II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE INITIATIVE MARQUANT UNE PREMIÈRE ÉTAPE NÉCESSAIRE
A. UNE PROCÉDURE DE RESTITUTION CLAIRE ET TRANSPARENTE REPOSANT SUR UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ET PARTENARIALE
Le contenu de la proposition de loi
La proposition de loi crée, au sein du code du patrimoine, une dérogation de portée générale au principe d'inaliénabilité. Elle autorise l'État et les collectivités territoriales à faire sortir de leur domaine public, par décret en Conseil d'État, sur la base d'un rapport établi par le ou les ministères de tutelle des établissements concernés, des restes humains identifiés comme étant issus du territoire d'un État étranger dans le but de les lui restituer.
La procédure est avant tout motivée par le souci de garantir le respect de la dignité de la personne humaine et le respect des cultures et croyances des autres peuples. Elle concerne exclusivement des restes humains dont l'ancienneté est inférieure à 500 ans, qui appartiennent à un groupe vivant dont la culture et les traditions restent actives, et dont la demande de restitution est portée par un État étranger. Elle n'est possible qu'à des fins funéraires tant il serait incohérent que la restitution se traduise par l'exposition des restes restitués dans l'État d'origine. Cette condition n'empêche cependant pas la constitution d'un mémorial.
Afin d'éviter que des restes humains qui ne correspondraient pas à la demande de l'État d'origine lui soient restitués, un comité scientifique, composé à parts égales de représentants français et de représentants de l'État demandeur, est chargé de vérifier l'identification des restes humains en cas de doute sur celle-ci.
Le Parlement devrait être destinataire chaque année d'un rapport relatif à l'application de cette procédure de manière à lui permettre de contrôler l'action du Gouvernement, une fois qu'il lui aura délégué son pouvoir à autoriser la sortie de ces restes humains des collections publiques.
La commission considère que ces dispositions offrent un cadre clair et transparent pour le traitement des demandes de restitution de restes humains adressées par des États étrangers. Les critères prévus par la proposition de loi sont suffisamment précis et objectifs pour justifier la dérogation au principe d'inaliénabilité consentie par le législateur. La procédure ménage par ailleurs une véritable place à l'expertise scientifique, permettant de se prémunir contre des restitutions qui seraient le « fait du prince ». Le texte répond ainsi à la préoccupation exprimée par la commission dans le cadre de ses travaux sur la restitution des biens culturels2(*), reprenant les critères qui figuraient déjà dans la proposition de loi votée par le Sénat en janvier 2022.
Elle est convaincue que ce cadre général peut permettre :
ü de faciliter les restitutions de restes humains et de permettre à notre pays d'examiner rapidement les demandes pendantes (Australie, Argentine, Madagascar), ainsi que de régulariser la restitution des crânes algériens avant l'expiration du délai de cinq ans prévu par la convention de dépôt conclue avec l'Algérie en 2020 ;
ü d'inciter nos établissements publics à adopter une démarche plus pro-active et à engager un travail en profondeur d'identification des restes potentiellement sensibles qu'ils conservent dans leurs collections, dans la mesure où il leur offre de véritables perspectives d'aboutissement de leurs efforts ;
ü de développer des coopérations culturelles et scientifiques avec les États demandeurs, grâce au travail qui pourra être amorcé au sein du comité scientifique mixte, qui fournit une opportunité de jeter les premières bases de l'écriture commune du récit de notre histoire passée.
* 2 Rapport d'information n° 239 (2020-2021) de MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias sur les restitutions des biens culturels appartenant aux collections publiques