B. UNE ÉVOLUTION TARDIVE POUR LES TRVG

Concernant l'article 2 sur le maintien des TRVG, il est lui aussi contraire au droit européen . Dans son arrêt du 19 juillet 2017 9 ( * ) , le Conseil d'État a ainsi estimé que les TRVG ne respectent pas la directrice du 13 juillet 2009 10 ( * ) , telle qu'interprétée par l'arrêt du 7 septembre 2016 11 ( * ) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le droit européen requiert en effet la poursuite d'un intérêt économique général (maintien de prix raisonnables, cohésion territoriale, sécurité d'approvisionnement) ainsi que le respect de critères de proportionnalité, de temporalité, de clarté, de transparence, de non-discrimination et de contrôle. Or, pour le Conseil d'État, les TRVG ne poursuivent pas d'intérêt économique général : ni la garantie des prix car ils doivent couvrir les coûts des fournisseurs ; ni la cohérence territoriale car le gaz est substituable, son prix étant peu harmonisé et sa desserte peu étendue ; ni enfin la sécurité d'approvisionnement, qui n'entre pas dans les missions des fournisseurs de gaz. Le règlement du 6 octobre 2022 n'a rien changé à cet état du droit car il n'autorise, pour le gaz, que la possibilité d'instituer une contribution de solidarité temporaire, et non des tarifs réglementés. En rétablissant les TRVG, l'article serait donc frontalement contraire à la jurisprudence du Conseil d'État et de la CJUE. C'est d'autant plus vrai qu'il ne viserait pas seulement à prolonger les actuels consommateurs éligibles à ces tarifs, mais bien plutôt à faire bénéficier tous les consommateurs de ces tarifs.

En outre, l'article ne répond pas non plus aux besoins des collectivités territoriales . Tout comme les TRVE, les TRVG ne protègent pas, en tant que tels, des hausses des prix, car leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Et la généralisation des TRVG serait déstabilisatrice pour les offres de marché souscrites par les collectivités territoriales, avec un risque de pénalités, liées aux sorties anticipées de ces offres, mais aussi de contentieux et de remboursement.

Enfin, l'article déstabilise les fournisseurs de gaz, en plus des collectivités territoriales . Tout d'abord, il remettrait en cause l'extinction des TRVG. Or, aucune nouvelle souscription n'est possible depuis 2019, la sortie des consommateurs non domestiques est réalisée depuis 2020 et celle des consommateurs domestiques doit l'être dans six mois. Au reste, le groupe Engie 12 ( * ) s'est déjà organisé en conséquence. Plus encore, le maintien des TRVG éroderait le signal-prix du gaz, qui reste une énergie fossile, dont la consommation doit être modérée et verdie. Enfin, ces tarifs réglementés ne sont plus nécessaires à l'application des dispositifs de soutien tarifaires, budgétaires ou fiscaux, qui reposeront désormais sur un prix de référence du gaz, fixé par la CRE, comme prévu par la loi de finances initiale pour 2023.

Au total, si la commission n'est pas hostile à une évolution des TRVE et des TRVG, elle estime qu'elle ne peut être réalisée que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen, faute de quoi les consommateurs d'énergie, dont les collectivités territoriales, seraient exposés à un grave risque juridique et financier . Si une évolution doit être recherchée, c'est à l'échelle européenne, plutôt que nationale, et sur le marché de gros, plutôt que celui de détail ; rappelons que la France n'a toujours pas obtenu un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal ou à l'Espagne...

C'est pourquoi le rapporteur a accueilli avec intérêt la position exprimée dans ses travaux préalables par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) , qui réunit les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie : « La FNCCR est pleinement consciente que ces propositions se heurtent à un problème de conformité aux directives de l'Union européenne relatives à l'organisation des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz, outre le fait qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir aux consommateurs finals un niveau de protection adéquat, ce qui plaide par conséquent en faveur d'une réforme structurelle de ces marchés ».


* 9 Conseil d'État, Décision n° 370 321, 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

* 10 Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

* 11 Cour de Justice de l'Union européenne, Arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-121/15 « Anode ».

* 12 Et les ELD.

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