...DONT LA SOLUTION POLITIQUE APPARTIENT AU ROYAUME-UNI ET À L'IRLANDE
UN ATTACHEMENT À L'ACCORD DU VENDREDI SAINT ET AU CADRE DE WINDSOR RÉAFFIRMÉ PAR LES RAPPORTEURS...
Les rapporteurs de la commission ont tenu à rappeler, à l'occasion de l'examen de cette PPRE, leur attachement, d'une part, à l'accord du Vendredi Saint et au maintien d'une paix durable en Irlande, et, d'autre part, au cadre de Windsor. Sur ce dernier point, ils estiment que l'Union européenne ne doit pas entrer dans une nouvelle discussion du protocole nord-irlandais, en raison des oppositions internes britanniques dont l'Union n'est pas responsable.
Alors que la proposition de résolution européenne, déposée par le groupe CRCE, invite le Gouvernement - sur le modèle de la résolution du Sénat américain adoptée en mai dernier4(*) - à agir pour appuyer la relance du processus de paix et exiger la restauration du système de pouvoir partagé, les rapporteurs estiment qu'il faut demeurer prudent sur l'action du Sénat et celle du Gouvernement, en la matière.
...MAIS UNE VOLONTÉ DE NE PAS S'INGÉRER DANS LES AFFAIRES INTÉRIEURES BRITANNIQUES QUI A CONDUIT LA RAPPORTEURE COLETTE MÉLOT À PROPOSER LE REJET DE CETTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE...
Bien que notre pays entretienne d'excellentes relations avec l'Irlande - dont la France est effectivement le plus « proche voisin dans l'UE » depuis la sortie du Royaume-Uni et avec laquelle elle a signé un plan d'action pour 2021-2025 -, les rapporteurs considèrent qu'il est délicat d'interférer dans cette crise politique dont la solution relève, à leur sens, des affaires intérieures du Royaume-Uni, pouvant éventuellement être aidé en cela par l'Irlande.
Les rapporteurs considèrent que la France ne peut se placer sur le même plan que les États-Unis dont la relation historique avec l'Irlande et le rôle clé de modérateur dans les accords de paix peuvent justifier une implication particulièrement forte. La récente visite du président Joe Biden en Irlande a prouvé le lien particulier unissant les deux nations.
Les rapporteurs estiment qu'une telle résolution émanant du Sénat français risque d'être instrumentalisée dans des jeux de politiques internes difficiles à maîtriser. Ils redoutent ainsi que le Sénat soit accusé d'ingérence dans les affaires intérieures du Royaume-Uni, avec lequel tant la France que l'Union européenne sont entrées dans une phase d'apaisement, laissant entrevoir de nouvelles coopérations. Le récent sommet franco-britannique de mars dernier en est la preuve. De même, au niveau européen, les relations reprennent avec le Royaume-Uni et la confiance se rétablit progressivement : les rapporteurs estiment qu'il serait dommage de l'altérer.
Pour l'ensemble de ces raisons, la rapporteure Colette Mélot ne peut soutenir la présente proposition de résolution européenne, et a proposé son rejet.
... ET LE RAPPORTEUR DIDIER MARIE À PROPOSER UN CERTAIN NOMBRE D'AMENDEMENTS À SON TEXTE
Tout en partageant sa prudence, le rapporteur Didier Marie estime cependant qu'elle ne doit pas conduire le Sénat à rester silencieux. Il considère, en effet, que cette situation de blocage est préoccupante pour le processus de paix, vital pour l'île d'Irlande et essentiel pour l'Union européenne tout entière.
Didier Marie a ainsi proposé un certain nombre d'amendements à la PPRE initiale visant à refléter un équilibre, entre la volonté de manifester l'attachement du Sénat à une paix durable en Irlande, et le souci de ne pas laisser croire à une ingérence de sa part dans les affaires intérieures d'États voisins.
Parmi ces amendements, figure une nouvelle rédaction des trois derniers alinéas de la PPRE :
- à l'alinéa 16, la proposition de résolution amendée indiquerait ainsi que « considérant que la France, qui est désormais le plus proche voisin de l'Irlande dans l'Union européenne, doit, au sein de celle-ci et avec l'ensemble des États membres, accorder une attention particulière à la situation sur l'île d'Irlande ».
- à l'alinéa 17, le rapporteur propose que soit écrit que le Sénat « invite le Gouvernement et l'Union européenne à maintenir leur vigilance quant au plein respect de l'accord du Vendredi Saint et du cadre de Windsor » ;
- à l'alinéa 18, la nouvelle rédaction proposée prévoit que le Sénat « appelle le Gouvernement et l'Union européenne à soutenir les efforts du Royaume-Uni et de l'Irlande, à qui il appartient de trouver les moyens de débloquer la situation ».
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En conséquence, après que la rapporteure Colette Mélot eut proposé de rejeter la proposition de résolution européenne n° 657 (2022-2023), déposée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues, et le rapporteur Didier Marie de l'adopter telle que modifiée par ses amendements, en vue de son renvoi à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des affaires européennes du Sénat a décidé, lors de sa réunion du 28 juin 2023, de rejeter cette proposition de résolution européenne.
* 4 https://www.congress.gov/bill/118th-congress/senate-resolution/157/text/ats