II. UNE PROPOSITION DE LOI BIENVENUE MAIS À LA RÉDACTION PERFECTIBLE POUR GARANTIR SON CARACTÈRE OPÉRATIONNEL

A. UNE PROPOSITION DE LOI DESTINÉE À RÉPRIMER LES ATTEINTES FRAUDULEUSES PORTÉES À LA VÉRITÉ D'UNE oeUVRE D'ART

L'actualisation de la loi Bardoux correspond à un réel besoin exprimé par les auteurs ou leurs ayants droit, les professionnels du marché de l'art, les praticiens du droit et les services enquêteurs. Les fraudes artistiques portent non seulement atteinte à des intérêts privés (violation des droits moraux et patrimoniaux des artistes, préjudice subi par les acquéreurs), mais elles érodent également la confiance dans le marché de l'art et les institutions patrimoniales et elles constituent, au final, une menace pour la création. Une réforme législative est donc indispensable afin d'améliorer la protection des consommateurs et le respect des droits des artistes, de restaurer la crédibilité du marché de l'art et d'accroître la transparence et la fiabilité dans ce domaine.

L'article 1 er de la proposition de loi vise à créer, au sein du code du patrimoine, une nouvelle infraction pénale remplaçant celle prévue par la loi Bardoux, que l'article 2 prévoit d'abroger. Cette infraction aurait pour objet de réprimer la réalisation, la présentation, la diffusion ou la transmission, à titre gratuit ou onéreux, et en connaissance de cause, d'un bien artistique ou d'un objet de collection affecté, par quelque moyen que ce soit, d'une altération de la vérité sur l'identité de son créateur, sa provenance, sa datation, son état ou toute autre caractéristique essentielle.

La proposition de loi ne se contente donc pas d'une simple actualisation de la loi Bardoux, mais procède à une véritable refonte de la répression des fraudes en matière artistique .

Elle corrige plusieurs lacunes de la loi Bardoux :

• elle élargit le périmètre de l'infraction aux falsifications affectant l'ensemble des biens artistiques et objets de collection , sans la restreindre à certaines catégories d'oeuvres particulières ni distinguer entre les oeuvres couvertes encore ou non par le droit d'auteur. Son objectif est de protéger tous les supports de l'art, y compris des modes d'expression artistique appelés à apparaitre dans le futur ;

• elle étend l'infraction aux falsifications relatives à la datation, l'état ou la provenance d'une oeuvre d'art , ne la limitant plus aux seules falsifications liées à la signature ou à la personnalité de l'artiste ;

• elle alourdit le régime des peines en alignant la peine principale sur celles applicables en matière d'escroquerie (5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende) avec possibilité d'aggravation sous certaines circonstances (commission avec l'aide de complices, commission de manière habituelle ou commission en bande organisée). Elle maintient la peine complémentaire prévue par la loi Bardoux de confiscation ou de remise au plaignant de l'oeuvre d'art, même en cas de relaxe lorsqu'il est établi que l'oeuvre en question est un faux.

Mais, elle ne vise pas, à la différence de la loi Bardoux et de la plupart des infractions pénales de droit commun, à punir le préjudice économique et financier subi par la victime de la duperie ou du mensonge. Elle a pour objet de prévenir toute atteinte portée aux oeuvres d'art elles-mêmes en sanctionnant les falsifications portant sur les traits incontournables d'une oeuvre d'art susceptibles d'intervenir depuis la création de l'oeuvre jusqu'à sa commercialisation ou son transfert, en passant par des étapes intermédiaires de présentation ou de diffusion. L'infraction n'est plus conditionnée, ni à la nécessaire identification d'un artiste, ni à celle d'une transaction ou d'un cadre contractuel .

Cette nouvelle infraction revêt un caractère symbolique . Elle permet d'affirmer que les oeuvres d'art ne sont pas assimilables à de simples marchandises et qu'elles constituent un bien commun de tous.

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