E. UN SUCCÈS : LE MODÈLE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE AGRICOLE

L'enseignement technique agricole ne représente que 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire « mais constitue, pourtant, un enjeu central tant du point de vue éducatif que de la transmission d'un savoir-faire exceptionnel ou du maintien de la France en pays chef de file en matière de sécurité sanitaire ou de développement d'une agriculture et d'un élevage plus respectueux de la nature et des attentes des consommateurs.

Évolution des crédits par action du programme 143

(en millions d'euros et en %)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution LFI 2023 / PLF 2024

Évolution en %

Titre 2 (avec CAS)

1 069,35

1 114,76

45,41

4,25 %

Dont CAS

23,80

249,94

11,94

5,02 %

Hors titre 2

526,15

580,91

54,77

10,41 %

Total

1 595,50

1 695,68

100,18

6,28 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 143 enregistrent une hausse de 6,3 % en AE et en CP (+ 100 millions d'euros) en 2023.

Concernant les dépenses de personnel, le plafond d'emplois du programme 143 augmente de 390 ETPT en 2024, essentiellement en raison du basculement de 137 AED et 223 ASH en CDI pour un impact de + 360 ETPT.

1. Des effectifs orientés à la hausse, reconnaissance de la qualité de l'enseignement agricole français

Durant l'année scolaire 2022-2023, l'enseignement technique agricole a formé près de 200 000 personnes. Ces effectifs d'élèves, étudiants et apprentis sont en progression par rapport à l'année précédente, s'inscrivant dans le contexte d'une hausse cumulée de 4 % depuis 2019, avec environ 154 000 élèves au titre de la formation initiale scolaire et 43 000 apprentis.

Ces évolutions sont toutefois fortement contrastées selon les niveaux d'enseignement et les types d'établissements, la hausse globale étant tirée par la forte croissance des effectifs d'apprentis (+ 8 % entre 2021 et 2022).

Évolution des effectifs de l'enseignement scolaire agricole

 

Voie scolaire

Apprentissage

Total

Public

Privé

Sous-total
«Voie scolaire»

Public

Privé

Sous-total Apprentissage

Temps Plein

Rythme Approprié

Sous-total privé

Effectifs à la rentrée 2022

60 698

48 411

44 750

93 161

153 859

26 467

16 369

42 836

196 695

Variation 2021/2022

- 1,40 %

- 0,70 %

- 2,60 %

- 1,60 %

- 1,50 %

5,20 %

11,80 %

7,60 %

0,30 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le bilan net des ouvertures et fermetures de classes, est à cette rentrée 2023, de + 42 équivalents classes, dont + 8 dans le public ; + 34 dans le privé, parmi lesquels : + 9 au CNEAP (Conseil national de l'enseignement agricole privé), + 21 à l'UNMFREO (Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation) + 6 à l'UNREP (l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion) et - 2 dans les établissements privés non affiliés.

Le seuil requis pour qu'une classe fonctionne est de 10 élèves. Ce chiffre est déterminé pour l'enseignement privé par le Code rural et de la pêche maritime (article R.813-37). Proportionnellement aux effectifs, l'enseignement privé compte davantage de classes à faible effectif que l'enseignement public : 2,2 % des élèves de l'enseignement technique agricole public sont scolarisés dans une classe à faible effectif, contre 6,2 % dans l'enseignement technique agricole privé.

Le ministère de l'agriculture a indiqué au rapporteur spécial souhaiter mettre en oeuvre une politique volontariste tendant à valoriser les classes à petits effectifs, lorsqu'elles préparent à des métiers en tension afin d'assurer le renouvellement des générations d'actif agricole.

Le rapporteur spécial considère qu'il serait nécessaire de davantage valoriser l'enseignement agricole dans les temps dédiés à l'orientation des élèves. Il serait utile de renforcer l'information des enseignants sur les contenus proposés par l'enseignement agricole, notamment en valorisant les aspects de l'enseignement agricole au-delà de la seule agriculture, notamment concernant l'agro-développement.

2. Un point d'alerte : la dégradation de la situation financière des établissements d'enseignement agricole dans un contexte d'inflation

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, sur 219 lycées, 37 % (82 lycées contre 94 lycées en 2021) réalisent un résultat positif et 8 % (18 lycées contre 25 lycées en 2021) sont à l'équilibre, 54 % (119 lycées contre 100 en 2021) présentent un résultat déficitaire. Pour 54 % d'entre eux (37 % en 2021) le résultat se dégrade tandis que pour 34 % (contre 51 % en 2021), le résultat s'améliore. 18 établissements, soit 5 de plus que l'an dernier, sont en situation de crise financière.

Part des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole en situation de crise financière

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

4 Crise potentielle ou avérée

16 %

19 %

20 %

19 %

18 %

22 %

3 Inquiétudes

30 %

27 %

27 %

24 %

25,5 %

23 %

2 Quelques questions

32 %

30 %

28 %

29 %

25,5 %

26 %

1 Situation financière saine

22 %

24 %

25 %

28 %

31 %

30 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire 

La situation financière des établissements publics avait déjà été fragilisée par la crise sanitaire. Si l'année 2022 avait semblé amorcer une sortie de crise, la forte inflation qui a touché notamment les produits alimentaires et les charges de viabilisation (crise énergétique), ainsi que l'augmentation des charges liées aux services extérieurs due à la reprise des sorties et voyages d'études post crise sanitaire ont pu entraîner des difficultés pour certains établissements.

La Cour des comptes a souligné en 2021 le déficit d'objectivation - et donc de pilotage - du coût de l'enseignement technique agricole18(*). Elle a souligné que le niveau de la subvention publique aux établissements agricoles privés repose sur une méthodologie décorrélée de la dépense réelle des établissements et sans distinction des coûts de chaque niveau de formation.

Le rapporteur spécial se félicite de la trajectoire positive à l'échelle de l'ensemble des établissements, mais il n'en demeure pas moins que près de la moitié des établissements restent dans une situation difficile ou de crise. Ce constat inquiétant doit impliquer un suivi attentif, en particulier alors que l'inflation semble devoir se maintenir à un niveau plus élevé.

Les établissements présentent néanmoins un résultat excédentaire global de 25,7 millions d'euros, dont 16,8 millions dégagés par les CFA. Ce sont les centres de formation des apprentis (CFA) et centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) qui, par leurs résultats plus majoritairement positifs, compensent les résultats des lycées, déficitaires dans 54 % des cas.

Ainsi, il importe de souligner la fragilité du système, la santé financière apparemment favorable de la plupart des établissements reposant essentiellement sur les recettes générées par les contrats d'apprentissage. Un tel système conduit donc à une forme d'externalisation du soutien de l'État en faveur de l'enseignement agricole hors de la mission « Enseignement scolaire ».


* 18Cour des Comptes, Relevé d'observations définitives, « Les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole «, juin 2021.

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