COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. JEAN-RENÉ LECERF, PRÉSIDENT,
ET MME VIRGINIE MAGNANT, DIRECTRICE,
DE LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE

(Mercredi 20 décembre 2023)

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous allons conclure nos travaux de l'année 2023 par l'audition de M. Jean-René Lecerf, président, et de Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France.

Je vous rappelle que ce texte sera examiné par notre commission dès la semaine de rentrée parlementaire, mercredi 17 janvier 2024, puis en séance à partir du mardi 30 janvier.

Pour commencer, monsieur le président et madame la directrice, je vous laisse le soin de vous présenter la position générale de la CNSA sur ce texte et sur les principales dispositions qu'il contient.

Vous pourriez, en particulier, nous indiquer comment cette proposition de loi s'articule avec la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la CNSA pour 2022-2026. Quelles mesures permettent de concrétiser des engagements de la COG ? Quels engagements nécessiteraient encore, à vos yeux, une traduction législative ?

Nos rapporteurs, Jean Sol et Jocelyne Guidez, puis les membres de la commission pourront ensuite vous poser leurs questions.

M. Jean-René Lecerf, président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - Je suis d'autant plus honoré de clôturer vos travaux de cette année, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat est une maison chère à mon coeur. Je vous indiquerai la position du Conseil de la CNSA sur cette proposition de loi, puis Virginie Magnant précisera son articulation avec la COG, à laquelle il faudrait du reste signer un avenant, car depuis sa signature de nombreux engagements ont été pris par le Gouvernement.

Le Conseil de la CNSA regrette tout d'abord qu'il n'y ait pas eu une grande loi sur l'autonomie qui aurait embrassé la prise en charge, à la fois, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap et qui, sans nécessairement tout prévoir, constituerait en quelque sorte un phare pour les dispositions législatives ultérieures. Un tel texte devrait permettre d'améliorer les conditions de vie de ces personnes en situation de vulnérabilité, tout en renforçant l'attractivité des métiers de l'accompagnement et du soin.

Nous souhaitions également voir affirmer de manière plus directe la fin du choix réducteur entre le domicile traditionnel et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cela est d'autant plus nécessaire qu'après l'affaire Orpéa, d'autres Ehpad commerciaux, notamment du groupe Emera, font aujourd'hui l'objet de nouvelles suspicions.

Aux présidents de département qui m'interrogent sur l'avenir de ces établissements, dont certains ne sont aujourd'hui remplis qu'à 65 %, je réponds que la solution est peut-être de les transformer en résidences autonomie. Les personnes qui sont encore très largement valides pourraient ainsi être prises en charge sans que cela pose autant de difficultés au regard de leur dignité, et même de leur citoyenneté, que dans certains Ehpad.

A contrario, j'estime que pour les personnes en situation de grande dépendance ou en extrême fin de vie, il nous faut renforcer l'appréhension domiciliaire.

La grande loi autonomie qui fait aujourd'hui défaut devrait du reste également fixer les grandes orientations en matière de fin de vie.

En lieu et place de cette grande loi, nous avons plusieurs initiatives qui, pour être intéressantes, n'en sont pas moins compartimentées : le Conseil national de la refondation dans son volet « Bien vieillir », la Conférence nationale du handicap, la stratégie « Bien vieillir », avec la présentation d'une feuille de route interministérielle, et donc la mobilisation d'un grand nombre de membres du Gouvernement, et enfin cette proposition de loi remise à l'ordre du jour du Parlement après quelques aléas.

En dépit des limites inhérentes à une proposition de loi au regard de l'article 40 de la Constitution, ce texte nous paraît comporter un certain nombre de dispositions intéressantes. Nous avons reçu avec satisfaction la promesse d'une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, dont la première devrait être votée avant la fin de l'année prochaine. Nous aurons ainsi l'occasion, tous les cinq ans, d'avoir un véritable débat sur les progrès réalisés et sur les difficultés qui persistent. Ce n'est certes pas la grande loi autonomie dont nous rêvions, notamment parce que ce texte sera contraint par l'aspect financier, mais cela s'en approche.

Nous accueillons de même favorablement les réflexions sur la tarification forfaitaire pour le domicile. Si l'instauration d'un tarif plancher partait d'une bonne idée, l'indifférenciation de la compensation selon les départements a créé une sorte d'effet d'aubaine pour les départements les plus aisés, sans compter que la tarification à l'heure entrave toute autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps des personnels, ce qui ne contribue pas à redonner du sens à ces métiers.

Nous apprécions également le fléchage des bénéfices des Ehpad commerciaux. L'actualité montre qu'il nous faut renforcer les contrôles, non pas systématiques dans l'intégralité des Ehpad - ce choix nous avait laissés dubitatifs -, mais sur le fondement de procédures d'alerte déclenchant des contrôles inopinés et plus approfondis. De fait, les structures du groupe Emera qui sont aujourd'hui pointées du doigt avaient fait l'objet de ces contrôles systématiques, ce qui montre bien que cela n'a pas suffi à arranger la situation.

Nous saluons l'intérêt porté par le texte aux résidences autonomie, qui nous paraissent être l'une des clés du logement des personnes âgées dans le continuum qui, du domicile traditionnel aux Ehpad, inclut également le logement partagé et le logement inclusif.

Les résidences autonomie ayant été fort peu entretenues ces dernières années, elles ont besoin d'être réhabilitées, ce qui nécessitera des crédits bien plus importants que ceux qui y sont consacrés aujourd'hui. La résidence autonomie permet en outre une bien meilleure appréhension domiciliaire que certains Ehpad qui accueillent une proportion importante de personnes en fin de vie ou en situation de grande dépendance.

Sur ce sujet comme sur d'autres, nous sommes tout à fait en accord avec les propositions portées par cette proposition de loi, même si, comme je l'indiquais, la CNSA souhaite que l'ensemble de ces sujets soient traités de manière globale et cohérente.

Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - J'aborderai pour ma part l'articulation entre la proposition de loi et la feuille de route de la CNSA, fixée notamment par la COG 2022-2026.

Cette proposition de loi conforte des actions importantes prévues par la COG en leur donnant une base législative. Je pense notamment au renforcement de la prévention de la perte d'autonomie par la création d'une Conférence nationale de l'autonomie et à la création du service public départemental de l'autonomie (SPDA).

La Conférence nationale de l'autonomie a vocation à assurer le pilotage national de cette politique en prenant appui sur un centre de ressources et de preuves géré par la CNSA. Ce faisant, la rédaction actuelle de la proposition de loi consolide la politique de prévention de la perte d'autonomie engagée depuis la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Si celle-ci a créé une instance territoriale de coordination des actions de prévention avec les conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie, elle n'a pas instauré de gouvernance nationale.

À défaut d'une telle gouvernance, les têtes de réseau des parties prenantes des conférences des financeurs se sont organisées. La CNSA participe à un comité de pilotage national de la prévention de la perte d'autonomie qui associe l'assurance vieillesse, les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) et des représentants des départements, mais cette instance, technique, a simplement vocation à coordonner le soutien apporté aux acteurs territoriaux des conférences des financeurs. Elle a notamment contribué à doter ces conférences de méthodes leur permettant de définir des programmes concertés de prévention de la perte d'autonomie, ainsi que d'outils d'évaluation. Toutefois, sa composition l'empêche de jouer le rôle d'une véritable instance de pilotage de la politique de prévention de la perte d'autonomie.

Nous accueillons donc avec beaucoup d'optimisme la création de la Conférence nationale de l'autonomie.

Cette proposition de loi reconnaît par ailleurs le rôle du centre de ressources et de preuves dédié à la prévention de la perte d'autonomie, chantier phare de la COG de la CNSA. Ce centre a été installé à la fin de l'année 2022, puis il a constitué sa gouvernance, commencé à recruter et noué des partenariats avec les gérontopôles dans le courant de l'année 2023. Il a, dans le même temps, démarré son action d'animation de conférences pour renforcer la culture de la preuve, dans le triple objectif de capitaliser sur les démarches probantes, d'essaimer ces démarches dans un format accessible et de soutenir la culture de la prévention dans les territoires.

Si la reconnaissance du rôle du centre de ressources et de preuves en soutien à la future Conférence nationale de l'autonomie nous paraît donc de très bon aloi, nous nous inquiétons que le texte lui assigne la fonction nouvelle de labelliser les aides techniques. Non seulement cette mission nous paraît étrangère au champ des responsabilités actuelles du CNSA, mais elle est en décalage avec les ressources dont le centre dispose - nous estimons qu'il faudrait plus de 30 équivalents temps plein (ETP) pour instruire les dossiers des plusieurs milliers d'aides techniques qui existent, quand le centre n'en compte que 3 - tandis que d'autres instances, en particulier la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la HAS, paraissent mieux armées pour une telle mission.

La seconde disposition de ce texte qui fait écho à la COG est la création d'un service public départemental dédié aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Issue des propositions formulées par Dominique Libault dans son rapport intitulé Vers un service public territorial de l'autonomie, l'instauration d'un tel guichet unique dans les territoires permettra d'informer, d'orienter et d'accompagner les personnes dans la mise en oeuvre de leurs droits, de soutenir les aidants et de promouvoir des actions de prévention de la perte d'autonomie.

La CNSA est d'ores et déjà mobilisée pour préparer et soutenir la création de ce futur service public départemental. Un comité d'orientation et de suivi a été mis en place pour accompagner la préfiguration du SPDA. Sous l'égide de la ministre Aurore Bergé, la CNSA a lancé l'été dernier un appel à manifestation d'intérêt pour inviter les départements qui souhaitent déjà avancer à se manifester, afin que nous puissions concevoir avec eux le futur cahier des charges de ce SPDA.

Tout est donc réuni pour qu'une telle disposition soit effective dans les meilleurs délais.

Le texte confie également à la Caisse un nouveau rôle en matière de promotion de l'audit et du contrôle interne en direction des « réseaux » de la caisse, en particulier des maisons départementales de l'autonomie (MDA).

Il nous semble en effet important de proposer des outils tels que le développement de systèmes d'information harmonisés et les référentiels, et de nous assurer qu'ils sont pleinement mobilisés par les acteurs territoriaux. Tel est précisément l'objet de la démarche de contrôle interne.

La CNSA devra être impliquée à la fois dans la préparation de la loi de programmation pluriannuelle qu'évoquait le président Lecerf et dans sa mise en oeuvre. Il ne s'agit pour l'heure que d'une perspective, mais il est clair que son adoption pourrait conduire à faire varier la trajectoire financière de la branche et nécessiter un avenant à la COG.

La proposition de loi prévoit également une expérimentation de dotation forfaitaire pour les services d'aide à domicile en remplacement des tarifs horaires. La CNSA est d'ores et déjà mobilisée par plusieurs réformes visant à conforter la capacité des services à domicile à garantir le maintien des personnes à domicile. Je pense aux réformes tarifaires qui sont actuellement en phase de montée en charge afin de soutenir le financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile, ainsi que le bon fonctionnement des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

Cette expérimentation de dotation forfaitaire, de même que l'aide au soutien à la mobilité des professionnels à domicile ou le travail sur les taux d'encadrement, sont autant de chantiers nouveaux pour la CNSA qui appelleront une modification de la COG.

M. Jean Sol, rapporteur. - Pensez-vous que la création d'un SPDA permette de réaliser la mise en place de guichets uniques par département et de faciliter les démarches administratives d'accompagnement et de suivi des parcours des personnes âgées ou en situation de handicap ? Où en est le chantier de préfiguration de ce SPDA, qui a été lancé sans attendre l'adoption de la proposition de loi ?

Par ailleurs, quelle serait la répartition des rôles entre la Conférence nationale de l'autonomie et le Conseil de la CNSA ?

Le texte confie à la CNSA une mission nationale d'audit et d'évaluation des départements et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en tant qu'acteurs des politiques de soutien à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Il introduit l'obligation pour les départements et les MDPH de communiquer à la CNSA tous documents et renseignements utiles et d'autoriser la tenue de missions sur place.

Ces dispositions sont-elles de nature à faciliter le travail de coordination et d'animation de la CNSA ? Auront-elles pour effet de modifier les relations entre la CNSA et les départements qui semblent assez hétérogènes ?

Plus généralement, le texte contient-il selon vous de réelles avancées dans le domaine de la prévention de la perte d'autonomie ?

M. Jean-René Lecerf. - Sur la mise en place du SPDA, nous sommes actuellement dans un processus de préfiguration. Un appel à candidatures a été adressé aux départements, 16 d'entre eux seront retenus. La CNSA leur financera un équivalent temps plein (ETP) pour les aider à coordonner ce travail de préfiguration. L'État souhaitait que toutes les régions soient représentées, ce qui sera quasiment réalisé.

Nous souhaitons parvenir à davantage d'uniformité et d'universalité sur les aides accordées aux uns et aux autres en fonction de leurs besoins. Effectivement, on se heurte là à une difficulté : nos « services extérieurs », si je peux m'exprimer ainsi, sont les agences régionales de santé (ARS) et les départements, et parfois les politiques départementales sont très disparates. Or nous voulons éviter qu'en France, à partir d'un certain âge, on doive choisir son lieu d'habitation en fonction des politiques menées au niveau départemental. Le développement de programmes comme le système d'information de l'allocation personnalisée d'autonomie (SI-APA) permet de lisser le manque d'équité potentiel.

Le SPDA sera un instrument puissant pour parvenir non pas à une uniformité totale des politiques mises en oeuvre, mais à une situation où globalement les personnes avec les mêmes problèmes recevront une aide équivalente. Il offre aussi l'opportunité de gérer de nouvelles relations entre les ARS et les départements, car les relations n'étaient pas très bonnes entre la CNSA et les départements - ces derniers ayant largement boycotté les conseils de la CNSA pendant le précédent mandat. Mais les relations des départements avec les ARS étaient également fort difficiles : quand j'ai pris la tête du département du Nord en 2015, on ne se parlait pas ! La crise du covid-19 nous a fait progresser et aujourd'hui ce dialogue ARS-département-CNSA doit être renforcé.

Cela étant, la question du contrôle de la CNSA sur les politiques départementales est un sujet explosif : si l'on parlait de « tutelle » de la CNSA sur un département, mes anciens collègues présidents de département monteraient au créneau ! Si la CNSA peut jouer un rôle de bons offices entre les uns et les autres, elle le fera très volontiers. Elle obtient souvent des résultats, précisément parce qu'elle représente l'État sans l'être tout à fait, et cela semble faciliter les relations de travail, par exemple pour les aides accordées aux MDPH les plus en difficulté. Nous ne cherchons nullement à exercer un contrôle.

Mme Virginie Magnant. - Nous sommes très favorables à la création d'une mission d'appui et d'évaluation de la qualité qui donnera à la CNSA la capacité de réaliser de l'accompagnement, de l'audit et du conseil sur l'ensemble des services autonomie. Cette disposition nous semble importante, même s'il ne s'agit pas de bouleverser le sens de la relation entre la CNSA et les services des conseils départementaux et des MDPH. La CNSA n'a aucun lien hiérarchique ou d'autorité sur ces services ; dans le passé, elle a joué un rôle d'animation et de coconstruction de référentiels. Plus récemment, avec la feuille de route MDPH 2022, elle a accompagné une vingtaine de MDPH dans la conception et la mise en oeuvre de plans d'amélioration de la qualité, afin de réduire durablement leurs délais de traitement, en revisitant les processus d'instruction des demandes et de délivrance des droits.

Cette mission a connu un franc succès, notamment à la MDPH du Finistère, où les délais de traitement ont été divisés par deux, ou à la MDPH de l'Aisne dont le rétablissement a été spectaculaire.

Pour autant, dans le contexte de création d'une branche de la sécurité sociale dont les comptes sont désormais certifiés, il importe que nous puissions garantir l'ouverture de justes droits avec un contrôle interne dépassant le périmètre strict de la CNSA. Il faut en effet inclure le fonctionnement des services qui oeuvrent aujourd'hui pour l'ouverture des droits comme les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Cette mission est donc étroitement liée à la création de la branche et à la certification de ses comptes globaux. Elle vise à garantir au certificateur la parfaite conformité des droits ouverts et soutenus par les financements de la branche aux référentiels adoptés. L'inscription de cette mission dans la COG de la CNSA ne s'oppose pas à nos autres activités, qu'il s'agisse du travail d'expertise et de promotion de la coconstruction avec les MDPH et les services autonomie, ou de l'activité d'audit. On pourra par exemple réaliser des études thématiques sur plusieurs MDPH pour identifier les modalités d'ouverture des droits à la prestation de compensation du handicap (PCH) qui est fort complexe.

Il s'agit pour nous, d'une part, de répondre aux attentes du certificateur et, d'autre part, de conforter nos capacités d'accompagnement des équipes dans leurs activités d'évaluation et d'instruction, afin de garantir l'équité de traitement des situations individuelles.

Concernant le SPDA, je confirme qu'un travail de préfiguration est en cours et que l'appel à manifestations d'intérêt a été lancé. Les résultats seront annoncés prochainement par Mme Bergé. En 2024, la CNSA travaillera à favoriser le développement de ce guichet unique en soutenant les préfigurateurs dans leur démarche et en coconstruisant avec les territoires, les outils qui aideront les autres départements à structurer un tel guichet.

Au sujet de l'apport de ce service aux personnes, nous partageons le constat de Dominique Libault sur le fait que les démarches administratives que doivent remplir les personnes âgées ou en situation de handicap s'apparentent encore trop souvent à un parcours du combattant. Elles sont complexes et il importe de pouvoir mieux coordonner les acteurs comme les MDPH, les dispositifs d'appui à la coordination, les points info services, les centres locaux d'information et de coordination (Clic), les centres communaux d'action sociale (CCAS), les services polyvalents de conseils départementaux qui, tous, apportent un service mais dont la lisibilité est loin d'être garantie.

M. Jean Sol, rapporteur. - Parce qu'ils ne se parlent pas ?

Mme Virginie Magnant. - Pas, ou pas assez. C'est donc pour en améliorer la qualité qu'est prévu ce dispositif, avec l'objectif d'être utile aux personnes.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - La proposition d'une programmation pluriannuelle est vraiment attendue et serait très appréciée. Aujourd'hui, l'aspect financier n'est pas extrêmement lisible. Pourriez-vous nous dire à quelle hauteur la CNSA contribuerait au financement des dépenses liées à la coordination du SPDA et au fonctionnement de la conférence des financeurs, dans le cadre de la conférence territoriale de l'autonomie ? Les concours de la CNSA au titre des dépenses décidées par cette conférence des financeurs ont-ils vocation à progresser ?

L'article 1er bis C qui prévoit la transmission par les départements à la CNSA de données relatives au nombre de financements de projets pérennes vous semble-t-il applicable ?

Comment appréciez-vous la proposition de réserver une fraction des bénéfices réalisés par les Ehpad privés lucratifs au financement des actions en faveur de l'amélioration des conditions d'accueil et d'hébergement des résidents ?

On parle des contrôles qui doivent être faits dans les Ehpad, mais qu'en est-il pour les établissements de personnes handicapées ? Il me semble que les contrôles doivent y être renforcés également.

Existe-t-il des possibilités de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile sous forme de dotation globale et quelles sont leurs éventuelles limites ? En la matière, quels sont les objectifs des expérimentations prévues à l'article 8 ? Vous semblent-elles de nature à améliorer le financement des services à domicile ?

M. Jean-René Lecerf. - Concernant les contrôles, j'accueille avec satisfaction votre remarque consistant à dire qu'il faut appréhender ensemble le grand âge et le handicap. Les dérives ont pu être plus importantes dans le secteur du grand âge, mais nul ne peut l'assurer.

Pour le secteur du handicap, il faut également prendre en compte le fait que certains États voisins, comme la Belgique, ont acquis une certaine compétence, qu'il faut certes contrôler, mais qui complique toute interruption brutale de la collaboration. Il faut revaloriser les entreprises situées à l'étranger qui travaillent bien, de la même manière qu'on le fait pour les entreprises françaises, car nous n'avons pas vraiment le choix.

S'agissant de la dotation globale portant sur le secteur de l'aide à domicile, tous les éléments de réflexion sont importants. C'est un secteur en grande difficulté alors qu'il est de plus en plus indispensable. Des efforts colossaux doivent être menés pour améliorer la reconnaissance financière et l'attractivité de la fonction. Pour ce faire, la proposition de loi prévoit notamment une aide à la mobilité pour les personnels. La CNSA, l'État ou les départements pourraient ainsi faciliter l'acquisition de véhicules ou l'accès à des véhicules professionnels, qui pourraient également être utilisés pour des trajets personnels.

Par ailleurs, une réforme doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain afin de transformer les heures dites « de convivialité » en heures « de lien social », permettant que ces professionnelles soient rémunérées non seulement pour le temps qu'elles passent à faire la toilette et les repas, mais aussi pour le temps qu'elles consacrent aux discussions avec les personnes âgées ou handicapées. Ces personnes ont besoin de temps d'échange, qui doivent être pris en compte dans la définition des fonctions des personnels d'aide.

On est encore très loin des souhaits formulés dans différents rapports comme celui de Mme El Khomri qui appelait à créer 350 000 emplois dans l'accompagnement et le soin, un chiffre qui ne sera pas atteint. Par conséquent, à côté des aides à domicile, il faut être très vigilant sur les aidants qui représentent environ 8 millions de personnes. Les progrès réalisés en la matière restent insuffisants. Il faut également que l'État, au niveau des départements en particulier, adopte une approche différente sur la question des séjours de répit des aidants.

En effet, j'ai reçu de nombreuses protestations des territoires concernant des initiatives très riches consistant à mettre en place des structures d'accueil pour aidants et aidés, de façon à ce que la solution ne soit pas toujours de recourir à l'Ehpad pour deux ou trois semaines mais qu'il soit également possible de prendre ensemble les repos nécessaires. Ce solutions ne sont pas encouragées à la hauteur des enjeux aujourd'hui.

Mme Virginie Magnant. - Les financements dédiés à la prévention de la perte d'autonomie pour 2022-2026 dans le cadre de la COG sont très significatifs. La branche autonomie a prévu de mobiliser 1 milliard d'euros sur cette période pour soutenir les actions pilotées au niveau territorial par les conférences des financeurs. La trajectoire est ascendante. Les crédits progressent chaque année : les concours destinés à soutenir la prévention en résidence autonomie et ceux dédiés aux autres actions de prévention, en particulier collectives, représentent aujourd'hui plus de 50 % des crédits mobilisés par les conférences.

La CNSA est le premier financeur des actions de prévention, abstraction faite de l'accès aux aides techniques financées par l'assurance maladie via la liste des prestations et produits remboursables. La COG de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) lui permet de renforcer ses moyens dédiés à la prévention de la perte d'autonomie au travers des crédits d'action sociale mobilisés par les Carsat : nous accueillons avec plaisir ce renforcement de la capacité collective.

S'agissant de l'expérimentation des dotations forfaitaires, la réforme du financement des services autonomie à domicile (SAD) permettait de tracer le chemin d'un financement plus global avec la mise en place de la dotation complémentaire, puisque celle-ci est conditionnée à la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). L'expérimentation de la dotation forfaitaire représente une avancée symbolique mais importante, car elle engage la rupture avec le principe d'un financement horaire. Elle permet de se rapprocher du mode de fonctionnement d'établissements médico-sociaux classiques, dans lesquels la dotation finance le fonctionnement global de la structure. On abandonne ainsi la référence à toute intervention horaire, très dénoncée par les acteurs comme allant de pair avec un fractionnement des interventions, une difficulté à financer les temps de coordination et des temps qui ne se mesurent pas strictement par la présence auprès de la personne accompagnée.

Mme Corinne Féret. - Je partage votre regret que l'on n'ait toujours pas cette grande loi autonomie promise depuis des années.

Au sujet du titre Ier qui concerne la création d'une Conférence nationale de l'autonomie et la mise en place d'un SPDA, des conférences territoriales n'auraient-elles pas été plus pertinentes pour garantir des réponses plus proches des acteurs concernés ?

En outre, il existe des conférences des financeurs dans les territoires, mais comment trouver la bonne articulation avec la Conférence nationale ?

Le SPDA est issu d'un amendement du Gouvernement qui fait écho à une proposition de Dominique Libault dans son second rapport. Que pensez-vous de la façon dont les choses se sont passées ?

Les propositions formulées dans le titre III, sur l'accompagnement des professionnels notamment, sont-elles suffisantes pour rendre ces métiers attractifs ? En effet, les organisations syndicales ont rappelé que ces emplois étaient occupés à 95 % par des femmes et que plus de 66 % d'entre elles étaient à temps partiel non choisi. Des propositions sont faites en matière de mobilité, d'organisation, de temps d'échange, mais où sont les moyens ? Si ces mesures ne sont pas financées, elles ne sont pas applicables.

Enfin, je m'interroge sur la formation de ces femmes : celles-ci craignent d'être parfois maltraitantes, faute d'avoir été formées. Il faut rappeler que la maltraitance, ce n'est pas seulement en établissement.

Mme Corinne Imbert. - Pour l'expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance, le Gouvernement avait annoncé que 20 départements au plus seraient concernés. Pouvez-vous nous confirmer que 16 départements ont été retenus ?

L'accueil familial n'est pas développé de la même manière dans les différents départements. La loi prévoit qu'un accueillant familial peut être agréé pour trois personnes au plus, et jusqu'à quatre s'il accueille un couple par dérogation accordée par le président du conseil départemental, et si les conditions le permettent. Que pensez-vous de l'accueil familial comme solution pour les personnes âgées ou handicapées ? Cette dérogation pourrait-elle être élargie à l'ensemble des accueillants familiaux, à condition bien sûr que les conditions d'accueil le permettent ? Compte tenu du vieillissement de la population et des réticences à entrer en Ehpad, l'accueil familial présente des atouts : la proximité et la possibilité pour les services du conseil départemental de faire un suivi des personnes, quand, en parallèle, de plus en plus de structures d'accueil ouvrent leurs portes sans agrément et échappent à tout contrôle.

M. Alain Milon. - Monsieur le président, vous avez déclaré douter de l'avenir de ces propositions de loi. On observe pourtant leur multiplication, exonérant le Gouvernement de faire ses propres lois. La semaine dernière, lors d'une audition d'opérateurs privés, l'un d'eux a déclaré que le prix de journée pouvait varier de 75 euros à 1 500 euros. N'y a-t-il pas un risque de voir certains tenter de transformer leur Ehpad en soins palliatifs ?

M. Philippe Mouiller, président. - Rappelons qu'une proposition de loi ne fait l'objet ni d'étude d'impact ni d'avis du Conseil d'État.

M. Jean-René Lecerf. - Les 16 départements ont été choisis dans le cadre de la préfiguration du SPDA - c'est une autre thématique.

À propos de l'accueil familial, il n'existe aujourd'hui qu'à dose très homéopathique... Or il connaît un vrai succès, notamment en milieu rural. Des opportunités existent tant pour les personnes âgées que pour les personnes en situation de handicap, y compris dans le milieu agricole. Quand le dispositif fonctionne bien, les personnes accueillies y restent jusqu'à leur dernier jour. Il me semble tout à fait pertinent de réfléchir à son développement, comme pour le logement partagé ou le logement inclusif.

Le fait que la conférence créée par l'article 1er soit nationale et non territoriale répond au constat qu'aujourd'hui en France, on a beaucoup de mal à garantir un minimum d'équité entre les situations des différents départements. J'ai été vice-président de l'Assemblée des départements de France, aujourd'hui Départements de France, chargé des finances et j'ai pu constater l'extrême difficulté d'obtenir des décisions oecuméniques. Pour aller vers plus d'équité ou d'universalité, il faut parfois imposer des structures qui ont une compétence nationale plutôt que locale.

Je ne critique pas les propositions de loi, mais j'ai quelquefois l'impression qu'elles servent à préparer la loi, ce qui n'était pas la raison d'être de ce droit d'initiative parlementaire. Bien que je puisse me vanter d'avoir eu une proposition de loi qui soit allée au bout du processus lorsque j'étais sénateur, le nombre de ces textes qui aboutissent est assez restreint. Néanmoins, la discussion que vous aurez sur la proposition de loi est fondamentale pour ce que sera l'avenir des lois de programmation. Elles devront être débattues tous les cinq ans si j'ai bien compris, afin de mettre en musique les décisions que vous aurez contribué à faire prendre.

Notre situation à la CNSA ressemble parfois à celle du législateur se trouvant sous les fourches caudines de l'article 40 de la Constitution. Depuis le vote de la COG, des ministres font des déclarations en faveur de la mise en place de politiques intéressantes mais coûteuses, et au moment du vote du budget on doit tirer les sonnettes. Il faut donner à la CNSA les moyens de tenir les promesses gouvernementales. Lorsqu'on demande d'utiliser les possibilités d'avenant de la COG, qui sont pourtant prévues, on a parfois l'impression de proférer des insanités. Mais nous y arriverons !

Mme Monique Lubin. - La mise en place du SPDA conduirait à une certaine uniformisation des services proposés dans les départements. Devons-nous y voir une territorialisation de la cinquième branche ? Les départements garderont-ils leur capacité d'innovation ? Je redoute une tentative d'amener la dépendance vers les ARS, et donc de priver les départements d'une partie de leurs compétences sur ce sujet.

Concrètement, comment le SPDA sera-t-il mis en place et qui le financera ? Ne faut-il pas craindre que progressivement le service ne puisse être maintenu que grâce aux financements des collectivités, comme on le voit pour les maisons France Services ?

Enfin, je rejoins tout ce qui a été dit sur les propositions de loi, qui permettent d'éviter d'avoir à réaliser une étude d'impact et donc de répondre à des questions. Je crains que cette proposition de loi ne conduise à créer des instances supplémentaires, mais qu'en est-il de l'offre ? Lorsque je discute avec mes concitoyens, ils ne sont pas inquiets de savoir où trouver l'information, mais plutôt de l'offre.

Vous avez évoqué les projets de certains départements à propos des aidants, mais il y a d'autres projets que nous peinons à financer. Ce qui m'intéresse, c'est l'offre. Cette proposition de loi n'empêchera-t-elle pas d'avoir un grand texte sur la dépendance ?

M. Olivier Henno. - Il y a une tension entre l'uniformité et l'équité ; il ne faudrait pas que les gens choisissent leur lieu d'habitation en fonction de ce que l'on offre dans tel ou tel territoire. Les Ehpad et les départements connaissent en outre des tensions financières. Pour ma part, je m'inquiète surtout de l'équité territoriale. Je suis pour la décentralisation, mais l'équité territoriale doit être assurée. Comment renforcer la légitimité de la CNSA dans le cadre de la cinquième branche et dans le respect de l'équité territoriale ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Vous avez parlé d'universalité, mais ne confondons pas universalité et uniformité. Compte tenu de la centralité de la CNSA, je crains que le cahier des charges soit appliqué uniformément partout sur le territoire, alors qu'il est au contraire essentiel de réfléchir selon les territoires, autour du département ou d'un autre territoire, dans le cadre d'une convention entre le département, l'ARS et la structure concernée.

En matière de financement, il y a deux acteurs : la sécurité sociale, qui prend en charge le soin, et le département, qui finance le social. Mais comment garantir la cohérence, quand les équipes autonomes de soignants et d'aides à domicile fonctionnent en groupe ? Faut-il scinder son activité selon que ce que l'on fait relève de la sécurité sociale ou du département ? Il faudrait repenser les circuits de financement.

Mme Corinne Bourcier. - Une association m'a alertée sur l'insuffisance de la tarification qui leur est appliquée par rapport à leur coût de revient : le tarif d'une heure à domicile est 25,60 euros et le coût de revient est de 32 euros, sachant que l'on ne peut pas facturer de reste à charge. Cette tarification insuffisante met en péril l'équilibre financier de ces associations alors que la demande explose. Comment faire évoluer la tarification des services d'aide à domicile ?

Le chèque emploi service universel (Cesu) permet d'employer une personne à domicile. Ces services sont soumis à un contrôle, mais comment sont exercés les contrôles des personnes payées par Cesu ? Cela paraît bien obscur...

M. Jean-René Lecerf. - Je préfère l'universalité à l'uniformité. Il n'est pas sain que tout se passe de la même manière sur tout le territoire. Mais les services offerts sur le territoire doivent être comparables.

Ensuite, avec des mesures trop ambitieuses, ne risque-t-on pas de décourager l'innovation ? Actuellement, nous orchestrons la réforme des dotations de la CNSA aux départements ; cette réforme doit conduire à ce que les aides accordées soient proportionnelles aux difficultés de chaque département, car l'égalité complète est une rupture d'égalité. Les départements qui ont le plus besoin d'aide doivent être plus aidés. On le voit, des départements défavorisés, notamment ruraux, ont des tarifs planchers plus importants que les départements riches, qui peuvent avoir un tarif plancher très faible sans que cela leur coûte trop. Si l'on réforme les concours de la CNSA aux départements, on devra se pencher sur cette question.

La forfaitisation ne doit pas entraîner une diminution du temps passé au chevet de la personne, cela doit donner plus de souplesse. On évoquait le quota de neuf heures de lien social par mois lors d'un conseil d'administration récent de la CNSA ; ce sont des heures très intéressantes, car le compagnonnage, la conversation, sont importants. Mais certains départements envisagent de confier ces heures de lien social aux agents de La Poste. J'ai de la sympathie pour cet établissement, mais je ne peux pas accepter cela. Ce travail doit être assuré par des professionnels, qui pourront ainsi passer peu à peu d'un emploi du temps hachuré à un emploi à temps complet, d'autant que le salaire moyen est honteux.

Mme Virginie Magnant. - Monsieur Milon, vous nous interrogez sur le tarif des Ehpad et sur le positionnement des Ehpad commerciaux. La CNSA publie les tarifs des Ehpad. Les écarts des tarifs journaliers vont de 63 à 97 euros en moyenne, avec des prix plus élevés en région parisienne - 155 euros -, notamment dans les Hauts-de-Seine - 132 euros - mais aussi dans les Yvelines, et en Haute-Savoie. Cela correspond en réalité aux territoires où le prix du foncier est très élevé.

Les durées de séjour sont différentes aussi : elles sont d'autant moins importantes que le coût est élevé - c'est un dernier recours. Mais ce n'est pas aux seuls Ehpad de prendre en charge les publics très dépendants. Le financement du soin consacré aux Ehpad ne suffirait pas. Le modèle Pathos ne va pas jusqu'à la prise en charge des soins palliatifs. Cela dit, les liens entre les Ehpad et les filières gériatriques ou d'hospitalisation à domicile se sont renforcés à la faveur de la pandémie de covid-19, au travers de conventions. C'est indispensable pour assurer l'accueil des personnes en fin de vie.

Je veux dire un mot sur le soutien de la CNSA aux départements qui promeuvent l'accueil familial des personnes âgées. Dans le cadre des rencontres interdépartementales sur l'autonomie, je me suis rendue dans des départements où j'ai visité des maisons d'accueillants familiaux. Cela m'a beaucoup intéressée. Ce sont des maisons comparables à un habitat autonome. Il y a trois ou quatre résidents, avec un hôte qui est là en permanence. L'accueillant familial est salarié et agréé. Cela permet de disposer d'autres services et cela garantit à la fois un chez-soi et des activités pour les pensionnaires.

Mme Brigitte Devésa. - La maltraitance peut prendre de nombreuses formes et touche aussi les services à domicile. Les familles peuvent en partie compenser ces maltraitances quand elles accueillent le bénéficiaire, mais les contrôles sont insuffisants. Quand il y a une réelle maltraitance et que l'on porte plainte, les plaintes ne donnent lieu à aucun suivi, on met même en doute les témoignages des plaignants au motif qu'ils sont séniles. Comment améliorer la situation ?

M. Khalifé Khalifé. - Je suis inquiet des couches multiples que l'on ajoute les unes aux autres. Certains départements sont de bons élèves, ils ont essayé de trouver des solutions, mais cette nouvelle couche risque de les mettre en difficulté.

Le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement sur le dispositif dit « Creton » lors de l'examen du PLFSS. Nous aimerions maintenant que le Gouvernement s'en empare, car il y a 10 000 personnes en attente. Qu'en pensez-vous ?

Mme Frédérique Puissat. - Il n'y a rien dans le texte sur l'accueil de jour pour les personnes atteintes de troubles du comportement, comme la maladie d'Alzheimer, car cela relève du pouvoir réglementaire. Mais la circulaire qui organise l'accueil de jour date de 2011 et on constate qu'il y est dérogé sur le terrain. Pourtant, l'ARS considère qu'un accueil de 2 ou 3 places n'est pas suffisant et ferme les services. En avez-vous entendu parler ? Que pensez-vous des seuils de 6 et de 10 personnes ? Une disposition législative pourrait-elle rendre la gestion plus souple sur le terrain ?

M. Jean-René Lecerf. - Sur l'amendement Creton, il y a des progrès, notamment la volonté de créer des places dans le cadre des « 50 000 solutions ». Le dernier PLFSS marque cette orientation. Sur les dérives constatées dans les SAD, la seule solution est forcément globale : il faut que les personnels soient plus formés et plus nombreux. Il y a des cas de maltraitance, mais aussi des exemples nombreux de personnes qui se dévouent pour un salaire de misère. Je regrette par ailleurs la féminisation outrancière - 97 % - de cette fonction ! Dans les départements, on essaie de recruter plus d'hommes assistants familiaux, et on arrive à un équilibre 70 %-30 %.

Je comprends votre crainte que les départements les mieux disants soient pénalisés. Le tarif plancher a eu pour effet de compenser plus fortement les départements ayant fait le moins d'efforts.

Je suis moins pessimiste que vous sur l'évolution des tarifs. Le tarif est actuellement entre 24 et 25 euros, mais il faut ajouter souvent les 3 euros de qualité. Or, il n'y a pas si longtemps, on était encore à 16 euros. Les progrès dépendront de la qualité du recrutement et de la limitation d'un nombre de vacances de poste. Il y a beaucoup de congés maladie, car ce métier est devenu plus exposé aux risques. Cela s'explique par le fait que les aides techniques ne sont pas assez utilisées et que les formations sont insuffisantes. En outre, la personne qui n'a plus assez de force physique pour exercer ce métier doit cesser de l'exercer et devenir une personne ressource.

Mme Virginie Magnant. - Sur la qualité des accompagnements et les risques de maltraitance, vous soulignez les difficultés posées par les interventions trop fractionnées, des absences non remplacées ou un turn-over des intervenantes, qui sont des symptômes des difficultés existantes sur le recrutement et la fidélisation des professionnelles de l'autonomie. C'est un sujet central auquel la CNSA a consacré ses dernières rencontres sur les métiers de l'autonomie qui sont en tension. Un livre blanc a été remis au Gouvernement.

Le soutien de l'attractivité de ces métiers appelle une mobilisation collective pour actionner de nombreux leviers : la rémunération des professionnelles, les conditions de leur recrutement, le fonctionnement des services.

La CNSA n'intervient pas dans le contrôle des structures qui incombe au premier chef aux autorités de tarification et de contrôle, c'est-à-dire les départements et les ARS.

Nous faisons partie des acteurs mobilisés pour promouvoir des organisations bien traitantes et avons lancé à cette fin une étude d'évaluation très importante du fonctionnement des services en équipes autonomes, afin de rompre avec des interventions trop minutées et de conforter des interventions au plus près des besoins.

Via des conventionnements de plusieurs dizaines de millions d'euros avec les grandes fédérations d'aide à domicile, nous soutenons aussi la formation des professionnels, des managers de ces équipes pour les sensibiliser à des modes d'organisation bientraitants et à la lutte contre la maltraitance. Cette culture de la bientraitance doit régulièrement être promue pour obtenir des résultats. Il faut, en écho aux préoccupations du Conseil, redire que les personnes sont des sujets de droit et non des objets de soin et s'assurer du plein consentement de la personne aux soins et à l'accompagnement qui lui sont prodigués.

L'effort doit être collectif et la CNSA s'applique à mobiliser plusieurs leviers comme la formation, l'accompagnement des fédérations, la promotion de l'organisation bientraitante pour faire progresser cette qualité de service.

Enfin, sur la question du développement des places de répit, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a produit un rapport l'an dernier sur les freins à leur développement. Nous savons que le fait de conditionner la capacité des structures à organiser des séjours de répit avec un nombre de places minimum peut constituer un obstacle. En même temps, comme le rapport de l'Igas le soulignait, nous constatons avec dépit que les places peuvent être sous-occupées.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - La situation est différente selon les territoires car elle est liée aux problèmes de transports.

Mme Virginie Magnant. - Une réflexion est en cours pour étudier différentes solutions de répit, y compris à domicile, ce qui répondrait parfaitement au besoin des aidants d'être soutenus sans perturber le mode de vie de la personne aidée.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie pour vos interventions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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