N° 433

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi pour contrôler l' immigration , améliorer l' intégration (procédure accélérée),

Par Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

304 et 434 rect. (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le 15 mars 2023 sous la présidence de François Noël Buffet, la commission des lois a adopté avec modifications , sur le rapport de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, le projet de loi n° 304 (2022-2023) pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration .

Alors que la reprise des flux migratoires, réguliers comme irréguliers, à la suite de la covid-19, soulève des défis majeurs, force est de constater que la France ne possède plus de réelle stratégie migratoire depuis plusieurs années et se contente d'une politique au fil de l'eau . Dans ce contexte, la commission des lois a regretté le caractère trop timoré et les nombreux angles morts du texte du Gouvernement, par exemple s'agissant du regroupement familial, de la procédure « étranger malade » ou des modalités d'exécution des décisions d'éloignement.

La commission des lois a donc adopté 71 amendements visant à muscler les dispositions allant dans le bon sens, à supprimer celles relevant d'une pure logique d'affichage et à combler les manques de ce projet de loi . Par un resserrement sans ambiguïté des critères du regroupement familial, la mise en place d'une instruction « à 360° » des demandes de titres de séjour, la réforme de l'aide médicale d'État, l'inscription dans la loi du principe « visas contre laissez-passer consulaires » ou par la création d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République, la commission des lois a ainsi entendu donner du souffle à un texte qui en manquait cruellement .

I. FACE À UNE REPRISE DES FLUX MIGRATOIRES, UN PROJET DE LOI QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS AFFICHÉES

A. DANS UN CONTEXTE DE REGAIN DE LA PRESSION MIGRATOIRE, UNE POLITIQUE D'IMMIGRATION PLOMBÉE PAR SES INSUFFISANCES

Après un bref repli à la suite de pandémie de la covid-19, les flux migratoires, réguliers comme irréguliers, ont renoué avec des niveaux élevés . Avec plus de 320 000 primo-délivrances, la France n'a jamais délivré autant de titres de séjour qu'en 2022 (+ 17,2 % par rapport à l'année précédente). Par ailleurs, l'immigration étudiante est devenue depuis 2021 le premier motif d'admission au séjour devant l'immigration familiale.

Champ : France métropolitaine. Source : Ministère de l'intérieur.

Pour autant, cette montée en puissance de l'immigration régulière ne répond à aucune stratégie sous-jacente des pouvoirs publics. Alors qu'une politique migratoire cohérente et efficace supposerait de mettre l'accent sur l'immigration économique qualifiée, c'est aujourd'hui tout le contraire qui se produit avec des admissions au séjour principalement tirées par le regroupement familial - dont les conditions d'éligibilité sont notoirement insuffisantes - et l'immigration étudiante - où quasiment aucun contrôle n'est effectué sur la réalité et le sérieux des études suivies. En outre, l'immigration régulière doit aller de pair avec une solide politique d'intégration qui n'est clairement pas au rendez-vous aujourd'hui . Sur le plan linguistique par exemple, on ne peut que déplorer qu'un quart des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

Le tableau n'est guère plus reluisant s'agissant de l'immigration irrégulière . Le ministre de l'intérieur estimait le 2 novembre dernier devant la commission des lois « entre 600 000 et 900 000 » le nombre d'étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national , tandis que le budget consacré à l'aide médical d'État n'en finit plus de déraper et dépasse désormais le milliard d'euros. S'il se maintient à des niveaux corrects pour les expulsions et les interdictions du territoire français (ITF), le taux d'exécution des mesures d'éloignement est enfin toujours aussi dérisoire s'agissant des obligations de quitter le territoire français (OQTF) : 6,9 % au premier semestre 2022 1 ( * ) .

Du reste, ce constat d'une politique migratoire sans ligne directrice et conduite « au fil de l'eau » n'est pas nouveau . Il avait déjà été établi par les rapporteurs dans leur avis budgétaire sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2023. Hormis quelques points de satisfaction ayant trait à l'amélioration des délais de traitement des demandes d'asile, ils y relèvent que « les autres composantes de la politique migratoire demeurent défaillantes [et que] la politique de lutte contre l'immigration irrégulière est toujours dans l'impasse » 2 ( * ) .


* 1 65 076 ont été prononcées et 4 474 exécutées sur le premier semestre 2022 (ministère de l'intérieur).

* 2 Avis n° 121 (2022-2023) de Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des lois, « Projet de loi de finances pour 2023 : Immigration, asile et intégration », 17 novembre 2022.

Page mise à jour le

Partager cette page