- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DE L'ARTICLE
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 500
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole,
Par M. Jean-Yves ROUX,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.
Voir les numéros :
Sénat : |
359 et 501 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté, le 3 avril 2024, suivant les orientations du rapporteur, Jean-Yves Roux, la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par Michel Masset et plusieurs de ses collègues.
Depuis sa détection en 2004, le frelon asiatique a colonisé en moins de deux décennies l'ensemble du territoire national, grâce à sa forte résilience et à des conditions climatiques favorables. Cette espèce exotique envahissante, qui s'attaque préférentiellement aux insectes sociaux, est un prédateur redoutable de l'abeille domestique, responsable d'environ 20 % de la mortalité observée dans les ruchers.
Face aux pressions que le frelon asiatique fait peser sur les pollinisateurs et à sa prodigieuse capacité de dispersion, la réponse publique a manqué de cohérence, de moyens budgétaires et de coordination. Il est à présent illusoire d'espérer éradiquer cette espèce, faute d'avoir agi de façon concertée quand c'était encore possible. Il est, en revanche, possible de diminuer les pressions de prédation et de limiter les dégâts causés aux ruchers et à l'entomofaune en coordonnant mieux les actions de lutte.
C'est précisément l'objet du présent texte, à travers un plan national de lutte contre le frelon asiatique, décliné en plans départementaux, afin de fédérer les actions à des échelles pertinentes, en associant les acteurs et les scientifiques. Ce dispositif vise à renforcer l'efficacité des mesures prises localement, en confiant à l'État le pilotage de ce nouvel arsenal de lutte contre le frelon asiatique, doté de moyens dédiés et mettant en oeuvre un régime de soutien aux apiculteurs touchés par ce ravageur.
La commission a adopté ce texte à l'unanimité, sous le bénéfice de six amendements du rapporteur précisant le contenu, la portée du plan national de lutte et ses déclinaisons départementales, favorisant la recherche de systèmes de lutte plus efficaces et sécurisant certains des dispositifs créés par le texte.
I. UNE PRISE DE CONSCIENCE TROP TARDIVE DES DANGERS DU FRELON ASIATIQUE ET DES ACTIONS NON COORDONNÉES QUI N'ONT PAS PERMIS D'ENDIGUER SA PROLIFÉRATION
A. LE FRELON ASIATIQUE, UNE ESPÈCE EXOTIQUE ENVAHISSANTE À FORTE CAPACITÉ D'ADAPTATION DEVENUE ENDÉMIQUE
Le frelon asiatique à pattes jaunes est un prédateur généraliste et opportuniste qui capture des insectes pour nourrir ses larves, en privilégiant les espèces vivant groupées, plus faciles à chasser, à l'instar des abeilles, des guêpes et des mouches.
Ses fortes capacités d'adaptation, sa plasticité phénotypique, sa résilience à la prédation et au parasitisme lui ont permis de coloniser l'ensemble de la France métropolitaine en moins de vingt ans. Son front de colonisation a progressé en moyenne de 78 km par an, faisant du frelon asiatique l'archétype même de l'espèce exotique envahissante.
Les scientifiques s'accordent sur le constat que son implantation sur le territoire national est impossible à éradiquer avec les moyens de lutte dont nous disposons aujourd'hui.
Progression du frelon asiatique en France et en Europe
Le frelon asiatique contribue à des pertes significatives de population d'abeilles à proximité des nids où il s'établit. Selon GDS France, environ 20 % de la mortalité de l'abeille domestique est imputable au frelon asiatique. Les pressions qu'il exerce sur les ruches sont de deux ordres : la prédation directe et le stress que son vol stationnaire à proximité de la ruche induit sur la colonie d'abeilles, entraînant moins de sorties des butineuses et une baisse d'activité qui affaiblit toute la ruche.
Son impact sur l'entomofaune et les pollinisateurs sauvages reste en revanche plus difficile à apprécier, faute d'études dédiées, même si les ravages qu'il cause aux espèces solitaires sont probablement limités, du fait de sa préférence pour les insectes sociaux.
B. UN CADRE RÉGLEMENTAIRE ET UNE RÉPONSE PUBLIQUE QUI N'ONT PAS PERMIS D'ENDIGUER LA PROGRESSION DU FRELON ASIATIQUE
Depuis 2004, année où le frelon asiatique a été détecté sur le territoire national, les actions de lutte contre le frelon asiatique ont été mises en oeuvre en ordre dispersé, sans réel appui ni accompagnement de l'État face à cette menace nouvelle sur la filière apicole.
« Le nombre important des acteurs et la variété des actions mises en oeuvre donnent un sentiment de confusion d'autant plus que la connaissance de l'État n'a été ni structurée ni cohérente dans son contenu. »
Rapport d'inspection publié en 2010 sur le frelon asiatique
Ce rapport1(*) recommandait notamment l'élaboration d'un plan d'action cohérent et coordonné par l'État, dans le but d'organiser les relais de la puissance publique sur le territoire. Faute de moyens dédiés, de volonté politique forte et en dépit de la forte mobilisation du monde apicole, ce plan est resté lettre morte et n'a pas produit les effets escomptés.
L'action de l'État face au frelon asiatique a surtout consisté en des mesures règlementaires et en des financements au Muséum national d'histoire naturelle et à des organismes techniques, comme l'ITSAP2(*), pour favoriser la connaissance de l'espèce et la recherche de solutions de lutte plus efficaces.
Les financements de l'État se limitent actuellement à des opérations « coups de poing » inadaptées à une espèce aussi implantée, et au soutien, via le fonds vert, à des actions ponctuelles mises en oeuvre par des collectivités. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs 2021-2026 vise quant à lui l'objectif minimaliste de « valider des outils de lutte efficaces contre le frelon asiatique et lutter dans un cadre collectif ». À ce jour, aucune indemnisation n'est prévue pour les apiculteurs ayant subi des préjudices du fait de la prédation du frelon asiatique. Face à la détresse du monde apicole, de nombreuses communes ont instauré des aides au piégeage et à la destruction de nids.
II. UN PLAN DE LUTTE CONTRE LE FRELON ASIATIQUE DOTÉ DE MOYENS PROPRES, POUR ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DES ACTIONS DE LUTTE ET ACCOMPAGNER LES ACTEURS
A. UNE ARCHITECTURE NATIONALE ORGANISÉE SELON LE PRINCIPE « L'UNION FAIT LA FORCE »
L'article unique de cette proposition de loi contribue opportunément à définir un cadre législatif de lutte contre le frelon asiatique, à travers l'élaboration d'un plan national, décliné en plans départementaux, afin d'impulser des réponses locales cohérentes et coordonnées avec les objectifs définis au niveau national.
Ce plan se veut une réponse aux lacunes et aux incohérences de l'action publique identifiées par l'ensemble des acteurs : il détermine ainsi des orientations nationales et des indicateurs de suivi, afin d'améliorer le régime de surveillance et de lutte contre le frelon asiatique dans un cadre coordonné, des financements dédiés à la recherche et à la validation de systèmes de piégeage et de protection plus efficaces et un accompagnement des collectivités pour répondre aux enjeux locaux, dans le cadre des plans départementaux.
Ce plan présente l'avantage de fédérer la réponse publique et l'action des acteurs privés face à une espèce dont les efforts ont échoué à endiguer la progression. La commission y voit un gage d'efficacité.
Il prévoit en outre un classement des départements en fonction de l'importance des dégâts causés par le frelon asiatique, dans une logique de proportionnalité de l'action publique.
Pour compléter le dispositif sommital que constitue le plan de lutte, deux dispositifs complémentaires sont prévus :
- une obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques et leur destruction prise en charge par la préfecture de département ;
- un régime indemnitaire forfaitaire ouvert aux apiculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique.
B. UN DISPOSITIF CLARIFIÉ POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE ET LIMITER SON IMPACT SUR LES FINANCES PUBLIQUES
Pour la commission, ce dispositif présente de multiples avantages pour renforcer l'efficacité de l'action publique face à une espèce qui génère d'importantes pressions sur l'apiculture et l'entomofaune. Il est opportun d'activer une réponse publique plus cohérente, co-construite avec les collectivités et les filières concernées.
Animée du souci de réduire l'impact budgétaire des mesures proposées, dans un contexte de dégradation sévère des déficits publics, la commission a souhaité calibrer au plus juste les dispositifs et en limiter les dépenses passives, afin de viser l'efficacité de chaque euro dépensé dans le cadre de la lutte contre le frelon asiatique.
Dans cet esprit, elle a souhaité inclure, à l'initiative du rapporteur, des actions de piégeage sélectif dans le cadre du plan national de lutte, de classer les départements en fonction de la pression de prédation et des dommages causés également aux pollinisateurs sauvages, précieux auxiliaires des filières arboricoles et végétales ( amdt). La commission a par ailleurs prévu la possibilité que des actions de sensibilisation du public puissent être financées ainsi que la recherche de solutions de prévention et de lutte contre la prédation.
La commission a précisé les modalités d'élaboration du plan national et de ses déclinaisons départementales ( amdt et amdt). L'obligation générale à laquelle serait soumis le préfet de faire procéder à la destruction des nids de frelons asiatiques serait remplacé par un régime lui laissant une marge d'appréciation, pour tenir compte du danger pour la santé publique et du cycle de vie du frelon asiatique ( amdt). Le bénéfice du régime indemnitaire serait ouvert aux seuls chefs d'exploitation apicole, dont le revenu repose principalement sur l'exploitation des ruchers et la vente des produits de la ruche ( amdt).
EXAMEN DE L'ARTICLE
Article
unique
Mise en oeuvre d'un plan national et de plans
départementaux
de lutte contre le frelon asiatique
Cet article vise en premier lieu à doter la France d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique, décliné au niveau départemental par le préfet. Il institue par ailleurs, pour tout propriétaire, une obligation de signalement d'un nid de frelons asiatiques et la prise en charge de sa destruction par la préfecture. Il introduit enfin le principe d'une indemnisation proportionnée au préjudice causé par le frelon asiatique pour les apiculteurs exploitant un rucher à des fins commerciales.
La commission a adopté l'article 1er modifié par 6 amendements tendant à préciser le contenu et la portée du plan national de lutte et de ses déclinaisons départementales, favoriser la recherche de systèmes de lutte plus efficaces et sécuriser les mesures proposées, tout en cherchant à réduire l'impact budgétaire du dispositif législatif instauré par ce texte.
I. Une prise de conscience trop tardive des dégâts causés par le frelon asiatique et des outils de lutte qui n'ont pas permis d'enrayer sa progression
A. Le frelon asiatique, une espèce exotique envahissante à très forte capacité d'adaptation et de dispersion
Le frelon asiatique à pattes jaunes, de son nom scientifique Vespa velutina nigrithorax, est un prédateur avéré d'hyménoptères sociaux. L'aire d'origine de l'espèce s'étend au nord de l'Inde (Darjeeling, Sikkim), à l'est du Népal, au Bhoutan et en Chine. Ce frelon est un prédateur généraliste et opportuniste, qui chasse très préférentiellement des espèces qui vivent groupées, essentiellement des abeilles domestiques, des guêpes sociales et des mouches nécrophages et coprophages, mais également d'autres espèces en fonction de leur abondance relative (papillons, araignées, etc.).
Le frelon asiatique capture des insectes pour nourrir ses larves : il en confectionne une boulette riche en protéines qu'il emporte jusqu'au nid. Les adultes ne se nourrissent que de liquides sucrés - miellat, nectar, miel - et mangent à l'automne la chair des fruits mûrs - pommes, prunes et raisins. Pour les arboriculteurs et les viticulteurs, le régime alimentaire du frelon conduit à des préjudices économiques, car les fruits consommés sont impropres à la vente. Dans les territoires fortement infestés, cet impact peut conduire à des baisses de récolte et des manques à gagner.
Depuis son apparition sur le territoire métropolitain, probablement un peu avant 2004 dans le Lot-et-Garonne, le frelon asiatique exerce une pression et une prédation croissantes sur les ruchers, spécialement durant l'été et l'automne. À ces périodes, les colonies d'abeilles sont en effet en régression alors que celles du frelon sont à leur apogée. Le frelon asiatique cible ainsi de manière privilégiée l'abeille domestique, proie facile, vivant en colonies, abondante et ne disposant pas de mécanismes de défense adaptés.
Par son vol stationnaire et insistant à la sortie de la ruche, parfois en grand nombre, le frelon asiatique stresse les abeilles, ce qui conduit ces dernières à assurer moins efficacement les apports de pollen et de nectar nécessaires au développement des générations d'abeilles devant assurer la transition hivernale.
Les dégâts sur les ruches se mesurent ainsi non seulement par le prélèvement direct d'abeilles, par prédation, mais également par l'affaiblissement progressif que leur présence en sortie de ruche induit sur les abeilles, par perturbation du comportement des butineuses qui ne sortent quasiment plus sous l'effet du stress.
Pour les apiculteurs, les impacts de ces prédations sont multiples : disparition de colonies entières, pertes ponctuelles de récolte - c'est-à-dire de revenu principal ou secondaire pour les exploitants concernés -, complexification de l'exercice de l'activité apicole, augmentation du coût de la protection des ruches dans certains territoires, déplacement de ruches pour limiter la pression de prédation, voire cessation d'exploitation de certains apiculteurs amateurs. GDS France estime que 20 % de la mortalité totale des abeilles est liée à la présence du frelon asiatique.
Dans l'exposé des motifs, l'auteur de la proposition de loi estime le préjudice annuel cumulé pour la filière apicole à près de 12 millions d'euros, sans compter les préjudices indirects induits par la destruction des pollinisateurs, qui rendent des services écosystémiques pour l'agriculture et en particulier l'arboriculture.
1) Une espèce exotique envahissante qui s'est établie en un temps record sur l'ensemble du territoire hexagonal
Depuis son introduction en France, l'expansion du frelon asiatique a été très rapide : la carte des départements envahis montre que le front d'invasion progresse en moyenne de 78 km par an, la caractérisant comme une espèce exotique envahissante. Pour mémoire, une espèce exotique envahissante (EEE) est une espèce introduite par l'homme, volontairement ou involontairement, sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle, et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales.
Les hyménoptères sociaux présentent des caractéristiques qui renforcent leurs capacités invasives : ils font preuve d'une grande plasticité phénotypique, qu'il s'agisse de leur taille ou de leur poids, et adaptent leurs stratégies en fonction de la disponibilité des ressources et des variations climatiques. En outre, les colonies de frelons asiatiques sont très résilientes à la prédation et au parasitisme.
Selon l'IPBES3(*), les EEE constituent un des cinq facteurs majeurs du déclin de la biodiversité : en l'espèce, le frelon asiatique contribue à des pertes significatives de population d'abeilles là où il établit ses nids. L'abeille européenne, apis mellifera, n'a développé aucun système de défense face à ce prédateur avec lequel elle n'a pas co-évolué et contre lequel elle n'a, par conséquent, élaboré aucune stratégie de défense.
Le frelon asiatique représente également une menace sérieuse pour les pollinisateurs et les insectes sauvages, qui constituent en moyenne les deux tiers de son bol alimentaire en zones agricoles et naturelles. On estime ainsi qu'un nid de frelons consomme en moyenne 11,32 kg d'insectes en une saison, de mars à octobre. La progression du frelon asiatique constitue une menace sur l'entomofaune dans son ensemble. Le comportement de prédation du frelon plaide, selon la littérature scientifique, pour un impact plutôt limité sur les espèces rares et solitaires, puisqu'il marque une nette préférence pour les insectes sociaux vivant en colonies à forte densité (abeilles, guêpes, mouches, etc.).
Progression du frelon asiatique à pattes jaunes en France et en Europe
Source : Muséum national d'histoire naturelle
Le frelon asiatique, introduit par les échanges qu'implique le commerce international, a désormais colonisé de vastes territoires européens. Cette espèce se caractérise par des capacités d'expansion exceptionnelles : en une dizaine d'années, elle a colonisé la quasi-totalité du territoire métropolitain et en 15 ans, elle a été répertoriée dans neuf autres États européens.
Selon les résultats d'un modèle mathématique de dispersion élaboré en 20184(*), « le frelon asiatique aurait colonisé une grande partie du territoire français, ainsi qu'une partie de l'Espagne, de la Belgique et de l'Allemagne par ses propres capacités de vol et de dispersion, alors que c'est grâce à l'homme, via des transports accidentels, qu'il aurait si rapidement atteint le Portugal, l'Italie, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne ». La plupart des pays d'Europe présentent un risque non négligeable de voir le frelon s'acclimater. Il en est de même de nombreuses autres régions du monde où l'espèce pourrait se maintenir en cas d'introduction accidentelle. Les modélisations indiquent qu'en l'absence de tout traitement « offensif », le frelon asiatique aura colonisé en 2100 l'ensemble du continent européen et pourrait faire la jonction avec l'aire de répartition initiale de l'espèce.
Le suivi de l'espèce est assuré à travers une quête dédiée sur le programme de sciences participatives INPN Espèces5(*), et en régions par des organismes locaux, en général par les organismes à vocation sanitaire. À cette fin, un portail de signalement des nids de frelons asiatiques6(*) a été développé par le Muséum national d'histoire naturelle, avec des fiches signalétiques de l'espèce pour réduire les risques de mauvaise identification.
Les densités de population du frelon asiatique à pattes jaunes fluctuent fortement d'une année sur l'autre, en fonction notamment des conditions climatiques printanières. Selon les organismes à vocation sanitaire entendus par le rapporteur, on estime à plusieurs milliers le nombre de nids par département. À ce jour, certaines régions sont encore faiblement infestées, principalement dans l'Est de la France.
Les modélisations de réchauffement climatique les plus récentes font cependant craindre une densité territoriale plus forte que celle constatée ces dix dernières années. Son aire de répartition continuera de s'étendre et seules les barrières climatiques et topographiques sont actuellement en mesure d'interrompre sa progression.
Dans le cas d'un « scénario pessimiste », si la densité en colonies de frelons était maximale sur l'ensemble du territoire, le Muséum national d'histoire naturelle7(*) estime que la mortalité des ruches pourrait approcher les 30 %, générant des pertes de colonies dont le coût est estimé à environ 30 M€ - étant précisé que cette estimation ne tient compte que de la perte des colonies, pas des produits de la ruche (miel, pollen, gelée royale, etc.).
2) Des réponses insuffisamment coordonnées qui n'ont pas permis d'endiguer la prolifération du frelon asiatique
Pour tenter d'endiguer ce phénomène, le piégeage des spécimens et la destruction de nids de frelons et la gestion des ruchers constituent les réponses locales les plus fréquentes. Nombre d'apiculteurs, réunis dans le cadre de groupements de défense sanitaires apicoles (GDSA), tentent de mettre en place un plan national de piégeage au printemps sur l'ensemble du territoire, avec un succès toutefois limité au regard de la progression continue de l'espèce.
En ce qui concerne les campagnes de piégeage, leur effet sur la réduction du nombre de nids est insuffisamment significatif : seuls 30 à 40 % des nids sont détectés et détruits avant la période de reproduction par les femelles fondatrices. Or, d'après un modèle développé par l'INRA d'Orléans en 2016, il faudrait en détruire plus de 95 % chaque année pendant 7 ans pour espérer diminuer la densité en nids de 50 % seulement... Ces résultats conduisent à être prudent quant aux affirmations selon lesquelles l'intervention humaine pourrait avoir un impact sur les populations.
Depuis 2004, les moyens de lutte et de protection ont été mis en oeuvre en ordre dispersé, sans concertation organisée par l'État. Si l'action publique avait été mise en oeuvre dès la détection de l'espèce, il n'est pas déraisonnable de considérer que le frelon asiatique aurait pu être éradiqué sur le territoire national.
Un rapport conjoint du CGEDD, du CGAAER et de l'IGAS, publié en septembre 20108(*), a proposé une organisation de l'action publique pour faire face à l'arrivée de cette nouvelle espèce, recommandant notamment un pilotage interministériel par le ministre chargé de l'agriculture, l'élaboration d'un plan d'action cohérent et coordonné par l'État chargé d'organiser les relais de la puissance publique sur le territoire. Les auteurs du rapport déplorent que « le nombre important des acteurs et la variété des actions mises en oeuvre donnent un sentiment de confusion d'autant plus que la connaissance de l'État n'a été ni structurée ni cohérente dans son contenu ». Faute de moyens dédiés et malgré la forte mobilisation du monde apicole, ce plan est resté lettre morte et n'a aucunement produit les effets escomptés.
Les scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle et de l'Office français de la biodiversité entendus ont indiqué au rapporteur qu'il était désormais illusoire d'espérer éradiquer le frelon asiatique sur le territoire national : à ce jour, depuis les plus anciennes installations documentées dans les années 50 en Nouvelle-Zélande, aucune guêpe sociale invasive n'a pu être éradiquée dans le monde.
En tout état de cause, l'ancienneté de la présence du frelon asiatique en France, le périmètre colonisé et les dynamiques de propagation de l'espèce plaident pour le déploiement d'actions au long cours, avec des moyens techniques et budgétaires dédiés et une approche territorialisée. Dans la mesure où l'espèce s'est durablement installée sur le territoire national, la stratégie de lutte s'avérera difficile et coûteuse.
B. Des réponses publiques trop timides, qui n'ont pas permis d'endiguer les dégâts causés par le frelon asiatique
Depuis la découverte du frelon asiatique sur le territoire national, plusieurs textes législatifs et réglementaires ont contribué à la formation d'un corpus normatif de lutte contre cette espèce exotique envahissante, tant au niveau européen que national, dans l'objectif de limiter sa diffusion et favoriser sa lutte.
1) Première réponse normative : le classement du frelon asiatique sur la liste des dangers sanitaires
Face à sa prolifération, le frelon asiatique a tout d'abord été classé au niveau national, de 20129(*) à 202210(*), dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille apis mellifera, sur l'ensemble du territoire français. Ce classement impliquait que l'élaboration et le déploiement d'une stratégie nationale de prévention, de surveillance et de lutte vis-à-vis de ce danger sanitaire relevaient de la responsabilité de la filière apicole, l'État n'apportant son appui que sur le plan réglementaire.
L'arrêté du 3 mai 2022, en procédant au déclassement de l'espèce, a retiré le frelon asiatique de la liste des maladies réglementées, conformément à la nouvelle législation européenne dite « loi de santé animale », entrée en application le 21 avril 2021.
La filière apicole peut en revanche décider d'élaborer un programme sanitaire d'intérêt collectif (PSIC) et le faire reconnaître par l'État. Le PSIC vise à favoriser la prévention, la surveillance et la lutte et à mutualiser les moyens et les coûts correspondants. Il peut être porté par une personne morale, représentant plus de 70 % des détenteurs de la zone géographique concernée, ou par l'organisme à vocation sanitaire (OVS) reconnu. Ainsi, le financement des opérations de lutte contre le frelon est essentiellement supporté par les particuliers et les collectivités territoriales, et non par l'État. Les OVS entendus par le rapporteur lui ont indiqué qu'ils étaient engagés dans le déploiement de cet outil pertinent, en déplorant toutefois que l'élaboration d'un PSIC ne conduise pas, de droit, à des financements publics.
Parmi les acteurs venant en appui à la lutte contre le frelon asiatique, mentionnons l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP, aussi dénommé « Institut de l'abeille »). Il s'agit d'un institut technique agricole créé en 2010, dont l'objectif est de concourir au développement de l'apiculture à travers l'expérimentation, la recherche appliquée, l'assistance technico-économique, l'animation, la diffusion et la formation. Son action technique et scientifique participe à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. À ce titre, il bénéficie d'un financement de l'État depuis 2016. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés.
Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier - plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km² autour du rucher à protéger, en tenant compte du cycle biologique du frelon asiatique.
Cycle biologique du frelon asiatique à pattes jaunes en France
Source : Quentin Rome, Muséum national d'histoire naturelle
Le second volet vise à évaluer l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil, hautement toxique, utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons.
Il convient enfin de relever que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine, car il apparaît, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport à d'autres hyménoptères, tels que le frelon européen ou les guêpes.
Selon le Muséum national d'histoire naturelle, en raison de ses effets sur l'apiculture et le ressenti négatif des guêpes en général, le danger que représente le frelon asiatique pour l'homme est très souvent exagéré : il n'est pas plus agressif qu'une abeille et sa piqûre pas plus dangereuse, il n'injecte pas plus de venin, qui n'est ni plus toxique ni plus allergène.
Pour ces raisons, la lutte contre le frelon asiatique est assurée à titre principal par la filière apicole, les organismes à vocation sanitaire et les collectivités territoriales, articulée en trois outils principaux : le piégeage de printemps, la destruction des nids et la réduction du stress des colonies d'abeilles à l'automne. Les acteurs entendus par le rapporteur déplorent unanimement l'absence d'accompagnement et d'implication de l'État face aux dégâts causés par la prédation de cette espèce exotique envahissante.
2) Une stratégie de lutte fondée sur la réglementation des espèces exotiques envahissantes, dont les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux
Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt ainsi à la lutte contre le frelon asiatique, celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE), pilotée par le ministère de la transition écologique. Le frelon asiatique figure en outre depuis le 13 juillet 2016 sur la liste européenne des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union européenne.
La loi du 8 août 201611(*) a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE, codifiées aux articles L. 411-5 et suivants du code de l'environnement.
La stratégie nationale de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, prise sur le fondement de cette législation, offre uniquement un cadre d'action pour coordonner les différents acteurs locaux travaillant sur le sujet des EEE, mais n'est pas dotée de moyens financiers. Il existe cependant des leviers financiers, mais qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité pour 2030, la mesure relative aux espèces exotiques envahissantes n'est dotée que de 16 M€ par an, sachant qu'il existe plus de 2 000 espèces exotiques envahissantes en France, animales et végétales confondues. Les crédits alloués dans le cadre du fonds vert pour l'année 2023, qui comportait une mesure sur les EEE, ont permis de financer un total de plus de 180 dossiers, dont une dizaine concernait le frelon asiatique. Quatre collectivités ont également été financées pour des projets à grande échelle de lutte contre le frelon asiatique, à hauteur de 235 000€12(*).
D'autres mesures législatives complètent le corpus normatif de lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L. 411-6 du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 201813(*) - le frelon asiatique figurant sur cette liste.
Les opérations de lutte sont définies à l'article L. 411-8 du même code. Dès la constatation de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées.
Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est cependant pas pris en charge par l'État. Le secrétariat d'État chargé de l'écologie s'en est justifié en avril 2023, dans une réponse à la question écrite posée par le sénateur Cédric Vial14(*), « au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce ». La destruction des nids reste donc à la charge des particuliers, même si ses coûts sont souvent pris en charge, en tout ou partie, par des financements locaux émanant de collectivités territoriales. Ainsi, en 2023, pour un département comme le Calvados, le soutien des communes et du conseil départemental s'est élevé à plus de 487 000 € pour l'aide à la destruction de nids de frelons asiatiques15(*).
Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026, élaboré conjointement par le ministère de la transition écologique et par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, porte quelques timides mesures relatives au frelon asiatique. Il vise à « valider des outils de lutte efficaces contre le frelon asiatique et [à] lutter dans un cadre collectif16(*) ». Ce plan prévoit notamment un financement de 125 000 € par an au bénéfice du Muséum national d'histoire naturelle et de l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP) pour identifier et valider des outils de lutte efficaces ainsi qu'un accompagnement financier à hauteur de 50 000 € pour l'homologation du dioxyde de souffre en tant que biocide pour traiter les nids de frelons, en raison de son efficacité, son faible coût, sa non-dangerosité pour la faune auxiliaire et sa non-rémanence dans l'environnement.
Plus récemment, en février 2024, les organismes à vocation sanitaire réunis au sein de l'Association française sanitaire et environnementale (AFSE)17(*) ont publié une stratégie et un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes. Les objectifs poursuivis par ce plan portent non seulement sur la protection des ruchers, afin de diminuer la pression de prédation sur les colonies d'abeilles, mais également la protection des populations et de la biodiversité.
Il est encore trop tôt pour évaluer la pertinence de cette stratégie, mais son organisation qui repose sur un comité de pilotage national et des comités régionaux et départementaux est intéressante. Elle favorise la mise en réseau des acteurs et la nécessaire concertation en matière de lutte contre le frelon asiatique. L'AFSE envisage qu'il puisse être reconnu en tant que programme sanitaire d'intérêt collectif (PSIC) par l'État, car à ce stade, ce plan n'associe pas l'État ni les collectivités territoriales et il n'est pas abondé par des financements publics, ce qui limite sa capacité à apporter les réponses adéquates dans des délais raisonnables afin de faire baisser les pressions de prédation. Le concours de l'État permettrait de démultiplier l'intérêt et l'efficacité de cette stratégie nationale.
Au vu des dynamiques de progression du frelon asiatique, force est de constater qu'à ce jour le corpus normatif et les stratégies élaborées n'ont pas permis d'obtenir les résultats espérés. Les réponses publiques aux enjeux écologiques, économiques et de santé publique que pose ce frelon invasif ne sont pas à la hauteur.
Si le frelon asiatique à pattes jaunes constitue l'archétype même d'une espèce que l'on ne sait pas réguler, il est cependant possible de mettre en oeuvre des solutions pour réduire les pressions qu'exerce cet insecte sur la filière apicole, sous réserve de respecter deux conditions : mieux fédérer la mobilisation des acteurs publics et privés et consacrer des financements dédiés.
II. Un plan de lutte contre le frelon asiatique doté de moyens propres, pour accroître l'efficacité des actions de lutte et accompagner les acteurs
L'article unique de cette proposition de loi contribue opportunément à définir un cadre législatif de lutte contre le frelon asiatique, à travers l'élaboration d'un plan national, décliné en plans départementaux, afin d'impulser des réponses locales cohérentes et coordonnées avec les objectifs définis au niveau national. Dans son exposé des motifs, l'auteur du texte indique qu'il « vise à doter la France d'un outil de lutte global, cohérent et efficace ».
Ce plan, qui serait codifié au sein d'un nouvel article L. 411-9-1 du code de l'environnement, vise à remédier aux lacunes et incohérences de l'action publique régulièrement dénoncées par la filière apicole et les élus locaux. Il met en oeuvre un principe d'organisation de l'action qui se vérifie souvent, selon lequel « l'union fait la force ».
Il tire les conséquences de l'échec des actions menées jusqu'à présent de façon isolée, à une échelle inappropriée face aux capacités de dispersion de l'espèce ou dans le cadre de plans d'actions non dotés des moyens adéquats. Les organismes à vocation sanitaire pourraient ainsi capitaliser l'expertise qu'ils ont acquise au cours de l'élaboration de leur stratégie de filière18(*) et en faire bénéficier les porteurs du plan législatif, pour l'élaboration duquel ils seront associés.
Le plan national de lutte contre le frelon asiatique déterminerait des orientations nationales et des indicateurs de suivi, afin d'améliorer le régime de surveillance et de lutte contre le frelon asiatique dans un cadre coordonné, un partage des connaissances scientifiques et une organisation cohérente du piégeage et des destructions, pour maximiser l'efficacité globale et l'impact local de ces mesures. Il prévoit en outre un classement des départements en fonction de l'importance des dégâts causés par le frelon asiatique, dans une logique de proportionnalité de l'action publique.
Il implique également des financements dédiés à la recherche et à la validation de systèmes de piégeage et de protection plus efficaces et un accompagnement des collectivités pour répondre aux enjeux locaux, dans le cadre des plans départementaux. Ce plan présente l'avantage de fédérer la réponse publique et l'action des acteurs privés face à une espèce dont les efforts menés jusqu'ici ont échoué à endiguer la progression et qui fait peser sur la filière apicole une pression croissante, contre laquelle nombre d'apiculteurs sont impuissants.
Pour compléter le dispositif sommital que constitue le plan de lutte, deux dispositifs complémentaires sont prévus :
- une obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques et leur destruction prise en charge par la préfecture de département, codifiée au sein d'un nouvel article L. 411-9-2 du code de l'environnement ;
- un régime indemnitaire forfaitaire ouvert aux apiculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique (article L. 411-9-3 nouveau).
III. Sécuriser les dispositifs mis en oeuvre par le texte, tout en faisant un usage rationnel des deniers publics
Pour la commission, le dispositif proposé présente de multiples avantages pour renforcer l'efficacité de l'action publique face à une espèce qui fait peser des pressions trop fortes sur l'apiculture et l'entomofaune et face à laquelle toutes les actions mises en oeuvre jusqu'à présent ont échoué. La commission, suivant l'avis du rapporteur, a estimé qu'il était opportun d'activer une réponse publique plus cohérente, co-construite avec les collectivités et les filières concernées.
Animée du souci de réduire l'impact budgétaire des mesures proposées, dans un contexte de dégradation sévère des déficits publics, la commission a souhaité calibrer au plus juste les dispositifs et en limiter les dépenses passives, afin de viser l'efficacité de chaque euro dépensé dans le cadre de la lutte contre le frelon asiatique.
Dans cet esprit, elle a souhaité inclure des actions de piégeage sélectif dans le cadre du plan national de lutte, de classer les départements en fonction de la pression de prédation et des dommages causés également aux pollinisateurs sauvages, précieux auxiliaires des filières arboricoles et végétales ( COM-2 du rapporteur). La commission a, par ailleurs, prévu la possibilité que des actions de sensibilisation du public puissent être financées ainsi que la recherche de solutions de prévention et de lutte contre la prédation. Le piégeage de printemps, la protection des ruchers au moyen de muselières et de harpes électriques sont des solutions qui permettent de diluer la pression de prédation à l'échelle du rucher. L'intégration de ces initiatives dans le plan de lutte présente l'avantage de pouvoir coordonner la réponse publique, nationale et locale, aux enjeux et d'optimiser le maillage territorial de la lutte contre le frelon asiatique.
Par l'adoption de plusieurs amendements rédactionnels, la commission a précisé les modalités d'élaboration du plan national et de ses déclinaisons départementales ( COM-3 et COM-4) et a souhaité lever toute ambiguïté quant à l'espèce ciblée par la lutte en précisant qu'il s'agissait du frelon asiatique à pattes jaunes ( COM-1).
L'amendement COM-5 remplace l'obligation générale à laquelle serait soumis le préfet de procéder à la destruction des nids de frelons asiatiques par un régime lui laissant une marge d'appréciation, pour tenir compte du danger pour la santé publique et du cycle de vie du frelon asiatique. En effet, la destruction d'un nid de frelons à la fin de l'automne ne présente pas d'intérêt : la colonie se meurt et les femelles fondatrices ont déjà migré pour hiberner hors du nid secondaire. Il serait dès lors inutile que le préfet fasse procéder à sa destruction.
Le bénéfice du régime indemnitaire serait ouvert aux seuls chefs d'exploitation apicole, dont le revenu repose principalement sur l'exploitation des ruchers et la vente des produits de la ruche ( COM-6). L'économie générale de la proposition de loi repose sur un plan de lutte contre le frelon asiatique, qui met en oeuvre de mesures de protection des ruchers et l'aide à l'acquisition de systèmes de lutte contre la prédation. L'ensemble des apiculteurs bénéficieraient ainsi du dispositif institué par cette proposition de loi et le régime indemnitaire serait en revanche réservé aux apiculteurs dont une part substantielle du revenu découle de l'activité apicole.
La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Désignation du
rapporteur
(Mercredi 6 mars 2024)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens désormais au dernier point de notre ordre du jour avant les questions diverses. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole.
Cette proposition de loi, déposée le 26 février dernier par notre collègue Michel Masset et les membres du groupe RDSE, vise à doter la France d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique, dont l'invasion occasionne des dégâts aux vergers, décime des colonies d'abeilles et génère un grand désarroi de la filière apicole, dont les pertes annuelles sont estimées à près de 20 M€.
Le frelon asiatique est l'archétype même de l'espèce exotique envahissante : arrivée en France il y a environ 20 ans, cette espèce a proliféré et est désormais présente partout en France métropolitaine. Son adaptabilité, son opportunisme et l'absence de prédateurs capables de réguler sa progression sont à l'origine de son développement exponentiel.
Chacun d'entre nous, dans son territoire, a certainement pu échanger avec des apiculteurs désemparés face à cette menace. La stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes ne répond que de façon trop partielle à cette problématique, à travers des opérations « coup de poing » qui ne permettent pas d'endiguer la progression de ce ravageur.
Afin de prévenir plus efficacement les dégâts causés par les frelons asiatiques, cette proposition de loi vise à créer un outil de lutte global et cohérent au niveau national, qui se décline en plans départementaux élaborés par les préfets, instaure une obligation de signaler les nids de frelons asiatiques et acte le principe d'une indemnisation pour les apiculteurs touchés.
En ce qui concerne le calendrier d'examen, le groupe RDSE a demandé l'inscription de cette proposition de loi dans le cadre de son espace réservé du 11 avril prochain. En conséquence, l'examen du rapport et du texte de commission devra intervenir le mercredi 3 avril, dans le cadre de la procédure dite du « gentlemen's agreement ». Le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait, quant à lui, être fixé au lundi 8 avril à midi.
J'ai reçu la candidature de notre collègue Jean-Yves Roux pour être rapporteur de cette proposition de loi.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Examen du rapport
et du texte de la commission
(Mercredi 3 avril 2024)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous en venons maintenant au rapport de Jean-Yves Roux sur la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole. Ce texte a été présenté par notre collègue Michel Masset, dont je salue la présence avec nous ce matin, les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) et plus de vingt sénateurs d'autres groupes politiques.
Je remercie tout d'abord le rapporteur Jean-Yves Roux d'avoir mené un cycle complet d'auditions dans un délai, comme toujours, assez contraint et de son investissement pour assurer l'information de la commission.
L'examen de cette proposition de loi intervient vingt ans après la première détection du frelon asiatique à pattes jaunes sur notre territoire, vingt années durant lesquelles cette espèce n'a cessé de proliférer sans qu'une politique cohérente, efficace et globale ne permette de réduire l'ampleur de ce fléau, dont le secteur apicole est l'une des premières victimes.
Ce texte n'est pas le premier à être déposé au Sénat : je mentionnerai notamment la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy, déposée en 2011, et le texte élaboré par notre collègue Kristina Pluchet en février 2023, qui nous rappelait déjà l'importance de prendre des mesures rapides.
Alors que, avec l'arrivée du printemps, le frelon asiatique se rappelle à notre bon souvenir, puisque les femelles fondatrices sortent de leur hibernation pour reconstituer les nids, il nous revient d'étudier l'article unique de cette proposition de loi qui servira de cadre législatif à la définition d'une politique ambitieuse de lutte contre cette espèce exotique envahissante.
Cette politique s'organisera autour de deux axes : tout d'abord, la définition d'un plan national de lutte contre le frelon asiatique ainsi que sa déclinaison au niveau départemental afin de fixer les objectifs et les moyens à mettre en oeuvre ; ensuite, la création d'un régime de déclaration des nids et d'indemnisation des dommages au secteur apicole imputables à cette espèce.
Cette proposition de loi sénatoriale est inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat au sein d'un espace réservé au groupe du RDSE. Dans ce cadre, je vous rappelle que le gentlemen's agreement s'applique, dans l'objectif de préserver l'initiative sénatoriale. Aussi, les groupes minoritaires ou d'opposition ont le droit à l'examen, jusqu'à leur terme, des textes dont ils sont les auteurs et qui sont inscrits dans leur espace réservé. Sauf accord du groupe à l'origine de la demande d'inscription à l'ordre du jour, la commission ne peut donc modifier le texte de la proposition de loi et, à défaut, elle peut seulement ne pas l'adopter pour permettre son examen article par article en séance publique. En outre, la commission et les sénateurs s'abstiennent de déposer des motions.
Je vous rappelle que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au lundi 8 avril prochain à 12 heures et que la commission se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 10 avril prochain à 9 heures. L'examen en séance publique aura lieu le matin du jeudi 11 avril.
M. Michel Masset, auteur de la proposition de loi. - Je vous remercie de m'avoir invité au sein de votre commission pour vous présenter mon texte. À titre liminaire, je souhaite saluer les travaux de nombreux parlementaires, députés et sénateurs, qui ont précédé ce travail. Je pense à Kristina Pluchet qui a déposé l'année dernière une proposition de loi en ce sens, ou à Nicole Bonnefoy. J'aimerais également remercier les nombreux collègues, toutes tendances politiques confondues, qui ont soutenu ce texte en le cosignant.
En ce moment même, c'est la période de nidification des frelons asiatiques. Ils sont désormais présents sur tout le territoire national, mais également dans les pays voisins, et c'est malheureusement dans mon département, le Lot-et-Garonne, que l'invasion a commencé il y a vingt ans. Sans ressentir de culpabilité, je ne peux m'empêcher de trouver une certaine cohérence à ce que ce soit un sénateur issu de ce département qui porte aujourd'hui ce texte devant vous.
Vous connaissez les enjeux et les conséquences de la présence de cette espèce invasive dans nos territoires. En tant qu'élus municipaux ou départementaux, nous avons tous été confrontés à des citoyens démunis face ce fléau. J'aimerais revenir sur trois enjeux qui, selon moi, sous-tendent ce sujet.
Le premier enjeu, sûrement le plus évident, est sanitaire. En effet, la pression du frelon va grandissante et les nids ne sont plus seulement à la cime des arbres en pleine forêt. On en retrouve aujourd'hui dans les cours d'école, à proximité des lieux accueillant du public, dans les charpentes, dans les buissons, dans les abris de jardin, etc. Or, on le sait, la piqûre du frelon peut être très dangereuse, si elle est répétée, voire mortelle pour les personnes allergiques ou pour les enfants. Ainsi, il devient indispensable d'avoir une véritable politique publique pour préserver la sécurité des personnes et le bien-vivre.
Le deuxième enjeu est, bien sûr, environnemental. Le frelon asiatique est un prédateur des pollinisateurs et notamment un des responsables de la mortalité des abeilles. C'est une véritable problématique pour la pollinisation à double titre : pour l'ensemble de la biodiversité, mais aussi pour l'agriculture. Les abeilles sont responsables de 80 % de la pollinisation nécessaire au maintien et au développement de la production agricole, notamment arboricole. Il est urgent de protéger les abeilles pour préserver les services écosystémiques immenses qu'elles rendent.
Enfin, le troisième enjeu est économique. D'une part, le chiffrage de la production alimentaire qui dépend de l'action des insectes pollinisateurs s'élève à plusieurs milliards d'euros par an. D'autre part, c'est le deuxième volet de ma proposition de loi, les conséquences du frelon asiatique sur la filière apicole sont très importantes. Les frelons déciment les ruches et stressent les abeilles, ce qui conduit à la diminution de la production de miel. La perte de chiffre d'affaires pour la filière apicole est estimée à 12 millions d'euros par an, soit près de 14 % du chiffre d'affaires global du secteur. Or les apiculteurs connaissent déjà une période de morosité économique sans précédent, subissant la baisse du pouvoir d'achat et la concurrence déloyale des miels importés, de Chine ou d'Europe de l'Est, souvent frauduleux.
Face à ces enjeux, quelle position l'État a-t-il prise depuis le début de l'invasion ? De l'aveu même du Gouvernement, la problématique est trop large pour être prise en charge uniquement par l'État. Cela nous questionne véritablement sur l'intérêt d'un travail collectif. Ne prend-on pas des mesures d'indemnisation pour les éleveurs dont le cheptel est victime de la prédation du loup ? Ne prend-on pas des mesures d'indemnisation pour les dégâts causés par le gibier ? La place de l'État doit être la même face au frelon : l'organisation de la prévention, de la protection et de la mutualisation des risques par l'indemnisation. Tel est l'objet de la présente loi.
Loin de faire de l'État le seul comptable des politiques de lutte contre les conséquences délétères du frelon asiatique, le texte prévoit d'en faire un pilote pour mettre en cohérence les actions. De nombreuses collectivités territoriales ont tracé le chemin en mettant en oeuvre de véritables politiques de lutte. Je pense au Calvados, à la Charente ou encore à la Gironde, tant de départements sursollicités par les particuliers et les professionnels. Les maires sont aussi, souvent, en première ligne face à ce danger. Avec les départements, ils financent régulièrement des destructions de nids ou des opérations de prévention. Mais ces investissements demeurent insuffisants par manque de coordination, notamment entre les territoires voisins. Le frelon ne se soucie pas des frontières administratives, comme vous le savez.
Il faut soutenir ces initiatives, notamment en participant à leur financement. Certains organismes à vocation sanitaire tentent également de mettre en place des outils de protection des ruches, mais ces initiatives ne sont pas ou peu soutenues. Enfin, c'est par le nécessaire financement de la recherche sur l'espèce que nous parviendrons à améliorer l'efficacité de nos outils ou de nos techniques de lutte tout en veillant à ce que leur impact sur le reste de la biodiversité soit minime. Ce travail est d'autant plus nécessaire au vu de l'apparition du frelon oriental et du frelon vespa mandarinia. Voilà ce qui m'a conduit à déposer ce texte. Je me réjouis qu'il soit examiné par notre chambre. Il était temps d'en parler, vingt ans après !
Je crois que l'adoption de ce texte nous permettra, à l'avenir, d'évaluer notre capacité à répondre à l'invasion d'autres espèces. J'ai toute confiance dans le travail de votre commission pour avancer collectivement sur ce texte, aussi bien ici qu'en séance pour répondre à la vraie détresse exprimée par nos territoires face à ce redoutable prédateur, et pas seulement les territoires ruraux.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - J'ai le plaisir de vous présenter mon rapport sur la proposition de loi de notre collègue Michel Masset visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole. Mon propos condense et synthétise les informations recueillies au terme d'une dizaine d'auditions, qui m'ont permis d'entendre près d'une trentaine d'intervenants, les acteurs de la filière apicole bien entendu, mais aussi des élus locaux, des scientifiques et experts du Muséum national d'histoire naturelle et de l'Office français de la biodiversité (OFB), les chambres d'agriculture, sans oublier des échanges avec les apiculteurs de mon département des Alpes de Haute-Provence et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), où le miel et ses produits dérivés constituent un marqueur fort du savoir-faire territorial.
Ces auditions ont mis en évidence plusieurs constats, largement partagés par les acteurs et la littérature scientifique. Tout d'abord, la réponse publique face aux menaces et à la progression du frelon asiatique a manqué de cohérence, de moyens et n'a pas répondu aux attentes des territoires et des apiculteurs face à ce redoutable prédateur de l'abeille domestique et de l'entomofaune. Ensuite, l'État a pris trop tardivement la mesure de la progression de cette espèce exotique envahissante et des préjudices qu'elle cause à la filière apicole, à l'arboriculture et à la biodiversité. En outre, les mesures réglementaires ont manqué d'ambition, d'agilité et d'efficacité. Enfin, la lutte contre le frelon asiatique s'est organisée en ordre dispersé, avec un soutien notoirement insuffisant de l'État, par les apiculteurs eux-mêmes, qui ont tenté d'atténuer les dégâts causés aux ruchers au travers de leurs structures syndicales et des organismes à vocation sanitaire, bien souvent aidés par l'accompagnement volontariste des collectivités territoriales.
Ce manque de cohérence en matière de lutte contre l'invasion du frelon asiatique a contribué à l'échec et à l'impuissance collective face à la progression du front de colonisation de cette espèce, dont les capacités de dispersion ont été évaluées pour la France à 78 kilomètres par an depuis sa détection en 2004 dans le Lot-et-Garonne.
Vingt ans à peine après sa détection, le frelon asiatique a colonisé l'ensemble du territoire national et est désormais une espèce endémique dont il est devenu illusoire d'espérer l'éradication. Les apiculteurs sont désemparés face à cette pression supplémentaire pesant sur leur activité, l'État est aux abonnés absents en matière d'indemnisation, les assureurs refusent de couvrir ce type de risque et les collectivités territoriales en sont réduites à colmater les brèches en tentant de pallier les défaillances du système assurantiel.
Sans entrer dans une description d'entomologiste, je me contenterai de présenter les principales caractéristiques du frelon asiatique à pattes jaunes. Il s'agit d'une espèce exotique envahissante, originaire d'Asie, qui s'est implantée en France en raison des flux commerciaux internationaux, à partir d'une seule femelle. Espèce opportuniste et très résiliente aux parasites, elle n'a rencontré aucune concurrence ni aucun prédateur sur son segment écologique. Les conditions climatiques ont favorisé son invasion du territoire national, d'autant que cette espèce se caractérise par de fortes capacités de dispersion. Son bol alimentaire est composé d'environ un tiers d'abeilles domestiques, le reste consistant en des pollinisateurs sauvages et des insectes sociaux. L'abeille européenne, n'ayant pas co-évolué avec le frelon asiatique, n'a développé aucune technique de défense pour se protéger des prédations.
Aujourd'hui, neuf pays européens sont, à des degrés divers, infestés par le frelon asiatique. Les seules barrières qu'il rencontre sont d'ordre climatique et topographique : on ne le retrouve pas au-delà d'une certaine altitude, estimée à 1 300 ou 1 400 mètres, et en deçà d'une certaine température. Les techniques de piégeage et de lutte ont jusqu'à présent échoué à réduire les pressions de prédation et à endiguer sa prolifération. Environ 20 % de la mortalité totale des abeilles est imputable au frelon asiatique, entraînant un manque à gagner pour la filière apicole estimé à 12 millions d'euros par an et des pertes indirectes bien supérieures, difficiles à estimer faute d'organismes pour assurer ce suivi. Voilà dressé le portrait-robot de ce prédateur d'abeilles et de pollinisateurs auxiliaires de culture.
Quelle a été la réponse publique face à ce fléau noir et jaune ? Le frelon asiatique a été classé de 2012 à 2022 sur la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille domestique, mais il a été déclassé pour mise en conformité avec la réglementation européenne concernant la santé animale. Aujourd'hui, le frelon asiatique fait l'objet d'une réglementation au titre des espèces exotiques envahissantes, mais la lutte n'est pas obligatoire et aucun régime indemnitaire n'est prévu dans ce cadre : l'État n'accompagne pas les apiculteurs au regard des dégâts causés par le frelon asiatique. J'y vois là une lacune de premier plan. Le mérite de cette proposition de loi est de contribuer à définir un cadre législatif de lutte contre cette espèce envahissante, avec des objectifs, des modalités, des financements dédiés et une organisation territoriale pour coordonner les actions afin de réduire les pressions exercées par les frelons asiatiques.
Le dispositif proposé présente plusieurs avantages. Il organise de manière cohérente et concertée la lutte contre cette espèce, qui occasionne des dégâts significatifs à notre agriculture - apiculture, arboriculture et toutes les espèces végétales dont la croissance est assurée par des pollinisateurs -, en plaçant l'État au centre du jeu, en associant les collectivités, les acteurs et les filières, afin de coordonner les méthodes de lutte qui ont fait la preuve de leur efficacité : piégeage de printemps, destruction des nids et protection des ruches.
Il apporte également une réponse volontariste à la détresse des apiculteurs, qui désespéraient de ne rien voir venir. L'élaboration d'un plan dédié constitue une avancée par rapport à la lutte qui s'articule dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Du fait de la dilution des moyens pour lutter contre les autres espèces exotiques envahissantes - il en existe plus de 2 000 rien qu'en France ! -, seulement une dizaine d'opérations coups de poing ont concerné le frelon asiatique. Quand on sait que l'Europe continentale consacre 12,5 milliards d'euros par an pour réparer les dommages causés par les invasions biologiques et qu'un département français fait face en moyenne à l'installation de cinq nouvelles espèces envahissantes tous les dix ans, l'action n'est pas une option, mais une nécessité.
Ce dispositif constitue en outre la première brique d'une réponse publique plus cohérente, mieux dimensionnée et territorialisée contre le frelon asiatique, en associant tous les acteurs sous l'égide de l'État et de son représentant dans les départements. L'article 40 de la Constitution encadre notre capacité à allouer à cette stratégie les financements qui lui permettraient de répondre aux enjeux, mais j'ai bon espoir que le Gouvernement s'appuie sur la sagesse du Sénat et se range à l'idée que je propose d'un fonds dédié au financement des actions du plan national de lutte. Participeraient au financement de ce fonds l'État, les collectivités territoriales, la profession apicole, les organismes à vocation sanitaire, pour mutualiser et fédérer des financements aujourd'hui épars afin d'optimiser l'efficacité de chaque euro dépensé dans ce cadre. Cette évolution pourrait être proposée d'ici à la séance publique.
Mes auditions ont mis en lumière la nécessité de procéder à quelques modifications législatives par amendement, pour améliorer la lisibilité et la clarté du dispositif et préciser des axes qui ne figuraient pas dans le texte initial, que je vous présenterai tout à l'heure, avec l'accord de l'auteur du texte bien sûr, conformément à la procédure du gentlemen's agreement.
En conclusion, je vous propose d'adopter cette proposition de loi, sous le bénéfice de l'adoption de six amendements que je vous présenterai. Ce texte répond aux attentes de la filière, après plus d'une décennie d'atermoiements et un engagement trop timide de la part de l'État. Je ne vous cache pas que ce texte arrive un peu tard quand on analyse la carte de France de l'invasion par le frelon asiatique, mais, comme le dit l'adage, mieux vaut tard que jamais.
La lutte ne sera pas aisée, l'éradication de l'espèce n'est pas un horizon réaliste, mais cette première réponse constitue un signal politique fort et redonnera confiance aux acteurs qui luttent contre cette espèce envahissante de façon isolée, avec un plan qui s'appuiera sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, articulera et coordonnera les méthodes de lutte - piégeage, destruction de nids et protection des ruchers - afin d'accompagner la filière apicole et tous les acteurs dont le revenu dépend, à un titre ou un autre, des services écosystémiques rendus par les pollinisateurs.
M. Guillaume Chevrollier. - Cette proposition de loi touche un sujet important pour nos territoires ruraux et la biodiversité de façon générale. Comment ce nouveau texte s'articulera-t-il avec le plan national de lutte contre le frelon asiatique, récemment adopté par l'ensemble des organismes à vocation sanitaire ? Nous veillons à ne pas alourdir les strates administratives et à simplifier la vie de nos compatriotes pour plus d'efficacité. De nombreux acteurs sont déjà mobilisés sur le terrain sur le sujet. Je pense notamment au réseau Polleniz. Quel impact le texte pourrait-il avoir sur ces acteurs, qui ont fait la preuve de leur efficacité ?
Vous proposez que le préfet organise les destructions des nids déclarés. Que deviendront les professionnels qui interviennent aujourd'hui sur ce point ? Les filières organisées risquent-elles de se trouver déstructurées par l'organisation de marchés publics ?
Mme Nicole Bonnefoy. - Cette proposition de loi a le mérite d'aborder un sujet vieux d'une vingtaine d'années. Comme cela a été rappelé, j'avais déposé une proposition de loi en 2011 tendant à créer un fonds de prévention contre la prolifération du frelon asiatique.
Nous sommes nombreux à avoir interpellé le Gouvernement à ce sujet. En janvier dernier j'ai moi-même questionné le ministère de la transition écologique sur l'absence de stratégie nationale contre le frelon asiatique. Le Gouvernement s'est défaussé sur des études au long cours et sur les financements des collectivités territoriales. Ces dernières tentent de mettre en oeuvre des aides parfois substantielles pour venir en aide aux particuliers confrontés à cette nuisance. Dans mon département, la Charente, en lien avec le sénateur et président du conseil départemental de l'époque, Michel Boutant, nous avions lancé en 2012 un plan de lutte contre le frelon asiatique, qui avait donné des résultats. Toutefois, il faut une lutte égale partout sur le territoire national, pour une réelle efficacité.
Même si l'espèce a fait souche, la situation actuelle n'est pas acceptable. Il faut soutenir le volontarisme des collectivités territoriales et le mettre en cohérence avec une stratégie nationale. L'incurie de l'État a permis au frelon asiatique de se propager jusqu'au Portugal et en Allemagne. La politique de l'autruche doit enfin cesser. Saisissons l'opportunité de ce texte pour répondre à cet enjeu, organiser les bonnes volontés et apporter des solutions pratiques au problème, et ce pour les apiculteurs et les particuliers.
Notre groupe n'a pas déposé d'amendements conformément au gentlemen's agreement. Nous voterons la plupart des amendements du rapporteur, mais nous nous abstiendrons sur les amendements COM-5 et COM-6.
M. Ronan Dantec. - Cette proposition de loi soulève deux questions importantes. Tout d'abord, au vu de l'importance de la filière apicole en France, pourquoi ne pas nous mobiliser, au-delà du frelon asiatique, sur les autres causes de disparition des abeilles comme l'utilisation des néonicotinoïdes ?
Ensuite, le frelon asiatique prolifère depuis vingt ans. Ce n'est pas la première fois que l'État met ainsi un temps considérable à réagir. Ainsi, alors que la plante envahissante qu'est la jussie commençait à poser d'importants problèmes pour la gestion des espaces humides, elle était encore en vente dans les jardineries.
Une véritable stratégie est-elle déployée contre les espèces invasives, qui sont l'une des cinq causes de disparition de la biodiversité ? Pourquoi l'État met-il ainsi des années à réagir ?
Au-delà de ce texte qui va dans le bon sens, nous devons interpeller l'État sur la lenteur de ses réactions face aux espèces invasives, d'autant que ces dernières proliféreront à la faveur du réchauffement climatique dans les trente à quarante prochaines années. Nous devrons alors faire le tri entre certaines espèces aux impacts négatifs forts et d'autres qui seraient liées à l'adaptation des écosystèmes. Il y a une réflexion à approfondir sur ce point. Quoi qu'il en soit, l'incurie de l'État face au frelon asiatique doit être dénoncée.
La lutte contre cette espèce ne peut être la responsabilité des collectivités territoriales, le frelon asiatique ne connaissant pas les frontières départementales ou nationales. Une coordination européenne pourrait d'ailleurs être bienvenue à ce sujet. Cette proposition de loi constitue donc une première étape.
Une fois que l'espèce est installée et que nous luttons contre sa prolifération, nous devons faire attention aux conséquences potentielles de cette lutte sur d'autres espèces d'abeilles sauvages ou d'hyménoptères. L'amendement du rapporteur qui soulève ce point est bienvenu.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Les enjeux liés à la prolifération du frelon asiatique sont bien mis en exergue dans ce texte, que nous approuvons et que je regrette de ne pas avoir cosigné : enjeu sanitaire, enjeu environnemental et agricole et enjeu économique. La perte de chiffre d'affaires pour la filière apicole est estimée à 12 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.
Ce frelon est présent en France, en Espagne, au Portugal et en Belgique. Chaque nid produit mille nouvelles fondatrices ! C'est une véritable invasion.
Nos abeilles n'ont aucun système de défense. A contrario, celles d'Asie ont compris que le frelon asiatique ne résistait pas à des températures de 45 degrés alors qu'elles-mêmes pouvaient survivre par 50 degrés. Elles font donc cercle autour de lui, battent des ailes jusqu'à augmenter la température et le tuer par hyperthermie. Nos abeilles apprendront peut-être à faire de même.
Le texte prévoit l'accompagnement financier des collectivités territoriales par l'État ainsi que l'indemnisation des dommages causés aux apiculteurs, mais il reste un peu flou sur les modalités de mise en oeuvre de ces principes. Pourrez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Mme Kristina Pluchet. - Nous avons essayé d'élaborer le texte le plus efficace et le plus abouti possible pour lutter contre le frelon asiatique, en prenant en compte des données scientifiques, mais aussi les initiatives des acteurs de terrain qui ont instauré parfois des piégeages efficaces.
Le frelon asiatique concerne par ailleurs toute une chaîne, outre la filière apicole : les productions maraîchères, l'arboriculture, et plus largement toute l'entomofaune. Une colonie de frelons consomme environ 11 kilos d'insectes, ce qui affecte la pollinisation. Cela fait en outre moins d'insectes pour les oiseaux.
Ce texte est abouti et bienvenu. Nous appelons à voter en sa faveur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Nous nous sommes appuyés sur le plan national de lutte contre le frelon asiatique pour le décliner au niveau départemental. Certaines collectivités territoriales financent parfois le piégeage, mais de façon dispersée. Nous proposons de rationaliser ces initiatives, par l'intermédiaire d'un fonds dédié.
Le texte ne changera rien pour les sociétés privées qui se chargent de détruire les nids de frelons. Les collectivités territoriales appellent indistinctement les sapeurs-pompiers ou des entreprises privées pour intervenir sur le domaine public. Le fonds que nous proposons devra inclure tous les participants à la lutte contre le frelon.
Nous avons travaillé cette proposition de loi avec les apiculteurs et les associations de défense des abeilles, qui y sont très favorables. Ce texte est transpartisan. Nous constatons que l'État aurait dû anticiper davantage ce problème. Nous avons expliqué au Gouvernement que d'autres frelons, comme le frelon oriental, risquaient d'arriver, par exemple dans le sud de la France. Nous espérons que l'État anticipera davantage leur arrivée.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de recevabilité des amendements inclue des dispositions relatives aux objectifs, aux modalités et à l'organisation nationale et territoriale de la lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes ; à la surveillance, la déclaration et la destruction des nids de frelons ; au régime d'indemnisation des apiculteurs dont les ruchers ont subi des pertes imputables au frelon asiatique à pattes jaunes et aux aides à l'acquisition de techniques de prévention et de lutte contre cette espèce exotique envahissante.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à préciser, pour lever toute ambiguïté, que l'espèce ciblée par le plan de lutte prévu par la proposition de loi est le frelon asiatique à pattes jaunes, vespa velutina nigrithorax.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-2 tend à préciser le contenu et la portée du plan national de lutte contre le frelon asiatique, pour axer la recherche sur la connaissance du frelon asiatique et sur des systèmes de piégeage plus sélectifs, pour accentuer l'information du public et soutenir l'acquisition de moyens de lutte au niveau du rucher.
L'amendement COM-7 vise les dégâts directs et indirects causés par le frelon asiatique pour opérer le classement des départements. Il est satisfait par la rédaction que je propose, car l'amendement COM-2 englobe les dommages aux ruchers et aux pollinisateurs sauvages. À ce propos, je voudrais saluer la qualité des échanges que nous avons eus avec notre collègue Kristina Pluchet. Je partage notamment sa mise en garde sur le fait qu'il ne faut pas réduire la lutte contre le frelon à son volet apicole, mais intégrer également son impact sur l'entomofaune. Je demande donc le retrait de l'amendement COM-7 pour maintenir la cohérence du dispositif proposé. Je demande également le retrait de l'amendement COM-8 rectifié.
Mme Kristina Pluchet. - Il faut citer l'ensemble des dégâts causés par le frelon asiatique. C'est toute une chaîne qui est concernée, associant notamment les productions maraîchère et arboricole. La mention « dégâts directs et indirects » me semble plus précise à cet égard. Si les abeilles disparaissent, un tiers du contenu de nos assiettes risque de disparaître avec elles.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Il est déjà difficile de déterminer les dégâts « indirects » causés par le frelon, la causalité sera malaisée à établir. La disposition proposée me semble donc peu applicable. Par ailleurs, l'amendement COM-2 insiste sur le rôle des départements dans la lutte contre le frelon asiatique et sa rédaction souligne l'impact de ce dernier sur l'ensemble de la biodiversité et non sur les seules abeilles. Nous pourrons retravailler ensemble sur ce point.
Mme Kristina Pluchet. - On a trop souvent tendance à considérer que ce problème ne touche que la filière apicole. En fait, c'est toute une chaîne qui est affectée.
M. Jean-François Longeot, président. - Vous pourrez redéposer votre amendement en séance publique après l'avoir retravaillé.
L'amendement COM-7 est retiré. L'amendement COM-2 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-3 a pour objet de préciser les modalités de concertation et d'élaboration du plan national de lutte contre le frelon asiatique.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-4 précise les modalités d'élaboration du plan départemental et son articulation avec le plan national de lutte contre le frelon asiatique.
L'amendement COM-4 est adopté.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-5 tend à remplacer l'obligation générale faite au préfet de procéder à la destruction des nids de frelons asiatiques qui lui sont signalés par un régime lui laissant une marge d'appréciation, en tenant compte du danger qu'il comporte pour la santé publique et du cycle de vie du frelon.
M. Ronan Dantec. - Cet amendement donne le sentiment que l'État pourra toujours trouver une raison de ne pas agir. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Il est ici question d'une période déterminée. Après le mois d'octobre, il n'y a plus de frelons dans les nids, il est donc inutile de les détruire, d'autant plus que cette espèce ne recolonise pas les anciens nids. Il faut agir surtout au printemps.
L'amendement COM-5 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Qu'en est-il de l'amendement COM-8 rectifié ?
Mme Kristina Pluchet. - Mettre du piégeage sélectif n'importe où, n'importe comment, est inutile. Il faut positionner ces outils au bon endroit et au bon moment, pour gagner en efficacité. L'idée de cet amendement est d'insérer le mot « techniques » à l'alinéa 5 de l'article unique pour piéger le mieux possible le frelon asiatique.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-2 répond à cette préoccupation, d'où ma demande de retrait. Toutefois, nous pourrons envisager une évolution rédactionnelle d'ici la séance publique.
L'amendement COM-8 rectifié est retiré.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à préciser le régime d'indemnisation des apiculteurs en raison des préjudices causés au rucher par la prédation du frelon asiatique. Seraient éligibles les chefs d'exploitation apicole, dont une part significative de l'activité repose sur la vente des produits de la ruche et l'exploitation des ruchers.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article unique |
|||
Auteur |
N° |
Objet de l'amendement |
Sort de l'amendement |
M. ROUX, rapporteur |
1 |
rédactionnel précisant l'espèce ciblée |
Adopté |
M. ROUX, rapporteur |
2 |
précision du contenu et de la portée du plan national de lutte contre le frelon asiatique |
Adopté |
Mme PLUCHET |
7 |
précision de la notion de dégâts à retenir pour opérer le classement des départements |
Retiré |
Mme PLUCHET |
8 rect. |
précision selon laquelle le plan national contribue à l'évaluation et à la diffusion d'outils de lutte efficaces contre la prédation du frelon |
Retiré |
M. ROUX, rapporteur |
3 |
précision des modalités de concertation et d'élaboration du plan national de lutte contre le frelon asiatique |
Adopté |
M. ROUX, rapporteur |
4 |
précision des modalités d'élaboration du plan départemental et son articulation avec le plan national |
Adopté |
M. ROUX, rapporteur |
5 |
possibilité pour le préfet d'apprécier les mesures à prendre en cas de signalement d'un nid de frelons asiatiques |
Adopté |
M. ROUX, rapporteur |
6 |
précision du régime d'indemnisation des chefs d'exploitation apicole en cas de préjudice économique imputable au frelon asiatique |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie19(*) ».
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie20(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte21(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial22(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a arrêté, lors de sa réunion du 3 avril 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 359 (2023-2024) visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole.
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :
- aux objectifs, aux modalités et à l'organisation nationale et territoriale de la lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes ;
- à la surveillance, la déclaration et la destruction des nids de frelons ;
- au régime d'indemnisation des apiculteurs dont les ruchers ont subi des pertes imputables au frelon asiatique à pattes jaunes et aux aides à l'acquisition de techniques de prévention et de lutte contre cette espèce exotique envahissante.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 12 mars 2024
- Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et Office français de la biodiversité (OFB) : MM. Quentin ROME, responsable « Frelon asiatique et Hyménoptères », responsable scientifique collections Formicidae et Vespidae, PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD), Frédéric JIGUET, professeur au Museum national d'histoire naturelle et directeur du centre de recherche sur la biologie des populations d'oiseaux et Benoît PISANU, chargé de mission sur l'écologie et la gestion des espèces exotiques envahissantes.
Mardi 19 mars 2024
- Table ronde d'associations représentatives de l'apiculture : Syndicat national d'apiculture (SNA) et Union nationale de l'apiculture française (UNAF)
. SNA : M. Franck ALÉTRU, président,
. UNAF : M. Christian PONS, président, Mme Yaël SERFATY, directrice et M. Patrick GRANZIERA, administrateur.
- Chambres d'agriculture France : M. Luc SERVANT, vice-président et président de la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, Mme Mylène HAMON, chargée de mission biodiversité et M. Étienne DUCROQUET, chargé affaires publiques.
- Table ronde Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et Association des maires ruraux de France (AMRF) :
. AMF : Mmes Sylviane OBERLÉ, chargé de mission Prévention des pollutions et Élodie VIN, assistante - mission Relations avec le Parlement,
. AMRF : M. Guy CLUA, président du conseil scientifique, vice-président de l'Association des Maires Ruraux du Lot-et-Garonne
Mercredi 20 mars 2024
- Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : Mme Marie-Laure MÉTAYER, adjointe à la directrice de l'eau et de la biodiversité.
- Table ronde Institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation (ITSAP) et Fédération nationale du réseau de développement apicole (ADA)
. ITSAP : MM. Sylvain LAFARGE, président, Axel DECOURTYE, directeur et Mme Candice LAROCHE, conseillère en apiculture,
. ADA France : M. Ivan BRONCARD, président et Mme Élodie COLOMBO, directrice.
Mardi 26 mars 2024
- Table ronde avec l'Interprofession des produits de la ruche (Interapi) et les organismes à vocation sanitaire (GDS France et Fredon) :
. Interapi : M. Éric LELONG, président et Mme Christelle HIE, fondatrice de l'Interprofession des produits de la ruche,
. GDS France (organisme à vocation sanitaire dans le domaine animal) : M. Gwenaël DELAMARCHE, Bee Keeper - Les Ruchers Delamarche,
. Fredon France (organisme à vocation sanitaire dans le domaine végétal) : MM. David PHILIPPART, directeur et Pierre CHEZALVIEL, vice-président FREDON Nouvelle Aquitaine.
Jeudi 28 mars 2024
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire - Direction générale de l'alimentation : M. Pierre AUBERT, chef du service des actions sanitaires et Mme Karen BUCHER, adjointe à la sous-directrice de la santé et du bien-être animal.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/tableau-historique/ppl23-359.html
* 1 Frelon asiatique - Arrivée d'une nouvelle espèce, proposition d'organisation de l'action publique, rapport du CGEDD, de l'IGAS et du CGAAER, par Dominique Dodu, Olivier Gondran, Roland Moreau et Jean Lessirard.
* 2 Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation, créé en 2010.
* 3 Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques
* 4 C. Robinet, E. Darrouzet, C. Suppo, Spread modelling: a suitable tool to explore the role of human-mediated dispersal in the range expansion of the yellow-legged hornet in Europe. International Journal of Pest Management. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09670874.2018.1484529
* 5 Inventaire national du patrimoine naturel
* 6 https://frelonasiatique.mnhn.fr/signaler-informations/
* 7 Réponses de Quentin Rome au questionnaire envoyé par le rapporteur
* 8 Frelon asiatique - Arrivée d'une nouvelle espèce, proposition d'organisation de l'action publique, rapport du Conseil général de l'Environnement et du Développement durable, de l'Inspection générale des Affaires sociales et du Conseil général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces ruraux, par Dominique Dodu, Olivier Gondran, Roland Moreau et Jean Lessirard https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/114000087.pdf
* 9 Arrêté du 26 décembre 2012 relatif au classement dans la liste des dangers sanitaires du frelon asiatique ( https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026844543)
* 10 Arrêté du 3 mai 2022 listant les maladies animales réglementées d'intérêt national en application de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime ( https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045753312)
* 11 Loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
* 12 Source : réponse au questionnaire envoyé par le rapporteur à la direction de l'eau et de la biodiversité.
* 13 Arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l'introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain ( https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000036629851/)
* 14 https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230305618.html
* 15 Source : UNAF 14, indications fournies à l'auteur de la proposition de loi.
* 16 Action 4-4-4.
* 17 GDS France et Fredon France, fédérations nationales des organismes à vocation sanitaire respectivement dans le domaine animal et végétal.
* 18 Stratégie et plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes, publié le 16 février 2024.
* 19 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.
* 20 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 21 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 22 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.