II. LA MOBILISATION DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT ET ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » A RALENTI, EN CONSÉQUENCE DE LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EST LARGEMENT INFÉRIEURE À LA PRÉVISION
La direction générale du Trésor est responsable du compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics »18(*), l'Agence France Trésor en assurant la gestion. Les deux sont chargés d'examiner les demandes d'avances, le CCF retraçant en effet, par le biais de programmes spécifiques, les avances octroyées à divers organismes ainsi que leur remboursement. Longtemps composé de quatre programmes, le CCF a vu son périmètre s'élargir au cours de l'année 2020, pour soutenir des secteurs particulièrement affectés par la crise sanitaire. Celui-ci s'est encore élargi en 2021 et 2022.
Les quatre programmes « traditionnels » retracent les avances octroyées à :
- l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821). Avec cette avance, l'ASP couvre une partie de ses besoins en trésorerie au titre des aides agricoles versées le quatrième trimestre et dans l'attente de leur versement par l'Union européenne, qui intervient seulement au début de l'année suivante. Une marge de sécurité est toujours gardée sur ce programme, afin de ne pas pénaliser l'octroi des aides aux agriculteurs. En 2022, sur 10 milliards de crédits ouverts, un premier tirage d'1,1 milliard d'euros a été effectué en février pour le préfinancement de la PAC 2021, un second tirage de 7 milliards d'euros a été effectué entre octobre et décembre 2022 pour préfinancer la PAC 2022 ;
- les organismes distincts de l'État gérant des services publics : établissements publics nationaux, services concédés, sociétés d'économie mixte, organismes divers de caractère social (programme 823). Ces organismes peuvent bénéficier des crédits du programme pour couvrir leurs besoins de financement lorsqu'ils ne peuvent recourir au marché bancaire. Cinq avances ont été octroyées et consommées en 2022 - incluant des reports d'avances octroyées en 2021 : deux à France Agrimer au titre du préfinancement d'aides européennes (65 millions d'euros au total), une à l'ASP pour le préfinancement des aides communautaires liées au Brexit (6,2 millions d'euros), une à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le cadre du financement de travaux immobiliers dans des lycées à l'étranger (3,6 millions d'euros) et une au groupement d'intérêt publique « l'Europe à Mayotte » dans le cadre du préfinancement de crédits européens (20,2 millions d'euros) ;
- d'autres services de l'État : budgets annexes, services autonomes (programme 824). Aujourd'hui, ce programme ne bénéficie qu'au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Si la situation de trésorerie favorable du BACEA lui avait permis de poursuivre une trajectoire de désendettement de 2015 à 2019, la crise sanitaire, et son impact sur le trafic aérien, ont logiquement conduit à interrompre ces efforts. Une seule avance a été octroyée au BACEA en 2022, à hauteur de 352 millions d'euros - soit près de 750 millions d'euros de moins que le montant octroyé en 2021 (1,1 milliard d'euros) - avec une date limite de remboursement fixée par la convention d'avance à 2032. Dans ce contexte son niveau d'endettement est passé de 667 millions d'euros à la fin de l'année 2019 à 2,71 milliards d'euros à la fin de l'année 202219(*), soit une stabilisation par rapport à 2021 (2,69 milliards d'euros) ;
- l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825). Ce programme, destiné à verser une éventuelle avance aux victimes du « médiator » n'a fait l'objet d'aucun décaissement de crédit en 2022.
Pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et économique, trois programmes ont été créés et abondés par le biais des lois de finances rectificatives pour 2020 et 2021 :
- le programme 826 « Avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité » a été créé par la troisième loi de finances rectificative pour 202020(*). Il est destiné à compenser la chute des recettes de la taxe d'aéroport, affectées au financement des dépenses de sûreté-sécurité. Ces premières avances, versées à 86 exploitants, ont une durée maximale de 10 ans, la première échéance de remboursement devant intervenir en 2024. Pour compenser la perte de recettes de la taxe d'aéroport, les crédits ouverts en 2022 et presque entièrement consommés ont permis d'octroyer aux exploitants de 62 aéroports un montant total de 149,9 millions d'euros ;
- le programme 827 « Avances remboursables destinées à soutenir Ile-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 » a été créé par la quatrième loi de finances rectificative pour 202021(*). L'avance a été octroyée pour une durée maximale de 16 ans, avec une première échéance de remboursement en 2023. Aucun crédit supplémentaire n'était initialement prévu en 2022 ;
- le programme 82822(*) « Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 » a également été créé par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020. Contrairement à ce qui était prévu, l'octroi de ces avances n'a pas eu lieu en 2020 mais a été reporté en 2021. À la condition que la date de remboursement ne soit pas ultérieure au 1er janvier 2031 et que la durée de remboursement ne soit pas inférieure à six ans23(*), les AOM bénéficiaires peuvent choisir de ne commencer à rembourser les avances reçues qu'au moment où les recettes tarifaires et le versement mobilité seront revenus à leur niveau moyen pour les années 2017 à 2019 (clause dite de « retour à meilleure fortune »). Aucun crédit n'a été ouvert pour 2022.
Enfin, la loi de finance initiale pour 202224(*) a procédé à la création d'un nouveau programme 829 « Avances remboursables destinées au financement des infrastructures de transport collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence », pour permettre à l'État d'octroyer des avances au GIP Aix Marseille Provence-Mobilités, constitué de l'État et de la métropole. Malgré un montant en crédit de paiement ouvert à hauteur de 100 millions d'euros en loi de finances pour 2022, l'absence de besoin formulé pour des projets a conduit à ne pas exécuter ces crédits.
Exécution des dépenses et des
recettes du CCF « Avances à divers services
de
l'État ou organismes gérant des services publics » en
2022
(en millions d'euros)
Programme |
Exécution 2021 |
Prévision 2022 |
Exécution 2022 |
Variation exécution 2022/2021 (%) |
Taux d'exécution (écart en %) |
|||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
821 - Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune |
8 067,9 |
10 000,0 |
8 081,1 |
+ 0,2 % |
- 19,2 % |
|||||
823 - Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics |
162,4 |
105,6 |
332,4 |
349,4 |
38,2 |
95,0 |
- 76,5 % |
- 10,1 % |
- 88,5 % |
- 72,8 % |
824 - Avances à des services de l'État |
1 100,6 |
707,0 |
352,0 |
- 68,0 % |
- 50,2 % |
|||||
825 - Avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex |
0,0 |
15,0 |
0,0 |
- 100,0 % |
||||||
826 - Avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité |
250,0 |
150,0 |
149,9 |
- 40,0 % |
- 0,1 % |
|||||
827 - Avances remboursables destinées à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 |
800,0 |
0,0 |
0,0 |
- 100,0 % |
||||||
828 - Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 |
647,3 |
0,0 |
0,0 |
- 100,0 % |
||||||
829 (nouveau) - Avances remboursables destinées au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence |
0,0 |
0,0 |
744,0 |
100,0 |
0,0 |
0,0 |
- 100,0 % |
- 100,0 % |
||
TOTAL Mission |
11 028,1 |
10 971,3 |
11 948,4 |
11 321,4 |
8 621,2 |
8 677,9 |
- 21,8 % |
- 20,9 % |
- 27,8 % |
- 23,3 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
L'exécution des crédits ouverts sur le CCF est moins satisfaisante que l'an passé, avec un écart de consommation des crédits par rapport à la prévision de - 27,8 % en autorisations d'engagement (AE) et de - 23,3 % en crédits de paiement (CP), contre respectivement -5,8 % et -6,1 % en 2021.
Les crédits consommés diminuent également fortement entre 2021 et 2022, avec une baisse des CP de près de 21 % entre 2021 et 2022 s'expliquant principalement par la baisse des avances aux exploitants d'aéroports, à des services de l'État et à Île-de-France Mobilité, reflétant la fin de la crise sanitaire. Dans la trajectoire globale du CCF, le niveau de consommation retrouve un niveau plus modéré, après un point haut en 2021.
Ces constats sont illustrés par les importants mouvements de gestion des crédits en cours d'exercice, dont le graphique ci-dessous ne peut donner une idée qu'à l'échelle de la mission
Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2022
(CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Hormis le programme 826, qui a connu une exécution remarquable, les crédits de l'ensemble des programmes sont largement sous-exécutés. En dehors des programmes dont les crédits n'ont pas été exécutés, le programme 823 enregistre une sous-exécution exemplaire des difficultés qui peuvent se poser pour la correcte exécution des crédits prévus. Bien que trois avances représentant un montant total de 106 millions d'euros prévues sur ce programme en 2021 n'aient pas pu être consommées, et aient fait l'objet d'un report de 2021 à 2022, la consommation de ces avances a été faible : un montant de 49 millions d'euros octroyé au GIP l'Europe à Mayotte ne s'est traduit que par un versement de 20,2 millions d'euros ; une partie des crédits de paiement de plusieurs avances initiées en 2021 ont été consommées, 5 millions d'euros sur 17 millions prévus pour France Agrimer, et 6,2 millions d'euros sur les 39,8 millions d'euros pour l'Agence de services et de paiement, dans le cadre du préfinancement des aides communautaires liées au Brexit.
* 18 À l'exception du programme 828, dont le responsable de programme est le directeur général des finances publiques.
* 19 L'endettement du BACEA ne s'est pas accru à hauteur du montant des nouvelles avances octroyées au budget annexe puisque le budget annexe a continué de procéder à des remboursements de précédentes échéances, certes dans une ampleur bien moindre que celle observée avant la crise sanitaire.
* 20 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 21 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 22 Le programme 828 est le seul programme du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État et organismes gérant des services publics » dont la responsabilité n'incombe pas au directeur général du Trésor mais au directeur général des finances publiques.
* 23 Sauf accord du bénéficiaire.
* 24 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.