B. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »

En 2022, les dépenses du programme 126 ont atteint 44,1 millions d'euros en AE et sont ainsi proches de la programmation initiale de 44,6 millions d'euros. Le différentiel est plus important s'agissant des dépenses en CP, qui s'éloignent de deux millions d'euros de la programmation initiale.

Selon les données figurant dans le rapport annuel de performance, les crédits consommés sont en baisse de 4,5 %, passant de 44,7 millions d'euros en CP en 2021 à 42,7 millions d'euros en 2022.

1. Un manque de lisibilité des informations budgétaires relatives au CESE masquant l'exécution effective des crédits

Le rapporteur spécial regrette de nouveau le manque de lisibilité des informations budgétaires relatives au CESE. Du fait du régime comptable et administratif spécifique au CESE, le suivi budgétaire au CESE est dérogatoire à au moins à deux titres.

En premier lieu, le CESE ne dispose pas de comptable public, ce rôle étant assumé par le trésorier et les deux questeurs.

En second lieu, ses dépenses ne sont pas retracées dans Chorus, le système d'information comptable et budgétaire de l'État. Le rapporteur spécial tient à ce titre à souligner qu'il appelle de ses voeux chaque année à la mise en place de Chorus pour gagner en lisibilité.

Concrètement, le CESE dispose d'un compte bancaire séparé de la comptabilité de l'État depuis un décret du 10 mai 20172(*). Chaque année, le CESE consomme intégralement les crédits du programme 126 dès lors que les crédits sont virés sur le compte au Trésor détenu par le CESE au début de l'exercice, puis sur son compte bancaire propre3(*). Afin de suivre ses opérations au jour le jour, le CESE tient en parallèle une comptabilité interne. La Cour des comptes relève à ce titre que le CESE « mobilise les services de la Première ministre pour effectuer ses opérations dans Chorus, qui sont très peu nombreuses : en début d'année, le versement en deux opérations (T2 et HT2) de la dotation annuelle du CESE sur un compte ouvert à la DGFiP ; en cours d'année, une ou deux demandes de reversement des attributions de produits résultant de la mise à disposition du Palais d'Iéna ».

Cette spécificité budgétaire et comptable est à la source de nombreuses divergences, au sein des documents budgétaires eux-mêmes. En effet, le montant des AE consommées en 2022 est de 44,1 millions d'euros dans le rapport annuel de performance, tandis que le projet de loi de règlement mentionne un montant de 45,85 millions d'euros. Il en va de même pour les CP, le montant figurant dans le rapport annuel de performance est de 42,7 millions d'euros, mais de 45,85 millions d'euros dans le projet de loi de règlement.

Selon les données transmises par le CESE à la Cour des comptes, l'exécution réelle des crédits pour 2022 serait de 40 millions d'euros en AE et 39 millions d'euros en CP, soit une exécution supérieure à la consommation effective de 2021 (36 millions d'euros en AE et 36 millions d'euros en CP).

Dans ces circonstances, le rapporteur spécial salue la demande du Président du CESE, formulée en 2021 au Premier président de la Cour des comptes, afin de mettre en place une procédure d'audit financier pour les états financiers de 2022, supervisée par un magistrat de la Cour des comptes et assimilable en partie à une certification des comptes.

2. Une consommation de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne en 2022 aux contours incertains en l'absence d'action budgétaire spécifique

Une enveloppe de 4,2 millions d'euros a été allouée à la participation citoyenne en 2022, celle-ci faisant par ailleurs l'objet d'une sous-consommation récurrente. Par exemple, en 2020, seul un million d'euros a été dépensé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat.

Cette enveloppe est imputée sur l'action 1 - Représentation des activités économiques et sociales, abondée de 23,6 millions d'euros. Les documents budgétaires ne permettent donc pas de suivre l'exécution des crédits dédiés à tous les dispositifs de participation citoyenne organisés au CESE. Seule la maquette de performance a été adaptée aux nouvelles missions du CESE en tant que « carrefour des consultations publiques »4(*), à partir de 20235(*).

Selon les informations transmises au rapporteur spécial dans le cadre de son contrôle budgétaire portant sur l'activité du CESE consacrée à la participation citoyenne, le CESE a chiffré le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, organisée de décembre 2022 à avril 2023, à 4,7 millions d'euros, hors coût des différents dispositifs dits de « redevabilité » pour présenter les travaux de la convention. Sur ces 4,7 millions d'euros, le CESE n'a toutefois pas précisé la répartition des montants imputés sur 2022 et 2023.

Pour les autres dispositifs de participation citoyenne, le CESE a communiqué au rapporteur spécial un montant global de l'ordre de 0,3 million d'euros, répartis de la façon suivante :

- 77 020 euros pour l'intégration de 12 citoyens à une commission temporaire dans le cadre de l'avis « Engagement et participation démocratique des jeunes » ;

- 92 000 euros pour la plateforme de consultation en ligne et la journée délibérative au CESE pour l'avis sur les métiers de la cohésion sociale ;

- 106 000 euros pour la plateforme de consultation en ligne et la journée délibérative au CESE dans le cadre de l'avis « Quelles politiques pour favoriser l'évolution de la société vers la sobriété ? ».

Face à ces incertitudes concernant l'exécution de ces crédits, le rapporteur spécial a effet formulé, lors de son contrôle budgétaire, la nécessité de créer une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, d'isoler la consommation des crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que le CESE a annoncé vouloir organiser une convention citoyenne tous les 14 à 18 mois, ce qui implique nécessairement un financement de ces conventions toujours à cheval sur deux exercices budgétaires.

3. L'équilibre financier de la caisse des retraites du CESE toujours tributaire d'une subvention étatique et dans un contexte de baisse de ses ressources

Le rapporteur spécial tient à attirer l'attention sur l'équilibre financier délicat de la caisse des retraites des anciens membres du CESE, dans un contexte de baisse drastique de ses ressources. Tout d'abord, l'année 2022 est marquée par une diminution des membres du CESE, de 233 à 175, qui sont les seuls cotisants à ce régime. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a supprimé le régime spécial des conseillers du CESE. L'article L. 381-32 du code de la sécurité sociale dispose désormais que « Les membres du Conseil économique, social et environnemental sont affiliés à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale ».

Les prestations sont financées majoritairement par les cotisations des conseillers en cours de mandat, des cotisations « patronales », les ressources propres du CESE et une subvention de l'État d'un montant de 5,4 millions d'euros depuis 2018. Par ailleurs, depuis 2011, le CESE a mis en place une contribution de sauvegarde prélevée sur les pensions, générant ainsi 0,3 million d'euros par an et calculée sur la base de 3 % des pensions.

Équilibre financier de la caisse des retraites du CESE

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

Cotisation des conseillers

1,88

1,92

1,84

1,40

1,54

Cotisations « patronales »

2,87

2,87

2,87

2,87

2,87

Subvention de l'État

5,40

5,40

5,40

5,40

5,40

Contribution de sauvegarde

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

Financement sur les ressources propres du CESE

0

0

0

0,56

0,50

Total des ressources

10,4

10,4

10,4

10,5

10,6

Total des pensions

11,5

10,2

9,91

10,1

10,2

Ratio des ressources par rapport aux dépenses

- 0,07

+ 0,02

+ 0,05

+ 0,04

+ 0,03

Fonds de réserve

6,01

6,09

6,08

6,11

6,11

Sources : commission des finances du Sénat, d'après les données du CESE

Hors cette subvention de l'État, la caisse de retraite des anciens membres du CESE est toujours déficitaire6(*). Les cotisations des conseillers et du CESE couvrent moins de la moitié des prestations. En l'absence de cette subvention étatique, le CESE épuiserait son fonds de réserve, d'un montant de 6,1 millions d'euros en 2022, et ce, dès l'année 20237(*).

Même si le montant des prestations a vocation à diminuer de 10,6 millions d'euros en 2022 à 7,0 millions d'euros en 2041 selon les projections de la Caisse des dépôts et consignations, transmises par le CESE, la caisse des retraites est toutefois exposée à un fort besoin de financement suite aux réformes du nombre des membres et des retraites.

Le rapporteur spécial sera donc attentif aux conséquences budgétaires de cette perte de ressources de la caisse, qui doit encore financer en 2022 la pension de 633 anciens conseillers du CESE. Au total, en incluant les pensions de réversion et les pensions d'orphelin, 876 pensions sont servies au 30 juin 2022 par la caisse de retraite du CESE. La Cour des comptes a évoqué la possibilité d'une hausse de la contribution de sauvegarde prélevée sur les pensions.


* 2 Décret n° 2017-934 du 10 mai 2017 relatif au régime administratif et financier du Conseil économique, social et environnemental.

* 3 Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission Conseil et contrôle de l'État pour 2022.

* 4 Exposé des motifs de la loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental.

* 5 L'objectif « Associer les principales organisations de la société civile à l'élaboration de la politique économique, sociale et environnementale de la Nation » devient « Conseiller les pouvoirs publics », avec un indicateur unique afférent à la participation à l'élaboration et à l'évaluation des politiques publiques. Ce sont surtout les sous-indicateurs qui ont plus de pertinence au regard des nouvelles missions du CESE. En effet, un sous-indicateur présente le pourcentage de travaux associant les citoyens, tandis qu'un autre s'attache à quantifier la visibilité du CESE à travers la presse, les réseaux sociaux, la participation aux plateformes et les conventions citoyennes.

* 6 Cour des comptes, Rapport public annuel de 2015 - tome II La gestion du Conseil économique, social et environnemental : une volonté de réforme, des efforts à poursuivre.

* 7 Caisse des dépôts et consignations, Projections pour le régime de retraite du CESE, 31 mars 2022.