- L'ESSENTIEL
- I. LES ORDONNANCES DE PROTECTION, UN OUTIL MAJEUR DE
LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ENCORE TROP PEU
EXPLOITÉ
- II. UNE SIXIÈME RÉFORME DU
RÉGIME DE L'ORDONNANCE DE PROTECTON DEPUIS SA CRÉATION EN 2010
AFIN DE RENFORCER LA SÉCURITÉ DES VICTIMES, Y COMPRIS EN CAS
D'EXTRÊME URGENCE
- III. UN OBJECTIF LOUABLE DE MEILLEURE PROTECTION
DES VICTIMES SOUTENU ET CONFORTÉ PAR LA COMMISSION
- I. LES ORDONNANCES DE PROTECTION, UN OUTIL MAJEUR DE
LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ENCORE TROP PEU
EXPLOITÉ
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Allongement de la durée de l'ordonnance de protection
et création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate
- Article 1er bis (nouveau)
Dissimulation de l'adresse d'une personne bénéficiaire
d'une ordonnance de protection lorsque l'auteur des violences demande que lui soient communiquées les listes électorales
- Article 2
Sanction du non-respect des mesures ordonnées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate
- Article 2 bis
(nouveau)
Possibilité d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate
- Article 3
Application du dispositif en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 557
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 avril 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate,
Par Mme Dominique VÉRIEN,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
1970, 2078 et T.A. 250 |
|
Sénat : |
380 et 558 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Les violences intrafamiliales sont un fléau qui nécessite une mobilisation sans faille aussi bien des forces de l'ordre et des services sociaux que du monde judiciaire.
C'est pourquoi, en 2010, le législateur a instauré un dispositif de protection judicaire d'urgence des victimes présumées de violences intrafamiliales, les ordonnances de protection, permettant au juge aux affaires familiales de prononcer dans un délai restreint des mesures protectrices à mi-chemin du droit civil et du droit pénal.
Néanmoins, malgré cinq réformes successives du dispositif, celui-ci parait encore perfectible au regard du nombre élevé de femmes majeures déclarant avoir été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales par leur partenaire ou ex-partenaire, qui a atteint 321 000 en 2022, comparé au nombre d'ordonnances de protection demandées, inférieur à 6 000 sur cette même année 2022.
Dans l'objectif de mieux assurer l'intégrité physique des victimes présumées, et de les inciter à se tourner vers la justice, la proposition de loi déposée par la députée Émilie Chandler et adoptée en mars par l'Assemblée nationale, prévoit deux mesures principales ayant pour effet d'étendre temporellement la protection des victimes : en amont de la décision judiciaire d'octroi de l'ordonnance de protection, avec la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et en aval avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois.
Souscrivant à cet objectif, la commission a adopté la proposition de loi, modifiée par 8 amendements, rendant notamment plus accessible et plus effective l'ordonnance provisoire de protection immédiate, en ouvrant la saisine du juge aux personnes en danger, après avis conforme du ministère public, et en permettant au procureur de la République d'octroyer à la victime un téléphone grave danger. La commission a également aligné sur trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amendement la peine encourue pour violation d'une mesure édictée dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate et celle encourue pour violation d'une ordonnance de protection.
I. LES ORDONNANCES DE PROTECTION, UN OUTIL MAJEUR DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ENCORE TROP PEU EXPLOITÉ
Inspirées d'un dispositif juridique instauré en Espagne en 2003, les ordonnances de protection ont été créées en France par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, en remplacement des anciens « référés violence ». Signe de l'intérêt qui est porté à ce récent dispositif et au souhait de lutter contre les violences intrafamiliales, le législateur l'a actualisé à cinq reprises entre 2011 et 2022.
En l'état actuel du droit, l'ordonnance de protection est un dispositif d'urgence qui permet au juge aux affaires familiales, saisi par la personne en danger ou, avec l'accord de celle-ci, par le ministère public, de prononcer dans un délai de six jours des mesures temporaires afin de garantir la sécurité de la victime et l'aider à rendre effective la séparation, dans l'attente d'un éventuel jugement pénal si les violences sont avérées.
Si le juge estime, après avoir entendu les observations des deux parties, qu'il « existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés »1(*), il peut ordonner des mesures relevant aussi bien du droit pénal, comme l'interdiction d'entrer en relation, l'interdiction de détenir ou de porter une arme, l'interdiction de se rendre dans certains lieux, ou encore le port d'un bracelet anti-rapprochement ou l'attribution d' un « téléphone grave danger », que des mesures relevant du droit civil, à l'instar de la résidence séparée des membres du couple, l'attribution à la victime des violences du logement conjugal ou la définition des modalités d'exercice de l'autorité parentale.
Toutes ces mesures sont valables pendant une durée maximale de six mois. Cette durée peut cependant être prolongée si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une demande relative à l'exercice de l'autorité parentale ou si une demande en divorce ou en séparation de corps est introduite avant l'expiration de l'ordonnance de protection.
Le non-respect de ces mesures constitue un délit pouvant être puni d'une peine de 15 000 € d'amende et de deux ans d'emprisonnement.
Bien que les ordonnances de protection soient un dispositif central de la lutte contre les violences intrafamiliales, dont l'importance et l'utilité ont été soulignées par l'ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure, leur prononcé apparaît encore faible, au regard des 321 000 femmes s'étant déclarées victimes de violences conjugales en 20222(*). La même année, 5 792 demandes d'ordonnances de protection ont été formulées, dont 3 621 qui ont été acceptées par le juge, soit 62,5 %.
La tendance est cependant à la hausse. D'après les chiffres provisoires transmis à la rapporteure par le ministère de la justice, 6 435 demandes d'ordonnance de protection ont été formulées en 2023, soit plus du double du nombre de demandes formulées en 2015.
Source : commission des lois, d'après les données de la Miprof et du SDES
II. UNE SIXIÈME RÉFORME DU RÉGIME DE L'ORDONNANCE DE PROTECTON DEPUIS SA CRÉATION EN 2010 AFIN DE RENFORCER LA SÉCURITÉ DES VICTIMES, Y COMPRIS EN CAS D'EXTRÊME URGENCE
La proposition de loi, qui constituerait la sixième réforme du dispositif des ordonnances de protection en quatorze ans, comporte trois articles. Les deux mesures de l'article 1er visent à étendre temporellement la protection des victimes de violences intrafamiliales. L'article 2, qui instaure une peine pénale en cas de violation des mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et l'article 3, qui prévoit l'application du texte en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, complètent ces mesures.
A. LE DOUBLEMENT DE LA DURÉE DE L'ORDONNANCE DE PROTECTION
Le 1° de l'article 1er de la proposition de loi étend la durée des mesures de l'ordonnance de protection à douze mois, contre six mois en l'état du droit. Il s'agirait d'une durée maximale, la faculté du juge de fixer une durée inférieure n'étant pas restreinte par la présente proposition de loi. L'auteure de la proposition de loi justifie cette mesure par le souhait de permettre aux personnes qui ne sont pas mariées et qui n'ont pas d'enfants de bénéficier d'un temps plus long pour organiser leur séparation.
Cette extension serait en effet applicable à toutes les ordonnances de protection, sans distinction selon le régime marital de la victime présumée ou la présence d'enfants. En revanche, la proposition de loi ne modifie pas les conditions de prolongement de la durée d'une ordonnance de protection. L'état du droit serait donc maintenu : ce nouveau délai de douze mois ne pourrait être prolongé qu'en cas de demande relative à l'exercice de l'autorité parentale d'une demande en divorce ou en séparation de corps.
B. LA CRÉATION D'UNE ORDONNANCE PROVISOIRE DE PROTECTION IMMÉDIATE
Inspiré de la recommandation n° 33 du rapport « Plan rouge VIF » d'Émilie Chandler et de Dominique Vérien, publié en mai 2023, le 2° de l'article 1er de la proposition de loi constitue la mesure la plus novatrice du texte, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Elle vise à assurer une meilleure protection des victimes dans le court temps qui sépare la saisine du juge aux affaires familiales et sa décision sur l'ordonnance de protection, lors duquel le danger peut être prégnant.
Tel que proposé dans le texte transmis au Sénat, cette ordonnance provisoire de protection immédiate serait délivrée par le juge aux affaires familiales, sur saisine du procureur de la République mais avec l'accord de la victime présumée, en parallèle d'une demande de délivrance d'une ordonnance de protection « classique ».
Le juge disposerait d'un délai de vingt-quatre heures pour se prononcer, au vu des seuls éléments joints à la requête, c'est-à-dire sans avoir entendu la partie défenderesse. L'ordonnance provisoire pourrait être délivrée si le juge estime « qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Le juge pourrait alors ordonner quatre des onze mesures qui peuvent être édictées dans le cadre d'une ordonnance de protection :
- interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d'entrer en relation avec elles ;
- interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge ;
- interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ;
- ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie les armes dont elle est détentrice.
Ces mesures seraient valables jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales sur la demande d'ordonnance de protection, soit pendant une durée d'environ six jours.
Conformément à l'article 2 de la proposition de loi, la violation de ces mesures constituerait un délit puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
III. UN OBJECTIF LOUABLE DE MEILLEURE PROTECTION DES VICTIMES SOUTENU ET CONFORTÉ PAR LA COMMISSION
Tout en approuvant l'esprit général du texte qui vise à répondre aux situations avérées d'extrême danger et à permettre aux victimes de bénéficier d'un temps de protection plus en adéquation avec des ruptures souvent difficiles, la commission a, dans une démarche constructive, adopté 8 amendements afin, d'une part, de rendre plus accessibles les ordonnances provisoires de protection immédiate et les ordonnances de protection et, d'autre part, de donner davantage de moyens d'action au juge et au procureur de la République pour accompagner et sécuriser les victimes.
Sur le premier point, la commission a considéré qu'il était préférable d'ouvrir la saisine du juge aux affaires familiales pour les ordonnances provisoires de protection immédiate à la personne en danger, au regard de la faible part de saisines - 2 % -, qui émanent actuellement des procureurs de la République en ce qui concerne les ordonnances de protection. Afin d'éviter les demandes abusives et de décourager toute tentative d'instrumentalisation, la commission a cependant prévu un avis conforme du procureur de la République, rendu dans un délai de vingt-quatre heures, préalable à cette saisine.
Sur le second point, la commission a étendu les mesures que peut prononcer le juge lors d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, en lui permettant de suspendre provisoirement le droit de visite et d'hébergement du parent violent et d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler son adresse à la partie défenderesse. De même, la possibilité d'attribution par le procureur de la République d'un téléphone grave danger a été étendue aux bénéficiaires d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.
Enfin, la commission a aligné sur trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende la peine pouvant être encourue en cas de violation d'une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate et celle encourue pour violation d'une ordonnance de protection. Cet alignement a pour conséquence de permettre au procureur d'imposer aux personnes ne respectant pas une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance de protection le port d'un bracelet anti-rapprochement.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi sans modification.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Allongement
de la durée de l'ordonnance de protection
et création d'une
ordonnance provisoire de protection immédiate
L'article 1er de la proposition de loi double la durée maximale des mesures prises dans le cadre d'une ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois, et crée une ordonnance provisoire de protection immédiate permettant à une victime présumée de violences conjugales de saisir le juge des affaires familiales, qui devra se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures, afin de bénéficier de mesures d'urgence dans l'attente de la décision statuant sur l'ordonnance de protection.
Souscrivant à l'objectif de renforcement du dispositif juridique de protection des victimes de violences conjugales, la commission a adopté cet article, modifié par quatre amendements, en ouvrant notamment la saisine du juge aux affaires familiales à la personne en danger, après avis conforme du ministère public.
1. Depuis leur création en 2010, les ordonnances de protection ont été régulièrement renforcées et voient leur recours progressivement augmenter
a) Un outil encore récent permettant au juge aux affaires familiales de prendre des mesures temporaires afin de protéger les victimes présumées de violences conjugales
Le législateur a pris conscience de la spécificité des violences conjugales et a progressivement adapté le droit civil et pénal afin de mieux protéger les victimes. Ainsi, dès l'entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er mars 1994, il a été prévu que les peines encourues par les auteurs de violences seraient aggravées lorsqu'elles ont été infligées par le conjoint ou par le concubin de la victime.
Depuis lors, l'arsenal juridique de prévention et de lutte contre les violences conjugales a été régulièrement complété et affermi par le législateur. À titre d'exemple, et sans être exhaustif, la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a permis au juge aux affaires familiales, lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint ou un ou plusieurs enfants, de statuer, en amont de la procédure de divorce, sur la résidence séparée des époux afin d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal. La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a également constitué une avancée importante en faveur d'une meilleure prise en compte par le législateur du caractère spécifique des violences conjugales. Cette loi a notamment reconnu explicitement la notion de viol et d'agression sexuelle au sein du couple ainsi que l'existence du vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime - comme les papiers d'identité ou de sécurité sociale - et a élargi la circonstance aggravante précédemment mentionnée aux partenaires liés à la victime par un pacte civil de solidarité (PACS) ainsi qu'aux anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires liés à la victime par un PACS lorsque les violences ont été infligées en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et cette dernière.
L'une des étapes majeures de ce mouvement en faveur de la protection des victimes présumées de violences conjugales est le vote de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qui a instauré, avec le soutien du Sénat, les ordonnances de protection en remplacement des anciens « référés violence » de l'article 220-1 du code civil. Signe de l'intérêt porté à ce récent dispositif, le législateur l'a actualisé à cinq reprises entre 2011 et 2022, afin de le rendre plus opérationnel et plus protecteur3(*). La présente proposition de loi constituerait ainsi la sixième réforme du dispositif en quatorze ans.
Il convient en outre de souligner que, bien qu'il ne s'agisse pas d'une modification du dispositif de l'ordonnance de protection stricto sensu, la récente loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales a permis au parent bénéficiaire d'une autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence dans le cadre d'une ordonnance de protection de ne pas informer l'autre parent de tout changement éventuel de résidence4(*).
Le référé violence
Institué à l'article 220-1 du code civil par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, le « référé violence » permettait au juge aux affaires familiales, en amont de toute procédure de divorce, de prendre en urgence des mesures protectrices du conjoint victime de violences conjugales.
Ainsi, l'époux victime pouvait, par assignation en référé dénoncée au ministère public, saisir le juge aux affaires familiales lorsque les violences exercées par l'autre conjoint mettaient en danger sa personne ou ses enfants. Le magistrat pouvait alors statuer sur la résidence séparée des époux, dont la jouissance était attribuée en principe au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ainsi que sur la contribution aux charges du mariage.
Les mesures prises étaient caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'avait été déposée.
Cette procédure d'urgence, qui n'est pas sans rappeler le mécanisme de l'actuelle ordonnance de protection, a disparu avec la création de cette dernière par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Si ces deux procédures d'urgence ont en commun de permettre le prononcé de mesures protectrices au bénéfice du conjoint victime, l'ordonnance de protection offre une réponse plus efficace contre les violences intrafamiliales. Celle-ci offre une procédure plus rapide, limitée à 6 jours, dotée d'un champ d'application plus large, non restreint aux couples mariés, et permet le prononcé de mesures pénales en sus de mesures de nature civile.
En l'état du droit et à la suite des modifications apportées par le législateur au dispositif initial, l'ordonnance de protection est un dispositif d'urgence, à mi-chemin entre le droit civil et droit pénal, répondant au triple souhait, selon les mots du rapporteur pour le Sénat de la loi du 9 juillet 2010 précitée, François Pillet, de « mieux protéger, mieux prévenir et mieux réprimer »5(*) les violences conjugales.
Régie par les articles 515-9 à 515-13 du code civil, l'ordonnance de protection a considérablement renforcé l'office du juge aux affaires familiales et l'a placé en première ligne de la lutte contre les violences conjugales, en lui permettant d'ordonner des mesures provisoires dans l'attente d'un éventuel jugement pénal si les violences sont avérées.
Le juge aux affaires familiales peut ainsi délivrer une ordonnance de protection « lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu'il n'y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants »6(*). Le juge peut être saisi en ce sens soit par la personne en danger soit, avec l'accord de celle-ci, par le ministère public. Ni le ministère d'avocat, ni le dépôt d'une plainte pénale préalable ne sont exigés pour saisir le juge aux affaires familiales d'une demande d'ordonnance de protection.
En parallèle de la protection des victimes de violences conjugales, l'article 515-13 du code civil étend le dispositif de l'ordonnance de protection à toute personne majeure menacée de mariage forcé.
Dès la saisine, le juge doit convoquer en audience la partie demanderesse et la partie défenderesse, ainsi que le ministère public à fin d'avis. Le juge peut décider que les auditions des deux parties aient lieu séparément, l'audience séparée étant de droit lorsqu'elle est sollicitée par la partie demanderesse.
Le juge dispose d'un délai de six jours à compter de la fixation de la date de l'audience pour se prononcer. Alors que le juge devait précédemment se prononcer dans « les meilleurs délais », ce délai de six jours a été imposé par la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. Cette modification législative a entraîné une réduction très significative du délai de traitement des demandes d'ordonnances de protection : de près de 40 jours en 2019, la durée moyenne des affaires, entre la date de saisine et la date de la décision, est passée à 19 jours en 2020 et à 8 jours au premier semestre 2021. Dans le détail, la durée entre la saisine et l'audience est passée de 29,6 jours en 2019 à 6,5 jours en moyenne au premier semestre 2021 et celle qui court entre l'audience et la décision est passée de 10,1 jours à 1,5 jour en moyenne7(*).
Les chiffres provisoires pour l'année 2023 transmis à la rapporteure par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice font cependant état d'un délai plus élevé, de 9,7 jours en moyenne entre la date de la saisine et celle de la décision.
Après avoir recueilli les observations de chacune des parties afin de respecter le principe du contradictoire, le juge doit alors déterminer s'il « existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés »8(*).
Dans l'affirmative, le juge aux affaires familiales dispose d'une large palette de moyens afin de garantir la sécurité de la victime présumée de violences conjugales et l'aider à rendre effective la séparation. Les mesures que le juge peut prononcer sont listées aux articles 515-11 et 515-11-1 du code civil.
Le juge peut tout d'abord ordonner des mesures relevant traditionnellement du droit pénal à l'encontre de la partie défenderesse : l'interdiction d'entrer en relation, de recevoir ou de rencontrer certaines personnes désignées par le juge ; l'interdiction de détenir ou de porter une arme, qui peut s'accompagner de l'obligation de remettre aux services de police ou de gendarmerie les armes possédées ; ou encore l'interdiction de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse, par exemple les abords de l'école des enfants. Pour s'assurer du respect de ces mesures, le juge peut, en application de l'article 515-11-1, ordonner le port d'un bracelet anti-rapprochement, après avoir recueilli le consentement des deux parties. De même, en application de l'article 41-3-1 du code de procédure pénale, il peut attribuer un « téléphone grave danger » à la partie demanderesse, afin de lui permettre d'alerter et de faire intervenir rapidement les forces de l'ordre, notamment grâce à la géolocalisation.
Le juge aux affaires familiales peut également prononcer des mesures civiles. Il statue sur la résidence séparée des membres du couple, et sur l'attribution à la victime des violences du logement conjugal ou du logement commun. Il peut également régler les relations financières entre les partenaires ainsi que les modalités d'exercice de l'autorité parentale. À cet effet, il peut, en application de l'article 373-2-9 du code civil, organiser le droit de visite du parent privé de l'exercice de l'autorité parentale dans un espace de rencontre dédié ou prévoir que la remise de l'enfant d'un parent à l'autre s'effectuera dans cet espace, ou avec l'assistance d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée.
Enfin, le juge peut prononcer des mesures d'aide ou de protection de la personne victime de violences : autorisation de dissimulation de son domicile, pour éviter des représailles, admission provisoire à l'aide juridictionnelle, présentation de personnes morales qualifiées susceptibles de l'accompagner pendant toute la durée de l'ordonnance de protection. Des mesures de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique peuvent également être proposées par le juge à la partie défenderesse.
Conformément à l'article 515-12 du code civil, toutes ces mesures sont prises pour une durée maximale de six mois. Le juge dispose toutefois de la faculté de fixer une durée plus courte, conformément à l'article 1136-7 du code de procédure civile.
Le délai de l'ordonnance de protection était originellement de quatre mois mais a été étendu de deux mois par le législateur, dans le cadre de loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ce délai de six mois peut cependant être prolongé, sans que le législateur n'ait fixé aucune limite temporelle, si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une demande relative à l'exercice de l'autorité parentale ou si une demande en divorce ou en séparation de corps est introduite avant leur expiration.
Les mesures édictées dans le cadre des ordonnances de protection peuvent être modifiées, complétées, supprimées ou suspendues « à tout moment » par le juge, à la demande du ministère public ou de l'une ou l'autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d'instruction utile, et après avoir invité chacune d'entre elles à s'exprimer. Le juge peut également accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d'observer certaines des obligations qui lui ont été imposées.
Schéma procédural de l'ordonnance de protection
Jour 0 |
Jour 1 |
Jour 2 |
Jour 3 |
Jour 4 |
Jour 5 |
Jour 6 |
Saisine |
Délai accordé au défendeur pour
préparer sa défense (2 ou 3 jours |
La copie de l'acte de signification doit être remise au plus tard lors de l'audience |
Ordonnance de protection |
|||
Ordonnance de fixation |
Audience |
|||||
Délai accordé au demandeur pour En vertu des articles 1136-3 et 641 du code de procédure civile combinés, le délai de 2 jours pour signifier la date d'audience court à compter du lendemain du jour de fixation de l'ordonnance |
||||||
Étude des pièces par le juge et rédaction de la décision |
Source : commission des lois, d'après le
guide pratique de l'ordonnance de protection,
publié en novembre 2021
par le ministère de la justice
Le non-respect de ces mesures constitue un délit, réprimé par les articles 227-4-2 et 227-4-3 du code pénal, et pouvant être puni d'une peine de 15 000 € d'amende et de deux ans d'emprisonnement (voir le commentaire de l'article 2).
Les ordonnances de protection en Espagne
L'ordonnance de protection, créée en France en 2010, s'inspire de l'ordonnance de protection des victimes de violences domestiques espagnole, introduite par la loi 27/2003 du 31 juillet 2003 relative aux ordonnances de protection des victimes de violences domestiques. À l'instar du mécanisme français, l'ordonnance de protection espagnole est une procédure d'urgence permettant à une victime d'adresser une demande de protection au magistrat compétent, celui-ci devant se prononcer dans un délai de 72 heures, contre six jours actuellement en droit français.
Tout comme en France, la procédure espagnole est une procédure contradictoire qui prévoit l'audition du demandeur et du défendeur avant toute prise de décision. Néanmoins, contrairement au droit français qui laisse au magistrat le soin de décider des modalités de l'audience, le législateur espagnol impose que les parties comparaissent de manière séparée afin d'éviter toute confrontation.
À l'issue, le magistrat qui estime qu'il existe une situation objective de risque pour la victime, peut prononcer des mesures d'ordre pénal ou civil similaires à celles prévues à l'article 515-11 du code civil français.
Malgré une procédure similaire, l'ordonnance de protection est douze fois plus souvent demandée en Espagne qu'en France (3 299 demandes en France en 2018 contre 40 720 en Espagne), et dix-sept fois plus souvent accordée (près de 28 682 ordonnances de protection ont été accordées en Espagne, soit environ 70 % de réponses positives, contre environ 1 670 en France, soit une moyenne de 60 % de réponses positives).
Cette différence quantitative peut s'expliquer, d'une part, par la durée des effets, limitée à trente jours renouvelables une fois en Espagne9(*), contre six mois renouvelables en France, conduisant les victimes espagnoles à saisir plus fréquemment le juge d'une demande de mise sous protection.
D'autre part, le recours aux ordonnances de protection est facilité en Espagne par la mise en place de juridictions spécialisées en matière de violences conjugales (Juzgados de Violencia sobre la Mujer), compétentes tant en matière pénale que civile et étant chargées d'instruire les délits et de protéger les victimes, notamment via la délivrance d'ordonnances de protection. En France, le décret n° 2023-1077 du 23 novembre 202310(*) a récemment créé des « pôles VIF » au sein des juridictions qui, sans disposer de compétences juridictionnelles propres, permettent une action coordonnée et rapide de l'ensemble des acteurs intéressés en réunissant des magistrats coordonnateurs civils et pénaux concernés par la question des violences intrafamiliales.
b) Un recours en hausse bien qu'encore insuffisant au regard de l'ampleur des violences conjugales
L'ordonnance de protection est devenue l'un des outils juridiques principaux de lutte contre les violences conjugales. Son recours apparaît en hausse presque continue depuis sa création, il y a désormais quatorze ans.
Ainsi, selon la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof)11(*), 5 792 demandes ont été formulées en 2022, contre 1 637 en 2011, première année d'application de la loi du 9 juillet 2010 précitée, soit une multiplication par 3,5 du nombre de demandes en 11 ans.
Cette tendance haussière a perduré en 2023. D'après les chiffres provisoires transmis à la rapporteure par la DACS, 6 435 demandes d'ordonnance de protection ont été formulées en 2023.
Le service statistique ministériel de la justice (SDES)12(*) s'est attaché à définir le profil sociologique des demandeurs d'ordonnance de protection. La quasi-totalité des demandes d'ordonnance de protection sont introduites par des femmes (97 %) et, à l'inverse, 96 % des défendeurs sont des hommes. Près de 8 demandeurs sur 10 se sont déclarés, au moment des faits dénoncés, en situation de couple avec le défendeur (mariés dans 46 % des cas et concubins dans 30 % des cas)13(*). Les ordonnances de protection concernent en outre des populations de tout âge : les demandeurs ou les défendeurs avaient, sur la période 2011-2021, entre 17 et 81 ans. Enfin, 89 % des demandeurs ont des enfants, le plus souvent mineurs.
Source : commission des lois, d'après les données de la Miprof et du SDES.
Le nombre de décisions d'acceptation est quant à lui passé de 1 129 en 2011 à 3 621 en 2022, soit une multiplication par 3,2. Il est à noter qu'en moyenne environ une demande sur cinq n'aboutit pas à une décision de fond (acceptation ou rejet), par exemple à la suite d'un désistement ou d'une caducité. Le taux d'acceptation des demandes d'ordonnance de protection est resté relativement stable sur la période, se situant entre 60 et 70 % ; il est passé de 67 à 69 % entre 2021 et 2022. Les données provisoires sur l'année 2023 laissent apparaître 3 997 décisions d'acceptation, soit 62 %14(*).
Les décisions de rejet sont, selon l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), pour la grande majorité fondées sur l'absence de danger actuel, qui constitue l'une des deux conditions à la délivrance d'une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales, conformément à l'article 515-11 du code civil. La position tenue par le défendeur vis-à-vis de la demande d'ordonnance de protection affecte sensiblement le taux d'acceptation des ordonnances : le SDES relève ainsi que lorsque ce dernier s'oppose à la demande (il le fait dans 49 % des cas), le taux d'acceptation n'est que de 51 %, contre 95 % lorsqu'il y est favorable (7 % des situations).
Si le nombre d'ordonnances de protection délivrées a augmenté depuis sa création, à la suite notamment des différentes réformes dont le dispositif a bénéficié, « l'ordonnance de protection reste un outil insuffisamment identifié par les différents acteurs de terrain »15(*) selon le ministère de la justice. Le nombre d'ordonnances de protection demandées a même, pour la première fois depuis sa création, reflué entre 2021 et 2022 (de 5 873 à 5 791)16(*). Ces chiffres paraissent enfin dérisoires vis-à-vis du nombre de femmes exposées à la violence de leur conjoint : sur l'année 2022, 321 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales par leur partenaire ou ex-partenaire17(*).
Le comité national de pilotage de l'ordonnance de protection (CNOP), dans son rapport d'activité pour l'année 2020-2021, évoque plusieurs pistes pouvant expliquer la sous-utilisation de l'ordonnance de protection en France, notamment un manque de communication sur le dispositif, un manque de formation des professionnels concernés ou encore la notion de « danger » qui conditionne la délivrance de l'ordonnance de protection.
Le Comité national de pilotage de l'ordonnance de protection (CNOP)
Le CNOP a été installé le 23 juin 2020 par la garde des Sceaux, alors Nicole Belloubet, dans l'objectif de développer la procédure de l'ordonnance de protection. La présidence du comité a été confiée à Ernestine Ronai, responsable de l'observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis.
Le CNOP est chargé d'examiner la manière dont le dispositif de l'ordonnance de protection est appliqué selon les cours et juridictions, de suivre l'application de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et d'effectuer un état des lieux du prononcé de l'ordonnance. Dans le cadre de ses travaux, il établit des recommandations et propositions visant à favoriser le développement de l'ordonnance de protection. Le 25 juin 2021, il a publié son premier rapport dans lequel il formule huit préconisations en ce sens.
Le CNOP est composé de l'ensemble des acteurs concernés par le dispositif : la Haute-fonctionnaire à l'égalité femmes-hommes du ministère de la justice, les directions du ministère la justice (DACS, DACG, DSJ, SAJDAV), la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ), le Conseil national des barreaux (CNB), l'association des femmes commissaires de justice de France, le Service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE), diverses associations (FNSF, FNCIDFF, France Victimes, Fondation des femmes, Femmes solidaires), des personnels de greffe, des magistrats et des personnalités à titre d'experts.
2. L'article 1er de la proposition de loi vise à accroître les effets de l'ordonnance de protection, autant en amont qu'en aval de la décision du juge
L'article 1er comporte deux mesures qui ont toutes deux pour effet d'étendre temporellement la protection des victimes présumées de violences conjugales : en amont de la décision judiciaire d'octroi de l'ordonnance de protection, avec la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et en aval avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois. Il n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles mineures lors de l'examen à l'Assemblée nationale, à l'initiative de la rapporteure.
a) Le doublement de la durée de l'ordonnance de protection
Le 1° de l'article 1er de la proposition de loi modifie l'article 515-12 du code civil, relatif à la durée et au prolongement de l'ordonnance de protection (cf. supra), afin d'étendre la durée des mesures de l'ordonnance de protection à douze mois, contre six mois en l'état actuel du droit. Il s'agirait d'une durée maximale, la faculté du juge de fixer une durée inférieure n'étant pas altérée par la présente proposition de loi.
Cette extension serait applicable à toutes les ordonnances de protection, sans distinction selon le régime marital de la victime présumée ou la présence d'enfants. L'auteure de la proposition de loi justifie en effet cet allongement à douze mois par le souhait « de permettre aux personnes qui ne sont pas mariées et qui n'ont pas d'enfants de bénéficier d'un temps plus long pour organiser leur séparation »18(*).
En revanche, le 1° de l'article 1er de la proposition de loi ne modifie pas les conditions de prolongation de la durée des mesures édictées dans le cadre d'une ordonnance de protection. L'état actuel du droit serait donc conservé : ce nouveau délai de douze mois ne pourrait être prolongé que si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une demande relative à l'exercice de l'autorité parentale ou si une demande en divorce ou en séparation de corps est introduite avant leur expiration.
Contrairement à la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate (cf. infra), cette mesure ne figure pas parmi les recommandations du rapport « Plan rouge VIF : améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales » d'Émilie Chandler et de Dominique Vérien19(*).
b) La création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate
Le 2° de l'article 1er de la proposition de loi constitue la mesure la plus saillante du texte, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette mesure s'inspire de la recommandation n° 33 du rapport précité « Plan rouge VIF ».
Recommandation n° 33 du rapport « Plan rouge VIF »
Créer une ordonnance d'éviction immédiate du conjoint violent prise par le procureur de la République de façon non contradictoire, à charge pour lui de saisir le juge aux affaires familiales d'une demande d'ordonnance de protection dans les huit jours, ce dernier ayant trois semaines pour prendre sa décision.
Tel que proposé dans le texte transmis au Sénat, cette ordonnance provisoire de protection immédiate serait délivrée par le juge aux affaires familiales, sur saisine du procureur de la République mais avec l'accord de la victime présumée, en parallèle d'une demande de délivrance d'une ordonnance de protection « classique ». Aucune ordonnance provisoire de protection immédiate ne pourrait être délivrée sans dépôt d'une demande d'ordonnance de protection.
Le juge disposerait d'un délai de vingt-quatre heures pour se prononcer, au vu des seuls éléments joints à la requête, c'est-à-dire sans avoir entendu la partie défenderesse. L'ordonnance provisoire pourrait être délivrée si le juge estime « qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Par rapport à l'ordonnance de protection « classique », dans un esprit de gradation, le danger doit être « grave et immédiat ». Le juge pourrait alors ordonner quatre des onze mesures qui peuvent être édictées dans le cadre d'une ordonnance de protection :
- interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;
- interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ;
- ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie les armes dont elle est détentrice.
Ces mesures seraient valables jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales sur la demande de délivrance de l'ordonnance de protection, soit pendant une durée d'environ six jours.
Elles ne seraient pas susceptibles de recours. Toutefois, un recours pourrait être formé à l'occasion de la décision statuant sur l'ordonnance de protection elle-même. Interrogé sur le sujet par la rapporteure, le ministère de la justice estime « qu'il n'apparaît pas indispensable de prévoir un droit de recours contre une ordonnance provisoire de protection immédiate, compte tenu de sa durée d'effet relativement courte [et du caractère] accessoire de l'ordonnance provisoire de protection immédiate », laquelle doit nécessairement être adossée à une demande d'ordonnance de protection qui est quant à elle susceptible de recours.
Ainsi, le 2° de l'article 1er de la présente proposition de loi ne correspond que partiellement à la recommandation n° 33 du rapport « Plan rouge VIF » : le rapport prévoyait en effet que cette ordonnance provisoire soit délivrée par le procureur de la République, et non par le juge aux affaires familiales. En outre, le rapport ne proposait d'autoriser le procureur de la République qu'à évincer provisoirement le conjoint violent du domicile alors que la proposition de loi autorise le juge à prononcer davantage de mesures.
3. Un objectif louable de renforcement de la protection des victimes présumées de violences conjugales soutenu et affermi par la commission
Conformément à la position du Sénat depuis 2010, qui a toujours soutenu, moyennant des ajustements pour garantir la constitutionnalité et la proportionnalité du dispositif, les nombreux textes actualisant ou confortant le régime des ordonnances de protection, la commission a souscrit aux objectifs portés par l'article 1er, qu'elle a néanmoins modifié par l'adoption de quatre amendements.
De façon générale, la commission a estimé que la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate et l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection participaient à un meilleur accompagnement des victimes présumées de violences conjugales et à l'accroissement des moyens juridiques permettant d'assurer l'intégrité physique de la personne en danger.
La commission a relevé, d'une part, le caractère accessoire de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, qui garantit que le contradictoire sera bien exercé à l'occasion de la décision sur l'ordonnance de protection et, d'autre part, que les mesures pouvant être édictées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate sont très strictement limitées dans le temps - six jours maximum -, ont un périmètre plus restreint que celui des ordonnances de protection et sont prononcées uniquement en cas de danger « grave et immédiat » - condition plus restrictive que pour les ordonnances de protection. Dans ce cadre, les atteintes aux droits de la défense lui ont paru acceptables et proportionnées au bénéfice d'une meilleure protection des victimes présumées.
Tel que transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, le dispositif de l'ordonnance provisoire de protection immédiate a néanmoins été considéré par la commission comme inopérant en raison du verrou que représente la saisine du juge aux affaires familiales par le seul procureur de la République, qui n'a au surplus pas de délai pour opérer cette saisine. Cette saisine limitée au seul procureur de la République est présentée par l'auteure de la proposition de loi comme un filtre, afin d'éviter toute instrumentalisation d'un dispositif d'urgence sans contradictoire.
Or, il s'avère que, pour les ordonnances de protection « classiques », seulement 2 % des saisines du juge aux affaires familiales sont initiées par les procureurs de la République.
Il est donc assez probable, comme l'a d'ailleurs laissé entendre la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) lors de son audition par la rapporteure, que les ordonnances provisoires de protection immédiate deviennent un outil mort-né si la seule autorité à même d'enclencher la procédure ne s'en saisit pas pleinement, faute de temps pour examiner rapidement les demandes d'ordonnance de protection.
Par conséquent, la commission a adopté l'amendement COM-3, présenté par sa rapporteure, afin d'assouplir le dispositif tout en maintenant un filtre à même d'éviter tout engorgement de l'office du juge aux affaires familiales et de limiter l'octroi d'une ordonnance provisoire de protection immédiate aux cas les plus justifiés.
Pour ce faire, la commission a ouvert la saisine du juge à toutes les personnes ayant demandé l'octroi d'une ordonnance de protection, mais en instaurant un avis conforme du parquet, rendu dans un délai de vingt-quatre heures, préalable à cette saisine. Cet avis conforme permettra, d'une part, de désinciter les demandes les moins pertinentes et, d'autre part, de s'assurer de l'investissement du parquet dans ces dossiers, notamment au regard de l'article 2 bis, qui permettra au parquet d'accorder un téléphone grave danger aux bénéficiaires des ordonnances provisoires de protection immédiate.
Le même amendement COM-3 précise en outre que le procureur de la République peut joindre des éléments à la requête formulée par la personne en danger.
Enfin, ledit amendement COM-3 lève une ambiguïté, en s'inspirant de la rédaction de l'article 544 du code de procédure civile, quant à l'expiration des effets de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne prenant pas en compte le cas lors duquel la demande d'ordonnance de protection « classique » serait retirée, par exemple si la victime présumée se désiste, et donc qu'aucune décision de fond n'est prise par le juge aux affaires familiales. Ce cas n'est pas seulement théorique puisque selon l'Infostat Justice n° 192 « environ une demande sur cinq en moyenne ne donne pas lieu à une décision sur le fond ». Pour répondre à cette éventualité, l'amendement COM-3 prévoit que les effets de l'ordonnance provisoire de protection immédiate cesseront dès lors que le juge prendra acte d'une exception de procédure, d'une fin de non-recevoir ou de tout autre incident mettant fin à l'instance.
La commission a également adopté l'amendement COM-4, présenté par sa rapporteure, qui élargit le périmètre des mesures pouvant être prononcées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate en ajoutant la dissimulation de l'adresse de la victime présumée et la suspension provisoire, pour la durée de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, du droit de visite et d'hébergement de l'auteur présumé des violences. Compte tenu du caractère non contradictoire de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, le juge ne pourra cependant pas se prononcer, en extrême urgence, sur les modalités générales d'exercice de l'autorité parentale, qui restent limitées à l'ordonnance de protection « classique ».
Enfin, la commission a adopté l'amendement COM-2, présenté par sa rapporteure, corrigeant une dénomination obsolète à l'article 515-11 du code civil, et l'amendement COM-1 rect., présenté par Mélanie Vogel, qui précise que le juge ne peut motiver un refus d'octroi de l'ordonnance provisoire de protection immédiate sur la seule présence d'éléments non traduits. En effet, bien que la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation autorise déjà tous les justiciables à joindre à leurs requêtes des éléments en langue étrangère, le juge peut exiger du requérant qu'il procède à ses frais à leur traduction. Il est cependant évident que, dans le contexte d'extrême urgence de l'ordonnance provisoire de protection immédiate, une traduction par un service agréé ne pourra pas être fournie en vingt-quatre heures. Or, les éléments de preuve en langue étrangère, comme un certificat médical attestant de coups et blessures, pourraient être utiles pour des personnes ayant récemment vécu à l'étranger. En revanche, la traduction restera exigible pour l'octroi de l'ordonnance de protection « classique ».
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 1er bis (nouveau)
Dissimulation de l'adresse d'une
personne bénéficiaire
d'une ordonnance de protection lorsque
l'auteur des violences demande que lui soient communiquées les listes
électorales
L'article 1er bis, issu d'un amendement portant article additionnel présenté par la rapporteure, tend à éviter tout usage détourné de la communication des listes électorales, qui comportent des données à caractère personnel, en permettant de masquer, dans certains cas, l'adresse du ou de la bénéficiaire d'une ordonnance de protection lorsque la demande de communication de la liste électorale provient de l'auteur des violences.
1. Le code électoral permet à tout électeur d'obtenir une copie des listes électorales de la commune, lesquelles comportent des données à caractère personnel, notamment l'adresse
Depuis 1964, le code électoral donne le droit à tout électeur, tout candidat ou tout parti ou groupement politique de consulter les listes électorales en mairie ou en préfecture.
Précédemment régi par l'article L. 28 du code électoral, ce droit d'accès a fait l'objet d'une recodification en 201620(*) et figure désormais à l'article L. 37, lequel dispose que « tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial ». Le même droit de communication, ne pouvant cependant être exercé qu'en préfecture, est accordé par l'article L. 37 à « tout candidat et tout parti ou groupement politique ».
Ce droit d'accès est considéré par le juge administratif comme un moyen de « concourir à la libre expression du suffrage »21(*) en permettant aux électeurs de s'informer sur le contenu des listes électorales et de déposer un recours s'ils constatent une anomalie et aux partis et groupements politiques d'organiser leur propagande électorale.
Ce régime s'avère donc dérogatoire
au cadre général de communication des documents administratifs,
régi par les articles L. 311-1 à L. 311-8 du code des
relations entre le public et l'administration. En effet,
les listes électorales contenant des données
à caractère personnel, et notamment l'adresse des
électeurs ou encore leur date de naissance, ne sont pas
communicables, contrairement aux autres documents administratifs,
à
« toute personne qui en fait la
demande »22(*) mais uniquement aux électeurs et
aux partis. À ce titre, elles ne peuvent pas faire l'objet
d'une publication électronique consultable en ligne ni être
réutilisées à des fins commerciales.
Malgré cette restriction d'accès aux données personnelles contenues dans les listes électorales aux seuls électeurs, candidats, partis et groupements politiques, l'article L. 37 du code électoral constitue une seconde dérogation au cadre général de communication des documents administratifs dans la mesure où, contrairement au principe fixé par l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, il ne limite pas la consultation de documents comportant des données pouvant « porter atteindre à la vie privée » aux seuls « intéressés ».
Cette dérogation est appliquée par la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) qui a rappelé, dans son avis n° 20203381 du 10 décembre 2020, que « la spécificité du régime d'accès aux listes électorales est déterminée par sa finalité, à savoir concourir à la libre expression du suffrage, elle-même intimement liée au déroulement du processus électoral » et qu'à ce titre il est justifié que « par dérogation aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration qui font obstacle à la communication aux tiers d'informations mettant en cause la vie privée de personnes physiques identifiables, l'article L. 37 du code électoral permet à tout électeur, candidat, groupement ou parti politique d'obtenir, sous certaines conditions, communication intégrale des listes électorales, y compris des mentions intéressant la vie privée des électeurs [telles que la] date et lieu de naissance [ou le] domicile ».
Il pourrait donc être fait un usage détourné de ce droit d'accès aux listes électorales par une personne assujettie à une ordonnance de protection afin d'obtenir l'adresse du ou de la bénéficiaire de ladite ordonnance, malgré l'autorisation donnée par le juge de dissimuler son adresse, en application des 6° et 6° bis de l'article 515-11 du code civil.
2. L'article 1er bis de la proposition de loi tend à éviter tout usage détourné de la communication des listes électorales en permettant de masquer, dans certains cas, l'adresse du ou de la bénéficiaire d'une ordonnance de protection
Pour répondre à l'éventualité d'un mésusage du droit d'accès aux listes électorales par une personne assujettie à une ordonnance de protection ou à une ordonnance provisoire de protection immédiate23(*), l'article 1er bis de la proposition de loi complète les articles L. 37 du code électoral et 515-11 du code civil en prévoyant que l'adresse du ou de la bénéficiaire de l'ordonnance de protection soit, sous réserve de son accord, masquée lorsque la demande de communication de la liste électorale provient d'un électeur qui est également l'auteur des violences.
La dissimulation de l'adresse sur la liste électorale ne serait cependant possible que lorsque le juge aux affaires familiales a prononcé l'une des mesures mentionnées aux 6° et 6° bis de l'article 515-11 du code civil, c'est-à-dire l'autorisation pour le ou la bénéficiaire d'une ordonnance de protection de dissimuler son adresse à la partie défenderesse.
Afin de s'assurer que les mairies et les préfectures prennent les précautions nécessaires lors de la communication des listes électorales, l'article 1er bis confie en outre au procureur de la République la charge de les informer dès lors qu'une mesure mentionnée aux 6° et 6° bis de l'article 515-11 du code civil est prononcée au bénéfice d'une personne dont le domicile est situé dans leur ressort.
3. Corriger un défaut d'articulation entre le code électoral et le code civil, afin de mieux assurer la protection des victimes de violences conjugales
L'article 1er bis est issu d'un amendement COM-6, présenté par la rapporteure et adopté par la commission.
La commission a considéré que le risque de détournement du droit d'accès aux listes électorales par une personne soumise à une ordonnance de protection était certes limité car il supposait une connaissance fine du droit électoral, mais néanmoins réel. L'absence d'articulation entre le droit accordé par l'article L. 37 du code électoral et les mesures protectrices pouvant être édictées sur le fondement de l'article 515-11 du code civil apparaît donc, en l'état du droit, insatisfaisant.
C'est pourquoi la commission a accepté les modifications apportées par l'article 1er bis, qui permettront ainsi de rendre plus effective l'autorisation de dissimulation de l'adresse que peut accorder le juge aux affaires familiales aux bénéficiaires d'une ordonnance de protection.
La commission a adopté l'article 1er bis ainsi rédigé.
Article 2
Sanction du non-respect des mesures
ordonnées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection
immédiate
L'article 2 de la proposition de loi crée un nouvel article au sein du code pénal afin de sanctionner de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le non-respect des mesures ordonnées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.
La commission a adopté cet article, modifié par un amendement présenté par sa rapporteure qui harmonise les peines encourues pour violation d'une ordonnance provisoire de protection immédiate ou d'une ordonnance de protection.
1. La violation d'une ordonnance de protection est passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende
En parallèle de la création, par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, du dispositif de l'ordonnance de protection, le législateur a prévu l'instauration d'une sanction pénale spécifique, applicable en cas de non-respect des mesures édictées dans ce cadre par le juge aux affaires familiales. Cette peine, régie par l'article 227-4-2 du code pénal, peut atteindre deux ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
L'article 227-4-3 du même code punit quant à lui de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait, pour une personne tenue de verser une contribution ou des subsides au titre d'une ordonnance de protection, de ne pas notifier un changement de domicile au créancier dans un délai d'un mois.
Lors de l'instauration de ces peines, leur proportionnalité a été appréciée par le législateur au regard des peines qui étaient alors déjà prévues aux articles 227-3 et 227-4 dudit code, qui sanctionnent « l'abandon de famille ». L'article 227-3 punit en effet de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature en raison de l'une des obligations familiales prévues par le code civil. L'article 227-4 punit quant à lui de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait, par une personne tenue à l'obligation de verser une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature, de ne pas notifier son changement de domicile au créancier dans un délai d'un mois.
Le rapporteur de la loi du 9 juillet 2010 précitée, François Pillet, ayant estimé que « les dispositions pénales [des articles 227-4-2 et 227-4-3] permettront de donner toute son effectivité au dispositif de l'ordonnance de protection »24(*), le Sénat avait soutenu la création de ces deux nouvelles peines.
Depuis lors, le nombre de condamnations prononcées chaque année par le juge pénal au titre d'une violation d'une ordonnance de protection apparaît en hausse significative et régulière, illustrant aussi bien l'appropriation par le juge pénal des articles 227-4-2 et 227-4-3 que le recours accru aux ordonnances de protection. Ainsi, en 2022, 156 personnes ont été condamnées pour ce motif25(*), soit un quasi-quadruplement par rapport à 2017 et une hausse de 11,5 % par rapport à 2021.
Source : commission des lois, d'après les
données de
l'Observatoire national des violences faites
aux femmes
2. L'article 2 de la proposition de loi introduit un délit de violation d'une ordonnance provisoire de protection immédiate au sein du code pénal
Afin d'assurer le respect des mesures
édictées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de
protection immédiate, l'article 2 de la proposition de loi
introduit un nouvel article 227-4-2-1 au sein du code
pénal,
sanctionnant de trois ans d'emprisonnement et de 45 000
€ d'amende la violation des mesures ordonnées par le juge aux
affaires familiales dans le cadre d'une ordonnance provisoire de
protection immédiate.
Il s'agirait donc d'une peine significativement supérieure à celle qu'encourent les personnes ne respectant pas les mesures d'une ordonnance de protection « classique ».
L'auteure de la proposition de loi justifie la création et le quantum de cette peine par le souhait de permettre la mise en oeuvre de la géolocalisation de l'auteur des violences, qui est autorisée, en application de l'article 230-32 du code de procédure pénale, pour les enquêtes ou les instructions portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Lors de son examen en commission des lois de l'Assemblée nationale, l'article 2 a en outre été modifié par un amendement de la rapporteure pour procéder à des corrections rédactionnelles mineures à l'article 227-4-2 du code pénal, qui régit la sanction encourue en cas de violation d'une ordonnance de protection.
3. Rendre plus lisible le quantum des peines en alignant celles encourues pour violation d'une mesure édictée dans le cadre d'une ordonnance de protection sur celles encourues en cas de violation d'une ordonnance provisoire de protection immédiate
La commission a considéré, à l'instar de l'Assemblée nationale, que l'instauration d'une peine sanctionnant la violation des mesures édictées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate était nécessaire afin d'inciter à leur respect et de garantir l'effectivité des ordonnances provisoires de protection immédiate.
Dans un souci de lisibilité du droit, la commission a cependant adopté l'amendement COM-7, présenté par sa rapporteure, qui aligne les peines encourues pour non-respect d'une ordonnance de protection et non-respect d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Il convient de souligner qu'à l'exception de la DACS qui n'a pas souhaité se prononcer, la totalité des personnes auditionnées par la rapporteure se sont accordées sur la pertinence d'une peine unique, qui permettra au dispositif d'ensemble de gagner en clarté.
En effet, les mesures édictées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une ordonnance de protection ne varient pas suffisamment de celles édictées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate pour que soit justifié un traitement différent en cas de violation, a fortiori si la violation de ces mesures entraîne de nouvelles violences à l'égard de la victime.
Plutôt que de créer un nouvel article 227-4-2-1 au sein du code pénal pour régir le cas spécifique de la violation des mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, la commission a ainsi jugé plus pertinent de rassembler en un article unique, l'article 227-4-2 préexistant, la réponse pénale à la violation des mesures édictées aussi bien dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate que d'une ordonnance de protection.
Ce faisant, elle a prévu un même quantum des peines pour la violation des deux ordonnances, en alignant la peine maximale encourue sur le dispositif prévu initialement par l'Assemblée nationale pour les seules ordonnances provisoires de protection immédiate, à savoir trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. Cet alignement a donc pour conséquence de rehausser la peine maximale encourue pour non-respect d'une ordonnance de protection qui est, en l'état actuel du droit, fixée à deux ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Cette modification du quantum des peines a en outre pour conséquence, en application de l'article 138-3 du code de procédure pénale, de permettre au juge d'imposer à la personne ayant violé une mesure édictée dans le cadre d'une ordonnance de protection le port d'un bracelet anti-rapprochement (BAR). En effet, le consentement de la partie défenderesse est nécessaire dès lors que la peine encourue est inférieure à trois ans.
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 2 bis (nouveau)
Possibilité
d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre
des ordonnances provisoires de protection immédiate
L'article 2 bis, issu d'un amendement portant article additionnel présenté par la rapporteure, étend aux ordonnances provisoires de protection immédiate la possibilité, pour le procureur de la République, d'octroyer un téléphone grave danger. Cette possibilité est déjà ouverte, en l'état actuel du droit, pour les ordonnances de protection.
1. Les « téléphones grave danger », un outil de protection des victimes de violences conjugales ayant fait ses preuves
a) Le procureur de la République peut accorder un téléphone grave danger aux bénéficiaires des ordonnances de protection
Mis en place à titre expérimental en 2009 dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny, puis dans les années suivantes dans le ressort des tribunaux de grande instance de Strasbourg, de Basse-Terre, de Pointe-à-Pitre, de Douai et de Paris, le « téléphone grave danger » (TGD), anciennement dénommé « dispositif femmes en très grand danger », a été pérennisé et généralisé à l'ensemble du territoire en 2014, lors de l'adoption de l'article 36 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Lors de l'examen de la loi du 4 août 2014 précitée, le Sénat avait soutenu cette mesure, constatant que « les résultats des expérimentations conduites dans plusieurs ressorts montrent tout l'intérêt de ce dispositif » pour protéger les « femmes identifiées comme particulièrement exposées à un risque de violences conjugales »26(*).
Codifié à l'article 41-3-1 du code de procédure pénale, le TGD consiste en « un dispositif de téléprotection permettant [à son bénéficiaire] d'alerter les autorités publiques ». Concrètement, il s'agit d'un téléphone d'alerte, équipé d'un bouton d'appel préprogrammé renvoyant directement vers des écoutants professionnels. En situation de danger, l'appel est immédiatement dirigé vers un téléopérateur qui dispose d'ores et déjà de toutes les informations relatives à la victime (nom, coordonnées, etc.). Évaluant la situation de danger, ce téléopérateur prend contact directement, par une ligne dédiée, avec les services de police ou de gendarmerie qui sont censés intervenir dans de brefs délais.
La loi encadre cependant les conditions d'attribution du TGD, dont le coût repose sur le budget du ministère de la justice27(*) et qu'il s'agit de ne confier qu'aux personnes dont le risque de subir des violences est probable, afin d'éviter tout engorgement des services de police ou de gendarmerie.
Ainsi, seul le procureur de la République peut octroyer un TGD, et ce « en cas de grave danger menaçant une personne victime de violences de la part de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ou « lorsque les violences ont été commises par un ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par une personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, ainsi qu'en cas de grave danger menaçant une personne victime de viol ».
La situation de grave danger est appréciée au regard des conditions cumulatives suivantes :
- le dispositif de téléprotection ne peut être attribué qu'en l'absence de cohabitation entre la victime et l'auteur des violences ;
- l'auteur des violences a soit fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime dans le cadre d'une ordonnance de protection, d'une alternative aux poursuites, d'une composition pénale, d'un contrôle judiciaire, d'une assignation à résidence sous surveillance électronique, d'une condamnation, d'un aménagement de peine ou d'une mesure de sûreté, soit est en fuite ou n'a pas encore pu être interpellé ou lorsque l'interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime n'a pas encore été prononcée et que le procureur estime qu'il existe un « danger avéré et imminent ».
Le TGD étant conçu comme un outil au sein du dispositif plus global d'accompagnement de la victime vers la restauration de son autonomie, sa mise à disposition est temporaire et limitée à une durée renouvelable de six mois. Dans la même optique, le consentement exprès de la victime est requis, aucune victime ne pouvant se faire imposer l'octroi d'un TGD par le procureur. Le dispositif peut en outre permettre la géolocalisation de la victime au moment où elle déclenche l'alerte, sous réserve, à nouveau, de son accord.
b) Un usage croissant et satisfaisant des téléphones grave danger
Dix ans après leur introduction au sein de l'arsenal juridique en faveur des victimes de violences conjugales, les TGD semblent être désormais un dispositif connu et reconnu par les parties concernées, qui ont toutes souligné, lors des auditions menées par la rapporteure, non seulement son utilité et son efficacité pour protéger les victimes d'éventuelles réitérations de la part de l'auteur des violences, mais également la nécessité d'oeuvrer pour poursuivre son développement.
Les données transmises à la rapporteure par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice confirment l'usage croissant des TGD. En 2023, 5 709 TGD28(*) ont été déployés dans toutes les juridictions et ont engendré 3 231 sollicitations des forces de l'ordre.
Selon la lettre n° 19 de l'Observatoire national des violences faites aux femmes29(*), publiée en mars 2024, 4 168 TGD étaient actifs au 1er août 2023, contre 3 210 au 1er août 2022, soit une augmentation de 30 % en un an. De façon plus significative encore, le nombre de TGD a même plus que doublé par rapport au mois de novembre 2021, lors duquel 1 969 TGD étaient actifs30(*).
2. L'article 2 bis de la proposition de loi permet au procureur de la République d'octroyer un téléphone grave danger aux bénéficiaires d'une ordonnance provisoire de protection immédiate
Telle que transmise au Sénat par l'Assemblée nationale, la proposition de loi ne modifie pas les conditions d'octroi d'un téléphone grave danger, malgré la création du nouvel outil que représente l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Ainsi, si la proposition de loi était adoptée en l'état, dans l'attente de la décision du juge sur la demande d'ordonnance de protection « classique », le procureur de la République ne pourrait attribuer de téléphone grave danger à la victime de violences conjugales soumise à un danger « grave et immédiat » que si l'auteur des violences est en fuite ou qu'il n'a pas pu être interpellé (cf. supra).
Afin de remédier à cette lacune d'autant plus préjudiciable que les ordonnances provisoires de protection immédiate s'adressent aux cas dans lesquels le risque de violences est considéré comme particulièrement prégnant, la rapporteure a proposé, par l'amendement COM-8, de modifier l'article 41-3-1 du code de procédure pénale en précisant que le TGD peut être accordé par le procureur de la République aux bénéficiaires des ordonnances provisoires de protection immédiate. Le deuxième alinéa du même article 41-3-1 restant inchangé, la condition selon laquelle le TGD ne peut être attribué qu'en l'absence de cohabitation entre la victime présumée et l'auteur des violences demeure cependant.
Le dispositif proposé prévoit en outre le cas, a priori rare, dans lequel une ordonnance provisoire de protection immédiate ne serait pas suivie d'une ordonnance de protection. La durée de six mois d'attribution du TGD pouvant alors, dans ce cas spécifique, paraître excessive, l'article 2 bis précise que le procureur de la République peut réduire cette durée.
La commission a jugé pertinente et opportune l'extension de la possibilité d'attribuer un TGD dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, estimant que ces situations de danger « grave et immédiat » justifiaient la mise en place de moyens de protection supplémentaires.
La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.
Article 3
Application du dispositif en Polynésie
française et à Wallis-et-Futuna
L'article 3 de la proposition de loi rend applicable les dispositions de la proposition de loi en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, territoires régis par le principe de spécialité législative.
La commission a adopté cet article sans modification.
Conformément à l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises sont régies par le principe de spécialité législative. Dans ces territoires, la loi n'est applicable que si le législateur le prévoit par une mention expresse.
En conséquence, l'article 3 de la proposition de loi rend applicables les articles 1er et 2 de ladite loi en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
Cette application est pertinente au regard de l'appropriation par les acteurs locaux des ordonnances de protection. D'après les données transmises à la rapporteure par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice, en Polynésie française, territoire de 280 000 habitants, 23 ordonnances de protection ont été délivrées en 2023 contre 19 en 202231(*). Le taux d'acceptation est particulièrement élevé puisqu'il s'élève à 95,2 % en 2023, contre 87,5 % en 202232(*), des chiffres nettement supérieurs à la moyenne nationale, qui s'est élevée à 62 % en 2023. La DACS n'a en revanche pas été en mesure de fournir à la rapporteure des données relatives à Wallis-et-Futuna.
En revanche, dans la mesure où la compétence en matière de droit civil a été transférée à la Nouvelle-Calédonie à la date effective du 1er juillet 2013, conformément à l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'État n'a plus aucune compétence depuis cette date pour légiférer en matière de droit de la famille en Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi le II de l'article 3 de la présente proposition de loi n'étend pas les dispositions du texte à la Nouvelle-Calédonie. Les TAAF sont également exclues du dispositif, compte tenu de l'absence de population permanente sur ce territoire.
Favorable à la pleine application du dispositif en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, la commission a adopté cet article.
La commission a adopté l'article 3 sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons ce matin le rapport de Dominique Vérien sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il y a un an, j'ai remis au Gouvernement, avec notre collègue députée Émilie Chandler, un rapport dédié à l'amélioration du traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Dans ce rapport, nous formulions 59 recommandations, qui constituaient ce que nous avons appelé un « Plan rouge vif ».
Je me réjouis de constater que ces travaux approfondis ont été pris en considération et soutenus par le Gouvernement, qui a inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui. Celle-ci, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 5 mars dernier, reprend partiellement l'une des recommandations du rapport, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate - j'y suis donc plus que favorable.
Je m'attacherai à vous présenter les principales mesures du texte et les quelques amendements que je soumettrai à votre approbation, mais aussi, et dans un premier temps, à vous exposer les raisons pour lesquelles une sixième réforme du régime des ordonnances de protection, depuis sa création en 2010, me semble nécessaire.
Les violences intrafamiliales sont un fléau qui nécessite une mobilisation sans faille, aussi bien des forces de l'ordre et des services sociaux que du monde judiciaire. C'est pourquoi, en 2010, les législateurs que nous sommes ont instauré, en s'inspirant de ce qui existe en Espagne depuis 2003, un dispositif de protection judiciaire d'urgence des victimes présumées de violences intrafamiliales, les ordonnances de protection, permettant au juge aux affaires familiales (JAF) de prononcer dans un délai de six jours des mesures protectrices, à mi-chemin du droit civil et du droit pénal, lorsqu'il estime qu'une personne est dans une situation de danger en raison de violences commises ou pouvant vraisemblablement être commises par son ou sa partenaire.
Ces mesures peuvent, sans que la liste soit exhaustive, prendre la forme d'une interdiction de contact ou de se rendre dans certains lieux, d'une interdiction de détention d'armes, du port d'un bracelet anti-rapprochement, de l'attribution d'un téléphone grave danger, de l'imposition d'une résidence séparée des membres du couple, de l'attribution à la victime des violences du logement conjugal ou encore de la redéfinition des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Elles sont valables pour une durée maximale de six mois, qui peut, sous certaines conditions plutôt restrictives, être prolongée par le juge.
Le non-respect de ces mesures constitue un délit pouvant être puni d'une peine de 15 000 euros d'amende et de deux ans d'emprisonnement.
L'objectif du dispositif était ainsi de garantir la sécurité de la victime et de l'aider à rendre effective la séparation, dans l'attente d'un éventuel jugement pénal si les violences étaient avérées.
Néanmoins, malgré cinq réformes successives du dispositif, dont la dernière a été votée avec le soutien du Sénat en 2022, il semble encore perfectible : si 321 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales par leur partenaire ou ex-partenaire en 2022, moins de 6 000 ordonnances de protection ont été demandées cette même année.
Malgré les immenses progrès réalisés depuis 2010, nous pouvons donc encore oeuvrer pour mieux assurer l'intégrité physique des victimes présumées de violences intrafamiliales et les inciter à se tourner vers la justice.
Tel est l'objectif, auquel je vous suggère de souscrire, que porte cette proposition de loi. Pour ce faire, elle contient deux mesures principales ayant pour effet d'étendre temporellement la protection des victimes : en amont de la décision judiciaire d'octroi de l'ordonnance de protection, avec la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et en aval, avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois.
Concernant le doublement de la durée des mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance de protection, je précise qu'il s'agirait d'une durée maximale, la faculté du juge de fixer une durée inférieure n'étant aucunement restreinte par la proposition de loi. Cette mesure, qui s'appliquera à toutes les ordonnances de protection, qu'importe le statut marital de la victime, devrait surtout permettre aux personnes qui ne sont pas mariées et qui n'ont pas d'enfants de bénéficier d'un temps plus long pour organiser leur séparation. En effet, une prolongation de l'ordonnance de protection, passé le délai maximal autorisé par la loi, ne peut être accordée qu'en cas de demande relative à l'exercice de l'autorité parentale ou d'une demande en divorce ou en séparation de corps.
J'en viens désormais à la mesure la plus novatrice du texte, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette mesure me tient particulièrement à coeur, à titre accessoire parce qu'elle est inspirée de la recommandation n° 33 du rapport intitulé Plan rouge vif - Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont je suis l'auteure, mais surtout parce qu'elle répond à la difficulté bien identifiée que constitue la protection des victimes dans le court temps qui sépare la saisine du JAF et sa décision sur l'ordonnance de protection, laps de temps pendant lequel le danger peut être prégnant. Cette préconisation nous est aussi inspirée par l'Espagne.
Telle que proposée dans le texte qui nous est transmis, cette ordonnance provisoire de protection immédiate serait délivrée par le JAF, sur saisine du procureur de la République, mais avec l'accord de la victime présumée, en parallèle d'une demande de délivrance d'une ordonnance de protection « classique ».
Le juge disposerait d'un délai de vingt-quatre heures pour se prononcer, au vu des seuls éléments joints à la requête, c'est-à-dire sans avoir entendu la partie défenderesse. L'ordonnance provisoire pourrait être délivrée si le juge estime « qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». La rédaction proposée prévoit une gradation par rapport aux ordonnances de protection « classiques », puisque le danger doit être « grave et immédiat ».
Le juge pourrait alors ordonner quatre des onze mesures qui peuvent être édictées dans le cadre d'une ordonnance de protection : interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d'entrer en relation avec elles ; interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par lui ; interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie les armes dont elle est détentrice.
Ces mesures seraient valables jusqu'à la décision du JAF sur la demande d'ordonnance de protection, soit pendant une durée d'environ six jours.
Conformément à l'article 2 de la proposition de loi, la violation de ces mesures constituerait un délit puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Ces mesures ont été saluées et soutenues par l'ensemble des personnes que j'ai auditionnées. Elles permettront de répondre rapidement aux situations avérées d'extrême danger et de permettre aux victimes de bénéficier d'un temps de protection plus en adéquation avec des ruptures souvent difficiles.
Tout en approuvant l'esprit général du texte, je vous proposerai cependant d'adopter quelques amendements que j'ai déposés afin, d'une part, de rendre plus accessibles les ordonnances provisoires de protection immédiate et les ordonnances de protection et, d'autre part, de donner davantage de moyens d'action au juge et au procureur de la République pour accompagner et sécuriser les victimes.
Sur le premier point, je considère qu'il est préférable d'ouvrir la saisine du JAF pour les ordonnances provisoires de protection immédiate à la personne en danger, au regard de la faible part de saisines, soit seulement 2 %, qui émanent actuellement des procureurs de la République en ce qui concerne les ordonnances de protection. Lors de leur audition, ceux-ci m'ont explicitement dit qu'il était peu probable qu'ils puissent examiner dans l'urgence toutes les demandes d'ordonnance de protection, et ainsi repérer les situations justifiant une ordonnance provisoire de protection immédiate. Le risque est donc grand que le dispositif proposé par l'Assemblée nationale ne soit mort-né.
Afin d'éviter les demandes abusives et de décourager toute tentative d'instrumentalisation, je vous propose néanmoins que cette saisine du juge par la personne en danger s'accompagne d'un avis conforme du procureur de la République, rendu dans un délai de vingt-quatre heures.
Il me semble en outre nécessaire de redéfinir les critères d'appréciation de la notion de « danger », qui conditionnent la délivrance d'une ordonnance de protection. À mes yeux, mais aussi selon la plupart des personnes que j'ai entendues, la vraisemblance des violences alléguées constitue un élément d'appréciation suffisant pour justifier une protection, par ailleurs octroyée dans le cadre d'une procédure contradictoire et avec possibilité de recours. Nous en discuterons lors de l'examen d'un amendement que je proposerai de réserver pour la séance publique.
Sur le second point, je vous propose d'étendre les mesures que peut prononcer le juge lors d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, en lui permettant de suspendre provisoirement le droit de visite et d'hébergement du parent violent et d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler son adresse à la partie défenderesse.
De même, il me paraît judicieux d'étendre aux bénéficiaires d'une ordonnance provisoire de protection immédiate la possibilité d'attribution par le procureur de la République d'un téléphone grave danger, un outil efficace qu'il convient de développer davantage.
Enfin, le dispositif pénal me semblerait plus cohérent si nous alignions sur trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende la peine pouvant être encourue en cas de violation d'une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate et celle qui est encourue pour violation d'une ordonnance de protection. Cet alignement par le haut a pour conséquence positive de permettre au procureur de la République d'imposer aux personnes ne respectant pas une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance de protection le port d'un bracelet anti-rapprochement.
Je suis convaincue que cette sixième réforme des ordonnances de protection, même si elle ne sera possiblement pas la dernière, marquera un pas important dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Soyons donc satisfaits du travail de longue haleine effectué par le législateur et tous les acteurs qui oeuvrent dans ce domaine, et restons mobilisés.
M. Pierre-Alain Roiron. - L'article 1er, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, constitue le coeur du texte.
Nous sommes favorables à l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, cela ne vous étonnera pas. Depuis plusieurs années, nombre de mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER) avaient déposé des amendements en ce sens : je pense aux amendements de Michelle Meunier et Laurence Rossignol à la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet. En décembre 2022, la députée Cécile Untermaier avait déposé une proposition de loi visant à renforcer l'ordonnance de protection, en faisant passer sa durée de six à douze mois. Laurence Harribey avait également repris ce dispositif par amendement lors de l'examen de la loi du 18 mars 2024 de la députée Isabelle Santiago visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Ces amendements n'avaient malheureusement pas été retenus.
Nous sommes aussi favorables à la création de l'ordonnance provisoire de protection immédiate - les chiffres l'indiquent, la mesure est urgente -, comme nous sommes favorables à votre amendement, madame la rapporteure, qui assouplit le dispositif en ouvrant la saisine du JAF à la personne demanderesse, avec avis conforme du parquet. Le dispositif actuel reste trop restreint, au détriment de son efficacité.
M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives aux conditions de délivrance et à la durée de l'ordonnance de protection, ainsi qu'à la sanction de la violation des mesures édictées dans ce cadre, et les dispositions relatives à la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-3 rectifié a pour objet d'autoriser la saisine du JAF par la personne en danger, et non plus seulement par le procureur de la République. Les procureurs de la République n'auront vraisemblablement pas la possibilité d'examiner en détail et dans l'urgence toutes les demandes d'ordonnance de protection, et ainsi d'identifier les situations dans lesquelles une ordonnance provisoire de protection immédiate serait justifiée. Nous proposons que la personne en danger puisse solliciter directement une ordonnance provisoire de protection immédiate ; le procureur examinera ces demandes en priorité et statuera. Les procureurs eux-mêmes ont proposé cette solution.
L'amendement COM-3 rectifié est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-1 rectifié, qui est proposé par Mélanie Vogel, vise à ne pas imposer à la partie requérante de fournir une traduction lorsque des éléments en langue étrangère sont joints à une demande d'ordonnance provisoire de protection immédiate. Les documents devront alors être traduits dans un délai de six jours, à l'occasion de l'examen de la demande d'ordonnance de protection. En arrivant de l'étranger, les personnes en danger ne disposent souvent que de certificats médicaux en langue étrangère ; or il n'est pas possible d'attendre la traduction.
Je rappelle que cette ordonnance provisoire de protection immédiate est accessoire à l'ordonnance de protection : le contradictoire aura bien lieu dans les six jours. J'émets donc un avis favorable.
M. François-Noël Buffet, président. - Il s'agit bien de répondre à l'urgence de la demande. Ensuite, la traduction des éléments interviendra dans les six jours.
L'amendement COM-1 rectifié est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-4 rectifié a pour objet de permettre au juge de suspendre aussi le droit de visite et d'hébergement pendant la durée de l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
L'interdiction de contact est déjà prévue, mais l'interdiction de visite et d'hébergement ne s'apprécie que dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale, qui n'est pas concernée par l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Par exemple, en cas de dépôt d'une requête un vendredi soir, avant un week-end incluant un droit de visite, il faut pouvoir suspendre ce droit immédiatement, en attendant que le juge se prononce, lors de l'examen de l'ordonnance de protection, sur les modalités générales d'exercice de l'autorité parentale.
L'amendement COM-4 permet également au juge d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler son adresse à la partie demanderesse.
L'amendement COM-4 rectifié est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous en venons à l'amendement COM-5. Beaucoup d'associations, mais également le Conseil national des barreaux demandent que les critères d'attribution d'une ordonnance de protection, définis à l'article 515-11 du code civil, soient modifiés afin que le danger auquel est sujette la victime soit considéré comme constitutif de la vraisemblance des faits de violence allégués, au motif que certains juges estiment que dès lors que les membres du couple ne vivent plus sous le même toit, le danger n'existe plus, même si les violences existaient auparavant. Or les violences intrafamiliales s'insèrent dans un système d'ensemble, elles ne cessent pas après une séparation. Je parle bien là de l'ordonnance de protection « classique ». J'étais plutôt favorable à cette demande, c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement.
Toutefois, la Chancellerie a appelé mon attention sur un risque d'anticonstitutionnalité si l'on retire la notion de « danger » de l'article 515-11 - je précise cependant que le danger resterait mentionné à l'article 511-9, qui définit l'ordonnance de protection. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée en 2021 au motif que l'ordonnance de protection constituerait une atteinte aux droits individuels en retirant à la partie défenderesse l'autorité parentale ou en interdisant de fréquenter certains lieux. La Cour de cassation a considéré que cette QPC n'était pas recevable, en s'appuyant sur le fait que les droits mentionnés étaient retirés non parce que la personne était coupable, mais parce qu'elle était dangereuse, et donc que l'ordonnance de protection n'était pas attentatoire à la présomption d'innocence. La notion de danger est donc importante, du moins au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.
À ce stade, il me paraît donc plus prudent de retirer cet amendement ; nous pourrons en débattre avant le passage du texte en séance, le 14 mai prochain, et nous verrons sous quelle forme le présenter. L'inquiétude est réelle, il s'agit d'un point de dysfonctionnement de l'ordonnance de protection ; il faut y répondre, tout en se prémunissant des conséquences d'une potentielle QPC.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le sujet est très délicat. Il me semble étrange que l'on puisse considérer qu'il puisse y avoir des violences sans qu'il y ait automatiquement un danger... Voilà une curiosité. Essayons d'atteindre l'objectif que nous partageons tous sans faire d'erreur juridique, au risque d'être contre-productifs. La Chancellerie est-elle de bon conseil ? La Cour de cassation a certes son avis, mais c'est bien le législateur qui décide des normes.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La Chancellerie ne m'a alertée qu'hier ! Ayons ce débat au cours des deux prochaines semaines.
Si nous adoptions cet amendement, la proposition de loi pourrait être transmise au Conseil constitutionnel ; le cas échéant, seul l'article de la proposition de loi serait censuré, et non l'ensemble du dispositif de l'ordonnance de protection immédiate. Nous obtiendrions alors une réponse immédiate.
L'amendement COM-5 est retiré.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-6 concerne le code électoral. Tout électeur est inscrit sur la liste électorale de la commune : certains peuvent retrouver l'adresse de leur conjointe en consultant ces listes. Le procureur doit pouvoir demander à la commune de masquer, pour le seul auteur des violences, l'adresse de la personne en danger, lorsque le juge l'a autorisé à dissimuler son adresse à la partie défenderesse.
M. Francis Szpiner. - Les listes électorales doivent rester accessibles à tous ! Imaginez le cas de faux électeurs... voilà qui interroge au regard du droit électoral et de la nécessaire vérification des listes. Je suis très réservé.
Mme Olivia Richard. - Concernant les élections françaises organisées à l'étranger, des dispositifs spécifiques existent, afin d'assurer la sécurité de nos compatriotes, notamment ceux qui ont la double nationalité, mais dont le pays de résidence refuse cette même double nationalité. Le code électoral prévoit la non-communicabilité de la liste électorale lorsque la situation locale le justifie ; c'est le cas par exemple, au Liban et en Israël.
M. François-Noël Buffet, président. - Il faudra retravailler le sujet et en examiner toutes les conséquences pratiques.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à aligner les peines encourues en cas de violation d'une ordonnance de protection et d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cela permettra notamment d'imposer le port d'un bracelet anti-rapprochement à tous ceux qui ne respecteraient pas l'une de ces ordonnances.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à rendre possible l'octroi d'un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate. Déjà prévue pour l'ordonnance de protection classique, cette mesure est d'autant plus pertinente dans le cas présent.
L'amendement COM-8 est adopté et devient article additionnel.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-9 tend à actualiser, en conséquence de l'adoption des amendements précédents, l'intitulé de la proposition de loi, qui deviendrait : « Proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate. »
L'amendement COM-9 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mme VÉRIEN, rapporteure |
2 |
Rédactionnel |
Adopté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
3 rect. |
Ouverture de la saisine du juge aux affaires familiale par la personne en danger |
Adopté |
Mme Mélanie VOGEL |
1 rect. |
Possibilité de joindre à la requête des éléments en langue étrangère |
Adopté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
4 rect. |
Possibilité de suspendre le droit de visite et d'hébergement pendant la durée de l'ordonnance provisoire de protection immédiate et de dissimuler l'adresse de la partie demanderesse |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après l'article 1er |
|||
Mme VÉRIEN, rapporteure |
5 |
Redéfinition des critères d'appréciation du danger pour la délivrance de l'ordonnance de protection |
Retiré |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
6 rect. |
Non communication, au sein des listes électorales, de l'adresse d'un ou d'une bénéficiaire d'une ordonnance de protection |
Adopté |
Article 2 |
|||
Mme VÉRIEN, rapporteure |
7 |
Alignement des peines encourues en cas de violation d'une ordonnance de protection et d'une ordonnance provisoire de protection immédiate |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
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Mme VÉRIEN, rapporteure |
8 |
Possibilité d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate |
Adopté |
Article 3 |
|||
Intitulé de la proposition de loi |
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Mme VÉRIEN, rapporteure |
9 |
Actualisation de l'intitulé. |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 33(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie34(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte35(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial36(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mardi 30 avril 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 380 (2023-2024) allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :
- aux conditions de délivrance et à la durée de l'ordonnance de protection, ainsi qu'à la sanction de la violation des mesures édictées dans ce cadre ;
- à la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mme Émilie Chandler, députée du Val-d'Oise, auteur de la proposition de loi
Ministère de la justice
Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)
Mme Claire Berger, sous-directrice
Mme Raphaëlle Wach, cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille
M. Emmanuel Germain, rédacteur au bureau du droit des personnes et de la famille
M. Vincent Salafa, adjoint au chef du bureau du droit processuel
Service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SAJDAV)
M. Philippe Caillol, chef du service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes
Mme Céline Dusautoir, cheffe du bureau de l'aide aux victimes et de la politique associative
Mme Laure Ligneres, adjointe au chef du bureau de l'aide juridictionnelle
Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)
M. Guirec Le Bras, procureur de la République, tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer
Conseil national des barreaux (CNB)
Mme Nawel Oumer, présidente de la commission Égalité
Mme Anne-Laure Casado, membre de la commission Égalité
Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques
Chambre nationale des commissaires de justices (CNCJ)
Mme Béatrice Duquerroy, membre du Bureau national
M. Cédric Kieffer, directeur du département juridique
M. Jérôme Fastier, directeur des affaires publiques
Mme Nelly Ducros, vice-présidente de l'association Femmes Huissiers de justice de France
Mme Brigitte Goutorbe, commissaire de justice, membre du Comité national de l'ordonnance de protection
Mme Ernestine Ronai, présidente de l'Observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes, présidente du Comité national de l'ordonnance de protection
Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)
Mme Alice Grunenwald, présidente
Association des magistrats français pour la justice civile (AMFJC)
M. Clément Bergère, co-président
Table ronde des associations de défense des victimes de violences conjugales
France Victimes
Mme Isabelle Sadowski, directrice générale adjointe
Halte aide aux femmes battues (HAFB)
Mme Colette Barnay, présidente
Mme Véronique Delepouve, directrice
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-380.html
* 1 Article 515-11 du code civil.
* 2 Source : Lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes n° 19, mars 2024.
* 3 Cinq lois ont récemment modifié les articles 515-9 à 515-13 du code civil : la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales et la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
* 4 Cette exemption est prévue à l'article 373-2 du code civil.
* 5 Rapport n° 564 (2009 - 2010) de François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes.
* 6 Article 515-9 du code civil.
* 7 Les chiffres sur la durée de traitement des affaires sont issus de l'Infostat Justice n° 192 de juin 2023, intitulé : « Les ordonnances de protection contre les violences conjugales : près de sept demandes sur dix accordées entre 2019 et 2021 ».
* 8 Article 515-11 du code civil.
* 9 Si durant ces trente jours, une procédure pénale est engagée, les mesures sont renouvelées pour trente jours suivant le dépôt de la plainte, temps durant lequel le magistrat doit se prononcer sur leur maintien ou leur modification.
* 10 Décret n° 2023-1077 du 23 novembre 2023 instituant des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d'appel.
* 11 Miprof, Lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes n°19, mars 2024.
* 12 SDES, Les ordonnances de protection contre les violences conjugales : près de sept demandes sur dix accordées entre 2019 et 2021, Infostat Justice n°192, juin 2023.
* 13 Entre janvier 2019 et juin 2021.
* 14 Selon les éléments transmis à la rapporteure par la DACS.
* 15 DACS, Guide pratique de l'ordonnance de protection, novembre 2021, p. 1.
* 16 Mais il est en hausse en 2023, selon les données provisoires mentionnées supra.
* 17 Miprof, Lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes n° 19, mars 2024.
* 18 Rapport n° 2078 (XVIe législature) d'Émilie Chandler, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi visant à allonger la durée de l'ordonnance de protection et à créer l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
* 19 Rapport d'Emilie Chandler, députée, et de Dominique Vérien, sénatrice, intitulé : « Plan rouge VIF : améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales », publié en mai 2023.
* 20 En application de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales.
* 21 Conseil d'État, 7 février 2001, Commune de Pointe-à-Pitre (nos 229991et 229922).
* 22 Article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
* 23 Sous réserve de l'adoption définitive des modifications apportées à l'article 1er, que la commission a complété pour permettre au juge aux affaires familiales, dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate, d'autoriser la victime présumée à dissimuler son adresse à l'auteur des violences.
* 24 Rapport n° 564 (2009 - 2010) de François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes.
* 25 D'après les données issues de la lettre n° 19 (mars 2024) de l'Observatoire national des violences faites aux femmes.
* 26 Rapport n° 807 (2012-2013) de Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, déposé le 24 juillet 2013.
* 27 Les TGD représentent un coût annuel de huit millions d'euros pour le ministère de la justice, d'après les informations transmises à la rapporteure par le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SAJDAV).
* 28 Ce chiffre correspond au nombre total de TGD ayant été en activité au cours de l'année 2023. Il ne s'agit pas du nombre de TGD actifs à une date précise.
* 29 Miprof, Lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes n° 19, mars 2024.
* 30 Miprof, Lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes n° 18, novembre 2022.
* 31 Pour l'année 2023, il s'agit de données provisoires.
* 32 Idem.
* 33 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 34 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 35 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 36 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.