LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME
ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE
49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont considérés comme adoptés par l'Assemblée nationale avec modification, le Gouvernement retenant quatre amendements dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
L'amendement de notre collègue Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues majore d'1,5 million d'euros les crédits de l'action 06 - Actions éducatives complémentaires aux enseignements du programme 230 « Vie de l'élève », afin de renforcer le dispositif permettant à un élève empêché par une maladie grave de bénéficier d'un robot de téléprésence.
Un autre amendement, de notre collègue Erwan Balanant et plusieurs de ses collègues, augmente de 30 millions d'euros l'action 01 - Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives - du programme 214 « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » afin de mettre en place des brigades anti-harcèlement scolaire, venant en appui des équipes pédagogiques des établissements scolaires.
Un troisième amendement de notre collègue Jean-Claude Raux et plusieurs de ses collègues prévoit d'augmenter de 800 000 euros les crédits dédiés à l'expérimentation des territoires éducatifs ruraux (TER) dans le premier degré.
Enfin, un amendement d'Émilie Bonnivard crée un fonds national d'aide au départ en voyages scolaires pour les écoles primaires, doté de 3 millions d'euros, en majorant les crédits de l'action 06 du programme 230.
EXAMEN DES
ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 53
Création
des pôles d'appui à la scolarité (PAS)
Le présent article prévoit la substitution progressive, à partir de la rentrée 2024 et jusqu'à 2026 des pôles inclusifs d'accompagnement localisé par les pôles d'appui à la scolarité (PAS). En 2024, 100 PAS devraient être mis en place dans trois départements, avant la généralisation progressive du dispositif.
Les PAS doivent apporter une réponse de premier niveau pour la scolarisation des élèves à besoins particuliers, en amont de la notification d'accompagnement spécialisé émise par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Les PAS ont également vocation à déterminer la quotité d'accompagnement attribué à chaque élève, une fois intervenue la décision de la MDPH.
La réorganisation des modalités de la gouvernance et du fonctionnement de l'école inclusive prévues par le présent article ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. Par ailleurs, eu égard à l'importance de ces questions de fond, il semble préférable de réserver ce débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet, sans nier pour autant la nécessité de faire évoluer le fonctionnement actuel de la prise en charge à l'école des élèves en situation de handicap.
La commission des finances propose donc de supprimer cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : LES PÔLES INCLUSIFS D'ACCOMPAGNEMENT LOCALISÉ DEVAIENT PERMETTRE DE MIEUX RÉPONDRE À L'OBLIGATION DE SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
A. UNE OBLIGATION DE SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
L'article 19 de la loi du 11 février 200519(*) garantit à tous le droit à l'éducation. L'article L. 112-1 du code de l'éducation prévoit donc que « le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ». Ce même article précise que tout enfant ou adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans un établissements médico-social, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence.
L'article L. 351-1 du code de l'éducation prévoit que la décision de scolarisation en école ordinaire, ainsi que les dispositions nécessaires à la scolarisation, sont prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.
Le premier alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation prévoit que ces enfants peuvent bénéficier d'une aide individuelle, notamment apportée par un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH). Le deuxième alinéa du même article dispose que cette aide peut également être sous forme mutualisée, également apportée par un AESH. Son troisième alinéa prévoit que l'aide individuelle peut aussi être assurée par une association ou un groupement d'associations ayant conclu une convention avec l'État.
B. UNE CROISSANCE TRÈS IMPORTANTE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
Conséquence de ces évolutions législatives, depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap (ESH) scolarisés en milieu ordinaire (écoles et établissements publics et privés) a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023). Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %.
À l'échelle des 10 dernières années, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 136 000 dans le premier degré et 89 000 dans le second degré à respectivement 223 000 et 214 000, soit une hausse de 86 % des effectifs dans le primaire et près de 140 % dans le secondaire. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 10 000 élèves en situation de handicap de plus sont scolarisés chaque année dans le premier degré. Dans le second degré, le nombre d'élèves croît de 8 % en moyenne par an, ce qui correspond annuellement à 15 000 élèves supplémentaires.
Pour une analyse plus détaillée, le rapporteur spécial renvoie à ses observations sur l'école inclusive supra.
Évolution de la scolarisation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans
(en milliers)
Source : commission des finances d'après la DEPP
C. LA GOUVERNANCE LOCALE DE L'ÉCOLE INCLUSIVE : LES PÔLES INCLUSIFS D'ACCOMPAGNEMENT LOCALISÉS (PIAL)
L'article 25 de la loi pour une école de la confiance20(*) a modifié l'article L. 351-3 du code de l'éducation pour créer à son quatrième alinéa les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Les PIAL sont chargés de coordonner les moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privés sous contrat. Ce dispositif était mis en place sous forme expérimentale dès 2018 et a été généralisé à la rentrée 2019.
La mise en place de ces PIAL traduit l'une des préconisations du rapport commun des inspections générales des affaires sociales, de l'éducation nationale et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche relatif à l'évaluation de l'aide humaine des élèves en situation de handicap, recommandant l'organisation de l'accompagnement des élèves handicapés au niveau de l'établissement, ou dans le premier degré, de la circonscription.
L'objectif des PIAL est de « mobiliser l'ensemble des personnels de l'équipe pédagogique et éducative pour identifier les besoins des élèves, pour mettre en oeuvre les réponses adéquates au niveau de la classe, mais aussi, de l'école ou de l'établissement scolaire : aide humaine, pédagogique et éducative »21(*). Ces PIAL poursuivent trois grands objectifs rappelés en annexe de la circulaire de rentrée 2019, à savoir le renforcement de la territorialisation de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, une organisation plus flexible de l'aide humaine pour les établissements et, enfin, l'amélioration de la professionnalisation et des conditions de travail des AESH.
L'organisation et la dotation du PIAL doivent permettre la prise en compte des nouvelles notifications d'aide humaine en cours d'année scolaire, en complétant le cas échéant le temps de service de l'AESH sans avoir forcément recours à un nouveau recrutement.
Depuis la rentrée 2021, il existe des PIAL sur l'ensemble du territoire. On en dénombre près de 4 000, dont 2 600 dans l'enseignement public, 307 dans l'enseignement privé sous contrat, et 998 mixtes (publics et privés sous contrat).
Chaque directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) définit un périmètre des PIAL en fonction des spécificités de son territoire. Le PIAL peut s'organiser selon trois modalités : le PIAL à l'échelle du premier degré, le PIAL à l'échelle du second degré et le PIAL inter-degré.
Dans le premier cas, le PIAL est piloté par l'inspecteur de l'Éducation nationale chargé d'une circonscription du premier degré (IEN-CCPD). Dans le second degré, il s'agit du chef d'établissement. Dans le cas d'un PIAL inter-degré, cela peut être l'un ou l'autre, ce qui permet aux AESH d'intervenir indifféremment dans le premier ou le second degré.
Nombre de pôles inclusifs d'accompagnement localisés
Rentrée 2021 |
Rentrée 2022 |
Rentrée 2023 |
||
Enseignement public |
2 716 |
2 609 |
1er° |
268 |
Enseignement privé |
307 |
348 |
2nd° |
267 |
PIAL mixte (public et privé) |
998 |
1 132 |
Interdegré |
3 443 |
Total nombre de PIAL |
4 021 |
4 089 |
Total nombre de PIAL |
3 978 |
Dont nombre PIAL renforcés |
552 |
864 |
Dont PIAL renforcés |
632 |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Il est précisé à la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation que « ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l'élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION DE PÔLES D'APPUI À LA SCOLARITÉ SE SUBSTITUANT AUX PIAL D'ICI 2026
Le présent article prévoit une nouvelle rédaction intégrale de l'article L. 351-3 du code de l'éducation.
Le I du nouvel article L. 351-3 tel que modifié par le présent article prévoit la création de pôles d'appui à la scolarité (PAS) chargés de définir, accueillir et accompagner dans les établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat les élèves à besoins éducatifs particuliers.
Le PAS permettrait ainsi une phase d'instruction préalable à celle des MDPH, pour les élèves déjà scolarisés en établissement : le cinquième alinéa du présent article prévoit que les PAS « expertisent les besoins de l'élève au cours d'un échange avec lui et ses représentants légaux ».
Intervenant en amont de la prescription de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, notamment sur demande des parents, les PAS « définissent, coordonnent et assurent la mise en oeuvre de réponses de premier niveau, qui prennent notamment la forme d'adaptations pédagogiques, de mise à disposition de matériel pédagogique adapté, et d'intervention de personnels de l'éducation nationale en renfort ou, dans un cadre fixé par voie de convention, de professionnels des établissements et services médico-sociaux ». Si les parents de l'élève ne sont pas satisfaits de la réponse de premier niveau apporté par le PAS, ils conservent la possibilité de saisir la MDPH afin d'obtenir une demande de reconnaissance de handicap et de compensation. Dans ce cas, le sixième alinéa du présent article prévoit que le PAS apporte tout conseil utile pour l'accomplissement de ces démarches et transmet à la MDPH tout élément d'appréciation.
Le PAS a vocation à constituer une interface entre les élèves et leurs parents d'une part, les établissements et équipes éducatives d'autre part et enfin les institutions médico-sociales. Le huitième alinéa du présent article prévoit que tout personnel pédagogique peut saisir le PAS afin de disposer de formation ou de ressources et pratiques pédagogiques.
Le II du nouvel article L. 351-3 tel que modifié par le présent article dispose que, après qu'une aide, individuelle ou mutualisée, a été notifiée par la MDPH, le PAS « en détermine les modalités de mise en oeuvre et organise son exécution ». En particulier, le douzième alinéa du présent article indique que le PAS définit la quotité horaire de cet accompagnement, ce qui constitue un changement majeur par rapport à la situation actuelle, où celle-ci est déterminée par la MDPH.
Cette aide, comme dans le droit actuel, peut être apportée par un AESH ou par une association ou un groupement d'associations ayant conclu une convention avec l'État.
Enfin, le treizième alinéa du présent article prévoit également la création d'une commission mixte associant, dans le département, des personnels de santé et des personnels éducatifs, chargée de déterminer les modalités de l'aide accordée à l'élève en cas de désaccord entre le PAS et les parents. La composition et les modalités de saisine et de fonctionnement de cette commission sont renvoyées à un décret.
Le III de l'article L. 351-3 tel que modifié par le présent article renvoie également à un décret la définition des modalités pratiques de déploiement des PAS.
Le II du présent article prévoit que les PAS sont mis en place de manière progressive dès la rentrée 2024 dans certains départements définis par décision du ministre chargé de l'éducation. Si les dispositions actuellement en vigueur demeurent valables pour les départements n'étant pas concernés par cette expérimentation, la dernière phrase du II prévoit que les PAS sont intégralement déployés, et donc présents dans tous les départements, au plus tard le 1er septembre 2026. Dès leur création, les PAS se substituent, dans chaque département, aux PIAL.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CHANGEMENT MAJEUR DANS L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE INCLUSIVE QUI NE RELÈVE PAS DU DOMAINE DES LOIS DE FINANCES
A. UN CONSENSUS SUR LES LIMITES DU FONCTIONNEMENT ACTUEL ET SUR LA NÉCESSITÉ DE RAPPROCHER DU TERRAIN LA PRISE EN CHARGE DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
Face à l'évidente impossibilité de poursuivre l'actuelle dynamique, qui, outre son coût exponentiel, laisse de côté certains enfants et devient difficilement soutenable pour les enseignants, les rapports et analyses se multiplient, au Sénat comme dans les différents corps d'inspection. Le précédent rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » a ainsi longuement souligné l'absence de soutenabilité à long terme du modèle de déconnexion entre le prescripteur et le payeur.
Notre collègue Cédric Vial a mené une analyse similaire à la commission de la culture22(*), concluant que « le phénomène de massification de l'aide humaine traduit aussi les dysfonctionnements d'un système d'inclusion scolaire, qui a privilégié une logique quantitative, à travers le développement exponentiel de mesures de compensation, au détriment d'une démarche qualitative ».
En 2022, une mission commune IGF-IGESR soulignait une « complexité qui obère tout pilotage d'ensemble » et indiquait que « le droit à l'instruction reconnu aux élèves en situation de handicap ne saurait se limiter au seul accompagnement humain et doit être l'occasion d'initier une réflexion d'ensemble sur l'école inclusive » 23(*). Une autre mission interinspection IGESR-IGAS, met en avant à l'été 2023 une coopération entre l'éducation nationale et le médico-social « encore trop disparate »24(*).
Alors que le système actuel produit de l'insatisfaction pour certaines familles comme pour les enseignants, il semble indispensable de procéder à une réorganisation d'ampleur des liens entre l'Éducation nationale et le médico-social. À ce titre, le choix d'opter pour une réponse de premier niveau pour certains élèves, décorrélée des notifications de la MDPH, semble de nature à apporter une réponse plus rapide pour certains élèves en difficulté. En outre, le rapporteur spécial considère qu'il n'est pas incohérent de rapprocher la décision de la quotité horaire d'accompagnement des enseignants, qui ont une expérience quotidienne des élèves et pourront peut-être davantage s'adapter à leurs besoins.
Le rapporteur spécial souligne l'importance d'associer au pilotage des PAS les enseignants référents, dont la connaissance et l'expérience de terrain demeurent précieuses.
B. DES NOMBREUSES MODALITÉS CONCRÈTES DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉTERMINÉES, POUR UN COÛT DU DISPOSITIF DIFFICILE À ÉVALUER
1. Un déploiement progressif mais sans être conditionné au succès des PAS dans les départements-test
D'après les informations transmises au rapporteur spécial, les 100 premiers PAS devraient se déployer en 2024 dans trois départements, qui verraient l'intégralité des PIAL existants être remplacés par ce nouveau dispositif.
Si elle se fait effectivement de façon progressive, le rapporteur spécial souligne que la substitution des PAS aux PIAL ne constitue pour autant pas une expérimentation. En effet, aucun bilan d'étape n'est prévu par le présent article, et l'extension à l'intégralité des départements d'ici à 2026 n'est en aucun cas conditionnée à la réussite du dispositif dans les trois premiers départements.
Un tel choix ne peut d'ailleurs qu'interroger. Il eût été davantage logique de privilégier une évaluation intermédiaire avant d'opter pour l'extension des PAS à la totalité du territoire. Ce choix est d'autant plus regrettable que la mise en place des PIAL, dont la généralisation date d'il y a à peine quatre ans, n'a pas non plus fait l'objet d'une réelle évaluation, bien que les limites en aient été soulignées par l'ensemble des acteurs.
2. Un coût du dispositif difficilement évaluable
Il est complexe de déterminer le bilan en termes de coûts de la mise en place des PAS. D'une part, il n'existe pas, à la connaissance du rapporteur spécial, d'estimation précise du coût des PIAL. Or, une partie des crédits nécessaires à la mise en place des PAS s'appuiera sur les structures existantes.
D'autre part, d'après les informations transmises au rapporteur spécial, l'objectif serait de parvenir à terme à la création de 3 000 PAS, soit un nombre inférieur au nombre actuel de PIAL.
Concernant les moyens spécifiques dédiés aux PAS, le présent projet de loi prévoit la création de 100 ETP, correspondant à un poste d'enseignant référent pour chacun des PAS créé la première année. Il est cependant évident que, selon les modalités concrètes de mise en place des PAS prévues par décret, et qui demeurent des inconnues, des moyens supplémentaires devront être attribués.
La mission inter-inspections portant sur la mise en place de « l'acte II » de l'école inclusive25(*), dont les conclusions devraient préfigurer le fonctionnement définitif des PIAL, note le besoin de « renforcer sensiblement les moyens sur les territoires », tablant sur une fourchette assez large de « création de 150 à 900 emplois », s'agissant uniquement du recrutement d'enseignants spécialisés dont les missions seront exclusivement consacrées au PAS. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, deux personnels médico-sociaux devraient être mis à disposition par le département par voie de convention.
Le coût d'un PAS selon la mission d'août 2023
Au total, le déploiement des PAS, supposera une mobilisation de moyens conséquente, pour l'éducation nationale comme pour le médico-social. Dans le schéma proposé par la mission, le coût approximatif d'un PAS représenterait 250 à 300 000 euros :
- un personnel de direction (budget éducation nationale : environ 60 000 à 70 000 euros, si on prend comme référence un directeur de SEGPA) ;
- un enseignant spécialisé (budget éducation nationale : environ 55 000 euros) ;
- une ressource administrative (budget éducation nationale : environ 20 000 euros, en considérant une ressource à mi-temps) ;
- une équipe médico-sociale (financements médico-sociaux : 100 à 150 000 euros, selon la référence des équipes mobiles d'appui médico-social à la scolarisation des enfants en situation de handicap-EMASco).
L'ensemble de ces coûts ne sont pas des coûts nets. Ainsi, côté médico-social, les financements des EMASco ou de certains PIAL renforcés sont déjà existants.
Source : Acte II de l'école inclusive, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et Inspection générale des affaires sociales, août 2023
Si les hypothèses retenues par la mission sont effectivement celles adoptées, le coût total des PAS serait de 885 millions d'euros. Cela ne signifie pas, comme souligné auparavant, que la mise en place des PAS nécessite autant de moyens nouveaux.
S'agissant des moyens dédiés aux 100 PAS en 2024, ils représentent un impact de 100 ETP sur le schéma d'emplois et de 1,3 million d'euros pour la période de septembre à décembre 2024. En 2025, une hypothèse indicative de montée en charge avec une cible à 660 ETP est retenue, correspondant à un coût en année pleine de 24 millions d'euros. Le coût total des ETP supplémentaires serait, une fois le dispositif totalement déployé, de 108 millions d'euros. Il ne s'agit ici cependant que des postes d'enseignants spécialisés.
Coût minimal de la mise en place des PAS
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les évaluations préalables
Actuellement, les missions des PIAL sont réalisées par des personnels qui exercent des fonctions d'enseignement ou de direction et dont la fonction de référent est une activité complémentaire, qui est rémunérée via une indemnité pour mission particulière (IMP). Le montant de ces IMP devrait donc diminuer d'autant.
En outre, l'impact budgétaire des PAS est d'autant plus complexe à déterminer qu'ils ont notamment pour objectif de mieux adapter l'aide apportée aux élèves à besoins particuliers. Cela pourrait notamment impliquer de limiter la part d'aide humaine individuelle au profit de davantage d'aide mutualisée ou de matériel adapté. Il n'est cependant pas possible en l'état de déterminer quel sera l'impact de la création des PAS sur les notifications des MDPH d'une part et sur la typologie de l'aide apportée d'autre part.
C. UN PLACEMENT EN LOI DE FINANCES QUI NE PEUT QU'INTERROGER
Le rapporteur spécial s'interroge sur la place en loi de finances du présent article, dans la mesure où, les modalités de la gouvernance et de l'organisation de l'école inclusive prévues par le présent article ne semblent pas relever du domaine des lois de finances tel que défini à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).
En effet, cet article de la LOLF réserve l'inscription en seconde partie de la loi de finances des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année et d'une ou de plusieurs années ultérieures. Or, si cet article a effectivement in fine un coût, à l'instar de l'ensemble des mesures relevant d'une politique publique donnée, ce coût ne constitue pas en tant que tel une dépense nouvelle. Comme indiqué plus haut, l'impact budgétaire de cet article n'est pas réellement évaluable, dans la mesure où il dépend de la structuration générale de l'école inclusive choisie par le Gouvernement.
Par ailleurs, eu égard à l'importance du présent article pour l'organisation générale de l'école inclusive, il semble préférable de réserver ce débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet. Pour cette raison la commission propose un amendement FINC.1 de suppression de l'article 53.
Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.
ARTICLE 54
Suppression du fonds de soutien au
développement des activités périscolaires (FSDAP)
Le présent article prévoit la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP). Ce fonds a été créé en 2013 pour inciter les communes à mettre en place la réforme des rythmes scolaires, mais concerne aujourd'hui un nombre restreint de communes, du fait des évolutions réglementaires intervenues entre temps. Son montant s'élève à 41 millions d'euros en 2023.
Le FSDAP constitue toujours un soutien de l'État pour aider les communes à maintenir la qualité de leur offre périscolaire. En conséquence, la suppression du fonds apparaît regrettable et constitue un signal défavorable envoyé aux collectivités ayant fait le choix de maintenir la semaine de 4,5 jours.
La commission des finances propose de supprimer cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : LE FONDS DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES VERSE UNE AIDE AUX COMMUNES
4. Un fonds de soutien créé lors de la mise en place de la semaine de 4,5 jours
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) a été créé par l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (LOPRER).
Il a pour objectif de verser aux communes - et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en cas de transfert de la compétence de gestion des activités périscolaires des écoles - une aide au titre de la fourniture d'une offre d'activités périscolaires pour les communes dont les élèves sont scolarisés 9 demies-journées par semaine. L'objectif de ce fonds lors de sa mise en place était d'inciter les communes à adopter les nouveaux rythmes scolaires prévus par la loi LOPRER.
L'article 128 de la loi de finances pour 201726(*) a ajouté une condition supplémentaire au bénéfice de ces aides pour les communes, à savoir l'inscription des activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial (PEDT).
Ce même article 67 dispose que les élèves des écoles privées sous contrat sont également pris en compte pour le calcul des aides versées par le FSDAP aux communes27(*). Cependant, sont uniquement prises en compte les écoles privées sous contrat pour lesquelles l'organisation est la même que celle des écoles publiques de la commune et, bien entendu, à condition que les élèves bénéficient d'activités périscolaires organisées par la commune.
S'agissant des modalités de calcul des montants versés du FSDAP, ils sont constitués de deux parts : une part forfaitaire par élève, et une part majorée, également versée par élève, réservée aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale « cible » ou à la dotation de solidarité rurale « cible ». Les montants de ces différentes parts ont été définis par arrêté. Celui-ci étaient fixés depuis 2015 à 50 euros pour la part socle et 40 euros pour la part complémentaire28(*).
2. Des évolutions réglementaires qui ont limité le nombre de communes bénéficiaires
Toutefois, les possibilités d'organisation de la semaine scolaire ont été assouplies par décret en 201729(*). En conséquence, l'article 87 de la loi de finances rectificative pour 201730(*) a modifié l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 en ouvrant la possibilité de bénéficier du FSDAP aux communes ayant adopté une semaine scolaire organisée en huit-demi journées comprenant cinq matinées. Les communes ayant fait le choix de revenir à la semaine de 4 jours sont donc exclues du bénéfice du fonds.
En conséquence, le nombre de communes bénéficiant du FSDAP a évolué à la baisse au fur et à mesure qu'un nombre croissant de communes revenaient à la semaine de 4 jours, celles-ci représentant actuellement 93 % des communes. Alors que 22 000 communes percevaient du FSDAP lors de sa création, elles ne sont aujourd'hui plus qu'un peu moins de 1 500.
Considérant que l'efficacité du dispositif n'était pas démontrée, le Gouvernement a décidé par arrêté en septembre 2023 de diviser par deux les montants versés par élève au titre du FSDAP31(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SUPPRESSION DU FONDS DÈS 2024
L'unique alinéa du présent article abroge l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 à compter du 1er septembre 2024. En conséquence, le fonds est supprimé dès la prochaine rentrée.
III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION :
Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur spécial, M. Robin Reda, et plusieurs de ses collègues, a été retenu, ainsi que deux amendements identiques.
Ces amendements décalent à 2025 la suppression du FSDAP, qui serait donc maintenu pour 2024.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SUPPRESSION REGRETTABLE DU FSDAP SANS CONCERTATION AVEC LES COLLECTIVITÉS
S'il est vrai que le FSDAP ne constitue plus à proprement parler une incitation à opter pour la semaine de 4,5 jours, il constitue toujours un soutien de l'État pour aider les communes à maintenir la qualité de leur offre périscolaire. En conséquence, les communes devraient compenser sur leurs fonds propres ou rogner sur la qualité et le nombre des activités périscolaires fournies aux enfants. L'évaluation préalable au présent PLF ne saurait le dire plus clairement : « afin de maintenir le même nombre d'activités périscolaires, les communes pourraient être amenées à financer ces activités en redéployant les crédits nécessaires de leur budget ». Le FSDAP s'élève tout de même encore à 41 millions d'euros.
Si l'ambition affichée par le présent article est, aux termes de l'évaluation préalable, de « réinterroger l'action de l'État en faveur de l'accompagnement des communes au déploiement d'une activité périscolaire de qualité », il est douteux que la suppression d'une aide sans concertation avec les communes et alors que les activités périscolaires étaient déjà organisées pour la nouvelle année scolaire, soit la meilleure manière d'y parvenir.
Le Gouvernement semble d'ailleurs être conscient des difficultés déjà causées par la brusquerie de l'annonce de la réduction de moitié, par l'arrêté mentionné supra, des sommes versées au titre du FSDAP. La Première ministre a indiqué qu'elle allait renoncer à son application pour la fin 2023. Le décalage de la suppression du fonds à 2025 retenu par le Gouvernement dans le texte transmis au Sénat va dans le même sens, sans répondre à la problématique de fond.
En conséquence, il semble opportun de maintenir le soutien de l'État aux communes ayant fait le choix de ne pas revenir aux modalités d'organisation antérieures. La commission propose donc un amendement FINC.2 de suppression de cet article.
Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer le présent article.
* 19 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
* 20 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019.
* 21 Vademecum du ministère de l'Éducation nationale sur la mise en place des PIAL, 2019.
* 22 Rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive, Cédric VIAL, mai 2023.
* 23 Scolarisation des élèves en situation de handicap, inspection générale des finances et inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, avril 2022.
* 24 Acte II de l'école inclusive, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et inspection générale des affaires sociales, août 2023.
* 25 Acte II de l'école inclusive, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et inspection générale des affaires sociales, août 2023.
* 26 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
* 27 Article 120 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.
* 28 Arrêté du 17 août 2015 fixant les taux des aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
* 29 Décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.
* 30 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.
* 31 Arrêté du 20 septembre 2023 fixant les taux des aides au fonds de soutien au développement des activités périscolaires au titre de l'année scolaire 2023-2024.