EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 1er
Création
du statut de « résidence d'attache » au
bénéfice des propriétés en France des
Français établis à l'étranger
. Le présent article propose de créer un statut de « résidence d'attache » au bénéfice d'une des résidences secondaires possédées, le cas échéant, par un Français résidant à l'étranger.
Dans le contexte de crise et devant l'importance de mieux protéger les Français à l'étranger, la création d'un tel statut est bienvenue et correspond à une demande trans-partisane reprise, du reste, par le Président de la République lors de la campagne présidentielle de 2022.
Des droits et obligations spécifiques pourront
être attachés à ces « résidences
d'attache » en particulier en matière fiscale, ce qui est
d'ailleurs l'objet de
l'article 2 de la proposition de loi.
La commission a estimé qu'un ajustement technique devait être apporté au texte proposé dans la mesure où celui-ci se bornait à viser les seuls « propriétaires » tandis que le critère déterminant d'une résidence secondaire peut également être celui de la « jouissance » d'un bien.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LES RÉSIDENCES EN FRANCE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER SONT REGARDÉES COMME DES RÉSIDENCES SECONDAIRES AU PLAN FISCAL
Le 1° du I de l'article 1407 du code général des impôts prévoit que les locaux d'habitation sont assujettis à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires tandis que le I de l'article 1408 et l'article 1415 du même code précisent que « la taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables » et ce « d'après les faits existants au 1 er janvier de l'année de l'imposition ».
En application des dispositions du I de l'article 1418 du même code, « les propriétaires de locaux affectés à l'habitation sont tenus de déclarer à l'administration fiscale (...) les informations relatives (...) à la nature de l'occupation de ces locaux (...) ».
Si, en d'autres termes, la qualité de résidence secondaire procède d'une déclaration du contribuable, l'administration fiscale s'appuie toutefois sur plusieurs critères lui permettant d'apprécier si le logement constitue une résidence principale ou non.
A l'appui des décisions du Conseil d'État n°49724 du 12 octobre 1984 et n° 55892 du 25 juillet 1986, la doctrine fiscale 1 ( * ) retient que la résidence principale constitue le logement :
- dans lequel le contribuable réside habituellement et effectivement avec sa famille ;
- dans lequel sa famille réside en permanence lorsque le contribuable est appelé à de fréquents déplacements pour motifs professionnels ;
- dans lequel sa famille réside ordinairement même si le contribuable dispose, par ailleurs, d'un logement de fonction .
À l'inverse - et comme l'acception commune de résidence secondaire conduit à l'entendre - une habitation dans laquelle le contribuable ne réside qu'en fin de semaine ou pour des vacances ne constitue pas une résidence principale au plan fiscal.
Dans ce contexte, les locaux d'habitation situés en France et détenus ou loués par des Français résidant à l'étranger sont regardés comme des résidences secondaires dans la mesure où ils ne répondent pas aux critères retenus par l'administration fiscale pour qualifier un logement de résidence principale.
L'importance du patrimoine immobilier détenu , à cet égard, par l'ensemble des Français résidant à l'étranger est difficile à apprécier dans la mesure où il ne donne pas lieu à des publications spécifiques de la part de l'Insee.
De même, interrogée par le rapporteur, l'administration a indiqué ne pas être en mesure à ce jour d'estimer le nombre des résidences secondaires appartenant à des Français de l'étranger .
Pour autant, quelques travaux récents permettent de donner quelques ordres de grandeur :
- d'une part, l'Insee 2 ( * ) estime qu'une résidence secondaire sur 10 serait, en France, détenue par un ménage résidant ordinairement à l'étranger - qu'il soit de nationalité française ou non ;
- d'autre part, à l'appui d'un sondage réalisé en 2023, la Banque Transatlantique 3 ( * ) indique qu'environ 30 % des Français résidant à l'étranger détiennent un bien en France et un quart d'entre eux ont l'intention d'en acheter un.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UN STATUT DÉCLARATIF DE « RÉSIDENCE D'ATTACHE » POUR L'UNE DES RÉSIDENCES SITUÉES EN FRANCE
L'article 1 er de la proposition de loi insère un article 1407 quater nouveau dans le code général des impôts.
Celui-ci dispose qu'un Français non-résident pourrait, dans l'année suivant son départ, transmettre au service des impôts une déclaration tendant à reconnaître à l'une des résidences secondaires qu'il possède la qualité de « résidence d'attache ».
Les droits et obligations attachés à ce statut ne sont pas précisés par le présent article.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN STATUT BIENVENU QUI POURRAIT DEVENIR LE SUPPORT D'UNE PRISE EN COMPTE DES BESOINS SPÉCIFIQUES DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, les locaux d'habitation détenus par les Français de l'étranger « constituent un point d'attache avec la France, qui les relie à leur famille et à leur patrie ».
Dans un contexte marqué par l'accélération des crises , nos compatriotes à l'étranger peuvent légitimement ressentir la nécessité de revenir - souvent dans l'urgence - sur le territoire national.
Aussi, la création d'un statut de « résidence d'attache » apparait bienvenue et rejoint celle d'instituer une « résidence de repli » mise en avant par notre collègue député Frédéric Petit et, lors de la campagne présidentielle, par le candidat Emmanuel Macron.
En effet, interrogé par LePetitJournal.com, le Président de la République avait déclaré que pour mieux protéger les Français de l'étranger, il créerait « le concept de résidence de repli » à laquelle s'attacheront « certains avantages de la résidence principale » 4 ( * ) .
Le rapporteur considère que la création de ce statut constitue un préalable pour permettre aux logements en France des Français de l'étranger de se voir reconnaitre des droits et protections particulières et nécessaires.
Il remarque, toutefois, que les Français de l'étranger ne sont pas exclusivement propriétaires d'un bien en France mais parfois locataires et que, de façon générale, le cadre juridique applicable aux impositions sur l'habitation - qui sera l'objet de l'article 2 de la proposition de loi - se réfère plutôt à la « jouissance » d'un bien qu'à sa propriété.
Dès lors, la commission a proposé de préciser que le statut de résidence d'attache pouvait être attribué à toute résidence secondaire dont un Français de l'étranger à la propriété ou la jouissance et a adopté un amendement COM-6 en ce sens.
Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 2
Institution d'un
allégement de taxe d'habitation sur les résidences secondaires au
bénéfice des propriétaires de
« résidences d'attache »
. Le présent article propose d'instituer une exonération de taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) au bénéfice des « résidences d'attache » c'est-à-dire de l'un des biens immobiliers situés en France et détenu ou à la disposition d'un Français résidant à l'étranger.
La commission estime que si le principe d'un allègement de la fiscalité applicable aux résidences d'attache est bienvenu, il ne peut constituer une mesure trop générale et doit être mieux ciblé.
La commission propose donc :
- de soutenir les Français de l'étranger en supprimant, pour les « résidences d'attache » la majoration de taxe d'habitation sur les résidences secondaires dans les zones tendues ;
- d'instaurer un dégrèvement - pris en charge par l'État - de l'ensemble de la THRS l'année du retour d'un Français de l'étranger dans sa résidence d'attache lorsque ce retour est justifié par la survenue d'un évènement extérieur à la volonté de la personne et qui met en danger sa vie ou celle des membres de sa famille ou qui rend impossible matériellement son habitation dans le pays d'accueil.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : UNE SUPPRESSION DE LA TAXE D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES PRINCIPALES QUI NE LAISSE SUBSISTER QU'UNE IMPOSITION SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES
Depuis le 1 er janvier 2023 et en application des dispositions de l'article 16 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, la taxe d'habitation sur les résidences principales est supprimée .
Aux termes des dispositions de l'article 1407 du code général des impôts seule subsiste désormais une taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et les autres locaux non affectés à l'habitation principale.
Le montant de l'impôt est déterminé en fonction de la valeur locative des locaux regardés - à raison d'une déclaration obligatoire des redevables - comme des résidences secondaires ou des locaux non-affectés à l'habitation principale.
Aux termes des dispositions de l'article 1408 du CGI, l'impôt est établi au nom des personnes qui ont « la disposition ou la jouissance des locaux imposables » qu'ils en soient, ou non, propriétaires.
La situation d'un local ainsi que l'identité du redevable de la taxe sont appréciées, pour l'ensemble de l'année, compte tenu des éléments constatés au 1 er janvier.
L'article 1407 ter du CGI prévoit par ailleurs que le conseil municipal peut instituer une majoration de THRS d'un pourcentage compris entre 5 % et 60 % de l'impôt de base. Cette majoration ne peut être prévue que dans les communes situées en zone « tendue » au sens de l'article 232 du CGI où il existe, notamment, « un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements ».
D'après les données publiées par l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL) 5 ( * ) , le produit total de la THRS s'élevait à 2,7 milliards d'euros en 2021 dont 136 millions d'euros au titre de la majoration des résidences secondaires. Le produit de la THRS revient au bloc communal et plus particulièrement aux communes (1,9 milliard d'euros en 2021).
La THRS peut donner lieu à des allègements prévus par le code général des impôts. Ainsi, l'article 1407 du CGI prévoit plusieurs cas d'exonération qui concernent :
- les locaux assujettis à la cotisation foncière des entreprises, servant aux exploitations rurales, ou au logement des élèves de pensionnat, occupés comme bureau des fonctionnaires publics ou affectés au logement des étudiants en résidence universitaire ;
- en zone de revitalisation rurale, les locaux meublés de tourisme et les chambres d'hôte.
En outre, l'article 1407 ter du CGI prévoit que la majoration de THRS peut donner lieu à un dégrèvement lorsque les redevables sont :
- contraints de résider pour motifs professionnels dans la résidence secondaire imposable alors qu'ils conservent une résidence principale par ailleurs ;
- désormais hébergés dans un service médico-social dans la mesure où la résidence secondaire désormais imposable constituait antérieurement leur résidence principale ;
- rendus incapables, pour des causes étrangères à leur volonté, d'occuper la résidence secondaire imposable comme résidence principale.
La doctrine fiscale 6 ( * ) a précisé que « la cause étrangère à la volonté du contribuable s'entend comme une cause faisant obstacle à l'affectation du logement meublé à l'habitation principale de ce dernier ou de toute autre personne (...) » . Cette situation peut notamment se retrouver dans les cas, par exemple :
- « (... de) locaux précaires dépourvus des équipements nécessaires à une occupation pérenne et habituelle du contribuable, ainsi que ceux ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition ;
- [de] logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur ».
Ainsi que le rapporteur l'a montré au commentaire de l'article 1 er de la proposition de loi, les biens situés en France et détenus ou à la disposition de Français résidant à l'étranger ont, au plan fiscal, le caractère de résidences secondaires.
Ils sont donc, par suite , assujettis à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et, le cas échéant, à la majoration applicable en « zone tendue ».
Interrogée par le rapporteur, l'administration n'a pas été en mesure d'indiquer quelle proportion représentent les logements des Français établis hors de France dans l'assiette et dans le produit final de la THRS.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXONÉRATION TOTALE DE TAXE D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES AU PROFIT DES RÉSIDENCES D'ATTACHE
L'alinéa 1 er du présent article insère un IV au sein de l'article 1407 du code général des impôts afin d'instituer le principe d'une exonération de « taxe d'habitation » portant sur les locaux regardés comme des résidences d'attache au sens de l'article 1 er de la proposition de loi.
Les alinéas 2 à 4 du présent article exposent les conditions cumulatives devant être satisfaites pour permettre le bénéfice de l'exonération. En l'espèce, le bien :
- doit être libre de toute occupation permanente et n'être réservé qu'à la jouissance exclusive de son propriétaire et des membres de son foyer fiscal ;
- ne doit générer aucun revenu locatif.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF UTILE MAIS QUI DOIT ÊTRE DAVANTAGE CIBLÉ
Le rapporteur considère qu' accompagner les quelques 2,5 millions de Français établis hors de France et leur permettre de conserver un lien avec la France sont des objectifs qui doivent être poursuivis.
Comme il l'a indiqué au commentaire de l'article 1 er de la proposition de loi, la création du statut de résidence d'attache est bienvenue car il constituera le support d'un certain nombre de droits et protections que ce soit en matière fiscale ou en matière d'état civil.
L'objet du présent article est d'instituer une exonération de THRS au profit des Français de l'étranger pour les biens qu'ils possèdent en France, qui sont regardés comme des résidences secondaires et qu'ils auront - à raison d'un seul dans l'ensemble de leur patrimoine - décidé de déclarer comme constituant leur « résidence d'attache ».
Une telle exonération apparaît trop générale et trop permanente puisqu'elle reviendrait à exonérer d'imposition foncière les Français de l'étranger sans cibler la situation particulière de ceux devant revenir en France .
En effet, à l'appui de l'exposé des motifs de la proposition de loi, le rapporteur considère que l'effort doit être concentré sur les Français de l'étranger qui - subissant les effets d'une catastrophe environnementale, sanitaire ou sécuritaire - sont amenés à devoir revenir en France, parfois dans l'urgence la plus absolue.
Mieux cibler le dispositif n'exclut pas, toutefois, de mettre en oeuvre un allègement fiscal pour tenir compte de la spécificité des résidences d'attache, en ne retenant pas une exonération complète de THRS mais un dégrèvement de la majoration de THRS lorsqu'elle est applicable.
Les résidences d'attache peuvent difficilement être regardées comme seulement des biens destinés à la villégiature et marquent, plutôt, à la fois un lieu de repli et un lien entre les expatriés et la France.
Dès lors, appliquer à ces logements une majoration de THRS n'apparait pas opportun car les Français qui possèdent une résidence en zone tendue ont le plus souvent vocation à y revenir.
Dans ce contexte, la commission a adopté un amendement COM-7 dont l'objet est de préciser que l'allègement de THRS attaché au statut de résidence d'attache consistera :
- en un dégrèvement - pris en charge par l'État - permanent de la majoration de THRS lorsqu'elle est applicable ;
- en un dégrèvement - pris en charge par l'État - de l'ensemble de la THRS l'année du retour d'un Français de l'étranger dans sa résidence d'attache lorsque ce retour est justifié par la survenue d'un évènement extérieur à la volonté de la personne et qui met en danger sa vie ou celle des membres de sa famille ou qui rend impossible matériellement son habitation dans le pays d'accueil.
Il convient, en effet, de rappeler que les règles d'établissement de la THRS impliquent que l'impôt est dû à raison de la situation du bien au 1 er janvier.
En d'autres termes, une résidence regardée comme « secondaire » au 1 er janvier continuerait d'être imposée à la THRS quand bien même les personnes qui la possèdent ou en ont la jouissance viendraient s'y installer à titre principal le 2 janvier.
Le rapporteur considère qu'une famille commandée par l'urgence de revenir de l'étranger doit bénéficier d'un geste fiscal et être exemptée de s'acquitter d'une taxe sur les résidences secondaires alors qu'elle réside désormais à titre principal dans sa résidence d'attache.
En outre, l'amendement supprime la condition selon laquelle la résidence d'attache doit « être libre de toute occupation permanente » dans la mesure où, si tel était le cas au 1 er janvier, le bien serait considéré comme la résidence principale d'un autre contribuable et ne serait pas soumis à la THRS.
Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 3
Date
d'entrée en vigueur
. Le présent article prévoit que les dispositions de la proposition de loi entrent en vigueur à compter du 1 er janvier 2023. Dans la mesure où les déclarations de taxe d'habitation sur les résidences secondaires - imposition qui est l'objet de l'article 2 - sont établies à l'automne de l'année en cours, la présente proposition de loi ne trouverait pas de difficulté à s'appliquer s'il elle était adoptée et promulguée d'ici à cette date.
Décision de la commission : la commission a adopté cet article sans modification.
* 1 Bofip - Impôts fonciers - Taxe d'habitation - Base d'imposition - Abattements - Champ d'application (BOI-IF-TH-20-20-20).
* 2 Insee Première • n° 1871 • Août 2021.
* 3 L'observatoire de l'expatriation - Vague 4 - Note de synthèse, février 2023.
* 4 https://lepetitjournal.com/expat-politique/actualites/emmanuel-macron-francais-etranger-335331.
* 5 OFGL, Rapport 2022 sur les finances locales.
* 6 Bofip - IF - TH - Majoration de la taxe d'habitation des logements meublés non affectés à l'habitation principale - BOI-IF-TH-70.