EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 24 janvier 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi sur le projet de loi n° 146 (2023-2024) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice et la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice.
M. Roger Karoutchi, rapporteur. - La République de Maurice a recouvré son indépendance en 1968. C'est un pays démocratique dans lequel les libertés individuelles sont garanties et la séparation des pouvoirs assurée ; il connaît des alternances régulières et les partis politiques sont structurés et exercent librement leurs activités. Son système judiciaire, qui s'inspire de la tradition civiliste et de la Common Law, est efficace. Une partie importante de son droit est dérivé des codes français : le code civil, le code pénal et le code de commerce ; en revanche, les aspects liés à la procédure découlent de la tradition du droit britannique, notamment en ce qui concerne le civil, le pénal et l'administration de la preuve. Maurice garantit les droits de l'Homme et les libertés individuelles ; la peine capitale y a été abolie en 1995 ; le respect des droits des LGBT+ est dorénavant assuré, à la suite d'une évolution jurisprudentielle.
La France et Maurice sont proches à plusieurs titres : l'île était une colonie française de 1715 à 1810 et la langue française y est encore couramment parlée. Surtout, elle n'est qu'à 230 kilomètres de La Réunion. La France et Maurice coopèrent à l'échelle régionale au sein de la Commission de l'océan indien et de l'Association des États riverains de l'océan indien. Un accord-cadre a été signé en 2011 pour favoriser la coopération entre les deux territoires et un accord relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces a été signé en 2018.
Sur le plan humain, la communauté française à Maurice est estimée à plus de 10 000 personnes. Environ 20 000 Mauriciens sont installés en France. Enfin, les Français représentent 40 % des touristes qui se rendent à Maurice. D'un point de vue économique, la France est un partenaire important : elle est son troisième fournisseur et son deuxième client dans le cadre d'un commerce bilatéral en progression.
En matière de coopération pénale, outre le fait que nos deux États sont parties à plusieurs conventions internationales relevant des Nations Unies, la France et Maurice sont liés par un traité d'extradition datant de 1876, modifié à plusieurs reprises. Les flux concernés sont toutefois faibles et uniquement à l'initiative de la France : en dix ans, seules cinq demandes ont été adressées à Maurice. En revanche, aucune convention d'entraide judiciaire n'a été conclue, la coopération s'effectuant donc par la voie diplomatique. Or les besoins sont réels : la France a adressé depuis 2013 soixante et onze demandes d'entraides, dont quarante-neuf sont toujours en cours d'exécution. Du côté mauricien, seules onze demandes ont été adressées à la France sur cette même période. La majeure partie d'entre elles porte sur des infractions de droit commun (viols, violences conjugales, homicides), ainsi que sur des faits en lien avec la législation sur les stupéfiants, notamment le trafic de Subutex avec la Réunion. Il peut aussi s'agir d'affaires financières : blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux ou escroquerie. Compte tenu de la différence entre les deux systèmes juridiques, des difficultés peuvent se présenter : les délais d'exécution par Maurice dépassent régulièrement deux ans. C'est la raison pour laquelle la France a été à l'initiative de l'engagement de négociations sur une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, à laquelle s'est ajoutée la convention d'extradition qui devait être modernisée.
Les négociations ont débuté en 2012, mais elles ont été interrompues dès 2013, à la demande du ministère de la justice, en raison de la position des autorités mauriciennes à l'égard des infractions de nature fiscales et des modalités de levée du secret bancaire en vigueur dans l'île, incompatibles avec les exigences françaises. Ce n'est qu'au début de l'année 2020 que les négociations ont repris, les autorités françaises ayant considéré que Maurice se conformait dorénavant aux standards internationaux en matière de transparence. En 2018, l'Union européenne a retiré Maurice de la liste des paradis fiscaux ; les deux textes ont donc enfin été signés à Port-Louis le 10 novembre 2022.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale prévoit que la France et Maurice s'engagent à s'accorder mutuellement l'entraide judiciaire la plus large possible ; elle organise les modalités de communication et de transmission des demandes entre les parties, notamment en cas d'urgence ; elle définit les modalités et délais d'exécution des demandes d'entraide ; enfin, elle offre la possibilité de recourir à toute une série de techniques modernes de coopération, dont les auditions par visioconférence. En revanche, le dispositif sur les interceptions téléphoniques n'a pas pu être intégré, l'état actuel de la législation mauricienne ne permettant pas l'utilisation de cette technique d'enquête dans le cadre de la coopération internationale.
La convention d'extradition, qui s'inspire largement de nos standards nationaux, prévoit que les deux parties s'engagent à se livrer réciproquement toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'une d'entre elles, est recherchée par l'autre partie.
La République de Maurice a ratifié les conventions le 19 mai 2023 ; l'Assemblée nationale a adopté le présent projet de loi le 23 novembre 2023 ; il ne reste plus qu'au Sénat à se prononcer en faveur de l'approbation de ces deux conventions, ce que je préconise, dans la mesure où celles-ci fluidifieront et accéléreront les échanges entre la France et Maurice et encourageront le recours aux techniques modernes de coopération.
Le projet de loi est adopté, à l'unanimité, sans modification.
Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.