COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. JEAN-DENIS
COMBREXELLE,
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE LIAISON COVID
M. François-Noël Buffet , président . - Nous recevons Jean-Denis Combrexelle, en sa qualité de président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle, que je remercie de s'être rendu disponible pour cette audition.
Celle-ci nous donne l'occasion de nous pencher sur les conditions d'organisation de la prochaine élection présidentielle, puis des élections législatives, dans le contexte toujours prégnant de la crise sanitaire. Il s'agit notamment de veiller à ce que certains dysfonctionnements relevés l'année dernière ne se reproduisent pas. Nous pourrons aussi évoquer les mesures contenues dans les propositions de loi organique et ordinaire de notre collègue Philippe Bonnecarrère, que nous examinerons en commission la semaine prochaine.
Ma première question concerne les missions exactes du comité de liaison que vous présidez. Lors de votre audition l'été dernier, vous nous aviez expliqué que le comité de suivi pour les élections départementales et régionales, que vous présidiez également, était une expérience inédite, qu'il s'agissait avant tout d'une instance de dialogue entre les associations d'élus, les partis politiques et les ministères chargés de l'organisation des élections, dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Votre reconduction à la présidence de ce nouveau comité prouve que cette première expérience a été utile, mais votre mission se présente sous un jour doublement différent cette année : d'une part, elle est expressément centrée sur les seules questions en lien avec la crise sanitaire ; d'autre part, elle est placée sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l'élection présidentielle (CNCCEP), qui est présidée par le vice-président du Conseil d'État. Quelles sont donc les missions exactes du comité que vous présidez cette année et comment ses réunions et ses travaux s'articulent-ils avec ceux de la CNCCEP ?
Ma deuxième question porte sur les enseignements que vous avez tirés de l'organisation des élections de juin dernier. Nous vous avions entendu sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale : des leçons ont-elles été tirées ? Avec le recul, les remontées des préfectures et des contentieux ont-elles permis d'identifier d'autres difficultés, qui seraient pour vous des points de vigilance particuliers ou qui justifieraient de publier sans délai des recommandations ou d'adapter le protocole sanitaire ?
Enfin, malgré un léger desserrement des contraintes, les données n'ont pas fondamentalement changé par rapport à l'année dernière : avec plus de 250 000 nouveaux cas par jour, plus de 3 000 patients en réanimation et de fortes tensions sur les services hospitaliers, l'épidémie risque toujours de perturber le moment démocratique majeur qu'est l'élection présidentielle. Dans ce contexte, comment faire pour limiter autant que possible l'impact du risque sanitaire sur la participation ? Le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, renouveler cette année le dispositif de double procuration que le Parlement avait mis en place pour le second tour des élections municipales puis pour les élections départementales et régionales, dispositif que notre collègue Philippe Bonnecarrère propose de réinstaurer cette année. Quelle est votre position sur ce sujet ?
M. Jean-Denis Combrexelle, président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle . - Le comité de liaison que je préside reprend dans son principe le comité de suivi mis en place pour les élections départementales et régionales : il s'agit d'une instance de dialogue entre les candidats et leurs équipes, les partis politiques et les administrations chargées de l'organisation des élections, notamment la direction de la modernisation et de l'administration territoriale et le bureau des élections du ministère de l'intérieur, dans une approche consensuelle. Cette démarche relativement nouvelle n'avait pas vocation à régler tous les problèmes, mais elle est parvenue à susciter de la confiance et s'est révélée importante. Nous avons pu écouter les partis et les candidats de manière à faire remonter les informations auprès des autorités et à formuler des propositions.
À la différence des élections locales, il existe déjà une commission chargée de régler les questions relatives à l'élection présidentielle, la CNCCEP. Le Conseil constitutionnel a également une responsabilité particulière. Il ne faut pas que le comité de liaison interfère avec les missions de ces instances, qui sont définies par la loi, voire par la Constitution.
Le comité que je préside aujourd'hui, à la différence du précédent, s'intéresse donc à la gestion de l'élection présidentielle exclusivement sous l'angle des circonstances sanitaires actuelles, alors que le précédent comité s'intéressait également à l'affichage, au grammage du papier des bulletins et à d'autres sujets encore. Ainsi, nous finalisons actuellement un projet de protocole sanitaire pour l'organisation des meetings électoraux.
Nous travaillons aussi à la prise en compte des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire. Les partis avaient des interrogations légitimes sur ce point : ils doivent louer des salles plus grandes pour assurer le respect des gestes barrières, acheter des masques et du gel hydroalcoolique... J'ai interrogé sur ce sujet le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Jean-Philippe Vachia. Il était important que les équipes des candidats puissent entendre que cette commission ferait montre d'autant de souplesse lors de l'élection présidentielle que pour les élections régionales et départementales. Certes, le plafond des dépenses est fixé dans la loi, mais ces dépenses seront en tout cas bien considérées comme éligibles au remboursement.
Nous parlerons ensuite de l'organisation concrète du scrutin : présence de masques dans les bureaux de vote, nombre suffisant d'assesseurs, etc .
Toutes nos activités font l'objet d'une information régulière et exhaustive adressée à la CNCCEP, dont je connais bien le président. Il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette entre nous, tant fonctionnellement que personnellement !
Après l'élection présidentielle, le comité de liaison s'intéressera-t-il aux législatives ? Si l'épidémie connaissait une décrue, nous n'aurions plus de raison d'être, mais il est trop tôt pour en juger.
Quant aux enseignements à tirer des précédentes élections, le comité que je présidais alors avait bien été créé du fait de la situation sanitaire, même si ses missions allaient au-delà. Cet aspect de l'organisation des élections locales a dans les faits suscité peu de problèmes et de désaccords : grâce à l'implication des maires, des services administratifs et des préfectures, des partis politiques et des associations d'élus, la crise sanitaire a plutôt été bien gérée, en dépit de fortes inquiétudes ; il faudra qu'il en soit de même cette fois-ci. Les difficultés rencontrées à cette occasion ont plutôt mis en exergue des faiblesses structurelles, liées aux relations avec les prestataires privés, qu'il s'agisse de l'affichage, de la mise sous pli ou de la distribution de la propagande électorale. Beaucoup d'activités auparavant assurées par les administrations ou les partis relèvent maintenant de prestataires privés, dont certains ont acquis une position presque monopolistique.
La double procuration a bien fonctionné pour les élections locales. Le dispositif n'a pas été renouvelé, du fait de problèmes d'ordre informatique au ministère de l'intérieur. Il est sans doute un peu tard maintenant pour les résoudre et remettre en place cette possibilité pour l'élection présidentielle, mais il s'agissait selon moi d'une bonne mesure, qui méritera sans doute d'être renouvelée.
M. François-Noël Buffet , président . - L'élection présidentielle mobilise davantage que les élections locales ; il faudra donc, du point de vue sanitaire, gérer un flux de personnes plus important dans les bureaux de vote.
Mme Nadine Bellurot , rapporteure de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 . - Dans le cadre de votre dialogue avec les candidats ou leurs représentants, les mesures relatives aux meetings de campagne font-elles toujours l'objet de discussions, ou bien celles-ci ont-elles d'ores et déjà été fixées ?
Nous interrogerons le Gouvernement sur la nature, selon lui technique, des problèmes empêchant l'exercice de la double procuration, qui me paraissent difficilement compréhensibles compte tenu du contexte épidémique qui n'est pas nouveau !
Enfin, le comité que vous présidez a-t-il eu des discussions avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) quant aux mesures qui pourraient être prises pour adapter les règles de propagande audiovisuelle au contexte sanitaire ? Ces discussions ont-elles abouti à des propositions ?
M. Loïc Hervé . - Le comité que vous présidez n'édicte pas de normes ; il s'agit d'un lieu de dialogue chargé de trouver des solutions qui seront non pas d'ordre législatif, puisque le Parlement ne pourra pas siéger au-delà du mois de février, mais plutôt des bonnes pratiques.
Le Conseil constitutionnel a censuré la faculté donnée à l'organisateur d'une réunion politique de soumettre l'entrée de leur public au contrôle du passe vaccinal. Ces réunions participent complètement de l'exercice de la démocratie et de l'information des citoyens. Aujourd'hui, un organisateur qui met en oeuvre de tels contrôles se rend coupable d'un délit. Certains candidats semblent pourtant l'avoir fait ; or aucune poursuite n'a été engagée à ma connaissance. Quelle est la position de votre comité sur ce point précis d'application de la loi pénale ?
Mme Cécile Cukierman . - Pour y participer, je peux indiquer que ce comité ne vise nullement à permettre quelque dérogation que ce soit à la loi ou aux règlements pour tel ou tel candidat. Les échanges qui s'y mènent avec les représentants des candidats à l'élection présidentielle visent à identifier ensemble les difficultés supplémentaires causées par la crise sanitaire. On y échange des bonnes pratiques, on y élabore des documents consensuels.
On ne gère pas la covid-19 avec seulement des masques et du gel. Ainsi, la question du grammage du papier n'est pas anecdotique quand la pandémie cause des difficultés d'approvisionnement. Certaines des difficultés rencontrées en matière d'affichage et de distribution de la propagande électorale sont liées à la situation sanitaire. Très certainement, on n'est pas à l'abri de nouveaux problèmes. Je souhaite donc que ce comité puisse continuer son activité pour les élections législatives, pour faire face à des difficultés que l'on n'anticipe pas encore.
Enfin, nous voulons tous lutter contre l'abstention ; l'impossibilité de la double procuration, même si elle est d'ordre technique, en est d'autant plus regrettable.
M. Éric Kerrouche . - Vous vous êtes dit plutôt satisfait de la gestion sanitaire des dernières élections. Je n'en fais pas la même analyse : même si leur déroulement aurait pu être pire encore, ces élections se sont mal passées ! La très faible participation en témoigne. Certes, il existe une abstention structurelle qui progresse d'année en année, mais il en est aussi une qui est liée à la covid-19. Or rien n'a été fait pour améliorer la participation ; je regrette un manque d'anticipation du Gouvernement en la matière. La double procuration ne me paraît certes pas suffisante, mais cette fois-ci, on ne peut même pas la mettre en oeuvre !
Concernant le recueil des parrainages pour l'élection présidentielle, j'ai reçu mon formulaire assez tard ; la préfecture des Landes a justifié cette situation par des difficultés techniques indépendantes de sa volonté. Celles-ci sont-elles liées à la situation épidémique ? Il s'agit d'une période contrainte, pour les candidats comme pour les parrains.
Quant à la mise sous pli, après les dernières difficultés, le ministère de l'intérieur a décidé d'internaliser cette tâche pour l'élection présidentielle. Le lieu de routage devra être situé à moins d'une heure et demie du chef-lieu, les opérations seront mécanisées et le routeur ne devra pas avoir rencontré de difficultés lors des précédents scrutins. En revanche, pour les législatives, la préfecture m'a fait savoir que la solution à retenir serait examinée ultérieurement. Pourquoi un tel retard ? Peut-on garantir que les difficultés rencontrées l'an dernier ne se reproduiront pas ? Les communes seront-elles associées au processus ?
Enfin, les coûts de la campagne électorale augmentent, notamment du fait de l'augmentation du prix du papier. Celle-ci est liée à la pandémie et dure depuis plus d'un an. Le papier est de plus en plus rare et cher. Vous avez parlé de souplesse dans l'application des règles financières, mais le décret du 30 décembre 2019 sur la majoration du plafond des dépenses électorales sera-t-il en vigueur pour les élections législatives ? La loi permet-elle d'actualiser le coefficient de majoration ? Là encore, je regrette un manque d'anticipation en la matière.
Mme Agnès Canayer . - Les doubles procurations ont bien fonctionné lors des derniers scrutins. Une nouvelle fois, on constate avec les problèmes techniques invoqués aujourd'hui que l'État ne dispose souvent pas de bons outils numériques. Un autre argument est avancé pour justifier la non-reconduction des doubles procurations : dorénavant, les procurations pourront être données à des électeurs inscrits dans d'autres communes.
Concernant l'affluence à prévoir dans les bureaux de vote, avez-vous bien conscience que la refonte des cartes d'électeurs pourra susciter des embouteillages supplémentaires ? On compte sept millions de citoyens non inscrits ou mal inscrits sur les listes électorales ; nombreux sont ceux qui viendront chercher leur carte dans le bureau lors du premier tour.
Enfin, des modalités spécifiques d'organisation du scrutin sont-elles prévues pour les villes qui utilisent des machines à voter, comme Le Havre ?
M. Jean-Pierre Sueur . - Concernant les prestataires privés, après le fiasco de la distribution des documents électoraux l'année dernière, qu'a-t-il été décidé exactement ? La Poste assurera-t-elle une part prépondérante de cette distribution ? D'autres sociétés ont-elles été habilitées à le faire, et dans quelles conditions ?
Mes collègues ont déjà évoqué le problème du papier. Les imprimeurs nous disent qu'ils ont beaucoup de mal à s'approvisionner, que les coûts augmentent partout. Les tarifs de remboursement ne devraient-ils pas être revus ?
Mme Catherine Belrhiti . - La campagne électorale sert avant tout à mobiliser les électeurs ; tout ce qui pourrait les dissuader de participer à une réunion de campagne contribue à l'abstention. Cette participation diminue pourtant d'année en année. Comptez-vous proposer le recours accru à d'autres outils de propagande électorale, comme les messages audiovisuels ou la communication sur internet ? Des rumeurs circulent quant à l'imposition du passe sanitaire ou vaccinal dans les bureaux de vote. Soutiendrez-vous une telle proposition, que ce soit pour les électeurs ou seulement pour les présidents et assesseurs ? Si tel est le cas, allez-vous aussi promouvoir l'obligation du vote par correspondance pour les personnes non vaccinées ? Enfin, je regrette que l'on ne puisse pas cette fois avoir recours à la double procuration.
M. Jean-Denis Combrexelle . - S'agissant de notre comité, notre rôle est évidemment différent de celui du Parlement, qui vote la loi. J'ai parlé de bonnes pratiques et il est vrai qu'on a souvent tendance en France à considérer une telle approche avec condescendance, les juristes opposant fréquemment le droit « dur » et le droit « mou »... Elle est pourtant essentielle. Je suis moi-même juge et haut fonctionnaire, et je peux vous dire qu'un tel comité, sans être nécessairement impressionnant, peut être utile pour trouver des solutions concrètes. L'État profond, si je puis m'exprimer ainsi, en a aussi besoin pour faire remonter les problèmes qui peuvent se poser.
Madame la sénatrice Belrhiti, nous ne sommes pas là pour créer de la norme, a fortiori pour faire des choses qui seraient en contradiction avec la loi ou avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le protocole que nous préparons s'inscrit directement dans le cadre des textes et de la jurisprudence constitutionnelle. Celle-ci est très claire en ce qui concerne les élections : ni passe sanitaire ou vaccinal, ni jauge.
J'ajoute que le Conseil constitutionnel a censuré l'amendement qui avait été adopté à l'initiative du député Guillaume Larrivé qui visait à autoriser les organisateurs de meetings à subordonner l'accès à ceux-ci à la présentation d'un passe sanitaire ou vaccinal. Là aussi, nous tirons simplement les conséquences de la jurisprudence, en tentant de la concilier avec les règles techniques qui s'appliquent par ailleurs à des réunions ayant lieu dans un établissement recevant du public - les meetings politiques ont presque toujours lieu dans de tels établissements. Ces règles ne doivent évidemment pas soulever de problèmes pour les libertés publiques. Dans ce cadre, les gestes barrières doivent s'appliquer : port du masque ; respect des règles de distance parmi le public, dans toute la mesure du possible ; mise à disposition de gel hydroalcoolique ; aération de la salle... Je reconnais que cela peut poser des contraintes pour les organisateurs et les candidats, mais c'est le sens du protocole qui illustre d'ailleurs notre rôle : ne pas ajouter de normes, ni déroger aux règles existantes.
En ce qui concerne d'éventuelles sanctions pénales, je crois que nous devons d'abord responsabiliser les candidats et les équipes de campagne. C'est le point le plus important et nous n'allons pas mettre un policier ou un gendarme partout, même s'il est vrai que nous voyons parfois à la télévision des images de meetings où le masque n'est pas systématiquement porté...
S'agissant d'une éventuelle présence plus importante des candidats et de la campagne dans les médias au cas où le nombre de meetings ne pourrait pas être aussi élevé que nous le souhaiterions, nous avons des échanges avec l'Arcom à ce sujet. Comme vous le savez, des règles existent déjà pour les médias en période de campagne électorale - respect des temps de parole, équité...
Monsieur le sénateur Kerrouche, quand j'ai dit que les élections départementales et régionales s'étaient plutôt bien passées, il ne s'agissait aucunement d'autosatisfaction, je pensais uniquement à la préoccupation principale de notre comité : comment gérer les opérations électorales en période d'épidémie comme celle que nous connaissons avec la covid ? Je ne pensais à rien d'autre et je reconnais bien volontiers que ces élections ont posé d'importants problèmes en termes de participation, notamment chez les jeunes, et de distribution de la propagande électorale.
La question des parrainages n'entre pas dans nos missions ; elle relève du Conseil constitutionnel et du ministère de l'intérieur. Si des problèmes se posent, il est très important de les faire remonter à l'administration centrale du ministère.
Le coût du papier et les problèmes d'approvisionnement sont évidemment une préoccupation et je peux vous dire que le ministère de l'intérieur en est conscient. Nous devons tenir compte de cette situation.
Au sujet des procurations, il revient au ministère de l'intérieur de vous apporter une réponse. J'ai tendance à penser, à titre personnel, que la double procuration est une bonne mesure, mais nous devons veiller à éviter les dérives. Pour cela, nous avons besoin d'un système informatique performant.
En ce qui concerne l'organisation des bureaux de vote, nous devons appliquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel : le vote est un droit si important dans une démocratie qu'il est hors de question de le subordonner à la présentation d'un passe sanitaire ou vaccinal. Pour autant, il nous faut là aussi respecter les gestes barrières, notamment le port du masque, le cas échéant le port d'un masque FFP2 pour les personnes présentant des risques particuliers. Nous devons poursuivre les discussions, parce que l'élection présidentielle est un moment particulier dans notre pays, à l'origine d'une forte affluence des électeurs. Au moment des élections départementales et régionales, il existait une grande inquiétude sur la capacité à mobiliser des assesseurs, mais je rappelle que, alors que presque partout, il y avait deux élections, dont des bureaux de vote en double, nous n'avons finalement pas rencontré de problèmes particuliers, sauf à Marseille.
S'agissant des prestataires, je crois que le ministère de l'intérieur a tiré les leçons de ce qui s'est passé. Dorénavant, c'est La Poste qui est le cocontractant de l'État et les exigences de rapports et de signalements ont été renforcées, notamment au travers d'indicateurs. Lors des dernières élections, les alertes sont apparues trop tardivement pour pouvoir réagir. C'est pourquoi il est important, d'une part, d'avoir un cocontractant de confiance, d'autre part, de pouvoir détecter le plus en amont possible les éventuels problèmes.
Il est vrai que les votes par correspondance ou électroniques peuvent apparaître comme un moyen d'augmenter la participation électorale. Je voudrais vous donner mon sentiment personnel à ce sujet. D'une part, l'abondance de la jurisprudence sur le vote par correspondance montre que ce dispositif a posé d'importants problèmes dans le passé, même si d'autres pays l'utilisent. D'autre part, j'ai eu, en tant que directeur général du travail, à organiser des élections prud'homales : nous avons mis en place un vote électronique, mais nous n'avons pas vu d'effet sur le taux de participation. C'est donc, à mon sens, un sujet délicat, en particulier quand nous parlons d'élections avec autant de votants. Pour que cela fonctionne et que le résultat final soit accepté, il me semble que nous devons vivre dans une société de confiance : la société doit faire confiance aux experts informatiques et à l'entreprise qui gère le processus. En sommes-nous là aujourd'hui ?
M. Jean-Pierre Sueur . - Qu'en est-il du tarif de remboursement en cas de hausse du prix du papier ? Il me semble qu'il est fixé par voie réglementaire.
M. Jean-Denis Combrexelle . - Cela est en effet inscrit dans un texte de nature réglementaire. Le ministère de l'intérieur est en train d'expertiser la question.
Mme Cécile Cukierman . - Je veux rebondir sur ce point, même si cela excède certainement le cadre de notre réunion. Si nous devons tenir compte de la hausse du prix du papier, chacun doit jouer le jeu ! Il s'agit tout de même d'argent public.
M. Alain Richard . - Très bien !
Mme Cécile Cukierman . - Lors des dernières élections, une entreprise a fait exploser ses tarifs d'affichage, ce qui a eu des conséquences pour tous les candidats. Nous devrons relever les plafonds en cas de besoin, mais dans le cadre d'un dialogue avec l'ensemble des entreprises qui contribuent à l'organisation des opérations électorales, quel que soit leur statut. Ce serait trop simple de se limiter à dire qu'on relève les plafonds de dépenses. Les élections ne sont pas synonymes de dépenses à volonté !
M. Éric Kerrouche . - Quelles sont les perspectives pour les élections législatives en ce qui concerne la mise sous pli des documents de propagande ?
En ce qui concerne les procurations - je ne peux pas ne pas revenir sur ce sujet après ce qui a été dit -, la France est le seul pays parmi les pays industrialisés à utiliser cette technique de manière aussi massive. Or elle est critiquée, ne serait-ce que parce que le mandant ne sait pas en réalité pour qui il vote ! J'ajoute que les jurisprudences dont vous parlez sont datées et qu'à l'époque il n'y avait aucun contrôle - on pourrait dire que la loi poussait au crime... Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas une réponse technique qui va résoudre un problème démocratique ; mais si on écarte toutes les réponses techniques, il ne faut pas s'étonner que les problèmes démocratiques s'accroissent !
M. Jean-Denis Combrexelle . - Je pense que les élections législatives devraient connaître le même régime que l'élection présidentielle. Nous avons tiré les leçons des élections précédentes.
Au sujet des modalités de vote - procuration, vote par correspondance, vote électronique... -, il revient davantage aux responsables politiques qu'au haut fonctionnaire que je suis de trancher. En tout cas, je ne suis pas certain que la réponse à la faiblesse du taux de participation soit uniquement technique...
M. Jean-Pierre Sueur . - C'est certain, quand on voit les thèmes actuels de la campagne...
M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie de votre intervention, Monsieur Combrexelle.