EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vise à interdire ce que l'on appelle les « thérapies de conversion ».
Qu'est-ce qu'une thérapie de conversion ? Certains pensent encore que l'homosexualité est une maladie ou un péché et donc que l'on peut en guérir ou arrêter. Du coup, puisque l'on peut en guérir, on prescrit une « thérapie ». On retrouve ce phénomène principalement dans certains mouvements religieux - évidemment, pas les plus ouverts ni les plus compréhensifs. Cela touche toutes les religions, catholique avec certaines communautés charismatiques, protestante du côté évangélique, juive du côté loubavitch ou musulmane.
L'ensemble des responsables religieux condamnent ces pratiques : le président du Culte français du culte musulman (CFCM), le Grand Rabbin de France, l'évêque qui préside le Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, le président de la Fédération protestante de France (FPF) sont tous favorables au texte et opposés aux « thérapies de conversion ».
Ces pratiques, qui vont du groupe de parole à la
prière, peuvent aussi se transformer en séances violentes
d'exorcisme, où la personne doit se présenter devant le groupe en
avouant ses « péchés et mauvaises
pensées », et peut même être frappée. J'ai
regardé la vidéo d'un exorcisme musulman
- maintenant
retirée de YouTube, car non conforme aux standards contre la violence et
la haine posés par cette entreprise - où la pratique pouvait
s'apparenter à de la torture se finissant par des vomissements,
l'idée étant de sortir du corps de l'homosexuel le
« démon » qui le possédait.
Jean-Michel Dunand a témoigné devant nous et dans un livre des huit exorcismes qu'il a subis et qui ont atteint sa santé mentale, au sein d'une communauté catholique. Il en a réchappé grâce à sa volonté de vivre, qui lui a donné le courage de prendre la fuite alors qu'on allait l'interner.
Ces pratiques semblent encore peu nombreuses dans notre
pays : le collectif « Rien à guérir »
réunit une cinquantaine de victimes. Mais ces pratiques pourraient se
développer à l'avenir, notamment sous l'influence des courants
évangéliques venant principalement des États-Unis,
où ces pratiques sont plus développées. Pour les
musulmans, c'est souvent à travers un retour au pays que l'on
règle le « problème », mais pas que... Pour
les femmes par exemple, on « règle » parfois le
problème par l'excision. Le responsable de l'association LGBT musulmane
Shams nous a clairement dit
- mais est-ce surprenant - que les
femmes subissaient des violences bien plus importantes que les hommes.
Cette loi vise donc à interdire clairement ces pratiques en France, comme elles le sont déjà en Allemagne, en Espagne, dans plusieurs États américains et bientôt en Angleterre.
Cette loi était-elle utile ? Nous disposons déjà de tout un arsenal de lutte contre les violences, le harcèlement, l'exercice illégal de la médecine ou l'abus de faiblesse, qui permettrait d'attaquer ces pratiques... mais elles ne sont pas clairement nommées et la personne qui subit une « thérapie de conversion » sait qu'on cherche à lui faire modifier son orientation sexuelle ou son identité de genre, mais n'assimile pas forcément cela à ces infractions.
Même la Chancellerie, qui n'était pas au départ particulièrement favorable à ce texte, a admis que cela permettrait au juge comme à la victime de nommer le délit...
En ces temps où la victime prend toute sa place dans la démarche judiciaire, lui permettre de savoir que ce qu'on lui a fait subir est un délit est une bonne chose, car « mal nommer les choses, c'est ajouter un peu de malheur au monde » disait Camus. Nous pourrons ainsi mesurer le phénomène et son évolution au plan statistique. La réponse est donc oui, il faut légiférer.
Que contient ce texte ? L'article 1 er dispose que « Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Ces peines sont aggravées si ces infractions sont commises sur des mineurs ou des personnes vulnérables.
Je présenterai deux amendements sur cet article : l'un vise à ce que ne soient pas incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à inciter à la prudence avant d'engager un parcours médical de changement de sexe. Certes, le texte prévoit bien que ne seront poursuivies que les propos ayant altéré la santé mentale ou physique de la victime. Mais nous avons été alertés par de nombreuses associations qui étaient inquiètes. Il vaut mieux donc l'inscrire dans la loi.
Mon deuxième amendement vise, en cas de condamnation d'un parent, à prévoir que le juge se prononce sur l'autorité parentale. Dans le texte qui nous est transmis, ce retrait est possible mais le juge n'est pas tenu d'examiner la question.
L'article 2 aggrave la peine encourue en cas d'actes de violence visant à modifier une orientation sexuelle ou une identité de genre, en complément du délit autonome créé par l'article 1 er . Puisque nous soutenons la création de ce délit autonome, je vous propose de supprimer l'aggravation de la peine prévue par l'article 2 pour que le juge n'ait plus à choisir entre une peine aggravée et ce délit autonome. Il en résulterait en effet un conflit de qualifications pouvant porter atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale.
L'article 3 a le même objet que l'article 1 er , mais il concerne les médecins. J'ai déposé un amendement pour protéger les médecins qui appellent à davantage de réflexion un mineur voulant effectuer une transition, procédure longue et douloureuse.
Un de mes amendements vise à rétablir l'article 4, qui avait été supprimé, pour prévoir une coordination concernant l'application outre-mer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Merci de cette présentation sur ce sujet très attendu. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) se réjouit de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi visant à interdire ces thérapies de conversion, parfois scabreuses et violentes. Elles prennent différentes formes : accompagnement thérapeutique ou spirituel, exorcisme, rassemblements de prière, stages, voire traitement par électrochocs ou injections d'hormones.
Certains considèrent l'homosexualité ou la transidentité comme une maladie. Ces thérapies provoquent des dommages profonds, et elles ne sont pas un fantasme. Cela fait plusieurs années que des instances internationales - ONU, Parlement européen... - demandent la suppression de ces thérapies de conversion. En France, nous avons progressé, puisque nous n'avons plus de législation spécifique condamnant l'homosexualité.
Nous avons rencontré de nombreuses associations très engagées. J'avais déposé, avec mon groupe, une proposition de loi quasiment analogue. Il a fallu la volonté puissante d'une députée LaREM pour que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour et adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. C'est un texte transpartisan.
Sur le principe, ces thérapies sont interdites. Mais les incriminations pouvant être retenues pour les sanctionner ne couvrent pas l'ensemble du champ. Il est important de les viser spécifiquement.
Différents types d'amendements ont été déposés. Certains visent à supprimer les pratiques visant à modifier l'identité de genre du champ de la proposition de loi. On retomberait ainsi dans les débats secouant le Parlement lors de la loi sur le mariage pour tous. Ce serait un retour en arrière sur un sujet sur lequel les sénateurs ne sont pas toujours très bien informés. L'identité de genre est une notion déjà bien définie, qui figure à l'article 132-77 du code pénal. Le Conseil constitutionnel, saisi par certains sénateurs en 2017, avait estimé que l'expression était suffisamment claire et précise. Si l'amendement supprimant l'identité de genre était adopté, il exclurait les personnes transgenres du champ de cette proposition de loi, et constituerait une grave discrimination.
De même, nous sommes opposés à l'amendement visant à interdire et sanctionner la prescription aux mineurs de traitements en vue d'un changement de sexe. Oui, il faut être vigilant sur la détresse des jeunes, mais ne jugeons pas ceux pour qui l'identité de sexe ne correspond pas à leur identité de genre.
Nous sommes favorables à l'amendement de la rapporteure prévoyant que le juge statue sur le retrait de l'autorité parentale, et à celui prévoyant des circonstances aggravantes aux professionnels de santé qui commettent des infractions.
Nous nous interrogeons sur le fait d'exclure du champ de l'infraction des propos répétés invitant à la prudence et à la réflexion. Nous sommes aussi circonspects sur l'amendement COM-13 qui vide de son sens l'article 2 sur la circonstance aggravante.
Nous regrettons que ce texte n'aille pas plus loin sur les mutilations des enfants intersexes, qui ont des conséquences dramatiques.
Si le texte n'est pas dénaturé, le groupe SER le soutiendra.
Le Sénat est toujours soucieux de bien légiférer et de traduire la perception de la société. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, elle sera donc adoptée in fine . Quel positionnement spécifique le Sénat souhaite-t-il prendre ? Veut-il être en phase avec l'ensemble de la représentation nationale, ou se distinguer en relançant le débat du mariage pour tous qui était derrière nous et aurait dû être dépassé ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Bien évidemment, nous sommes conscients que la loi est nécessaire. Certaines influences religieuses remettent en cause le choix de vie et le bonheur de certains de nos concitoyens.
Ce texte ne suffira pas à bousculer les pratiques dans des groupes parfois très fermés. Nous avons reçu les représentants des différentes religions. Elles doivent avoir aussi un discours d'ouverture et de tolérance. Élus locaux, nous devons protéger des enfants de leur propre famille. Nous devons débattre ici pour protéger ceux qui ont choisi une vie différente. Nous n'y arriverons pas sans les communautés religieuses : elles doivent travailler sur ce sujet. Disons-le clairement et publiquement.
J'ai déposé des amendements sur l'identité de genre, car le titre de ce texte entraîne une confusion entre orientation sexuelle et identité de genre ; ce n'est pas la même chose. La société évolue. Quel est le rapport entre ce texte et le mariage pour tous ? Personnellement, j'y étais favorable. Ne mélangeons pas tout.
Les pays les plus avancés sur les bloqueurs de puberté, comme la Suède, stoppent ces pratiques en raison de l'augmentation exponentielle du nombre de demandes. Les conséquences sont mal connues. Il faut accompagner, être à l'écoute, et tolérant, mais aussi s'interroger sur l'influence de certains lobbies et des réseaux sociaux, poussant certains enfants vers une orientation qu'ils regretteront après. Tenons compte de l'expérience de ces pays qui reviennent en arrière.
Mme Éliane Assassi . - Je suis d'accord avec Marie-Pierre de La Gontrie. Il est nécessaire de créer un délit spécifique contre les « thérapies de conversion » et de quantifier le nombre de victimes. Certains craignent que cela n'empêche d'accompagner certaines personnes qui s'interrogent sur leur identité. En définissant les « thérapies de conversion », nous évitons toute confusion. L'article 1 er est très précis à cet égard, et il le sera encore davantage grâce aux amendements de la rapporteure.
Nous nous opposons à ce qui réfute la notion d'identité de genre et à ce qui relèverait uniquement d'une définition binaire ou biologique du sexe.
Je salue le travail de la rapporteure. Si le texte garde le sens qu'elle a voulu lui donner, le groupe CRCE le votera.
Mme Esther Benbassa . - Je suis d'accord avec Marie-Pierre de La Gontrie sur l'identité de genre. Si nous enlevons ce terme, nous créons de nouveau un problème avec les personnes transsexuelles. Or une personne née homme peut devenir femme sans subir d'opération. Elle peut déclarer l'identité qu'elle porte en elle. Si le mot est enlevé, cela pose problème. C'est une question d'identité sexuelle et non d'orientation sexuelle.
Madame Eustache-Brinio, ces pratiques pour modifier une orientation sexuelle ou une identité de genre de force n'ont rien à voir avec la religion, mais plutôt avec des milieux identitaires fermés, comme les évangéliques américains. Toutes les religions interdisent l'homosexualité, nous n'allons pas revenir sur cette question. Je veux conserver l'identité de genre dans le texte, afin de le voter : il est très attendu par les associations LGBTQI+.
Mme Valérie Boyer . - Nous sommes dans une position extrêmement délicate, avec de nombreux amalgames. Ne confondons pas tout. Certaines personnes n'acceptent pas l'homosexualité - ce qui est interdit par la loi - mais cela n'a rien à voir avec les transgenres. Certaines femmes souffrent de troubles de la différenciation sexuelle - le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) notamment - et doivent prendre des traitements pour être réparées de cette anomalie de naissance. La Haute Autorité de santé a émis des recommandations sur ce sujet. Ces troubles sont heureusement pris en charge par des spécialistes. Ne confondons pas ces personnes avec les transgenres qui désirent changer de sexe.
Certains mineurs - et leurs parents - sont en prise avec des pressions sociales, et sont perdus au moment de l'enfance ou de l'adolescence. Ils s'interrogent souvent non pas sur leur orientation sexuelle, mais sur leur orientation tout court...
Aux États-Unis, il y a quelques années, il n'y avait que deux cliniques qui pratiquaient le changement de sexe - mais pas pour des troubles de la différenciation sexuelle - elles sont désormais cinquante. Auparavant, seule une dizaine d'enfants le demandait chaque année ; désormais, ils sont au minimum 1 500... Soyons extrêmement prudents, sans faire d'amalgames douteux. C'est dérangeant pour les médecins, les enfants et les familles.
Vous avez évoqué l'excision, mutilation sexuelle abominable, condamnée par le code pénal. J'ai déposé plusieurs propositions de loi sur le sujet. De plus en plus de femmes sont excisées en France, mais il n'y a plus de procès pour excision depuis longtemps !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - C'est vrai !
Mme Valérie Boyer . - Penchons-nous sur ce phénomène, qui touche notamment les femmes d'origine étrangère qui accouchent en France. À l'hôpital de la Conception, à Marseille, que j'ai récemment visité, des médecins réparent les femmes mutilées. Il faut s'interroger sur le fait que de plus en plus de femmes sont mutilées, et que l'on garde le silence sur ces pratiques barbares.
Mme Muriel Jourda . - L'identité de genre est un terme de sociologie qui se retrouve intégré à cette proposition de loi. Je ne peux pas entendre que le seul emploi du terme permettrait de prendre en compte les personnes transgenres. La transsexualité est depuis longtemps étudiée et reconnue dans les facultés de médecine et de droit - j'ai moi-même travaillé sur ce sujet durant mes études de droit à la fin des années 1980, et ce n'était pas une notion nouvelle. Cela ne dépend pas du vocabulaire utilisé.
Il est dérangeant, pour moi et pour beaucoup d'autres, de voir utiliser ce terme d'identité de genre ; on laisserait croire que le genre est totalement déterminable à titre personnel. J'entends que la biologie n'est pas tout pour certains, mais elle est tout pour l'immense majorité de nos concitoyens et de nous-mêmes. À force de vouloir utiliser ce terme d'identité de genre, qui ne concerne qu'une minorité, on laisserait croire que tout serait contractuel et déterminable par soi-même. C'est faux. On l'a fait pour la filiation, on le fait désormais sur le genre. Les amendements de Jacqueline Eustache-Brinio sont bienvenus.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Je précise que cette proposition de loi est issue d'une mission flash de l'Assemblée nationale, et qu'elle a été travaillée avec la Chancellerie. Faut-il utiliser ce terme d'identité de genre ? J'entends les arguments de Muriel Jourda : une minorité de personnes est concernée.
Mais dans ce texte, nous n'avons pas à dire si c'est bien, mal, ou si c'est ou non à développer. Ce texte vise seulement à protéger des personnes menacées par des pratiques barbares. Homosexuels et transgenres ne sont pas menacés de la même façon. Autant l'homosexualité est couramment admise, autant la transidentité l'est moins, et les victimes sont plus touchées. Ne pas les nommer, ce serait les laisser rester des victimes. Il faut les nommer pour les identifier.
À aucun moment ce texte ne parle du parcours de transition, de la médication, de la chirurgie. Ce n'est pas son sujet. Est-ce à nous de décider à quel âge il faudrait donner des traitements ? Cela relèverait plutôt de la commission des affaires sociales - nous n'avons fait que deux auditions sur ce thème. Même si, en France, nous voyons une augmentation des demandes, aucun traitement n'est pratiqué sur un mineur sans l'accord des deux parents, et aucune chirurgie sexuelle n'intervient avant l'âge de dix-huit ans. Un médecin que nous avons interrogé nous indiquait qu'il prescrivait des bloqueurs de puberté à des enfants qui étaient très mal à l'approche de la puberté, ce qui leur permettait d'avancer sur leur choix, sans forcément aller ensuite vers un traitement plus lourd. Et ces médicaments ne bloquent la puberté que le temps de leur prescription. Il faut réfléchir davantage à ce phénomène, peut-être social, mais nous ne pouvons pas l'interdire au sein de cette proposition de loi.
M. François-Noël Buffet , président . - Nous pouvons en conclure que vous émettez un avis défavorable à ces amendements...
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avant d'aborder l'examen des amendements, il me revient de préciser le périmètre du texte au regard de l'article 45 de la Constitution.
Ce périmètre inclut bien sûr les dispositions relatives à la lutte contre les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il comprend aussi, même si le lien est plus indirect, les dispositions tendant à encadrer les parcours de transition des personnes transgenres.
Chapitre I
er
: Création
d'une infraction relative aux pratiques
visant à modifier
l'orientation sexuelle ou l'identité de genre
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-1 rectifié ter tend à supprimer la mention de l'identité de genre. J'y suis défavorable pour les raisons que je viens d'exposer.
L'amendement COM-1 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-2 rectifié ter , qui a le même objet.
L'amendement COM-2 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - De même, avis défavorable aux amendements COM-3 rectifié ter et COM-4 rectifié ter .
L'amendement COM-3 rectifié ter n'est pas adopté.
L'amendement COM-4 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-11 vise à élargir le champ de l'infraction définie à l'article 1 er de la proposition de loi. Dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, l'infraction est constituée lorsque des pratiques, comportements ou propos répétés visent à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre et ont pour effet une altération de la santé physique ou mentale. L'amendement propose qu'elle soit constituée si les pratiques, comportements ou propos répétés sont susceptibles de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la personne ou d'altérer son état de santé. L'infraction deviendrait donc plus beaucoup plus facile à caractériser : il ne serait plus nécessaire de démontrer que la personne a subi un préjudice. Des pratiques seulement « susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne », ce qui est une notion assez subjective, pourraient être condamnées.
Il est raisonnable d'en rester à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui garantit que seules des pratiques imposées à la personne et qui nuisent à sa santé physique ou mentale seront sanctionnées et que les accompagnements spirituels que recherchent certaines personnes homosexuelles ou transgenres ne tomberont pas sous le coup de la loi. Elle procède donc à un équilibre satisfaisant entre répression des « thérapies de conversion » et respect des libertés individuelles. Avis défavorable.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-12 tend à prévoir que le juge pénal devra se prononcer, en cas de condamnation d'un titulaire de l'autorité parentale, sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de l'exercice de cette autorité. Actuellement, le juge a la possibilité de prononcer ce retrait mais nous voulons qu'il s'interroge systématiquement en cas de condamnation faisant suite à l'altération de la santé mentale ou physique d'un enfant.
L'amendement COM-12 est adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-14 répond à l'inquiétude de familles qui souhaitent accompagner leur enfant et l'appeler à plus de prudence et à la réflexion. Dans certains pays, des parents ont été attaqués alors qu'ils étaient bienveillants.
Je pense que ces parents sont déjà protégés par le texte, mais mieux vaut s'en assurer.
L'amendement COM-14 est adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-5 rectifié ter .
L'amendement COM-5 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-13 vise à éviter que deux infractions ne se fassent concurrence. Sans cet amendement, le juge aurait le choix d'appliquer soit la qualification de violence aggravée du fait de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, soit le délit autonome, ce qui créerait un conflit de qualifications.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Le groupe SER s'abstiendra sur cet amendement. Nous souhaitons l'examiner plus en détail avant la séance publique.
L'amendement COM-13 est adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable aux amendements COM-6 rectifié ter et COM-7 rectifié ter , qui visent à nouveau à supprimer des références à l'identité de genre.
L'amendement COM-6 rectifié ter n'est pas adopté.
L'amendement COM-7 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Chapitre II : Interdiction des pratiques
visant à modifier
l'orientation sexuelle ou l'identité de
genre dans le système de santé
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-8 rectifié ter.
L'amendement COM-8 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-10 rectifié ter ? propose d'interdire les traitements bloqueurs de puberté, les hormonothérapies et les opérations chirurgicales avant 18 ans. Soyons prudents sur les mineurs qui s'interrogent sur leur identité de genre. Un adolescent peut éprouver un mal-être et l'attribuer, à tort, à un problème de transidentité. Il faut donc prendre le temps de la réflexion et s'assurer que la demande de l'adolescent persiste dans le temps avant d'envisager des actes médicaux.
Toutefois, il serait inapproprié d'interdire au détour de cet amendement toute intervention médicale avant l'âge de dix-huit ans. La proposition de loi vise à réprimer les « thérapies de conversion », et non à encadrer les parcours de transition - ce sont deux questions bien distinctes ; il serait peu opportun de modifier les règles qui encadrent les parcours de transition sans avoir procédé à un travail approfondi, qui relève davantage du champ de compétences de la commission des affaires sociales : c'est un sujet médical.
J'ai auditionné un psychiatre et un chirurgien spécialistes des parcours de transition, qui ont souligné à quel point les professionnels de santé étaient précautionneux face à la demande exprimée par un mineur. Le médecin s'assure qu'il est bien confronté à un cas de transidentité avant d'envisager un traitement. Ces spécialistes nous ont expliqué que les bloqueurs de puberté pouvaient être très utiles lorsqu'un adolescent n'est pas à l'aise dans son sexe de naissance. Les transformations physiques liées à la puberté peuvent être très mal vécues par les jeunes transgenres. Retarder la puberté permet ainsi à l'adolescent et à sa famille de réfléchir plus sereinement à la suite de son parcours, et d'éviter des tentatives de suicide. Parfois, une hormonothérapie débute à partir de seize ans.
Nous devons laisser aux professionnels la liberté d'adapter leur traitement à la réalité de chaque cas. Si des signes de transidentité apparaissent chez un enfant et que le diagnostic est confirmé sans ambiguïté à l'adolescence, pourquoi attendre la majorité avant de commencer un traitement qui va l'aider à vivre mieux ? Aucune intervention médicale ne peut être décidée chez un mineur sans l'accord des titulaires de l'autorité parentale. En cas d'acte médical usuel, le consentement d'un seul parent suffit, le consentement de l'autre étant présumé. En cas d'acte non usuel, ce qui est le cas d'un parcours de transition, le consentement conjoint des deux parents est nécessaire. Un jeune en pleine « crise d'adolescence » ne pourrait donc s'engager dans un parcours de transition, même s'il trouvait un médecin très complaisant, sans l'accord de ses parents. Avis défavorable.
Mme Marie Mercier . - Nous avons peu parlé de la souffrance physique et psychique de toute une famille. Ce sont des cas extrêmement graves. Les professionnels de santé ne prennent pas leur décision seuls, mais à plusieurs, et souvent avec une analyse psychiatrique associée.
Les réseaux sociaux ont une forte influence sur le mal-être d'un enfant ou d'un jeune. Les décisions prises, si elles sont chirurgicales, sont faites avec un accompagnement. C'est terrifiant pour des jeunes gens ou des jeunes femmes d'engager leur vie entière, sans retour en arrière possible. Ce sujet n'a pas été étudié suffisamment sur le fond. Nous ne sommes pas à la commission des affaires sociales. Ne mélangeons pas le sexe biologique et une dangereuse construction sociale. Je suivrai l'avis de la rapporteure.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - L'amendement de Jacqueline Eustache-Brinio mérite réflexion. Les propos de Marie Mercier montrent la complexité du dossier. À ce stade, nous suivrons l'avis de la rapporteure.
L'amendement COM-10 rectifié ter n'est pas adopté.
L'amendement COM-9 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-15 vise à mieux délimiter le champ d'application de l'article 3, en précisant que l'infraction ne pourrait évidemment concerner un professionnel de santé qui recevrait une personne s'interrogeant sur son identité de genre et qui l'inviterait à prendre le temps de la réflexion avant de s'engager dans un parcours de transition.
L'amendement COM-15 est adopté.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Par cohérence avec ce qui est prévu à l'article 1 er , l'amendement COM-17 vise à introduire des circonstances aggravantes à l'article 3, afin de punir plus sévèrement les faits commis par un professionnel de santé à l'encontre d'un mineur ou d'une personne vulnérable.
L'amendement COM-17 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-16 a pour objet l'application du texte dans les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Chapitre I
er
:
|
|||
Mme EUSTACHE-BRINIO |
1 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
2 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Article 1 er |
|||
Mme EUSTACHE-BRINIO |
3 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
4 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Mme Mélanie VOGEL |
11 |
Élargissement du champ de l'infraction |
Rejeté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
12 |
Retrait de l'autorité parentale |
Adopté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
14 |
Invitation à la prudence dans le cadre d'un parcours de transition |
Adopté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
5 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Article 2 |
|||
Mme VÉRIEN, rapporteure |
13 |
Suppression de circonstances aggravantes |
Adopté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
6 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
7 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Chapitre II :
|
|||
Mme EUSTACHE-BRINIO |
8 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Article 3 |
|||
Mme EUSTACHE-BRINIO |
10 rect. ter |
Interdiction des pratiques visant le changement de sexe pour les mineurs |
Rejeté |
Mme EUSTACHE-BRINIO |
9 rect. ter |
Suppression des termes « identité de genre » |
Rejeté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
15 |
Invitation à la prudence dans le cadre d'un parcours de transition |
Adopté |
Mme VÉRIEN, rapporteure |
17 |
Création d'une circonstance aggravante |
Adopté |
Article 4 (Supprimé) |
|||
Mme VÉRIEN, rapporteure |
16 |
Application outre-mer |
Adopté |