N° 827

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
portant
mesures d' urgence pour la protection du pouvoir d' achat ,

Par Mme Frédérique PUISSAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Daphné Ract-Madoux, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

19 , 144 et T.A. 3

Sénat :

817 , 822 , 825 , 826 et 828 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Face à une hausse significative des prix à la consommation, peu de mesures du projet de loi, hormis la revalorisation des prestations et la baisse des cotisations sociales des travailleurs indépendants, auront un impact direct sur le pouvoir d'achat des ménages. La commission a souhaité répondre à l'urgence et renforcer le soutien au pouvoir d'achat des salariés.

I. PEU DE DISPOSITIONS AYANT UN IMPACT DIRECT ET IMMÉDIAT SUR LE POUVOIR D'ACHAT

La situation économique actuelle, caractérisée par une inflation « importée », la plus importante depuis 1985, appelle des mesures exceptionnelles de protection du pouvoir d'achat des ménages. Même si toutes les mesures prises ou annoncées par le Gouvernement - à l'image de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires - ne figurent pas dans ce projet de loi, les articles examinés par la commission des affaires sociales se composent en grande partie d'incitations très indirectes qui ne répondent pas aux enjeux.

A. DEUX MESURES AUX EFFETS DIRECTS VISANT LES BÉNÉFICIAIRES DE PRESTATIONS SOCIALES ET LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

1. La revalorisation anticipée des prestations sociales, une mesure ponctuelle à l'impact immédiat

L'article 5 prévoit que l'ensemble des prestations, allocations ou aides individuelles revalorisées annuellement en fonction de l'évolution des prix font l'objet, au 1 er juillet 2022 , d'une revalorisation anticipée de 4 % .

Cette mesure massive concernera notamment plus de 18 millions de retraités, 1,6 million de titulaires d'une rente AT-MP, 6 millions de familles bénéficiant de prestations familiales, 1,9 million de foyers allocataires du revenu de solidarité active (RSA), 4,5 millions de foyers bénéficiaires de la prime d'activité et 1,2 million de bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Une partie de ces publics, qui cumule plusieurs prestations, bénéficiera de la mesure à plusieurs titres.

Cette revalorisation s'imputera, lors de la prochaine revalorisation annuelle des prestations concernées, sur le coefficient qui sera alors applicable . Il ne s'agit donc que d'une avance de trois, six ou neuf mois sur la revalorisation devant intervenir au 1 er octobre 2022, au 1 er janvier 2023 ou au 1 er avril 2023. Dans le contexte actuel d'accélération de l'inflation, il s'agit de pallier le décalage temporel entre la variation des prix et l'ajustement automatique du montant des prestations qui résulte des règles de revalorisation de droit commun afin de soutenir le niveau de vie des ménages, notamment des plus fragiles.

Comparaison de l'évolution de l'indice des prix à la consommation avec la revalorisation des minima sociaux (base 100 en janvier 2021)

Source : Commission des affaires sociales

Cette opération ponctuelle représente un coût estimé à 4,6 milliards d'euros pour la sécurité sociale et à 2 milliards d'euros pour l'État et les collectivités territoriales en 2022 et 2023.

S'il est permis de s'interroger sur l'uniformité de la revalorisation proposée compte tenu des trajectoires divergentes des différentes prestations concernées - à l'image des pensions de retraite qui ont fait l'objet de plusieurs sous-revalorisations au cours des dernières années, que cette mesure est loin de compenser - et de l'objectif de valorisation du travail affiché par le projet de loi, il ne fait pas de doute que la situation économique justifie une intervention exceptionnelle. La mesure proposée a le mérite d'avoir un effet immédiat en faveur de la préservation du pouvoir d'achat de ses bénéficiaires .

La commission a adopté un amendement clarifiant la formule de calcul du coefficient des prochaines revalorisations annuelles des prestations. Elle a par ailleurs renvoyé à un décret les modalités du calcul des bourses de l'enseignement secondaire à la rentrée 2022 afin que celles-ci bénéficient bien de la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales.

S'agissant du RSA, dont la revalorisation a été décidée sans concertation avec les départements, la commission estime que le surcoût lié à cette opération - quelque 365 millions d'euros à la charge des départements - devrait être compensé par l'État.

2. L'allègement des cotisations maladie-maternité des travailleurs indépendants

Les travailleurs indépendants bénéficient déjà de dispositifs de réduction des cotisations dues :

- un allègement des cotisations d'allocations familiales, dont le taux réglementaire est fixé à 3,10 % (exonération pour des revenus inférieurs à 110 % du plafond annuel de la sécurité social - PASS 1 ( * ) - et taux progressif jusqu'à 140 % du PASS) ;

- un allègement des cotisations maladie-maternité , dont le taux réglementaire est fixé à 7,20 % jusqu'à 5 fois le montant du PASS et à 6,50 % au-delà pour les artisans et commerçants et à 6,50 % pour les professionnels libéraux (ces derniers sont également redevables d'une cotisation indemnités journalières - IJ - au taux de 0,3 %) ;

• pour les artisans et commerçants : un taux progressif de 0,85 % à 4,01 % pour les revenus inférieurs à 40 % du PASS 2 ( * ) , puis de 4,01 % à 7,2 % à 110 % du PASS ;

• pour les professionnels libéraux : un taux progressif de 1,5 % à 6,5 % à 110 % du PASS.

Malgré ces allègements, au niveau du SMIC, les travailleurs indépendants cotisent davantage que les salariés , auxquels s'appliquent les allègements généraux de cotisations jusqu'à 1,6 SMIC, alors que les indépendants ne sont pas couverts contre les risques AT-MP et chômage.

L'article 2 prévoit donc le renforcement des réductions de cotisations dont bénéficient les indépendants, de façon à permettre un gain de 550 euros par an au niveau du SMIC :

• pour les artisans et commerçants, le taux de cotisation maladie-maternité serait fixé à 0,5 % (au titre des IJ) pour des revenus inférieurs à 40 % du PASS , puis progresserait pour atteindre 4,5 % à 60 % du PASS, seuil au-delà duquel aucune réduction supplémentaire ne serait accordée par rapport à la situation actuelle ;

• pour les professionnels libéraux, le taux de cotisation maladie-maternité serait nul en-deçà de 40 % du PASS , seule la cotisation IJ au taux de 0,3 % étant due sous ce plafond, puis augmenterait jusqu'à 4 % à 60 % du PASS ; à ce niveau, le taux progresserait, comme aujourd'hui, jusqu'à 6,5 % à 110 % du PASS.

Effets du projet de loi sur les taux de cotisation des travailleurs indépendants

Source : Étude d'impact

D'autre part, le Gouvernement réduira uniformément le taux forfaitaire de cotisation des micro-entrepreneurs de façon à garantir un gain de 550 euros par an au niveau du SMIC. Contrairement aux autres indépendants, l'ensemble des micro-entrepreneurs bénéficieront de la réduction prévue, dont le montant en valeur absolue augmentera avec le niveau de revenu.

Estimée à 440 millions d'euros, la mesure devrait être compensée par l'État par l'affectation d'une fraction de TVA en loi de finances, ce qui contribuera à renforcer la fiscalisation du financement de la sécurité sociale sans lui garantir des recettes équivalentes à long terme.

Regrettant notamment le fort effet de seuil qui sera subi par les travailleurs indépendants entre 40 % et 60 % du PASS, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, plusieurs amendements tendant à préciser les modalités de mise en oeuvre du dispositif, ainsi qu'un amendement garantissant la pérennité de la réduction pour les travailleurs indépendants « classiques ». Un dernier amendement du rapporteur permettra d' éviter une augmentation du taux de cotisation des conjoints collaborateurs de travailleurs indépendants.


* 1 Le montant du PASS est fixé à 41 136 euros en 2022.

* 2 À ce jour, le montant du SMIC correspond à 38 % du PASS.

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