N° 752

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d' adaptation au droit de l' Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ,

Par M. André REICHARDT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4883 rect. , 5024 et T.A. 802

Sénat :

514 et 753 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 juillet 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet, la commission des lois a adopté avec modifications, sur le rapport d' André Reichardt , la proposition de loi n° 514 (2021-2022) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne , adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

La proposition de loi, déposée par les députés Aude Bono-Vandorme 1 ( * ) , Christophe Castaner, Yaël Braun-Pivet, Guillaume Gouffier-Cha et les membres du groupe La République en Marche et apparentés, vise à adapter la législation française aux dispositions du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui est en vigueur depuis le 7 juin 2022 dans toute l'Union européenne.

Élaboré en association avec le ministère de l'intérieur 2 ( * ) et le ministère de la justice 3 ( * ) , ce texte fait le choix d'ajouter les nouveaux dispositifs à ceux déjà existants et de laisser aux autorités compétentes pour les appliquer le soin d'en assurer la coordination . Il est composé d'un article unique qui introduirait quatre articles dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).

I. UN DROIT FRANÇAIS DÉJÀ OUTILLÉ POUR LUTTER CONTRE LA DIFFUSION DES CONTENUS À CARACTÈRE TERRORISTE EN LIGNE

Au sein de l'Union européenne, la France se distingue par les outils dont elle s'est dotée pour lutter contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Cette spécificité s'explique notamment par le fait qu'elle a été régulièrement visée par des attaques terroristes.

A. LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE DE RETRAIT DE L'ARTICLE 6-1 DE LA LCEN

Depuis 2015 4 ( * ) , l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) 5 ( * ) , qui gère la plateforme de signalement Pharos 6 ( * ) , peut, en application de l'article 6-1 de la loi LCEN, demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus faisant de la provocation ou de l'apologie du terrorisme au sens de l'article 421-2-5 du code pénal ou des contenus pédopornographiques.

En cas de non retrait de ces contenus sous 24 heures, l'OCLCTIC peut notifier la liste des adresses électroniques permettant l'accès aux contenus illicites aux fournisseurs d'accès internet afin qu'ils les bloquent sans délai. L'Office peut également notifier ces adresses aux moteurs de recherche aux fins de déréférencement. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia », ces obligations de blocage et de déréférencement sont sanctionnées de 250 000 euros d'amende (au lieu de de 75 000 euros précédemment) et d'un an de prison. Pour une personne morale, l'amende encourue est égale au quintuple, soit 1 250 000 euros.

Cette procédure administrative s'exerce sous le contrôle d'une personnalité qualifiée indépendante 7 ( * ) chargée d'en vérifier le bien-fondé. Cette dernière peut saisir le tribunal administratif, en référé ou sur requête, en cas de demande de retrait infondée 8 ( * ) . Le nombre de demandes formulées par l'OCLCTIC en matière de terrorisme est très fluctuant. Il est en augmentation importante depuis 2015, année où 1 286 contenus illicites avaient été repérés.

L'OCLCTIC relève une bonne efficacité de ce dispositif auprès des hébergeurs car sont principalement concernées les grandes plateformes américaines avec lesquelles les objectifs de lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroristes font consensus.

Nombre de demandes et de notifications en matière terroriste
formulées par l'OCLCTIC

2017

2018

2019

2020

2021

Demandes de retrait

32 739

10 091

4 332

3 645

14 888

Notifications de blocage

83

82

15

28

19

Notifications de déréférencement

509

2 994

1 451

1 348

1 651

Source : Réponse au questionnaire de la personnalité qualifiée de la CNIL


* 1 Également rapporteure pour la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 2 Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ).

* 3 Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).

* 4 Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et décret n° 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.

* 5 L'Office relève de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité de la direction centrale de la police judiciaire.

* 6 Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, créée par arrêté du 16 juin 2009.

* 7 Initialement placée auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), elle est, depuis le 7 juin 2022, placée auprès de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

* 8 Une décision à ce jour du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 31 janvier 2019.

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