D. LES ÉVOLUTIONS DE L'ACCORD GÉNÉRAL

L'accord de Victoria révisé permet d'élargir les domaines de coopération de la COI et de moderniser ses institutions. À travers cet accord, le rôle unificateur de la langue française est réaffirmé, de même que les conditions d'adhésion.

1. Élargir les domaines de coopération

L'accord général de coopération - c'est-à-dire l'accord de Victoria signé en 1984 par les États fondateurs de la COI - prévoyait le renforcement des liens d'amitié entre les États membres, et l'établissement d'un cadre de coopération dans des domaines limités : diplomatie ; économie et commerce ; agriculture ; pêche maritime et conservation des ressources et des écosystèmes ; culture ; sciences ; techniques de l'éducation ; justice.

Lors de la retraite ministérielle de Moroni en août 2019, les États membres ont souhaité étendre le mandat de l'organisation à de nouveaux domaines de coopération ( article 2 ) : paix, sécurité et gouvernance ; défense des intérêts insulaires ; économie bleue ; changement climatique ; sécurité alimentaire et sanitaire ; sécurité maritime ; protection civile ; coopération scientifique, académique et culturelle ; circulation des personnes dans l'espace de la COI, notamment par la connectivité aérienne, maritime et numérique, pour le rapprochement des peuples.

2. Affirmer l'identité de la COI

La COI se veut le porte-parole des intérêts des économies insulaires, tout en veillant au développement des solidarités régionales et des partenariats internationaux. Elle est aujourd'hui un acteur incontournable dans l'océan Indien occidental et suscite l'attention de pays dépassant son environnement régional.

L'inscription de l'insularité, de l'appartenance à l'espace africain et au sud-ouest de l'océan Indien comme critères d'adhésion à la COI, est une modification introduite par le présent accord ( article 3 ). Cette disposition permet de garantir l'identité de la commission comme organisation régionale de proximité, sa cohésion, ainsi que son caractère francophone et africain.

La réaffirmation du caractère unificateur de la langue française comme langue de travail et d'échange au sein de la COI ( article 14 ) s'inscrit dans la même logique. L'usage de l'anglais est réservé aux échanges avec les organisations et les États tiers non-francophones.

3. Assurer le renforcement institutionnel de la COI

Afin de moderniser son fonctionnement destiné à l'accompagner dans ses nouvelles missions, la COI souhaite se doter d'une architecture institutionnelle renforcée par plusieurs dispositions :

- le maintien de l'unanimité comme mode de décision ;

- l'instauration d'un sommet des chefs d'État et de gouvernement tous les cinq ans, dont la tenue est actuellement soumise à l'appréciation des États membres ;

- le passage à deux réunions annuelles du conseil des ministres ;

- l'institutionnalisation de la pratique des conférences ministérielles sectorielles ;

- le renforcement du secrétariat général.

Ainsi, l'accord de Victoria révisé instaure un sommet quinquennal des chefs d'État et de gouvernement, double le nombre de réunions du conseil des ministres, et porte la durée du mandat du secrétaire général de quatre à cinq ans (non renouvelable).

À ce jour, la date du prochain sommet n'est pas encore fixée bien que Madagascar - qui assure actuellement la présidence tournante de l'organisation - et Maurice - qui assurera la prochaine - aient manifesté leur volonté de l'accueillir. L'inscription d'une périodicité de cinq ans dans le cadre de la révision de l'accord général sera une nouveauté qui correspond à la volonté des États membres d'institutionnaliser une pratique qui renforcera le cadre politique stratégique des actions de la commission.

En effet, la COI souhaite associer davantage les premiers décideurs des États membres à la vie institutionnelle de l'organisation. En associant les chefs de l'exécutif de manière plus régulière, la COI considère qu'elle serait plus à même de créer un sentiment d'appartenance plus fort à une même communauté de destin, de convenir de priorités partagées en termes de politiques ou stratégies communes, et de mieux faire valoir les besoins spécifiques des îles du sud-ouest de l'océan Indien dans des cadres plus larges, notamment à l'échelle de l'Afrique continentale.

4. Définir les termes et les conditions d'octroi du statut d'observateur

Le statut d'observateur auprès de la COI a été créé par une décision du conseil extraordinaire de la COI du 22 août 2014 à Moroni (Comores). Lors du conseil des ministres de septembre 2018, les États membres ont jugé opportun de fixer les termes et les conditions d'octroi de ce statut.

La création du statut de membre observateur de la COI s'inscrit dans une ambition d'ouverture de la commission sur l'espace Indopacifique. Elle constitue une opportunité pour resserrer les liens existants avec les acteurs de la zone, tisser de nouvelles relations, et renforcer la présence de la COI en Indianocéanie, tout en préservant l'identité, la cohésion et l'efficacité de la COI.

Le nouveau statut d'observateur a été adopté lors du conseil des ministres de mars 2020, durant lequel six demandes d'adhésion ont été examinées. Grâce à la définition de critères pour son octroi, ce nouveau statut doit assurer une meilleure contribution des observateurs aux activités de la COI ; il convient de souligner à ce titre que, lors du conseil des ministres de février 2022, le statut d'observateur a été amendé afin de supprimer l'obligation d'une contribution financière obligatoire 15 ( * ) .

Pour obtenir le statut d'observateur, le postulant doit soumettre sa demande par la voie diplomatique au secrétaire général de la COI qui en informe le président du conseil des ministres et l'ensemble des membres, et prépare un rapport circonstancié à l'intention des membres du conseil dans lequel il évalue la candidature au regard des critères d'octroi et émet une recommandation. La demande est ensuite inscrite à l'ordre du jour d'une prochaine session ordinaire du conseil des ministres pour examen. Le conseil des ministres statue à l'unanimité de ses membres, et peut décider de retirer le statut d'observateur à toute entité ou État.

Peuvent prétendre au statut d'observateur auprès de la COI, les États tiers, les organisations intergouvernementales et les organisations internationales non gouvernementales « directement intéressés par les questions traitées par la COI, et ayant un intérêt, la volonté et la capacité de s'engager résolument aux côtés de la COI » . Il appartient aux candidats de présenter les motifs de leur demande, d'expliciter leur intérêt et leurs capacités de contribution.

La COI s'appuie sur les critères suivants pour émettre des recommandations et statuer sur toute demande de statut d'observateur auprès de la COI :

- le candidat doit prouver que son action s'inscrit dans le droit fil de celle de la COI ;

- le candidat s'engage à respecter et soutenir la vision et la vocation de la COI, ainsi que les aspirations au développement de ses États membres, et à agir en conséquence et en toute bonne foi ;

- le candidat est disposé et apte à soutenir les actions de la COI ;

- le candidat s'engage à désigner un correspondant compétent, chargé d'assurer les communications officielles avec le secrétariat général de l'organisation ;

- le candidat doit être disposé à participer aux activités de la COI. À cet égard, il doit présenter au secrétariat général les modalités de sa contribution et de sa participation. Les modalités définitives sont conclues d'un commun accord entre le candidat et le secrétaire général de la COI, avant que les instances de la COI ne procèdent à l'examen de la candidature ;

- l'octroi du statut d'observateur doit enfin contribuer de manière positive aux relations régionales et internationales qu'entretiennent la COI et ses membres, ainsi qu'à leurs aspirations au développement.

Une fois le statut d'observateur obtenu, les modalités suivantes s'appliquent :

- les observateurs sont invités aux sessions thématiques sectorielles des réunions du conseil de la COI sans prendre part aux discussions ni intervenir dans les débats, sauf à y avoir été invités. La COI n'entend fournir aucune aide financière en vue de leur participation aux dites réunions ;

- les observateurs ne sont pas admis aux réunions à huis clos des instances tenues à la demande de tout État membre ou du secrétaire général ;

- le président du conseil des ministres de la COI peut, après consultation des autres membres, inviter des observateurs à tout ou partie des travaux des instances de la COI ;

- les observateurs peuvent être invités par la présidence du conseil des ministres ou du comité des officiers permanents de liaison, à participer aux autres manifestations organisées par la COI (conférences ministérielles sectorielles, réunions non statutaires, conférence des bailleurs, etc.) ;

- les observateurs veillent à éviter toute ingérence dans la politique des États membres ainsi qu'aux missions de gestion et de coordination (technique, administrative, financière) menées par le secrétariat général de la COI ;

- les observateurs sont autorisés à présenter des propositions lors des réunions des instances de la COI. Ces propositions ne peuvent être soumises aux membres de la COI qu'avec l'accord préalable du secrétaire général ;

- sur la décision du président du comité des officiers permanents de liaison, les observateurs peuvent être invités à participer aux groupes de travail créés par la COI, sous réserve des procédures régissant la composition de ces groupes de travail ;

- les divergences de vues exprimées par un observateur ne peuvent empêcher les membres de la COI de prendre une décision s'ils sont eux-mêmes parvenus à un consensus ;

- les observateurs ne participent pas aux missions de médiation et/ou d'observation électorale conduites par la COI.

5. Actualiser le règlement intérieur

Le nouveau « règlement intérieur du sommet des chefs d'État et de gouvernement, du conseil des ministres et du comité des officiers permanents de liaison (COPL) de la Commission de l'océan Indien » a été adopté à Paris le 23 février 2022. Il rassemble et révise les neuf textes d'application existants 16 ( * ) . La présidence française avait conduit les discussions suivant deux principes directeurs :

- apporter les précisions nécessaires à l'accord de Victoria révisé, au regard de ses dispositions principales ;

- clarifier et rationnaliser le règlement intérieur pour en faire un levier de modernisation de la COI, avec plus d'efficacité et de transparence à l'égard des bailleurs, en vue des accréditations au Fonds vert pour le climat et aux neuf piliers de l'Union européenne.

Lors du conseil des ministres, les États membres ont formellement rappelé, conformément à l'esprit du protocole d'adhésion de la France à la COI en 1986 et à la pratique en vigueur depuis cette date, la participation des représentants du département et de la région de La Réunion aux instances concernées par le règlement intérieur.

Ce nouveau règlement intérieur introduit plusieurs évolutions s'agissant :

- de la composition des délégations au conseil des ministres, au sommet des chefs d'État et de gouvernement, et au comité des officiers permanents de liaison ;

- de la tenue des sessions ordinaires et extraordinaires des instances (délais de convocation aux réunions et de transmission des documents) ;

- du processus d'adoption et des conditions d'entrée en vigueur des décisions selon le format des réunions (présentiel ou en distanciel) ;

- de la possibilité de recourir à la procédure écrite en dehors des sessions ministérielles.

Le nouveau règlement intérieur entrera en vigueur à la même date que l'accord de Victoria révisé qui est déjà ratifié par les Comores et les Seychelles 17 ( * ) .

6. Conserver une répartition flexible des contributions étatiques

La répartition des contributions des États membres de la COI est évolutive. L'article 11 du protocole additionnel de 1989 dispose que la répartition des contributions des États membres de la COI peut être modifiée à la demande d'un État membre, pour tenir compte par exemple de l'évolution de son produit intérieur brut.

Afin de conserver une flexibilité jugée pertinente, les États membres ont choisi de ne pas faire apparaître la clé de répartition dans l'accord de Victoria révisé, et de la renvoyer à une annexe.

Cette répartition a d'ailleurs fait l'objet d'une récente révision : Madagascar contribue désormais au budget de la COI à hauteur de 29 % (contre 40 % auparavant), Maurice à hauteur de 20 % (contre 12 %), les Seychelles à hauteur de 5 % (contre 3 %) et les Comores à hauteur de 6 % (contre 5 %). Seule la contribution française n'a pas évolué (40 %).

L'accord de méthode du nouveau plan de développement stratégique de la COI (2023-2033) prévoit aussi une évolution générale de la contribution des États. Sous l'impulsion de la présidence française, le conseil des ministres a admis la nécessité d'un effort additionnel des membres pour mettre à niveau les capacités du secrétariat général. Cela devrait se traduire par un renforcement significatif du budget de la COI, d'environ 300 M€ à horizon 2022-2023 et de 500 M€ en 2024-2025.

7. Assainir la gestion financière de l'organisation

L'un des objectifs de modernisation de la COI est d' « instaurer une bonne gestion financière à travers une réglementation commune et des principes communs » .

En effet, la COI rencontre des difficultés de gestion qu'elle travaille à améliorer. Ces difficultés trouvent leur origine dans le fait que, depuis 2011, quelque 577 000 euros de dépenses de la COI ont été déclarées inéligibles par l'Union européenne sur les projets qu'elle finance. Cette question est systématiquement revenue à l'agenda des réunions du conseil des ministres. Après des missions à Bruxelles et de nombreuses réunions, le secrétaire général de la COI affirme que l'organisation et la délégation de l'Union européenne à Maurice sont parvenus à une meilleure compréhension mutuelle ; dès lors, ce qui était initialement classé comme dépenses inéligibles ne le serait plus aujourd'hui.

La COI a pris conscience de la nécessité d'oeuvrer pour améliorer la gestion et le contrôle de ses dépenses, notamment pour lui permettre de mettre en oeuvre des projets sur fonds européens, mais également sur les fonds des principaux partenaires techniques et financiers. Par conséquent, afin d'obtenir son accréditation auprès de l'UE, la commission a engagé un processus de renforcement capacitaire de son secrétariat général. Elle doit également initier une procédure similaire auprès du Fonds vert pour le climat. Une fois les accréditations obtenues auprès de ces bailleurs, la COI devrait être en mesure de percevoir des frais de gestion pour la mise en oeuvre de projets, générant ainsi des fonds propres complémentaires aux contributions versées par les États membres.

Lors de son audition, le secrétaire général de la COI a souligné que l'organisation gérait aujourd'hui un portefeuille de projets de plus de 170 millions d'euros sur cinq ans. En ajoutant les mises à disposition des États membres aux contributions statutaires, le secrétariat général dispose d'un budget plus de vingt fois inférieur aux financements gérés ; il y a donc une forte inadéquation entre, d'une part, les moyens à disposition, et d'autre part, les besoins réels et les exigences des États membres et des bailleurs.

La modernisation des capacités gestionnaires, des procédures et des outils, est indispensable pour que la COI puisse :

- se conformer aux exigences des partenaires lorsqu'ils financent des projets de la COI pour éviter les dépenses inéligibles qui se transforment ensuite en dettes ;

- obtenir l'accréditation aux neuf piliers de l'UE qui permettra à l'organisation d'accéder à des financements plus importants, et surtout à les gérer selon leurs propres règles, diminuant ainsi drastiquement le risque de dépenses inéligibles ;

- obtenir l'accréditation du Fonds vert pour le climat pour accéder à des financements destinés aux projets régionaux, et pour faciliter l'accès des États membres aux financements climatiques.

Il ne s'agit non pas d'un objectif gestionnaire mais bien d'un objectif stratégique de plus grande autonomie financière, car des frais de gestion pourraient utilement être perçus et permettre à la COI de disposer de leviers nécessaires pour impulser de nouvelles activités.


* 15 Le statut révisé de 2020 prévoyait une contribution annuelle obligatoire de 90 000 euros minimum des membres observateurs. L'ONU a néanmoins demandé à ce que cette obligation soit levée suite à son accession au statut d'observateur en 2020. La nouvelle proposition de révision du statut d'observateur, soumise au conseil des ministres en février 2022, laisse la liberté au candidat de proposer à la COI les « modalités de sa contribution » . La contribution reste obligatoire mais ne se limite plus seulement aux aspects financiers ; toutefois, en vertu du principe de non-rétroactivité proposé par la révision du statut d'observateur de février 2022, les nouvelles dispositions ne s'appliqueront pas aux entités bénéficiant actuellement du statut d'observateur auprès de la COI.

* 16 Le règlement intérieur du sommet des chefs d'État et de gouvernement ; le règlement intérieur du conseil des ministres ; le règlement intérieur du comité des officiers permanent de liaison ; les statuts du secrétariat général ; le règlement intérieur du comité d'audit et de risques ; le règlement intérieur du comité budgétaire ; les règles et procédures afférentes à l'adhésion au statut d'observateur auprès de la COI ; la charte d'audit interne ; les règles et procédures afférentes aux plateformes de dialogues.

* 17 Maurice envisage une ratification au plus tard en juillet 2022. Madagascar prévoit d'engager prochainement la procédure de ratification.

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