B. S'IL RESTE TROP SENSIBLE À LA CONJONCTURE, LE PANIER DE RESSOURCES AFFECTÉES À L'AFIT FRANCE ÉVOLUE POSITIVEMENT EN 2023 AVEC UNE MAJORATION DU PLAFOND D'AFFECTATION DE L'ACCISE SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES (ANCIENNE TICPE)

Le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur une agence, l'AFIT France, celui des services de transports étant quant à lui porté par le programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Adopter et sécuriser une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports revient ainsi, avant toute chose, à fixer le montant du budget de l'AFIT France pour les années à venir et à s'assurer qu'elle dispose de recettes suffisantes et sur le niveau desquelles elle bénéficie d'une véritable visibilité.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France
(AFIT France)

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) est un établissement public administratif de l'État créé en 2004 1 ( * ) dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) .

Elle est administrée par un conseil d'administration composé de douze membres comprenant six représentants de l'État, un député, un sénateur, trois élus locaux et une personnalité qualifiée.

Pour son fonctionnement, elle dépend entièrement de la DGITM . L'AFIT France est ce que l'on appelle « un opérateur transparent » 2 ( * ) , une simple caisse de financement dont les décisions engagent directement l'État .

Comme le rappelait le projet annuel de performances pour 2019, « à partir de 2006, notamment à la suite de l'extension de son domaine d'intervention au financement des contrats de projets État-régions, l'AFIT France est devenue l'acteur privilégié du financement de l'ensemble des infrastructures de transport (hors domaine aérien). Son champ d'intervention ne se limite donc pas aux grands projets d'infrastructures d'intérêt national , mais inclut les dépenses de modernisation, de gros entretien et de régénération des réseaux , et, pour les transports collectifs de personnes, les projets portés par les communautés d'agglomération ».

Pour assurer son financement, l'AFIT France bénéficie de taxes affectées. L'agence reverse dans un second temps les deux tiers de son budget au programme 203 « Infrastructures et services de transport » sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Elle favorise ainsi le report modal , en contribuant avant tout au financement d'infrastructures ferroviaires et fluviales grâce à des ressources provenant du secteur routier .

Source : commission des finances du Sénat

1. Si le plafond d'affectation de l'accise sur les produits énergétiques augmente sensiblement en 2023, l'AFIT France reste prisonnière d'un conflit entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroute

Les recettes de l'AFIT France sont constituées par différentes taxes affectées, dont certaines ont été fortement impactées ces dernières années par les conséquences de la crise sanitaire .

Depuis 2015, le budget de l'AFIT France est essentiellement financé par l'affectation d'une partie du produit de l'accise sur les produits énergétiques (l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE). La loi de finances initiale pour 2022 avait diminué le plafond d'affectation à 1,2 milliard d'euros . Pour 2023 , l'article 15 du présent projet de loi de finances prévoit d' augmenter de plus de 50 % (soit 660 millions d'euros) ce plafond pour le porter à 1,9 milliard d'euros .

Évolution du plafond du produit de TICPE
affecté en lois de finances à l'AFIT France (2018-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les lois de finances

Assis sur le chiffre d'affaire de l'année précédente, le produit de la redevance domaniale 3 ( * ) versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) a atteint 336 millions d'euros en 2021, en recul de 26 millions d'euros par rapport au montant initialement attendu et de 29 millions d'euros par rapport à 2020. Cette diminution s'explique, avec une année de décalage, par les répercussions de la crise sanitaire, notamment en raison des restrictions de déplacements, sur le transport routier. En 2022 comme en 2023 , son montant est évalué à 370 millions d'euros .

Évolution de la redevance domaniale affectée à l'AFIT France (2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT FRANCE

Après une forte baisse en 2020 due aux conséquences de la crise sanitaire, les recettes de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) 4 ( * ) acquittée par les SCA, à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers, se sont redressées en 2021 pour s'établir à 561 millions d'euros , un montant similaire étant attendu en 2022 comme en 2023.

Évolution du montant de taxe d'aménagement du territoire (TAT)
affecté à l'AFIT France (2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT FRANCE

Une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national est également reversée à l'AFIT France. Ces recettes sont elles aussi sujettes à d'importantes fluctuations et, en 2020 comme en 2021, les modalités de leur affectation ont été révisées afin de les rendre plus favorables à l'AFIT France pour compenser en partie le déficit constaté sur le rendement des autres ressources de l'agence. Alors que l'AFIT France attendait 250 millions de recettes liées au produit des amendes radars en 2022 , le quatrième budget rectificatif pour cet exercice adopté par l'agence le 19 octobre dernier fait état d'une diminution très sensible de la prévision . L'AFIT France ne devrait ainsi percevoir que 135 millions d'euros, soit une baisse de 115 millions d'euros et près de 50 % par rapport à la prévision initiale. Une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit cependant de réviser les modalités d'affectation des amendes radar pour allouer 7 millions d'euros supplémentaires à l'AFIT France.

Pour 2023, les estimations établies dans le projet de loi de finances font état d'un montant de 250 millions d'euros mais les rapporteurs spéciaux constatent que chaque année la prévision initiale s'avère très surestimée par rapport au rendement effectif des amendes radars. Ce défaut récurrent d'estimation de cette recette nuit à l'indispensable visibilité de l'agence sur ses ressources et implique des ajustements conjoncturels purement budgétaires en fin de gestion qui sont en parfaitement incohérents avec la dimension pluriannuelle des opérations d'investissements structurelles financées par l'AFIT France.

Évolution des recettes d'amendes radars
affectées au budget de l'AFIT France (2012-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La dernière ressource importante qui alimente le budget de l'AFIT France est l'« écocontribution » sur le transport aérien adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2020 et conçue comme une majoration de l'ancienne taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS). Désormais, depuis la création du nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS) et en vertu des dispositions de l'article L. 422-20 de ce même code, cette taxe est dénommée « tarif de solidarité » de la « taxe sur le transport aérien de passagers » .

En 2020, comme en 2021 , en raison de la crise historique du transport aérien et de l'effondrement sans précédent du trafic qui en a résulté, l'AFIT France n'a perçu aucune recette issue de cette contribution alors qu'elle devait lui rapporter 230 millions d'euros par an . Sur ces deux années, le déficit de recettes de l'AFIT France sur cette seule taxe affectée a donc atteint 460 millions d'euros .

Du fait de la reprise du trafic aérien, 2022 sera la première année au cours de laquelle l'AFIT France se verra affecter une part du tarif de solidarité appliqué à la taxe sur le transport aérien de passager. Le quatrième budget rectificatif de l'AFIT France évalue à 157 millions d'euros les recettes que devrait percevoir l'agence au titre de cette taxe en 2022, soit un montant nettement supérieur aux estimations réalisées en loi de finances initiale pour 2022 (91 millions d'euros). Toutefois, les rapporteurs spéciaux notent que le tome I de l'annexe au présent projet de loi de finances sur les évaluations des voies et moyens est moins optimiste puisqu'il évalue ce montant à 110 millions d'euros en 2022 et 163 millions d'euros en 2023 .

Évolution des recettes issues de l'éco contribution
sur le transport aérien (2020-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Habituellement, l'AFIT France percevait également depuis 2015 une contribution volontaire exceptionnelle des SCA pour un montant total de 1,2 milliard d'euros courants sur la durée des concessions. 100 millions d'euros avaient été versées chaque année à l'AFIT France de 2015 à 2017 et le reliquat devait être versé progressivement jusqu'en 2030. L'AFIT France avait perçu 57,5 millions d'euros en 2020 au titre de cette contribution et en attendait environ 60 millions d'euros en 2021 et en 2022 .

Toutefois, depuis 2021, les SCA, engagées dans un contentieux avec l'État au sujet de l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), refusent de s'acquitter de la contribution qu'elles doivent à l'AFIT France . Victime collatérale de ce conflit, l'AFIT France a ainsi déjà dû faire face à un déficit de recettes de 120 millions d'euros . Le quatrième budget rectificatif de l'agence a ainsi récemment pris acte du fait qu'elle ne percevrait aucune recette de cette contribution en 2022. D'après les informations qu'ils ont pu recueillir, les rapporteurs spéciaux ont peu d'espoir que les SCA s'acquittent des sommes qu'elles doivent à l'AFIT France en 2023 .

Le contentieux entre l'État et les SCA qui se répercute
sur les ressources de l'AFIT France

Suite à l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) prévue par la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 et devant le refus de l'État de compenser aux SCA ses effets, ces dernières ont estimé que les termes du protocole d'accord du 9 avril 2015 n'étaient plus respectés. Selon leur interprétation, ce protocole lierait le paiement par les sociétés de la contribution volontaire exceptionnelle à l'AFIT France à un engagement de l'Etat de stabilité de la fiscalité appliquée aux SCA. Les SCA ont ainsi pris la décision de suspendre le paiement de cette contribution en invoquant l'article 5 des conventions signées entre elles et l'AFIT France. Une phase de conciliation infructueuse entre l'État et les SCA a été menée au premier semestre de l'année 2021.

À ce jour, les SCA ont introduit deux contentieux juridictionnels :

- l'un devant le tribunal administratif de Paris aux fins d'être compensées des effets de l'indexation de la TAT,

- l'autre devant le tribunal judiciaire de Nanterre 5 ( * ) ainsi que devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins de contestation des sommes réclamées par l'AFIT France au titre de la contribution.

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Comme ils l'avaient déjà signalé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, les rapporteurs spéciaux constatent que l'AFIT France, extérieure à ce contentieux, en est la principale victime collatérale. Ils considèrent inadmissible que l'agence fasse les frais de ce conflit . Il est impératif que ce contentieux se dénoue et que l'AFIT France reçoive l'ensemble des financements qui lui sont dus .

Ce contentieux entre l'État et les SCA s'inscrit plus largement dans la perspective d'arrivée à échéance des concessions autoroutières et des orientations stratégiques qui devront être prises par les pouvoirs publics à cette occasion. Cette question majeure pour l'avenir de nos infrastructures routières mérite que le Parlement lui accorde une attention toute particulière et donnera lieu prochainement à des investigations renforcées de la part des rapporteurs spéciaux .

Évolution des recettes de l'AFIT France (hors plan de relance)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Estimations 2022

PLF 2023

Taxe d'aménagement du territoire

512

516

472

523

459

561

561

561

Redevance domaniale

331

351

347

357

365

336

370

370

Amendes radars

352

409

248

228

167

271

135

250

TICPE

763

1 124

1 028

1 206

1 587

1 285

1 248

1 908

Ecocontribution billets d'avion

-

-

-

-

-

-

157

163

Plan de relance autoroutier

100

0

100

60

58

-

-

61

Produits exceptionnels

-

-

35

89

3

-

1

-

Dotation budgétaire « Marseille en grand »

-

-

-

-

-

-

32

-

Subvention de l'État

-

-

-

-

250

100

-

-

Total

2 058

2 400

2 231

2 462

2 888

2 553

2 504

3 313

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

S'ils se félicitent de l'augmentation du plafond d'affectation d'accise sur les produits énergétiques en 2023, les rapporteurs spéciaux continuent de déplorer le fait que les autres ressources du panier de recettes affectées à l'AFIT France ont un rendement très incertain et volatile en décalage avec le caractère certain et prévisible des dépenses de l'agence . Par ailleurs, les 3 313 millions d'euros de ressources hors plan de relance anticipées seront très vraisemblablement une nouvelle fois amputés des 61 millions d'euros prévus au titre de la contribution des SCA.

2. Si l'AFIT France devrait respecter la trajectoire d'investissements prévue par la LOM en 2023, la baisse récurrente en gestion des dépenses d'investissement initialement programmées est préoccupante

Ainsi qu'il a été rappelé supra , la programmation pluriannuelle des investissements dans les infrastructures de transport inscrite à l'article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) prévoit 13,4 milliards d'euros de crédits de paiement pour l'AFIT France pour la période 2018-2022, dont la répartition est présentée dans le tableau ci-après.

La trajectoire des dépenses de l'AFIT France
prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM)

(en millions d'euros courants)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses de l'AFIT FRANCE

2 683 (prévus)

2 464,9 (réalisés)

2 982 (prévus)

2 824,1 (réalisés)

2 687 (prévus)

3 051 (réalisés)

2 580 (prévus)

3 319 (prévus avec le plan de relance)

2 780 (prévus)

3 811 (prévus avec le plan de relance)

Source : article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM)

En 2019 , en raison de recettes d'amendes radars nettement plus faibles que prévues les dépenses de l'AFIT France avaient été inférieures de 218 millions d'euros à l'objectif prévu par la LOM.

En 2020 , du fait d'un déficit de recettes lié à la crise sanitaire, la trajectoire de la LOM n'a pas pu être respectée non plus. Sur cet exercice, le budget de l'AFIT FRANCE était inférieur de 158 millions d'euros à l'engagement, soit 5 %.

En 2021 , comme ils ont pu le signaler dans leur rapport sur le projet de loi de règlement des comptes pour 2021, les rapporteurs spéciaux soulignent que ce n'est qu'à la faveur des 514 millions d'euros de crédits du plan de relance que la trajectoire de la LOM a pu être tenue par l'AFIT France. Ils déplorent également que les dépenses réellement exécutées par l'agence au cours de l'exercice 2021 aient été inférieures de près de 340 millions d'euros aux prévisions initiales.

Répartition par mode de transport des dépenses de l'AFIT FRANCE en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'AFIT France joue un rôle majeur dans la répartition des crédits du plan de relance dédiés aux infrastructures de transport. Elle en gère 3,1 milliards d'euros 6 ( * ) qui occupent une place importante dans son budget. À la fin de l'année 2022, tous les crédits issus du plan de relance devraient avoir été engagés par l'AFIT France à l'exception des crédits ouverts au titre du quatrième appel à projet relatif aux transports collectifs en site propre (TCSP), des investissements liés à des projets réalisés sous maîtrise d'ouvrage des collectivités locales et qui souffrent d'une sous-consommation chronique. Les crédits engagés par l'AFIT France au titre du plan de relance à la fin de l'année 2022 devraient ainsi atteindre 2,7 milliards d'euros .

Calendrier prévisionnel d'exécution des crédits du plan de relance
gérés par l'AFIT France entre 2020 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Pour 2022 , le quatrième budget rectificatif de l'AFIT France prévoit 3 801 millions d'euros d'AE et 3 319 millions d'euros de CP dont respectivement 913 millions d'euros et 703 millions d'euros au titre des crédits provenant du plan de relance . Les rapporteurs spéciaux regrettent qu'encore une fois, les dépenses d'investissement effectives soient en net retrait par rapport au budget initial (de 500 millions d'euros en AE et de 257 millions d'euros en CP).

Ces sous-consommations ne s'expliquent pas cette année par un déficit de recettes mais bien par le retard pris par certains chantiers pour lesquels il apparaît que les promesses ambitieuses des maîtres d'ouvrages avaient été largement trop optimistes . Les projets financés par le plan de relance apparaissent comme les principaux concernés, les investissements dans les lignes capillaires de fret ferroviaire ayant été les plus affectés par la sous-consommation constatée en 2022.

Une autre explication provient du fait que les appels de fonds des collectivités concernant les appels à projets relatifs aux transports collectifs en site propre (TCSP) s'avèrent structurellement très inférieurs aux prévisions.

Les rapporteurs spéciaux s'étonnent de ces sous-consommations et regrettent qu'alors que les besoins d'investissements dans les infrastructures de transports sont considérables l'on ne parvienne pas à consommer l'ensemble des crédits que l'on entend y consacrer .

Ils estiment par ailleurs que l'AFIT France , comme elle le reconnaît elle-même, doit parvenir à mieux suivre la réalisation des projets qu'elle finance et, ainsi, à réaliser des évaluations de dépenses plus précises.

Évolution du budget de l'AFIT France (en CP) entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ils regrettent aussi de constater qu'une nouvelle fois, en 2022, la trajectoire d'investissements de la LOM ne devrait être tenue qu'à la faveur des crédits du plan de relance dans la mesure où, hors plan de relance, les dépenses effectivement réalisées devraient atteindre 2 616 millions d'euros , montant duquel il convient de retraiter les 79,2 millions d'euros de crédits qui relèvent de financements hors plan de relance en faveur du projet ferroviaire Lyon-Turin qui n'était pas prévu dans la trajectoire de la LOM. Aussi, en 2022, sur le strict périmètre prévu par la LOM et hors financements issus du plan de relance , les investissements effectifs de l'AFIT France devraient s'établir à 2 537 millions d'euros , soit un montant inférieur de 43 millions d'euros à la trajectoire de la LOM .

De surcroît, les rapporteurs spéciaux ont également appris que la contribution de l'État à la couverture des surcoûts constatés sur le projet Eole de prolongement du RER E vers l'ouest, assurée par l'AFIT France, s'élèvera à 282 millions d'euros (engagés par l'agence dès 2022) versés sur deux années et demi et dont 125 millions d'euros ont déjà été payés en 2022 . En outre, les rapporteurs spéciaux savent que des négociations se poursuivent avec le maître d'ouvrage et les collectivités pour la compensation de probables nouveaux surcoûts . Ces nouvelles dépenses pèseront sur la future trajectoire d'investissements de l'AFIT France.

Répartition des dépenses prévisionnelles 2022 de l'AFIT France

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs et le quatrième budget rectificatif de l'AFIT France pour 2022

Même si le budget de l'AFIT France doit être voté en conseil d'administration à la fin de l'année , les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux donnent un aperçu de la répartition par modes de transports de 3 664 millions d'euros des 3 811 millions d'euros de de dépenses prévues par l'agence en 2023 . Les 150 millions d'euros restants , ajoutés au budget prévisionnel de l'AFIT France pour tenir compte de nouveaux besoins qui devraient être identifiés par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), n'ont pas encore été ventilés. Néanmoins, le ministre chargé des transports a récemment annoncé que ces crédits pourraient être fléchés vers la régénération du réseau ferroviaire et les CPER.

Répartition prévisionnelle par modes de transports
des dépenses de l'AFIT FRANCE en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les 3 664 millions d'euros de dépenses prévisionnelles de l'AFIT France en 2023 devraient se répartir entre :

- les 2 780 millions d'euros d'investissements prévus par la LOM ;

- des investissements relatifs à la contribution de l'État au canal Seine nord Europe , pour 168 millions d'euros, et à l'opération ferroviaire Lyon-Turin à hauteur de 175 millions d'euros ;

- 40 millions d'euros destinés au programme « Marseille en grand » ;

- et des crédits du plan de relance pour 498 millions d'euros , qui devraient être principalement consacrés aux transports urbains (201 millions d'euros) ainsi qu'aux infrastructures ferroviaires (127 millions d'euros) et routières (91 millions d'euros).

Dépenses prévisionnelles de l'AFIT FRANCE en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'AFIT-France au questionnaire des rapporteurs

Les rapporteurs spéciaux insistent sur l'absolue nécessité que l'État alloue à l'AFIT France les financements nécessaires pour assurer le financement des opérations relatives au canal Seine nord Europe, à la ligne Lyon-Turin ou au programme « Marseille en Grand » autant de projets qui n'étaient pas intégrés aux projections de la LOM et qui étaient susceptibles de menacer la trajectoire d'investissement prévue par cette dernière.

La liaison ferroviaire Lyon-Turin

Les gouvernements français et italien ont entamé les discussions sur la création d'une liaison ferroviaire entre Lyon et Turin en janvier 2001. Les accords de financement trouvés en février 2015 ont permis d'en préciser les contours. L'État français cofinance deux des trois sections du projet, la section française et la section transfrontalière.

Les autorités françaises se sont engagées à définir les modalités de réalisation de la section nationale pour un coût de 5 milliards d'euros d'ici 2023 . La moitié du projet pourrait être financée par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Les 2,5 milliards d'euros restants doivent être financés par l'État (1,6 milliard d'euros) et par les collectivités locales (1 milliard d'euros) .

L'État cofinance la société TELT 7 ( * ) en charge du déploiement du projet transfrontalier dont le coût total est estimé à 8,3 milliards d'euros 8 ( * ) . La section transfrontalière est financée à 42,1 % par la France et à 57,9 % par l'Italie , après déduction de la contribution européenne qui subventionne la partie études à hauteur de 50 % et la réalisation à hauteur de 40 %. Une revalorisation du mécanisme d'interconnexion européen est en cours de discussion à Bruxelles. L'État, par le biais de l'AFIT FRANCE, a déjà apporté 1,4 milliard d'euros sur les 2,15 milliards d'euros prévus par les accords de financement. Ce montant final pourrait être revu à la baisse si les négociations européennes aboutissent.

Source : commission des finances du Sénat

Canal Seine-Nord Europe

Le canal Seine-Nord Europe a pour ambition d'être le trait d'union entre la Seine et le réseau fluvial de l'Europe du Nord à horizon 2028. Il a été déclaré d'utilité publique en 2008 lors du Grenelle de l'environnement et doit relier Compiègne et Aubencheul-au-bac grâce à un canal de 170 kilomètres de long. La gestion administrative et financière du projet est confiée aux collectivités locales des Hauts-de-France.

Ce projet dont le coût total est évalué à 5 milliards d'euros est subventionné à hauteur de 2,1 milliards d'euros par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) 9 ( * ) .

Un accord de financement entre l'État et les collectivités locales a été entériné le 22 novembre 2019 pour financer les 2,2 milliards restants. L'État s'est engagé à subventionner le projet, via l'AFIT FRANCE, à hauteur de 1,1 milliards d'euros . Les collectivités se sont engagées pour le même montant 10 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat

3. Le montant des restes à payer de l'AFIT France augmente en raison du plan de relance

Le financement des infrastructures de transport se caractérise par sa pluri-annualité. Qu'il s'agisse de l'État ou de l'AFIT FRANCE, les projets engagés une année font l'objet de décaissements réguliers les années suivantes tout au long de leur réalisation. Aussi, l'AFIT FRANCE doit-elle faire face à des engagements passés pour des montants particulièrement significatifs. Selon les estimations de l'agence, à la fin de l'année 2022 , le montant de ses restes à payer s'élèverait à environ 14,8 milliards d'euros , en hausse de 900 millions d'euros par rapport au 31 décembre 2021.


* 1 Par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004.

* 2 AFIT FRANCE, Rapport d'activité 2015, octobre 2016.

* 3 La redevance domaniale est la redevance pour occupation du domaine publique prévue à l'article R. 122-48 du code de la voierie routière que les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) versent annuellement à l'État, pour une période comprise entre le 1 er juillet et le 30 juin.

* 4 Cette taxe est prévue à l'article 302 bis ZB du code général des impôts.

* 5 Le tribunal judiciaire de Nanterre s'est déclaré incompétent pour juger cette affaire le 30 août 2022.

* 6 Sur les 7 milliards d'euros dédiés au secteur des transports.

* 7 Tunnel Euralpin Lyon-Turin, détenue à part égale l'État français et par Ferrovie dello stato italiane.

* 8 En euros de 2012.

* 9 Subvention à hauteur de 50 % du montant des études des travaux et à hauteur de 40 % du montant des travaux.

* 10 Réparti entre la région Hauts-de-France (383 millions d'euros), la région Île-de-France (110 millions d'euros), le département du Nord (217 millions d'euros), le département du Pas-de-Calais (141 millions d'euros), le département de l'oise (108 millions d'euros), le département de la Somme (76 millions d'euros) et d'autres collectivités (63 millions d'euros).

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