux interacadémiques. Outre les colloques hepta-académiques organisés tous les deux ans10(*), des travaux conjoints sont régulièrement menés et des communications annuelles réalisées. Peut être citée, à titre d'illustration, la réflexion conduite par les trois académies sur le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique (DMUU) aux fins de réutilisation11(*).
L'existence des Académies nationales de pharmacie et de chirurgie ne s'inscrit donc pas dans une logique de concurrence à l'Académie nationale de médecine, mais bien de complémentarité. Les représentants de chacune de ces deux académies ont en effet eu l'occasion de souligner l'importance de pouvoir conduire des travaux spécialisés spécifiques à la pharmacie et à la chirurgie, dans un contexte d'hyper-spécialisation des disciplines.
Enfin, symbole de ces relations permanentes qui lient les trois académies, et notamment l'Académie nationale de chirurgie avec l'Académie nationale de médecine, le Pr Olivier Jardé, président de l'Académie nationale de chirurgie, est membre du conseil d'administration de l'Académie nationale de médecine.
2. Une reconnaissance légitime et attendue
a) L'exercice de missions d'intérêt général
L'Académie nationale de chirurgie est un établissement d'utilité publique. Elle s'investit dans de nombreuses missions d'intérêt général au contact d'institutions publiques et privées variées.
En premier lieu, les travaux d'enseignement et de recherche de l'académie participent au rayonnement de la communauté académique et universitaire chirurgicale française. Les rencontres internationales de la chirurgie francophone (RICF) organisées chaque année par l'institution sont, par exemple, l'occasion de valoriser l'expertise de la France.
En second lieu, l'académie est particulièrement impliquée dans les travaux d'institutions publiques participant à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de santé publique. Ainsi, au travers de membres experts, l'académie s'investit au sein de l'Agence de l'Innovation en Santé (AIS), qui pilote et coordonne les actions visant à promouvoir les innovations pour transformer l'organisation des soins, en partenariat avec les acteurs de l'écosystème de l'innovation publique et privée. L'académie pilote l'observatoire national de l'accès précoce aux pratiques opératoires chirurgicales et interventionnelles innovantes, en lien avec l'AIS, le Secrétariat général pour l'investissement à Matignon (SGPI) et la Haute Autorité de santé (HAS). Par ailleurs, la présidence du Haut conseil de la nomenclature est assurée par le Pr François Richard, past président de l'Académie nationale de chirurgie.
Plus largement, l'Académie constitue un interlocuteur des pouvoirs publics - par exemple, de la HAS pour les questions relatives aux innovations chirurgicales et interventionnelles - susceptible de faire valoir une expertise indépendante. Les avis et études qu'elle produit contribuent ainsi à éclairer la décision publique.
Enfin, elle entretient des relations privilégiées avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée, qu'elle soit publique- par exemple, avec l'Inserm12(*), l'Inria13(*) ou France Biotech - ou privée.
b) Une différence de statut non justifiée
Si la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 et la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 ont respectivement érigé l'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de pharmacie en personnes morales de droit public à statut particulier placées sous la protection du Président du République, tel n'a pas été le cas pour l'Académie nationale de chirurgie, constituée depuis 1935 sous forme d'association à but non lucratif.
Ce constat est le résultat d'une succession d'opportunités législatives dispersées, sans que la situation de l'Académie nationale de chirurgie n'ait été spécifiquement pensée.
En 2013, la transformation du statut de l'Académie nationale de médecine a été introduite par un amendement de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, en raison des incertitudes juridiques que pouvait engendrer l'ordonnance royale du 20 décembre de 182014(*). L'acquisition du statut de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du président de la République entendait répondre à cette difficulté et faisait écho à l'acquisition de ce même statut par l'Institut de France et des académies lui étant rattachées15(*).
Puis, en 2016, la reconnaissance législative du même statut particulier à l'Académie nationale de pharmacie a été portée en séance publique par un amendement au projet de loi de modernisation de notre système de santé de M. Jean-Louis Touraine, corapporteur à l'Assemblée nationale. L'existence d'une division dédiée à la pharmacie au sein de l'Académie nationale de médecine n'avait alors pas constitué un obstacle pour accorder à l'Académie nationale de pharmacie un statut identique. La permanence d'une deuxième division dédiée à la chirurgie et aux spécialités chirurgicales ne saurait donc davantage s'opposer à l'octroi du même statut à l'Académie nationale de chirurgie.
L'enjeu porté par la présente proposition de loi réside dans la volonté de doter une institution d'un statut susceptible de consolider l'exercice de ses missions d'intérêt général et de contribuer à sa visibilité. Il s'agit également de reconnaître l'Académie comme un interlocuteur de premier plan pour les pouvoirs publics, par les avis et travaux qu'elle conduit pour éclairer la décision politique.
B. Octroyer à l'Académie nationale de chirurgie la qualité de personne morale à statut particulier placée sous la protection du président de la République
1. Un statut gage d'indépendance et de prestige
a) Un statut au service de l'indépendance de l'institution
La qualité de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du président de la République correspond à une catégorie juridique ad hoc de personne morale de droit public. Bien qu'elle ne fasse pas l'objet d'un régime juridique précis, elle doit être explicitement reconnue par un texte.
Quelques institutions prestigieuses bénéficient de ce statut spécifique, en particulier les cinq académies que rassemble l'Institut de France, en vertu de l'article 35 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche : l'Académie française, l'Académie des beaux-arts, l'Académie des sciences, l'Académie des sciences morales et politiques et l'Académie des inscriptions et belles lettres. La Caisse des dépôts et consignations appartient également à cette catégorie sui generis16(*).
La transformation de l'Académie nationale de chirurgie en personne morale de droit public emporterait des attributs spécifiques attachés aux « prérogatives de puissance publique ». Il s'agit en particulier de l'insaisissabilité de ses biens, de l'incessibilité de la propriété publique à vil prix, de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de la non-applicabilité d'une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire, de la déchéance quadriennale, du recouvrement des créances par acte unilatéral, de la soumission au code des marchés publics ou encore, de la compétence du juge administratif pour les litiges la concernant.
La proposition de loi a également pour effet de renforcer et de consacrer l'indépendance de l'académie, en prévoyant qu'elle « s'administre librement », que « [ses] décisions entrent en vigueur sans autorisation préalable » et qu'« [elle] bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes ». L'octroi de ce statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie conduirait ainsi à faire certifier les comptes de l'institution par la Cour des comptes.
La protection du Président de la République, qui s'inscrit dans la lignée de la protection royale accordée aux premières académies créées au XVIIIe siècle, apparaît ainsi comme un gage d'indépendance.
b) Un statut au service des missions de l'institution
Le changement de statut proposé vise à reconnaître le rôle de l'Académie nationale de chirurgie, en cohérence avec la reconnaissance dont bénéficient déjà l'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de pharmacie.
Le I de l'article unique de la proposition de loi précise les missions de l'institution : « Elle a pour mission de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s'occuper de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l'art chirurgical. »
Or pour mémoire, les articles 110 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 et 130 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 prévoient respectivement :
- que l'Académie nationale de médecine « a pour mission de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s'occuper de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l'art de guérir » ;
- que l'Académie nationale de pharmacie « a pour mission de répondre, à titre non lucratif, aux demandes du Gouvernement sur toute question concernant la santé publique et de s'occuper de tous les objets d'étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de la pharmacie, notamment pour ce qui concerne le médicament, les produits de santé, la biologie et la santé environnementale. »
Outre la consécration des missions d'intérêt général qu'exerce l'Académie nationale de chirurgie, la reconnaissance d'un statut de personne morale de droit public permettrait de reconnaître l'institution comme un interlocuteur privilégié du Gouvernement au même titre que les académies de médecine et de pharmacie.
c) Une évolution souhaitée de l'appellation de l'Académie
La proposition de loi vise également à modifier la dénomination de l'Académie, qui serait renommée « Académie nationale de chirurgie et des pratiques interventionnelles innovantes ».
Ce changement vise à refléter les évolutions ayant marqué les pratiques opératoires au cours des dernières décennies. Le bloc opératoire, espace traditionnellement réservé aux chirurgiens, est en effet devenu un lieu qui rassemble une diversité d'opérateurs relevant y compris des spécialités médicales. Les radiologues, les cardiologues, les gastro-entérologues ou les neurologues, pour n'en citer que quelques-uns, sont désormais des opérateurs intervenant aux côtés des chirurgiens. Le développement de la médecine interventionnelle17(*), grâce aux progrès technologiques, a profondément transformé les pratiques et a conduit à renforcer les interfaces entre spécialités médicales et chirurgicales. Elle représente un champ d'innovation important.
Toutefois, si cet intitulé vise à refléter une transformation réelle et substantielle des pratiques opératoires, il introduit une distinction par rapport aux deux autres académies et plus particulièrement, par rapport à l'Académie de médecine. Or les évolutions mentionnées concernent autant l'Académie nationale de médecine que l'Académie nationale de chirurgie, sans que le nom de la première n'ait toutefois été modifié.
2. Des conséquences réglementaires qu'il revient au Gouvernement d'apprécier
Le III du présent article précise que les statuts de l'Académie nationale de chirurgie sont approuvés par décret.
Pour mémoire, les statuts de l'Académie nationale de médecine ont été fixés par le décret n° 2014-1678 du 30 décembre 2014 et ceux de l'Académie nationale de pharmacie, par le décret n° 2016-813 du 17 juin 2016. Les dispositions de ces statuts respectifs présentent des différences notables, qui ne préjugent pas des choix que pourrait faire le Gouvernement concernant les statuts de l'Académie nationale de chirurgie.
a) En termes de gouvernance
À titre liminaire, il est rappelé que le décret du 17 juin 2016 approuvant les statuts de l'Académie nationale de pharmacie a notamment prévu que celle-ci, en tant que personne morale de droit public, se substituait à l'association Académie nationale de pharmacie dans tous ses contrats et conventions à la date d'effet de sa dissolution et que ses biens, droits et obligations étaient transférés de plein droit et en pleine propriété à l'Académie nationale de pharmacie.
En cas d'adoption du présent article, il reviendrait au pouvoir réglementaire de tirer des conséquences semblables pour l'Académie nationale de chirurgie.
En outre, à l'occasion de l'instruction de la présente proposition de loi, l'Académie nationale de chirurgie a exprimé le souhait que ses statuts actuels puissent être transposés dans le nouveau statut de droit public qui lui serait conféré.
Actuellement, les statuts de chacune des trois académies prévoient une gouvernance articulée autour des instances suivantes :
- une assemblée générale composée de l'ensemble des membres,
- un conseil d'administration dont les compositions diffèrent selon les académies, qui détermine la politique de l'académie18(*),
- un bureau, composé notamment du président, du vice-président, du secrétaire perpétuel (ou secrétaire général pour l'Académie nationale de chirurgie) et du trésorier19(*), qui assiste le président et le secrétaire perpétuel dans l'exercice de leurs fonctions.
Membres titulaires |
Membres correspondants |
Membres associés |
Membres honoraires |
Autres |
Total |
|
Académie nationale de médecine |
135 + 6 libres |
160 + 16 correspondants libres au maximum |
60 |
/ |
120 correspondants étrangers |
497 dont 28 % de titulaires |
Académie nationale de pharmacie |
96 + 140 honoraires |
89 + 66 honoraires |
33 + 20 honoraires |
/ |
77 correspondants étrangers + 49 honoraires |
570 dont 41 % de titulaires |
Académie nationale de chirurgie |
140 |
/ |
312 |
114 |
47 (membres libres) |
562 dont 25 % de titulaires |
Si certains ajustements pourraient être prévus dans les statuts de l'Académie nationale de chirurgie, dans un souci d'harmonisation, ceux-ci n'apparaissent pas majeurs20(*).
b) En termes de soutien financier
Le tableau ci-dessous synthétise et met en évidence les différences qui résultent des dispositions prévues par les décrets approuvant les statuts des académies nationales de médecine et de pharmacie.
Seuls les membres titulaires de l'Académie nationale de médecine perçoivent une indemnité au titre des fonctions qu'ils exercent. L'affectation de personnels de l'État est prévue dans les mêmes termes par les statuts des deux académies, mais elle n'est effective qu'au bénéfice de l'Académie nationale de médecine21(*). Ni l'indemnisation des fonctions des membres titulaires ni l'affectation de personnels de l'État ne sont donc des conséquences systématiques ou nécessaires découlant de l'acquisition de ce statut particulier.
Académie nationale de médecine |
Académie nationale de pharmacie |
|
Indemnisation des membres titulaires |
Indemnité attribuée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (article 4 du décret précité*) |
Aucune rétribution possible en raison des fonctions qui leur sont confiées (article 4 du décret précité*) |
Affectation de personnels de l'État |
Affectation de personnels par le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche (article 15) |
Affectation de personnels par le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche (article 17) |
Allocation de subventions |
Allocation d'une subvention annuelle versée par l'État, et éventuelles subventions exceptionnelles (article 23) |
Possibilité d'une allocation versée par l'État, ainsi que de subventions exceptionnelles (article 21) |
*Les articles auxquels il est fait référence dans le tableau sont ceux correspondant aux deux décrets ayant approuvé les statuts respectifs des académies nationales de médecine et de pharmacie.
S'agissant du budget, seul le statut de l'Académie nationale de médecine prévoit le versement d'une subvention annuelle obligatoire tandis que ce soutien n'est qu'une possibilité pour l'Académie nationale de pharmacie 22(*).
L'Académie nationale de médecine, grâce au soutien décisif de l'État, ne sollicite aucune cotisation de ses membres, à l'inverse des académies nationales de pharmacie et de chirurgie. Ces cotisations représentent 44,5 % des recettes de l'Académie nationale de pharmacie et 32 % de celles de l'Académie nationale de chirurgie. Cette-dernière bénéfice en outre d'apports de fonds au titre des partenariats qu'elle développe - 46 % de ses recettes -, qui permettent l'organisation de séminaires et l'octroi de bourses ou de prix.
Les situations budgétaires des académies sont donc disparates et il reviendra au Gouvernement d'apprécier les conditions permettant de garantir l'indépendance financière de l'Académie nationale de chirurgie.
II - La position de la commission
L'héritage historique étroitement mêlé des trois académies et les buts communs qu'elles poursuivent ne se sont pas traduits par une égale reconnaissance juridique. Si la qualité de personne morale de droit public à statut particulier conférée à l'Académie nationale de médecine en 2013 s'inscrit dans la continuité de l'ordonnance royale du 20 décembre 1820, l'octroi en 2016 de la même qualité à l'Académie nationale de pharmacie a, de fait, placé l'Académie nationale de chirurgie dans une situation d'infériorité symbolique, sans que cela n'apparaisse ni justifié ni souhaité ou anticipé.
L'enjeu est double : consacrer le prestige et l'indépendance dont l'Académie doit pouvoir se prévaloir, et soutenir l'éminence de son rôle en la positionnant comme une instance de réflexion au service du Gouvernement. Il reviendra donc à ce dernier de donner sa pleine dimension à cette consécration juridique, en sollicitant l'avis de l'Académie nationale de chirurgie aussi souvent qu'il le jugera utile et nécessaire dans le cadre des missions qui lui sont dévolues. En effet, le rapporteur a pu constater que la reconnaissance par la loi de l'Académie nationale de pharmacie en 2013 ne s'est pas traduite par des demandes d'avis plus fréquentes de la part du Gouvernement, ce que l'Académie de pharmacie a elle-même regretté.
Par ailleurs, la commission a relevé la place singulière qu'occupe l'Académie nationale de médecine par rapport aux académies de pharmacie et de chirurgie. Cette singularité transparaît non seulement dans sa composition historique et son caractère transdisciplinaire, au coeur de l'identité de l'institution, mais aussi dans le soutien spécifique que lui accorde l'État.
S'agissant du nom de l'Académie que la proposition de loi suggère de modifier, alors que le texte vise précisément à restaurer une égalité juridique entre les trois académies et que l'évolution des pratiques opératoires concerne à la fois les spécialités médicales et les spécialités chirurgicales, la commission a estimé que le nouvel intitulé introduirait une distinction peu opportune. Elle a donc privilégié le maintien du nom d'« Académie nationale de chirurgie », par l'adoption d'un amendement COM-1 à l'initiative de son rapporteur, afin de préserver la symétrie des intitulés.
La commission a adopté le présent article. Elle a toutefois préconisé au rapporteur de poursuivre la réflexion avec les différentes parties prenantes afin d'envisager, le cas échéant, des amendements complémentaires au texte lors de la séance publique.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Intitulé de
la proposition de loi
Proposition de loi portant statut de personne morale
de droit public à statut particulier à l'Académie
nationale de chirurgie
La commission a adopté un amendement rédactionnel visant à légèrement modifier le titre de la proposition de la loi (COM-2). Celui-ci deviendrait « Proposition de loi conférant un statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 30 avril 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Khalifé Khalifé rapporteur, sur la proposition de loi (n° 359, 2022-2023) portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, l'ordre du jour de nos travaux appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie, présentée par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon. Ce texte sera examiné en séance mardi 7 mai.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - La proposition de loi, qui a été déposée le 16 février 2023 par nos collègues Pascale Gruny et Alain Milon, vise à conférer à l'Académie nationale de chirurgie, association loi de 1901, la qualité de personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République. Ce faisant, elle vise à rétablir une égalité de traitement avec les académies nationales de médecine et de pharmacie, qui jouissent déjà de ce statut, et à reconnaître pleinement l'importance des missions que l'Académie nationale de chirurgie exerce, autant que la qualité des travaux qu'elle produit.
L'Académie royale de chirurgie a été créée en 1731, sur le modèle de l'Académie des sciences, elle-même fondée en 1666 par Colbert. Sa création est suivie de celle de l'Académie royale de médecine en 1778. Dès l'origine, ces académies instituées par le pouvoir royal ont vocation à concourir aux progrès de la science et de leur discipline. Si elles ont toutes deux été dissoutes par la Convention en 1793, une Académie royale de médecine est néanmoins restaurée en 1820 par une ordonnance qui la charge de poursuivre les travaux engagés par ses prédécesseures, la Société royale de médecine et l'Académie royale de chirurgie. Si les médecins et les chirurgiens siègent côte à côte au sein de cette institution depuis 1820 jusqu'à nos jours, la chirurgie se structure aussi en une société autonome à partir du XIXe siècle, afin de prolonger la spécialisation de ses travaux et de promouvoir la recherche et l'innovation dans le domaine chirurgical.
Ces deux académies, héritières d'une histoire commune également prestigieuse, ne bénéficient pourtant pas aujourd'hui de la même reconnaissance. L'Académie nationale de médecine a en effet été érigée par la loi en personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République en 2013. En 2016, la même reconnaissance a été accordée par la loi à l'Académie nationale de pharmacie, dont les origines remontent à 1796. Dans ce paysage institutionnel, la situation de l'Académie nationale de chirurgie fait donc figure d'anomalie. C'est ce que la proposition de loi vise à corriger.
Comme l'Académie nationale de médecine et l'Académie nationale de pharmacie, l'Académie nationale de chirurgie assure une mission de conservation patrimoniale et historique. Surtout, elle valorise l'excellence du savoir et des pratiques de la chirurgie française dans le monde et à l'étranger. Elle s'investit particulièrement dans la promotion de la recherche et de l'innovation, qui jouent un rôle fondamental dans l'évolution de la discipline chirurgicale. Conformément à ses statuts, elle contribue à la formation continue des chirurgiens et exerce une fonction de « magistère moral » et de « garant de l'éthique de la chirurgie ».
L'Académie nationale de chirurgie assure donc d'évidentes missions d'intérêt général. Elle est d'ailleurs reconnue comme établissement d'utilité publique depuis 1997. Elle constitue une instance de réflexion au service des pouvoirs publics. Elle appuie par exemple les travaux de l'Agence de l'innovation en santé (AIS) et entretient des relations avec la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi avec le monde de la recherche fondamentale et appliquée. Par la production régulière d'avis et d'études, elle contribue à éclairer la décision politique.
Malgré la similitude de ses missions avec celles de l'Académie nationale de médecine, l'Académie nationale de chirurgie revendique une posture réflexive différente. En effet, depuis 1820, l'Académie nationale de médecine abrite à la fois des représentants des spécialités médicales, chirurgicales et pharmaceutiques. Elle comprend également d'éminents universitaires d'autres disciplines, par exemple en philosophie, en sociologie ou en droit public. Cette transdisciplinarité irrigue les travaux de l'Académie de médecine, et en constitue tant la richesse que la singularité.
Les académies de chirurgie et de pharmacie s'inscrivent dans une logique complémentaire, qui répond à la nécessité parallèle de spécialiser les expertises par discipline, en restant fidèle à la vocation initiale des académies royales, c'est-à-dire de concourir aux progrès de la science. Ainsi, la reconnaissance de l'Académie nationale de chirurgie sera de nature à renforcer les collaborations interacadémiques existantes, et donc le dialogue interdisciplinaire.
La différence de traitement qui subsiste aujourd'hui et qui place l'Académie nationale de chirurgie dans une situation d'infériorité symbolique pose question. Dans la lignée de la protection royale accordée aux académies de chirurgie et de médecine au XVIIIe siècle, il s'agit de restaurer le prestige découlant de la protection du Président de la République, autant que de reconnaître les attributs juridiques attachés à la qualité de personne morale de droit public.
Peu d'institutions bénéficient à ce jour de la protection du Président de la République : en plus des académies nationales de médecine et de pharmacie, cette protection a été acquise en 2006 par les cinq académies de l'Institut de France, c'est-à-dire l'Académie française, l'Académie des beaux-arts, l'Académie des sciences, l'Académie des sciences morales et politiques et l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce même statut permettra sans nul doute de conforter l'Académie de chirurgie dans l'exercice de ses missions, d'accroître sa visibilité et de l'ériger en interlocuteur du Gouvernement.
Des attributs juridiques spécifiques découlent par ailleurs de la qualité de personne morale de droit public. On peut citer notamment l'insaisissabilité des biens et la compétence du juge administratif, spécialiste des prérogatives exorbitantes de droit commun. De surcroît, l'indépendance de l'institution se trouverait consacrée par la loi, qui prévoit que l'Académie s'administre librement et qu'elle bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.
Je précise que l'Académie nationale de chirurgie, lors des auditions, a exprimé ne solliciter aucun soutien financier pour son fonctionnement régulier, ni n'en avoir besoin.
Venons-en à présent à la question de l'intitulé de cette académie. Son nom a certes varié depuis le XVIIIe siècle, au gré des régimes politiques et des statuts juridiques : « Académie royale de chirurgie », puis « Société des chirurgiens de Paris », « Société des chirurgiens français » et enfin, « Académie nationale de chirurgie ». Toutefois, le terme de « chirurgie » est demeuré le coeur de l'identité de cette institution.
La présente proposition de loi suggère de modifier cette identité pour tenir compte de l'évolution des pratiques de la médecine et plus précisément, des pratiques opératoires. Celles-ci, à la faveur des progrès technologiques et scientifiques, ont en effet conduit au rapprochement des disciplines médicales et chirurgicales. Pourtant, alors même que l'objet de la proposition de loi est de restaurer une symétrie entre les trois académies, le nouvel intitulé proposé introduit au contraire un signe distinctif. Cette différenciation peut sembler d'autant moins adaptée que l'innovation dans le champ des pratiques interventionnelles intéresse autant l'Académie nationale de médecine que l'Académie nationale de chirurgie.
Ce changement de nom, outre qu'il est susceptible de créer de la confusion, présente un intérêt incertain. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à conserver l'intitulé « Académie nationale de chirurgie », qui reflète l'héritage historique de l'institution et la positionne sans ambiguïté aux côtés des académies nationales de médecine et de pharmacie.
En définitive, les origines communes et l'histoire pluriséculaire partagée par les trois académies autant que la nature des missions de l'Académie nationale de chirurgie plaident en faveur de la reconnaissance de ce statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie. Loin d'engendrer une redondance superflue ou une concurrence délétère, le rôle de l'Académie nationale de chirurgie serait ainsi justement reconnu.
C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter cette proposition de loi, sous réserve de l'amendement évoqué portant sur la modification de l'intitulé, ainsi que d'un amendement rédactionnel.
Pour finir, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend les dispositions relatives au statut, à la gouvernance et au fonctionnement de l'Académie nationale de chirurgie.
En revanche, ce périmètre ne s'étend pas aux dispositions relatives aux académies nationales de médecine et de pharmacie ni aux autres académies bénéficiant du statut de personne morale de droit public placée sous la protection du Président de la République. Il ne s'étend pas non plus aux autorisations, aux conditions d'implantation et aux conditions techniques de fonctionnement des activités chirurgicales ; aux études, à la formation et au développement des compétences des personnels médicaux, ni aux activités d'enseignement et de recherche de ces personnels.
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi. - Je remercie Khalifé Khalifé de son excellent travail, réalisé dans des conditions parfois difficiles, certains ayant réagi tardivement à ce sujet discuté depuis maintenant plusieurs mois. Ce matin, j'ai encore échangé avec des membres de l'Académie nationale de médecine. Leur réaction me trouble un peu, sans toutefois me faire adopter une position défavorable aux amendements du rapporteur.
L'Académie nationale de chirurgie ne doit pas entrer en concurrence avec l'Académie nationale de médecine, ni dans ses compétences ni dans la formation des jeunes chirurgiens.
Mme Pascale Gruny, auteur de la proposition de loi. - Je remercie à mon tour Khalifé Khalifé, qui a pris en main l'examen de cette proposition de loi, en menant de nombreuses auditions dans un temps très court. Son travail a été très sérieux, et les réactions des uns et des autres sont en effet très tardives.
Bien évidemment, ce texte vise non pas à sortir les chirurgiens de l'Académie de médecine, mais à conférer à leur académie un statut de personne morale. Il s'agit d'un point essentiel alors que la chirurgie, comme de nombreux secteurs d'activité, connaît de fortes transformations sous le coup de l'intelligence artificielle et de la robotisation. Il y a donc besoin d'un lieu permettant une réflexion plus approfondie entre chirurgiens sur leurs pratiques.
Je voterai également en faveur de l'amendement du rapporteur visant à revenir à l'intitulé d'origine de cette académie.
M. Olivier Henno. - Je salue à mon tour le travail du rapporteur. Les réactions tardives ne changent ni les raisons de cette proposition de loi ni la vision transversale de l'Académie nationale de médecine. La chirurgie connaît une forme de révolution avec la robotique et l'intelligence artificielle. Une reconnaissance supplémentaire est essentielle pour mieux aborder l'avenir. Naturellement, nous approuvons ce rapport.
M. Bernard Jomier. - Chacun conviendra que la question n'est pas essentielle, mais elle répond à une demande des chirurgiens. Les uns et les autres ont mentionné de façon elliptique les messages que l'Académie de médecine nous a adressés, dans lesquels on nous demande de ne pas voter ce texte, qui créerait des problèmes. Cette proposition de loi est-elle fondée ? Peut-elle être modifiée pour qu'une solution de compromis soit trouvée ? Appelons au compromis : personne ne gagnera rien à braquer les uns contre les autres, alors que nous avons des sujets plus importants à traiter.
Monsieur le rapporteur, d'ici à l'examen du texte en séance publique, il faudra trouver un terrain d'entente pour faire évoluer ce texte, à défaut de quoi, à titre personnel, je m'abstiendrai.
Mme Céline Brulin. - Pour être honnête, ce texte ne nous semblait pas comporter de véritable enjeu, mais nous avons tous reçu des messages de l'Académie nationale de médecine. Les réactions ont peut-être été tardives, mais y a-t-il eu des concertations au sein des différentes composantes de cette académie avant d'aller vers une telle scission - je ne sais pas si ce terme peut être employé.
Le rapport souligne, à juste titre, la nécessité d'un travail transversal et pluridisciplinaire, mais ce point plaiderait plutôt en faveur d'une conservation du statut actuel, même si je peux comprendre que les chirurgiens demandent un parallélisme des formes.
Manifestement, l'Académie de chirurgie indique ne pas avoir besoin de financements particuliers. Hormis une reconnaissance certes importante, mais qui n'est pas fondamentale, je ne vois pas ce qui se trame derrière ce texte. J'en conviens très tranquillement, car je n'appartiens pas au milieu de la chirurgie ou de la médecine, des éléments nous échappent peut-être, mais disons alors clairement quels sont les enjeux sous-jacents, s'ils existent. Il y a suffisamment de clivages dans la société pour ne pas en rajouter, et à ce stade nous nous dirigeons plutôt vers une abstention
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Des réactions sont certes arrivées tardivement, mais nous avons essayé de les anticiper. Nous avons commencé nos auditions en recevant les défenseurs de ce nouveau statut, les membres de l'Académie nationale de chirurgie, puis les dirigeants de l'Académie nationale de médecine, notamment sa présidente, son secrétaire et un chirurgien, qui ne nous ont fait part d'aucune opposition. Lors de cette audition, j'avais anticipé les questions que vous venez de poser, en demandant si l'Académie de médecine, que j'avais appelée « académie mère », ne s'opposait pas à la demande des chirurgiens. J'ai poursuivi les auditions en recevant le Conseil national de l'Ordre des médecins, qui a soutenu sans ambiguïté cette proposition de loi
J'ai ensuite auditionné les conseillers des deux ministères concernés, auxquels j'ai demandé un rapport écrit, puis j'ai auditionné de nouveau les membres de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie. Nous avons pris toutes les mesures pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Depuis hier matin, mes contacts au sein des deux académies n'ont pas cessé de m'appeler. La pression a été forte. Comme nous l'avons écrit dans le rapport, les chirurgiens ressentent une infériorité symbolique, et ils souhaitent une évolution avant tout d'ordre symbolique. Je peux me tromper, mais je n'ai pas le sentiment que quiconque ait des arrière-pensées. J'ai longuement auditionné les membres de l'Académie nationale de pharmacie, qui étaient dans la même position que les chirurgiens il y a quelques années, mais sont maintenant autonomes. La participation de l'État au budget de 400 000 euros de cette académie de pharmacie s'élève à 25 000 euros. L'Académie nationale de pharmacie regrette que l'État ne lui demande pas davantage de travaux et préfère toujours solliciter l'académie mère. L'Académie nationale de médecine demeure sans ambiguïté le socle de notre système.
En pratique, la portée symbolique de cette proposition de loi est évidente. L'Académie nationale de chirurgie cohabite aujourd'hui avec l'Académie nationale de médecine. J'ai échangé à plusieurs reprises avec les auteurs de la proposition de loi, et nous avons tenté de trouver des solutions. Ce matin, nous avons commencé à préparer des amendements de séance pour apaiser les choses lors de l'examen du texte en séance publique.
Certains sont réfractaires à l'appellation « Académie nationale de chirurgie », alors que cette dernière existe depuis des années. D'autres sont inquiets pour des raisons financières. L'Académie nationale de médecine bénéficie d'un budget de fonctionnement de 1,7 million d'euros, contre environ 400 000 euros pour les autres académies. L'Académie de médecine est peut-être inquiète de voir ses financements diminuer, mais à l'instar des pharmaciens, les chirurgiens ne demandent pas d'autres financements de l'État.
Pour le reste, comme le rapport l'indique, l'Académie nationale de chirurgie est déjà consultée par la Haute Autorité de santé et par l'Agence de l'innovation en santé. Elle n'a donc pas besoin de mener davantage de travaux. La proposition de loi me semble avant tout symbolique. Sous réserve de trouver une solution rassurant les uns et les autres, je vous invite à voter ce texte.
Mme Véronique Guillotin. - Je pensais que ce texte était anodin, et je me demandais quel était son intérêt compte tenu des difficultés du monde de la santé, de la chirurgie, de la médecine tant publique que privée, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), etc.
Ce sujet symbolique réveille en réalité des mécontentements dans un contexte particulier. Je ne sais pas encore quel sera le vote de mon groupe. Il me semble que le sujet n'est pas essentiel. À titre personnel, je me dirige vers une abstention bienveillante. Si les deux parties étaient d'accord, nous voterions en faveur de ce texte, mais je ne suis pas sûre de la plus-value de ce texte.
M. Alain Milon. - Je suis d'accord avec Bernard Jomier, ce texte ne va pas changer la face du monde. Toutefois, jusqu'à il y a quarante-huit heures, il semblait nécessaire. Selon Confucius : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. »
Par ailleurs, j'ai reçu sur un autre sujet des représentants de l'Académie de médecine. L'un d'entre eux n'était pas au courant de cette proposition de loi ; l'autre, qui est secrétaire, m'a confié n'avoir été informé de cette proposition de loi qu'il y a trois ou quatre jours et ne pas l'avoir lue, ce qui ne me semble pas très sérieux.
Je rejoins le rapporteur, et je voterai en faveur de ses amendements. Toutefois, il ne faut pas créer de tensions entre l'Académie nationale de médecine, dont le recrutement est très sélectif, et l'Académie nationale de chirurgie, dont le recrutement l'est beaucoup moins, mais dont les fonctions sont actuellement différentes. Les rapports de l'Académie nationale de médecine sont en général reconnus internationalement, tandis que l'Académie nationale de chirurgie a, jusqu'à présent, une mission d'information auprès des jeunes chirurgiens, et depuis peu traite des demandes relatives à la chirurgie émanant de la HAS ou du ministère de la santé. La reconnaissance de l'Académie nationale de chirurgie comme personne morale vise non pas à concurrencer l'Académie nationale de médecine, mais à protéger ceux qui y rédigent des rapports adressés au Gouvernement ou à la HAS.
M. Philippe Mouiller, président. - Sans entrer dans le vif du sujet, je m'étonne de cette réaction tardive, dès lors qu'il y a une réponse écrite de la structure concernée.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Le groupe Les Indépendants envisage plutôt de voter contre cette proposition de loi, puisque nous ne percevons pas bien les bénéfices d'un tel changement de statut. Il y a certainement un risque de concurrence entre les deux académies. Notre groupe en discutera.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je voulais partager mon interrogation quant à ce texte. Je n'ai pas compris pourquoi il était examiné en ce moment. Surtout, quelle est la plus-value de ce texte, et pourquoi une branche de l'Académie de médecine voudrait-elle s'en extraire ? Les autres branches de cette académie demanderont-elles un jour aussi leur indépendance ? Comment se fait-il qu'au sein même de l'Académie de médecine les chirurgiens ne puissent pas s'entendre avec les autres membres ?
Je vous fais part de mon scepticisme. Nous n'en avons pas encore débattu dans notre groupe, mais à titre personnel, je pense que je m'abstiendrai.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - J'ai pensé ce qui vient d'être dit au début des auditions : nulle controverse entre nous. Je regrette que des personnes auditionnées aient changé d'avis à la veille de l'examen du texte. Comment rectifier le tir en si peu de temps ? Comme Bernard Jomier le propose, nous avons prévu de profiter de la semaine qui nous sépare de la séance publique pour trouver un terrain d'entente avec l'Académie de médecine, et déposer les amendements nécessaires pour rendre cette proposition de loi acceptable par tous.
Mme Pascale Gruny. - Madame Doineau, le texte ne vise pas à faire sortir les chirurgiens de l'Académie de médecine. Il s'agit de leur conférer un statut identique à celui des pharmaciens, qui disposent déjà d'une académie, mais qui restent dans l'Académie de médecine, où sont traités des sujets transversaux. Le but est de permettre aux chirurgiens de traiter eux-mêmes leurs propres sujets, en répondant à des demandes émanant du plus haut niveau, relatives notamment aux changements de la chirurgie du fait de la robotisation et de l'intelligence artificielle.
L'argumentaire que nous avons reçu de la part de l'Académie de médecine me semble pour le moins léger...
M. Philippe Mouiller, président. - Cette proposition de loi a le mérite d'exister, nous verrons ensuite comment rapprocher les points de vue d'ici à l'examen du texte en séance publique.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer du titre la mention « et des pratiques interventionnelles innovantes », en préservant l'appellation actuelle de l'Académie nationale de chirurgie.
L'amendement COM-1 est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
M. KHALIFÉ, rapporteur |
1 |
Modification du nom de l'Académie |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi portant
statut de personne morale de droit public |
|||
M. KHALIFÉ, rapporteur |
2 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE
45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 23(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie24(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte25(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial26(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du 30 avril, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 359 (2022-2023) portant statut de personne morale de droit public à statut particulier à l'Académie nationale de chirurgie.
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :
- au statut, à la gouvernance et au fonctionnement de l'Académie nationale de chirurgie.
En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :
- au statut, à la gouvernance et au fonctionnement des académies nationales de médecine et de pharmacie ;
- au statut, à la gouvernance et au fonctionnement des autres académies bénéficiant du statut de personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République ;
- aux autorisations, aux conditions d'implantation et aux conditions techniques de fonctionnement des activités chirurgicales ;
- aux études, à la formation et au développement des compétences des personnels médicaux ;
- aux activités d'enseignement et de recherche des personnels médicaux.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Alain Milon, sénateur de Vaucluse, co auteur de la proposition de loi
Académie nationale de chirurgie
Olivier Jardé, président
Hubert Johanet, secrétaire perpétuel
Albert-Claude Benhamou, past président de l'Académie nationale de chirurgie
Académie nationale de médecine
Christian Boitard, secrétaire perpétuel
Jacques Belghiti, secrétaire adjoint, ancien président de la division de chirurgie de l'Académie nationale de médecine
Richard Villet, membre de l'Académie de médecine, ancien président de l'Académie de chirurgie, président de la Fondation de l'Académie de médecine
Conseil national de l'ordre des médecins
Dr Henri Foulques, président de la section formation et compétences médicales
Coralie Jorieux, juriste
Pr. Pierre Wolkenstein, conseiller médical, enseignement supérieur et recherche au cabinet de Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Pr Etienne Gayat, conseiller spécial santé au cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Sylvie Retailleau.
Académie nationale de pharmacie
Frédéric Bassi, secrétaire perpétuel
Philippe Liebermann, président
Lucile Gonot, responsable communication
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-359.html
* 1 Article 2 de l'ordonnance du Roi du 20 décembre 1820 qui établit à Paris pour tout le Royaume, une académie royale de médecine.
* 2 Article 110 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
* 3 Article 130 de la loi n° 2016-41 du 16 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 4 En 2023, les rémunérations des agents affectés à l'Académie nationale de médecine, soit 18 équivalents temps plein, se sont élevées à 1,2 million d'euros, imputées sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».
* 5 La subvention versée à l'Académie de médecine s'élève à 335 141 euros en 2023. L'Académie de pharmacie reçoit également une subvention annuelle, d'un montant de 25 000 euros en 2023.
* 6 Art. L. 518-2 du Code monétaire et financier : « La Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. »
* 7 Article 2 de l'ordonnance du Roi du 20 décembre 1820 qui établit à Paris pour tout le Royaume, une académie royale de médecine.
* 8 Le 15 thermidor an XI.
* 9 Selon le site de la fondation de l'Académie nationale de chirurgie.
* 10 Ces colloques réunissent les sept académies suivantes : l'Académie des sciences, l'Académie nationale de médecine, l'Académie nationale de pharmacie, l'Académie d'agriculture de France, l'Académie vétérinaire de France, l'Académie nationale de chirurgie et l'Académie nationale de chirurgie dentaire.
* 11 Par ces travaux, les trois académies ont souhaité attirer l'attention des pouvoirs publics au moment de l'inscription d'une expérimentation dédiée à la réutilisation des DMUU dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
* 12 Institut national de la santé et de la recherche médicale.
* 13 Institut national de recherche en informatique et en automatique.
* 14 L'article 17 de cette ordonnance prévoyait par exemple : « Il sera ultérieurement statué sur les dépenses de l'Académie et sur les moyens d'y pourvoir. »
* 15 Article 35 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.
* 16 Art. L. 518-2 du Code monétaire et financier : « La Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. »
* 17 La médecine interventionnelle permet de réaliser des actes mini-invasifs sous anesthésie et sous contrôle endoscopique ou par imagerie (par exemple, une endoscopie digestive ou une coronarographie).
* 18 Pour l'Académie nationale de médecine, le conseil d'administration comprend les membres du bureau et deux représentants de chacune des divisions élus en leur sein ; pour l'Académie nationale de pharmacie, il comprend les membres du bureau, les trois derniers présidents, les présidents des sections et trois représentants de chacune des sections élus en leur sein ; pour l'Académie nationale de chirurgie, il comprend 24 membres élus pour 4 ans parmi les membres titulaires et associés.
* 19 Il inclut également un secrétaire adjoint à l'Académie nationale de médecine, un bibliothécaire-archiviste à l'Académie nationale de chirurgie.
* 20 Il s'agirait notamment de préciser les rôles respectifs des instances dans la gouvernance de l'Académie, voire de réfléchir sur la composition de l'assemblée générale et du nombre de membres.
* 21 En 2023, les rémunérations des agents affectés à l'Académie nationale de médecine, soit 18 équivalents temps plein, se sont élevées à 1,2 million d'euros, imputées sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».
* 22 La subvention de fonctionnement versée à l'Académie nationale de médecine s'élève à 360 000€ en 2024 - 335 141€ les années précédentes. L'Académie nationale de pharmacie a reçu une subvention de 25 000€ en 2023 - 8 000€ entre 2019 et 2022.
* 23 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 24 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 25 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 26 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.