CHAPITRE III
UNE
SÉCURISATION DE L'OFFRE DE SERVICE PAR LA TECHNOLOGIE
Article 8
Pérennisation de la faculté pour les agents de
contrôle de faire usage de caméras-piétons
L'article 8 vise à pérenniser la faculté pour les agents de contrôle de faire usage de caméras-piétons. Celle-ci est aujourd'hui possible dans le cadre d'une expérimentation qui prend fin au 1er octobre 2024.
Déjà expérimenté puis pérennisé pour les agents des services de sûreté de la SNCF et de la RATP, le dispositif est de nature à permettre une meilleure protection des agents et contribue à l'apaisement des situations problématiques. Les vidéos qui en sont issues constituent des preuves qui peuvent en outre accompagner les dépôts de plainte.
Si la pérennisation du dispositif ne peut donc qu'être approuvée, un risque juridique d'ordre procédural affecte toutefois le présent article, compte tenu de l'absence de remise formelle par le Gouvernement au Parlement d'un rapport dressant bilan de l'expérimentation.
La commission des lois a néanmoins souhaité conserver cet article, tout en insistant sur la nécessité pour le Gouvernement de remettre ce rapport dans les meilleurs délais et en tout état de cause au cours de la navette parlementaire. Les amendements identiques qu'elle a adoptés visent en outre, par souci de coordination avec le dispositif de l'article 2, à autoriser l'usage de caméras-piétons par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans le cadre d'interventions menées sur la voie publique à la condition que l'enregistrement ait débuté au sein des emprises de transport.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
1. Le droit existant : une utilisation des caméras-piétons par les agents de contrôle autorisée à titre expérimental jusqu'au 1er octobre 2024
Le recours à des caméras-piétons a d'abord été autorisé pour un nombre restreint d'acteurs de la sécurité, de façon expérimentale, puis pérennisé et progressivement étendu à une liste élargie d'agents.
En l'état du droit, l'utilisation de caméras-piétons est expressément autorisée par le législateur pour les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale29(*) ainsi que pour les policiers municipaux30(*).
Elle est également autorisée, s'agissant de la police du transport, pour les agents de la Sûreté générale de la SNCF (dite « Suge ») et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP31(*). D'abord expérimentée dans le cadre de la loi dite « Le Roux - Savary »32(*), cette autorisation a été pérennisée par la loi dite « sécurité globale » du 25 mai 202133(*). Les conditions et finalités de ces captations d'images sont pour l'essentiel alignées sur celles régissant les caméras mobiles autorisées pour les forces de sécurité intérieure et jugées conformes à la Constitution34(*), à la différence que l'autorisation porte sur un périmètre géographique plus resserré : pour les agents de la Suge et du GPSR, l'enregistrement ne peut avoir lieu hors des emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transport ou des véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.
Une étape supplémentaire a été franchie avec l'article 113 de la loi d'orientation des mobilités (dite « LOM ») du 24 décembre 201935(*), prévoyant la mise en place d'une expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les agents assermentés des exploitants des services publics de transport (ou d'une entreprise de transport agissant pour le compte de cet exploitant), soit principalement les agents de contrôle36(*).
Les conditions et finalités de l'expérimentation sont alignées sur les conditions d'autorisation des agents de la Suge et du GPSR.
Dans le détail il est ainsi prévu que :
- sont susceptibles d'être enregistrées les interventions conduites lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées ;
- l'enregistrement n'est pas permanent ;
- les enregistrements ont pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents ;
- lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné ;
- le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l'interdisent ;
- une information générale du public sur l'emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports.
- les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ;
- l'enregistrement ne peut avoir lieu hors des emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transport ou des véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés ;
- les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois ;
- les enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le droit d'accès aux enregistrements.
L'expérimentation devait initialement être menée entre le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2024. L'expérimentation a été ensuite été prolongée jusqu'au 1er octobre de la même année par la loi dite « JOP »37(*).
Il est enfin prévu que l'expérimentation fasse l'objet d'un bilan de sa mise en oeuvre dans les trois ans suivant son entrée en vigueur, afin d'évaluer l'opportunité du maintien de la mesure.
2. Le dispositif proposé : une pérennisation de l'autorisation d'utiliser des caméras-piétons pour les agents de contrôle
Le présent article vise à créer un nouvel article L. 2241-6-1 du code des transports visant à pérenniser la faculté pour les agents de contrôle des opérateurs de transport d'utiliser des caméras-piétons, selon des conditions et des finalités inchangées par rapport aux dispositions de l'article 113 précité de la LOM.
3. La position de la commission : une initiative bienvenue, dont l'adoption sera in fine conditionnée à la remise au Parlement d'un rapport bilan de l'expérimentation
Le dispositif proposé au présent article est à la fois opportun et bienvenu. Les opérateurs auditionnés par la rapporteure ont unanimement mis en avant la réelle utilité de l'usage des caméras-piétons pour les agents de contrôle. Un nombre important d'entre eux a pris part à l'expérimentation (voir encadré).
Liste des opérateurs ayant pris part à l'expérimentation de l'usage des caméras-piétons par leurs agents de contrôle en application de l'article 113 de la LOM
- Compagnie des Transports Strasbourgeois ;
- Groupe RATP (lignes de métro 4, 7 et 7 bis, une partie du réseau de surface francilien et hors d'Ile-de-France les réseaux Irigo d'Angers Loire Métropole, Bibus de Brest Métropole, TAC Mobilités d'Annemasse Agglomération, Agglobus de l'agglomération berruyère et Mistral de Toulon Provence Méditerranée) ;
- Keolis Amiens ;
- Keolis Bordeaux Métropole ;
- Keolis Dijon Mobilités ;
- Keolis Grand Nancy ;
- Keolis Hainaut Valenciennois ;
- Keolis Lille Métropole ;
- Keolis Lyon ;
- Keolis Pays d'Aix ;
- Keolis Rennes ;
- Keolis Sociétés des Autocars de Provence ;
- Keolis Tours ;
- Régie des Transports Métropolitains (RTM - Marseille) ;
- Régie des Transports Publics de l'Agglomération Toulousaine ;
- SNCF Voyageurs ;
- Société des Transports Urbains de Bourges (STU Bourges) ;
- Société Publique Locale des Transports Intercommunaux de Sambre-Avesnois (SPLTISA) ;
- Thalys (THI Factory) et Eurostar ;
- Transdev Alpilles Berre Méditerranée ;
- Transdev Cotentin ;
- Transdev IDF CSP Contrôle (incluant les réseaux Transdev de Seine Saint Denis, du bassin de Claye-Souilly, du bassin Chellois et du bassin de Gonesse / Arnouville) ;
- Transdev Le Havre ;
- Transdev Mobilités du Saint Quentinois ;
- Transports de l'Agglomération de Montpellier (TAM) ;
- Transports de l'Agglomération Grenobloise (M TAG) ;
- Transports de l'Agglomération de Metz Métropole (TAMM).
Source : Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer
La rapporteure a également pu prendre connaissance d'un bilan de l'expérimentation réalisé par la RATP, dont les résultats sont fortement positifs (voir encadré).
Bilan de l'expérimentation de l'usage des caméras-piétons par leurs agents de contrôle en application de l'article 113 de la LOM par le Groupe RATP
L'expérimentation a été mise en oeuvre à large échelle sur les réseaux du groupe RATP. Ainsi, à date :
- s'agissant des lignes 4 et 7/7 bis du métro parisien : 32 caméras ont été mises à disposition des équipes, parmi lesquelles 158 agents ont été formés à leur usage. Elles ont été utilisées dans le cadre de 2 055 opérations ;
- s'agissant du reste du réseau francilien : 90 caméras ont été mises en service au bénéfice de 200 agents. Elles ont été sorties à 1 519 reprises et activées à 304 reprises ;
- s'agissant des réseaux de surface non franciliens, 52 caméras ont été mises à la disposition de 138 agents.
Dans la très grande majorité des cas, les enregistrements font suite à des comportements menaçants, agressifs ou violents à l'égard des agents. Plus rarement, ils sont lancés dans le cadre d'un flagrant délit ou liés au fait que les agents sont en sous nombre ou bien à la configuration particulière des lieux. Bien que le cas soit rare, le déclenchement de la caméra a été effectué à la demande de l'usager dans sept cas recensés.
Le bilan met en avant le rôle joué par les caméras-piétons pour renforcer la sécurité des contrôleurs : 80 %des agents interrogés ont affirmé que les caméras jouent un rôle dissuasif et 60 % se sentent plus en sécurité avec le dispositif.
Si plusieurs dépôts de plaintes ont été enregistrés en mentionnant le numéro de la caméra individuelle utilisée pour filmer la situation, peu d'extractions ont été réalisées sur les réseaux exploités en Ile-de-France ou dans d'autres régions dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
Enfin, seules deux demandes d'accès aux enregistrements et d'anonymisation des données relatives aux personnes tierces (agents et autres voyageurs) ont été dénombrées.
Source : RATP, données transmises à la rapporteure
Si la pérennisation du dispositif ne peut donc qu'être approuvée, un risque juridique d'ordre procédural affecte toutefois le présent article, compte tenu de l'absence de remise formelle par le Gouvernement au Parlement d'un rapport dressant bilan de l'expérimentation, condition sine qua non de sa pérennisation. Cette exigence en matière d'expérimentation, qui découle de l'article 37-1 de la Constitution, a été rappelée par le Conseil constitutionnel, qui avait précisément censuré la disposition de la LOM autorisant le Gouvernement à généraliser l'autorisation de l'usage des caméras piétons par les agents de la Suge et du GPSR, avant que son expérimentation n'ait été évaluée38(*).
La commission des lois a néanmoins souhaité conserver cet article, tout en insistant sur la nécessité pour le Gouvernement de remettre ce rapport dans les meilleurs délais et en tout état de cause au cours de la navette parlementaire, alors même que le délai fixé par la loi pour cette remise, soit le 1er juillet 2023, est largement dépassé.
Les amendements identiques COM-17 et COM-29 qu'elle a adoptés à l'initiative de sa rapporteure et du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire visent en outre, par souci de coordination avec le dispositif de l'article 2, à autoriser l'usage de caméras-piétons par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans le cadre d'interventions menées sur la voie publique à la condition que l'enregistrement ait débuté au sein des emprises de transport.
La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.
Article 8 bis
(nouveau)
Expérimentation d'une faculté pour les conducteurs
d'autobus et d'autocars de faire usage de caméras-piétons
L'article 8 bis a été introduit par la commission des lois à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il vise à autoriser, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, l'usage de caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars.
Le présent article vise à instituer, à compter du 1er juillet 2024 et pour une durée de deux ans, une expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars. Il est issu de l'amendement COM-29 du rapporteur pour avis déposé au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Philippe Tabarot, et de l'amendement identique COM-5 de Jacqueline Eustache-Brinio.
Un tel dispositif a donné pleinement satisfaction s'agissant des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP ainsi que des agents de contrôle des opérateurs de transport, en ce qu'elle constitue à la fois un outil protecteur pour les agents et un facteur d'apaisement des situations.
Cette expérimentation serait mise en oeuvre dans les mêmes conditions que pour les agents de contrôle, fixée en l'état du droit par l'article 113 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, et que l'article 8 de la présente proposition de loi tend à pérenniser39(*), nonobstant certaines adaptations :
- les enregistrements auraient pour finalité la prévention des incidents au cours de l'exercice des missions des conducteurs ;
- ils pourraient être déclenchés lorsque la sécurité des conducteurs, des voyageurs ou des véhicules est menacée ;
- l'enregistrement ne peut avoir lieu hors des véhicules de transport public de personnes dans lesquels les conducteurs exercent leurs missions.
L'extension de l'autorisation du recours aux conducteurs d'autobus et d'autocars paraît pleinement opportune, compte tenu des risques spécifiques auxquels ces derniers sont confrontés. L'objet de l'amendement dont le présent article est issu relève que, selon le dernier rapport « Sûreté » de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) réalisé sur un panel de 127 entreprises (hors SNCF et RATP), le nombre d'agressions sur le personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail est en hausse (+ 14 % entre 2021 et 2022), et rappelle également le drame survenu à Bayonne le 5 juillet 2020.
La mesure permet de surcroît de satisfaire partiellement les objectifs de l'article 11 relatif à la captation du son dans les véhicules, que la commission a supprimé40(*).
La commission a adopté l'article 8 bis ainsi rédigé.
Article 8 ter
(nouveau)
Numéro d'alerte unique pour les usagers des services
publics de transport ferroviaire
L'article 8 ter a été introduit par la commission des lois à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Philippe Tabarot. Il vise la mise en place d'un numéro unique d'alerte pour les usagers des services publics de transport ferroviaire.
Le présent article vise la mise en place d'un numéro d'alerte unique pour les usagers des services publics de transport ferroviaire. Il est issu de l'amendement COM-30 du rapporteur pour avis, M. Philippe Tabarot, déposé au nom la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Dans son objet, l'auteur rappelle que la SNCF a d'ores et déjà mis en place, en commun avec la RATP, un numéro unique d'alerte (appel ou SMS).
Toutefois, ainsi que l'aurait constaté la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT), certains nouveaux entrants sur le réseau ferroviaire national ne recourraient pas à cette plateforme, de telle sorte que les voyageurs ne disposeraient pas d'un point d'entrée unique.
Compte tenu du caractère souvent urgent des situations signalées, le rapporteur pour avis a mis en avant la nécessité de mettre à disposition des voyageurs un numéro d'alerte unique et facilement identifiable, quel que soit l'opérateur réalisant le service de transport (TER, Intercités, TGV).
À cette fin, le présent article tend à modifier les articles L. 2121-1-1, L. 2121-3 et L. 2121-12 du code des transports, régissant respectivement la mise en oeuvre des services de transport d'intérêt national organisés par l'État, des services de transport d'intérêt régional organisés par la région (la région) et des services de transport librement organisés par les entreprises ferroviaires. Dans le cadre de chacun de ces services, il serait ainsi prévu que les entreprises ferroviaires mettent en place un numéro téléphonique national unique permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire.
La commission ne peut que souscrire à cette initiative, qui est de nature à renforcer l'efficacité du continuum de sécurité dans les transports ferroviaires.
La commission a adopté l'article 8 ter ainsi rédigé.
Article 9
Utilisation de logiciels d'intelligence artificielle par le
GPSR et la Suge pour assurer le traitement des réquisitions
judiciaires
Partageant l'objectif d'une amélioration du traitement des réquisitions judiciaires par le GPSR et la Suge, la commission a validé le principe d'une utilisation de logiciels d'intelligence artificielle, tout en conférant à ces dispositions un caractère expérimental, sous contrôle du Parlement et de la CNIL. Elle a, en outre, restreint le champ de cette expérimentation à l'extraction et l'exportation d'images, afin de se prémunir de tout risque de délégation d'une compétence de police judiciaire à des agents de sécurité privée.
Elle a adopté l'article ainsi modifié.
1. Le souhait de la RATP et de la SNCF de bénéficier de logiciels de traitement algorithmique pour répondre plus rapidement aux réquisitions judiciaires
L'article 9 de la proposition de loi vise à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, compte tenu du nombre particulièrement important de réquisitions judiciaires qu'ils reçoivent quotidiennement, de recourir à des traitements algorithmiques pour améliorer les délais de réponse auxdites réquisitions.
Ainsi, il est proposé, aux seules fins de réponse aux réquisitions judiciaires, pour la remise d'enregistrements issus d'un système de vidéoprotection d'un espace ou d'un véhicule de transport public de personnes dans lequel une infraction a été commise ou dans lequel serait susceptible de se trouver des personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, de permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de mettre en oeuvre des logiciels de traitement de données non biométriques destinées à faciliter la sélection et l'exportation des images requises vers le service requérant.
La rédaction initiale de l'article 9 de la proposition de loi prévoit plusieurs conditions encadrant le recours à de tels logiciels :
- seules les données issues des systèmes de vidéoprotection des espaces et véhicules de transport public de personnes peuvent être utilisées ;
- le traitement des données est réalisé sous le contrôle d'un agent de police judiciaire présent, physiquement, au sein du centre de traitement des enregistrements de vidéoprotection ;
- les logiciels sont déployés après consultation de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Enfin, le droit d'opposition prévu à l'article 56 de la loi dite « informatique et libertés » ne serait pas applicable.
Interrogées sur ce point par la rapporteure, la SNCF et la RATP ont confirmé leur souhait de se voir doter de moyens technologiques avancés pour faciliter le traitement des nombreuses réquisitions judiciaires auxquelles ils avaient quotidiennement à répondre.
2. La position de la commission : autoriser la Suge et le GPSR a recourir à des logiciels de traitement algorithmique sous conditions et à titre expérimental
D'un constat partagé avec la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), la commission des lois a considéré, en premier lieu, que la rédaction initiale de l'article 9 souffrait de difficultés juridiques de plusieurs ordres :
- en premier lieu, les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP n'exercent aucune prérogative de police judiciaire et ne sont, en conséquence, par habilités à procéder à des enquêtes. Pour mémoire, en application des articles 230-20 à 230-27 du code de procédure pénale, les services de la police et de la gendarmerie nationales chargés d'une mission de police judiciaire ainsi que le service placé sous l'autorité du ministre du budget chargé d'effectuer des enquêtes judiciaires peuvent mettre en oeuvre des logiciels destinés à faciliter l'exploitation et le rapprochement d'informations sur les modes opératoires réunies par ces services au cours de leurs enquêtes ;
- en deuxième lieu, il n'est pas précisé que ces logiciels seraient utilisés en temps différé alors que seule cette utilisation apparait compatible avec l'objectif poursuivi de réponse à des réquisitions judicaires ;
- en troisième lieu, si l'exposé des motifs semble envisager l'utilisation de ces traitements algorithmiques aux seules fins de répondre aux réquisitions judiciaires, la rédaction initiale de l'article 9 inclut dans les finalités « le traitement de l'exercice du droit d'accès prévu à l'article l'article 49 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés » ;
- en dernier lieu, aucune mesure d'application réglementaire n'est prévue quant à la désignation et la formation des agents susceptibles d'utiliser de tels logiciels.
Dès lors, bien qu'elle partage l'objectif poursuivi de réduction des délais de réponse aux réquisitions judiciaires nombreuses adressées à la SNCF et à la RATP, la commission a souhaité, d'une part, rendre expérimentale l'utilisation de traitements algorithmiques sur des images issues des caméras des opérateurs de transports aux fins de répondre plus efficacement à des réquisitions judiciaires et, d'autre part, mieux définir son champ.
Elle a, pour se faire, à l'initiative de sa rapporteure adopté l'amendement COM-18, qui prévoit à titre principal, une expérimentation de dix-huit mois en vue de l'utilisation de traitements de données aux seules fins d'extraire et d'exporter des images sollicitées dans le cadre de réquisitions judiciaires adressées à la SNCF et à la RATP, poursuivant l'unique objectif d'en raccourcir les délais de traitement et excluant ainsi toute délégation de compétence ou de mission de police judiciaire à ces agents ou l'exercice du droit d'opposition en matière de conservation des données personnelles.
En outre, la commission a souhaité que les cas d'usage de cette expérimentation soient limitativement énumérés et restreints à l'extraction et l'exportation d'images issues des systèmes de vidéoprotection de ces entreprises, sous le contrôle permanent d'un agent de police judiciaire et en temps différé, à l'exclusion, contrairement à ce que prévoyait la rédaction initiale de la proposition de loi, de la sélection des images, compétence inhérente à la mission de police judiciaire.
Une telle expérimentation serait, sur le modèle de celle existant pour le déploiement de la vidéo intelligence augmentée dans le cadre de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques, conduite par l'État, qui disposerait d'un monopole d'acquisition, encadré par des garanties quant au développement des logiciels utilisés, et devrait fixer les conditions d'utilisation et de formation à l'utilisation de tels traitements par lesdits agents de la SNCF et de la RATP.
Par ailleurs, la commission a assorti le dispositif expérimental de garanties complémentaires, en particulier en excluant l'utilisation de données biométriques et en interdisant la mise en relation de ces traitements avec d'autres traitements existants afin d'encadrer l'utilisation de tels traitements et prévenir tout risque de détournement de ceux-ci.
Enfin, la commission a souhaité que cette expérimentation soit placée sous le contrôle du Parlement, qui serait informé tous les six mois des mesures prises ou mises en oeuvre par la SNCF et la RATP. Conformément au cadre expérimental prévu par l'article 37-1 de la Constitution, le Gouvernement devrait adresser au Parlement un rapport final évaluant l'application de ces mesures et l'opportunité de les pérenniser ou de les modifier, notamment compte tenu des évolutions technologiques. Le rapport devrait être rendu au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation afin que le Parlement puisse en tirer toutes les conséquences nécessaires. Parallèlement, la CNIL serait chargée du contrôle de l'application de ces dispositions et pourrait, dans ce cadre, faire usage de prérogatives renforcées de contrôle et de sanctions.
Pour finir, davantage que de nouvelles facultés de recourir à des moyens technologiques offertes aux opérateurs de transports, la rapporteure appelle de ses voeux le développement, attendu de longue date y compris par les services de police judiciaire, d'un « cloud numérique commun » afin que les opérateurs de transports puissent déposer facilement et sans coût leurs extractions d'images et de vidéos en réponse aux réquisitions judiciaires. Cela permettrait, en plus de mettre fin à la pratique de la gravure de DVD - aujourd'hui seule pratique admise - particulièrement chronophage pour les agents de la RATP et de la SNCF, aux officiers de police judiciaire, et ce à droit constant, de recourir à des traitements algorithmiques sur ces images sans avoir à déléguer ces moyens aux agents des services internes de sécurité des opérateurs.
La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.
Article 10
(Supprimé)
Traitement et collecte de certaines données
sensibles en cas de flagrance par la Suge et le GPSR
En conclusion des auditions et du déplacement au sein du centre de sécurité de la RATP, la rapporteure n'a pas pu clairement établir la nécessité de légiférer afin de permettre aux agents de la Suge et du GPSR de collecter et traiter des données sensibles en cas d'infractions flagrantes. En conséquence, la commission a supprimé l'article 10.
1. Le souhait de la Suge et du GPSR de traiter et collecter des données sensibles en cas d'infractions flagrantes
L'article 10 de la proposition de loi vise à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, dans le cadre de leur mission de prévention définie à l'article L. 2251-1 du code des transports, de traiter et collecter certaines données sensibles telles que définies par la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés »
Ainsi, il est proposé, pour les seuls besoins de leur mission de prévention et dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à la poursuite de cette mission, en interface avec les services de police et de gendarmerie, dans le cadre du traitement d'infractions flagrantes punies d'une peine d'emprisonnement, de permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de traiter et de collecter certaines données sensibles.
La rédaction initiale de l'article 10 de la proposition de loi encadre par plusieurs conditions le recours à de tels traitements de données sensibles : d'une part, ces données seraient collectées en temps réel, et d'autre part, leur conservation ne saurait excéder vingt-quatre heures à compter de leur collecte.
En outre, l'avant-dernier alinéa prévoit les modalités de transmission de ces données aux forces de sécurité intérieure.
Interrogées sur ce point par la rapporteure, seule la RATP - et non la SNCF - a confirmé l'adéquation entre cette évolution législative et leurs besoins opérationnels, expliquant faire face à une impossibilité de transmission d'informations sensibles entre son poste de commandement et ses agents déployés au sein des emprises immobilières ou des véhicules de transports.
2. La position de la commission : faute d'avoir pu établir la nécessité de légiférer sur ce point, supprimer cet article aux effets de bords nombreux et préjudiciables à l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité
D'un constat partagé avec la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur (DLPAJ), la commission des lois a constaté que l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » prévoyait déjà au bénéfice de toute personne morale ou physique, pour la seule poursuite des infractions flagrantes, la faculté de collecter et traiter des données sensibles pour le compte de l'État, par dérogation au principe général d'interdiction de collecte et de traitement de telles données applicable à l'ensemble des personnes morales et physiques en application de l'article 6 de la loi précitée et de l'article 9 du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
En outre, considérant qu'aucune règle spécifique en matière de traitement des données sensibles ne trouve à s'appliquer aux services internes de la SNCF et de la RATP et, de surcroit, qu'aucune règle en vigueur ne leur interdit de le faire pour cette finalité, il n'apparait pas opportun, aux yeux de la rapporteure, de prévoir un tel régime.
Elle a estimé qu'il serait d'autant plus dangereux d'admettre un tel régime particulier pour ces services de sécurité en cela conduirait à la création d'une nouvelle dérogation non plus attachée à la finalité poursuivie mais à la nature du bénéficiaire, modifiant ainsi profondément les équilibres du RGPD comme de la loi dite « informatique et libertés ». Au surplus, une telle évolution impliquerait, par ricochet, la nécessité de modifier les dérogations à l'interdiction du traitement de données sensibles pour chacun des acteurs du continuum de sécurité.
Interrogée sur ce point, la RATP n'a pas été en mesure de communiquer des éléments complémentaires à la rapporteure permettant d'infirmer un tel constat et d'identifier un obstacle juridique à la collecte de données sensibles en cas de poursuite d'une infraction flagrante par ces agents du GPSR.
Pour l'ensemble de ces raisons et afin de prévenir des effets de bord particulièrement préjudiciables à la cohérence des dispositions applicables à l'ensemble des personnes morales et physiques en matière de traitement des données, la commission a, par l'adoption d'un amendement COM-19 de la rapporteure, supprimé l'article 10.
La commission a supprimé l'article 10.
Article 11
(Supprimé)
Captation et enregistrement du son dans les
véhicules roulants de transport collectif
En conclusion des auditions et du déplacement au sein du centre de sécurité de la RATP, la rapporteure n'a pas pu clairement établir les gains opérationnels que certaines dispositions proposées pouvaient revêtir pour les agents de la Suge et du GPSR, a fortiori alors que d'autres instruments ou techniques moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis existent et sont suffisants pour atteindre les objectifs de lutte contre l'insécurité dans les transports.
En conséquence, la commission a supprimé l'article 11 qui tendait à permettre à la SNCF et à la RATP de sonoriser les véhicules roulants de transport collectif.
1. Afin de répondre aux besoins exprimés par les opérateurs et de renforcer la sûreté dans les transports, un dispositif visant à sonoriser les véhicules roulants de transport collectif
L'article 11 de la proposition de loi vise à permettre aux opérateurs de transport public de voyageur, de capter, transmettre et enregistrer le son dans les matériels roulants qu'ils exploitent.
Ainsi, il est proposé, tant la captation et l'enregistrement en temps réel que la consultation, en différé, du son dans les matériels roulants affectés au transport collectif de voyageur.
Plus précisément, il est prévu qu'après une annonce sonore annonçant le début de la captation, des enregistrements soient réalisés pour trois finalités : la compréhension et le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des personnes, le secours aux personnes et l'analyse des accidents et incidents liés à l'exploitation des matériels roulants. En complément, l'accès en temps réel à ces données sonores ne serait autorisé qu'en cas de déclenchement d'alarme, afin de permettre une levée de doute.
En outre, la consultation en différé de tels enregistrements serait autorisée dans le cadre d'une réponse à une réquisition judiciaire ou d'une enquête technique, étant entendu que les données sonores ainsi collectées seraient conservées trente jours hors de ces cas.
Enfin, les deux derniers alinéas de l'article 11 dans sa rédaction initiale prévoient les modalités des droits des tiers et des personnes concernées : d'une part, en prévoyant l'information par une signalétique spécifique du public dans les véhicules de transports et, d'autre part, en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL les modalités d'exercice des droits des personnes concernées en dehors du droit d'information.
Interrogées sur ce point par la rapporteure, seule la RATP - et non la SNCF - a confirmé l'adéquation entre cette évolution législative et leurs besoins opérationnels, expliquant que, dans certaines situations, notamment les cas d'agressions verbales, la vidéosurveillance n'était pas suffisante.
2. La position de la commission : supprimer une disposition qui constitue une atteinte à la vie privée disproportionnée au regard des bénéfices opérationnels escomptés
La commission a, à l'initiative de la rapporteure et l'adoption d'un amendement COM-20, supprimé la faculté, ouverte par l'article 11, de capter le son au sein des matériels roulants en ce qu'elle constitue une atteinte à la vie privée disproportionnée au regard des bénéfices opérationnels escomptés.
En l'occurrence, en conclusion des auditions et du déplacement au sein du centre de sécurité de la RATP, la rapporteure n'a pas pu clairement établir les gains opérationnels que certaines dispositions proposées pouvaient revêtir pour les agents de la Suge et du GPSR. Ainsi, une telle disposition permettrait de capter des paroles et conversations prononcées à titre privé au sein d'une rame de train ou de métro, sans que le besoin de légiférer sur ce point, justifié par des nécessités opérationnelles clairement établies et impossibles à atteindre par l'utilisation de moyens technologiques moins intrusifs, ne soit clairement démonté.
Au demeurant, en l'état du droit, aucun dispositif de captation du son n'est autorisé - ni même demandé - pour les forces de sécurité intérieure pour assurer le bon exercice de leurs missions de police administrative générale - la captation du son étant réservée à des techniques spéciales d'enquête soumises à une autorisation préalable de l'autorité judiciaire et avis de la CNCTR. Si l'usage des caméras-piétons combinant captation sonore et visuelle est admis, il apparait que la nature de ce dispositif qui est déclenché par un agent, dans un cadre précis de contrôle et après une annonce, sur un périmètre limité aux interactions avec un policier ou un gendarme, est profondément différente de celle d'un dispositif de captation de son intégré aux rames de train ou de métro.
Au surplus, la commission a considéré que les garanties apportées par les dispositions ainsi proposées ne semblent pas suffisantes au regard de la grille d'analyse ancienne et constante établie par le Conseil constitutionnel s'agissant de vidéoprotection et de vidéosurveillance, d'opérations de sonorisation et de fixation d'images41(*). L'on pense en particulier aux restrictions à la visualisation de certains lieux, aux droits des tiers à l'accès et à la destruction des données ainsi captées.
Enfin, les cas d'usage sont, en l'état de la rédaction, insuffisamment définis, dès lors que la captation et l'enregistrement du son, s'ils ne sont pas permanents, sont possibles lorsqu'ils sont précédés d'une annonce annonçant leur mise en oeuvre et que si l'accès en temps réel aux données sonores est strictement encadré, l'accès en différé est lui permanent et illimité.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a supprimé l'article 11.
La commission a supprimé l'article
* 29 Article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure.
* 30 Article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure.
* 31 Article L. 2251-4-1 du code des transports.
* 32 Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
* 33 Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.
* 34 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale.
* 35 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.
* 36 Le dispositif vise les agents mentionnés au 4° du I de l'article L. 2241-1 du code des transports.
* 37 Article 13 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
* 38 Décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, Loi d'orientation des mobilités.
* 39 Voir commentaire de l'article 8.
* 40 Voir commentaire de l'article 11.
* 41 Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, considérant 3.