PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION
« RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »
Les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour 2022 s'élèvent à 4 583,3 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 4 236,7 millions d'euros en CP soit une hausse de 9,8 % en AE et de 8,1 % en crédits de paiements (CP) par rapport à la LFI 2021.
Évolution LFI 2021 / PLF 2022 des
crédits de la mission
« Relations avec les
collectivités territoriales »
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 119 « CONCOURS FINANCIERS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LEURS GROUPEMENTS »
Le programme 119 comporte deux objectifs principaux :
- accompagner, via des dotations d'investissement, les projets des territoires dans une logique d'effet de levier ;
- compenser, à travers les dotations de décentralisation, les charges transférées aux collectivités dans le cadre de la décentralisation (ou les pertes de produit fiscal induites par des réformes des impôts locaux).
Entre la LFI 2021 et le PLF 2022, les crédits du programme 119 ont enregistré une hausse de 8,6 % en AE et de 7,3 % en CP soit respectivement 342,9 millions d'euros en AE et 274,1 millions d'euros en CP .
Évolution LFI 2021 / PLF 2022 des crédits du programme 119
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
A. L'ÉVOLUTION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT (ACTIONS 1 ET 3) : UNE HAUSSE NOTABLE PORTÉE ESSENTIELLEMENT PAR LA DSIL
1. Les dotations de soutien aux projets des communes et groupements de communes
a) Des dotations en hausse sous l'effet de l'abondement de la DSIL en 2022...
Les dotations à destination du bloc communal, portées par l'action 1, enregistrent une hausse de 19 % en AE et 3,2 % en CP soit 349 millions d'euros en AE et 51,4 millions d'euros en CP.
Évolution LFI 2021 / PLF 2022 des dotations de l'action 1 du programme 119
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette hausse est portée par cinq dotations.
- les crédits de la DSIL ont été majorés de 337 millions d'euros en AE entre la LFI 2021 et le PLF 2022. Cette dotation vise à financer des projets s'inscrivant dans les grandes priorités d'investissement fixées à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales (CGCT) (transition énergétique, mise aux normes et sécurisation des équipements publics, développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements, développement du numérique et de la téléphonie mobile...) ainsi que des investissements s'inscrivant dans le cadre des contrats de ruralité.
Cet abondement provient de crédits européens (FEDER 12 ( * ) ) dont l'Union européenne n'a pas demandé la restitution . Il permettra de soutenir en particulier les collectivités bénéficiaires du programme « Action coeur de ville » 13 ( * ) .
Cet abondement en AE est accompagné d'un abondement à hauteur de 21 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2021 afin de répondre à la montée en charge des projets financés par la DSIL depuis 2016 et de prendre en compte l'augmentation des AE ;
- les CP de la DETR enregistrent également une hausse de 14 millions d'euros , les AE restant stables à 1 046 millions d'euros depuis 2018, afin de couvrir les engagements en cours revus légèrement à la hausse pour s'ajuster au cycle des investissements et au niveau des AE. Cette dotation vise à subventionner des projets d'investissement portés par des communes et groupements de communes situés essentiellement en milieu rural, selon des priorités définies par une commission d'élus, qui dispose en outre de pouvoirs consultatifs sur les projets pour lesquels le préfet propose une subvention d'un montant supérieur à 100 000 euros ;
- la dotation de biodiversité augmente de 10 millions d'euros en AE et en CP. Cette dotation instituée par l'article 256 de la loi de finance pour 2019 14 ( * ) est destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en site Natura 2000. Elle vise à aider les communes supportant des charges supplémentaires afin de préserver la biodiversité de leur territoire et contribue au verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités.
Cette hausse prévue à l'article 46 du projet de loi de finances pour 2022 (cf. commentaire infra ) est la conséquence d'un élargissement du dispositif par :
- la création d'une 4 ème part égale à 25 % du montant total de la dotation pour les communes ayant approuvé la charte d'un parc naturel régional mentionnée à l'article L. 333-1 du code de l'environnement ;
- l'abaissement du taux de couverture de 75 % à 60 % du territoire afin de pouvoir bénéficier de la part Natura 2000 ;
- la mise en place d'un montant minimum attribué aux communes éligibles au titre de chacune des fractions de 1 000 euros.
Initialement de 5 millions d'euros, la dotation biodiversité a été portée à 10 millions d'euros par la loi de finances initiale pour 2021. Alors que le financement initial, tout comme celui de 2021, résultait d'une diminution à due concurrence de la DGF, l'abondement prévu par l'article 46 du projet de loi de finances pour 2022, résulte de crédits « frais », sans diminution de la DGF, ce que saluent les rapporteurs spéciaux ;
- la DPV augmente de 4 millions d'euros en CP passant ainsi de 129 à 133 millions d'euros . Cette dotation permet de financer des projets d'investissement de communes défavorisées et présentant des dysfonctionnements urbains. Comme pour la DETR et la DSIL, la hausse des CP permet de tenir compte du niveau des AE ;
- la dotation forfaitaire titres sécurisés (DTS) enregistre également une hausse de 3 millions d'euros en AE et CP afin de couvrir le coût du déploiement de nouvelles stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité dans les communes. Pour cette même raison cette dotation avait déjà été majorée de 6 millions d'euros en LFI 2020.
Les autres dotations de l'action 1 en faveur du bloc communal (l'IRPM, la dotation communale d'insularité et la dotation pour la protection fonctionnelle des élus) restent stables par rapport à la LFI 2021.
b) ...mais une relative stabilité sur la période 2019-2022
Sur la période 2019-2022, ces dotations sont restées stables en AE. Les seules variations enregistrées, avant l'abondement de la DSIL en 2022 susmentionné, concernaient :
- la hausse de 5 à 10 millions d'euros de la dotation biodiversité à compter de 2020 ;
- la création de la dotation de protection fonctionnelle élu local en 2020 pour 3 millions d'euros ;
- l'abondement de 6 millions d'euros de la DTS afin de couvrir le coût du déploiement de nouvelles stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité dans les communes.
Évolution des AE des dotations du bloc communal 2019-2022
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En CP, l'évolution a été un peu plus dynamique en raison de la majoration progressive, sur la période, de la DPV et de la DSIL pour ajuster le niveau de CP ouverts au rythme réel de décaissement.
Evolution des CP des dotations du bloc communal 2019-2022
Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2022
c) Le poids de la DETR et de la DSIL dans le total des dotations au bloc communal et l'analyse de leur exécution
Au sein des dotations destinées au bloc communal, la DETR et la DSIL représentent respectivement 48 % et 41,6 % des AE et 54,4 et 33 % des CP.
Répartition des dotations du bloc communal en AE
Source : commission des finances du Sénat à partir du PLF 2022
Le taux de consommation de ces deux dotations en 2019 et 2020 est proche ou atteint 100 % des crédits disponibles . En raison d'opérations de dégel ou de fongibilité interne, la consommation a même parfois été supérieure aux crédits ouverts en LFI.
Exécution de la DETR et de la DSIL entre 2019 et 2021
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire
Cependant , en 2020, les CP de la DSIL n'ont été consommés qu'à hauteur de 87,4 % des crédits disponibles laissant un solde de 64,2 millions d'euros qui a permis d'opérer des fongibilités entre dotations. Ainsi,
- 18,5 millions d'euros ont permis d'abonder les CP de la DETR (sur les 19,8 millions d'euros d'abondement de cette dotation) ;
- 8,9 millions d'euros ont permis une fongibilité vers la DSID ;
- 9,5 millions d'euros ont été alloués à la DSIL exceptionnelle créée en LFR 3 en 2020 qui prévoyait 1 milliard d'euros d'AE mais aucun CP au titre de 2020. Face aux premiers besoins, cette fongibilité a permis une consommation de CP dès la fin de l'exercice 2020 ;
- plus de 27 millions d'euros ont été affectés au remboursement de masques.
Par ailleurs, la consommation de 2021, arrêtée au 31 aout 2021 (chiffre des deuxièmes comptes rendus de gestion), est conforme voire légèrement supérieure aux taux de consommation de l'année précédente à la même date. Selon la DGCL, les crédits devraient être consommés intégralement d'ici la fin de l'année.
Ainsi, concernant la DETR, le taux de consommation des AE, de 80,6 %, est supérieur à celui de l'année dernière à cette même date (78 %). Les CP ont été délégués aux préfectures pour un montant total de 693,4 millions d'euros. Avec une consommation de 511,6 millions d'euros, le taux de consommation des crédits délégués est de 74 %.
Concernant la DSIL, le taux de consommation des AE, de 60 %, est légèrement supérieur à celui de 2020 à la même date (56 %). Le taux de consommation des CP qui s'établit à 51,4 % des crédits disponibles est, en revanche, légèrement inférieur à celui de 2020 (54,2 %), année au cours de laquelle un solde de CP avait été constaté pour 64,2 millions et redéployé vers d'autres dotations (cf. supra ). Les rapporteurs spéciaux seront donc attentifs à la consommation de la DSIL en 2021 et à l'utilisation qui pourrait être faite des éventuels crédits non consommés.
2. La dotation de soutien aux projets des départements et des régions : une enveloppe qui sera exclusivement attribuée sur appel à projets à partir de 2022
Depuis la LFI 2019, l'action 3 porte la seule dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) créée en remplacement de la dotation générale d'équipement (DGE). Le fonds exceptionnel de soutien aux régions, créé en 2017 au titre de la compétence « développement économique » n'avait qu'une durée de deux ans et n'est donc plus doté à partir de cette même année 2019.
La DSID est composée de deux parts :
- la première part (77 %) est répartie en enveloppes régionales, sur la base de la population municipale des régions et de la population des communes situées en dehors des unités urbaines ou dans de petites unités urbaines. Le préfet de région attribue ces crédits sous forme de subventions d'investissement dans les domaines jugés prioritaires au niveau local ;
- la deuxième part (23 %) est répartie au bénéfice des départements, proportionnellement à l'insuffisance de leur potentiel fiscal. Les crédits alloués au titre de cette fraction abondent directement la section d'investissement du budget des départements et restent libres d'emploi.
L'article 45 du présent projet de loi de finances pour 2022 prévoit d'unifier les modalités d'attribution de la deuxième part dite « de péréquation » sur celles de la première part dite « projets », afin que l'intégralité de l'enveloppe soit attribuée sur appel à projets par le préfet de région dans le but d'améliorer le ciblage de la dotation et son effet de levier sur les investissements structurants 15 ( * ) .
Les CP ouverts pour 2022 s'élèvent à 143,5 millions d'euros soit une diminution de 18,4 millions d'euros par rapport à la LFI 2021. Cette baisse est justifiée, par la DGCL, par la fusion des deux parts de la dotation. Les AE s'élèvent à 212 millions d'euros soit le même montant qu'en LFI 2021.
Par ailleurs, les crédits de l'action 3 sont majorés de 20 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP afin d'améliorer l'attractivité du département de la Seine-Saint-Denis et de renforcer la qualité de vie de ses habitants conformément à l'engagement pris par le Gouvernement en octobre 2019. Ces crédits supplémentaires seront attribués sous la forme d'une dotation pour soutenir des investissements portés par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
* 12 Le fonds européen de développement régional (FEDER) intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Il a pour vocation de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions. En France, pour la période 2014-2020, le FEDER représente 8,4 milliards d'euros consacrés à l'objectif « investissement pour la croissance et l'emploi », en vue de consolider le marché du travail et les économies régionales. Il faut ajouter à cela 1,1 milliard d'euros sont consacrés à l'objectif « coopération territoriale européenne », qui vise à soutenir la cohésion dans l'Union européenne grâce à la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.
* 13 Lors de la première Conférence nationale des territoires en juillet 2017, le Président de la République avait exprimé la nécessité de lancer un programme de grande ampleur pour le développement des villes moyennes. Le Programme Action Coeur de Ville a été annoncé par le Premier ministre en décembre 2017 et a été lancé en avril 2018 après sélection de 222 villes éligibles. Il vise à accompagner les villes moyennes notamment afin de rénover l'habitat, favoriser le retour des commerces et services, améliorer l'accessibilité et la mobilité ou encore valoriser les espaces urbains. Le programme s'attache aussi à favoriser l'innovation et les démarches smart city (villes intelligentes). Le 8 juillet, le premier ministre a annoncé la prolongation jusqu'en 2026 du programme Action Coeur de ville qui devait prendre fin en 2022, pour permettre aux équipes élues l'année dernière de porter les projets jusqu'à la fin de la mandature.
* 14 Loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018.
* 15 Cf. commentaire de l'article 45.