B. LA PROPOSITION DE LOI : UNE OBLIGATION VACCINALE MÉNAGEANT AU POUVOIR RÈGLEMENTAIRE DE LA SOUPLESSE POUR SA MISE EN oeUVRE
L' article unique de la proposition de loi complète la liste des vaccinations obligatoires en population générale, inscrite à l'article L. 3111-2 du code de la santé publique, par une douzième valence vaccinale, contre l'infection par le SARS-CoV-2. Pour rappel, les obligations vaccinales prévues par le code de la santé publique peuvent être suspendues par décret 39 ( * ) , pour tout ou partie de la population, afin de tenir compte de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques 40 ( * ) .
L'impact positif de l'extension des obligations
vaccinales
pour les enfants en 2018
Dès la première année de sa mise en oeuvre, le passage, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, de trois à onze vaccins obligatoires chez les enfants a fait sensiblement progresser les taux de couverture vaccinale contre les pathologies concernées. Selon un bulletin de Santé publique France d'avril 2019, quinze mois après l'entrée en vigueur de cette extension, le taux de vaccination des nourrissons contre l'hépatite B a progressé de cinq points de plus par rapport à 2017, si bien que l'agence estime que « les niveaux très élevés de couverture vaccinale du nourrisson permettent d'envisager à terme l'élimination de l'hépatite B. » L'augmentation de la vaccination contre le méningocoque C avait été encore plus spectaculaire, pour concerner plus de 75 % des enfants, contre 39 % l'année précédente.
Pour la première dose de vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), le gain de couverture observé sur la période a été de 2,2 points. Dans le bulletin précité, Santé publique France fait état d'une « majorité de parents favorables aux obligations vaccinales », d'une « progression positive des opinions des jeunes parents sur la vaccination et ses bénéfices » et d'une « forte adhésion des professionnels de santé à la vaccination et aux nouvelles vaccinations obligatoires ». Cette dynamique s'est confirmée les années suivantes. Le 24 novembre 2020, Santé publique France a annoncé que, pour les enfants soumis à l'obligation vaccinale nés après le 1 er janvier 2018, l'objectif de 95 % pour la première dose du vaccin ROR était presque atteint, bien que la couverture pour la deuxième dose reste encore bien en-deçà de cet objectif.
Source : Santé publique France, « Vaccination », Bulletin de santé publique , avril 2019 ; communiqué de presse de Santé publique France du 24 novembre 2020 intitulé « Vaccination : les enfants et professionnels de santé sont-ils bien vaccinés ? »
Le droit en vigueur prévoit déjà que les vaccinations listées à l'article L. 3111-2 du code de la santé publique sont obligatoires « dans des conditions d'âge déterminées par décret en Conseil d'État , pris après avis de la Haute Autorité de santé ». À l'heure actuelle, les onze vaccins obligatoires 41 ( * ) doivent être pratiqués dans les 18 premiers mois de l'enfant 42 ( * ) selon les âges fixés par le calendrier des vaccinations arrêté par le ministre chargé de la santé. Le seul moyen prévu par la loi pour garantir leur effectivité est le conditionnement de l'accès des enfants aux structures d'accueil collectif (école, garderie, colonie de vacances ou autres collectivités d'enfants) à la présentation d'une preuve de vaccination 43 ( * ) .
Il reviendra ainsi au Gouvernement de déterminer par voie règlementaire, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), les conditions d'âge pour lesquelles la vaccination contre la covid-19 aura un caractère obligatoire .
Ces critères sont, par exemple, susceptibles d'évoluer en fonction des données scientifiques sur le bénéfice et l'innocuité du vaccin chez les mineurs de moins de 12 ans.
La question de l'extension de la vaccination aux mineurs de moins de 12 ans
L'extension à cette population de l'éligibilité à la vaccination est subordonnée à la mise en évidence des bénéfices individuel et collectif de leur vaccination. Si le bénéfice collectif est aisément identifiable - la vaccination contribue à ralentir la circulation du virus au sein de cette tranche d'âge et donc à réduire le risque de sa propagation à d'autres personnes non immunisées -, la détermination du bénéfice individuel y est autrement plus exigeante qu'en population adulte. Compte tenu du faible risque pour les enfants de développer une forme grave de la covid-19 44 ( * ) , doit ainsi être démontrée une innocuité quasi totale du vaccin, des effets indésirables graves, même peu nombreux, étant difficilement acceptables pour ce public. À ce stade, les laboratoires Pfizer et BioNTech ont annoncé leur intention de déposer fin septembre auprès de la « Food and Drug Administration » (FDA) américaine un dossier d'autorisation du recours à la vaccination chez les moins de 12 ans, après avoir publié les résultats d'une étude conduite auprès de 2 268 enfants.
De même, il reviendra au Gouvernement de déterminer par décret les contours du schéma vaccinal complet permettant de satisfaire à l'obligation vaccinale . À l'heure actuelle, bien que l'administration d'une troisième dose ait débuté à la fin du mois d'août chez les personnes de plus de 65 ans et les personnes sévèrement immunodéprimées ou présentant des comorbidités 45 ( * ) , un justificatif vaccinal d'une dose pour le vaccin Janssen et de deux doses pour les autres vaccins reste suffisant pour disposer d'un passe sanitaire valide 46 ( * ) . En fonction de l'évolution des connaissances sur la durée de l'immunité conférée par la vaccination, se posera la question de l'intégration d'un rappel vaccinal dans les caractéristiques du schéma vaccinal complet.
Le 4 octobre 2021, l'agence européenne du médicament a recommandé l'administration d'une dose de rappel des vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna au moins six mois après la deuxième dose pour les personnes âgées de plus de 18 ans. Le 6 octobre 2021 47 ( * ) , la HAS a ainsi recommandé l'élargissement du rappel vaccinal à l'ensemble des professionnels appelés à prendre en charge des personnes vulnérables, à savoir les soignants, les professionnels du transport sanitaire et les professionnels du secteur médicosocial. S'agissant de l'impact d'une dose de rappel sur la protection contre le virus et sa transmission, la HAS rappelle que les données d'efficacité collectées en vie réelle concernant l'administration d'une troisième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech « montrent notamment des cas d'infections 11,3 fois moins élevés et des cas de formes graves 19,5 fois moins élevés parmi les personnes ayant eu une dose de rappel que chez celles n'en ayant pas bénéficié. »
En outre, le débat sur cette proposition de loi est l'occasion de discuter des options permettant de garantir l'effectivité de l'obligation vaccinale . Une sanction administrative ou pénale 48 ( * ) - le rapporteur propose, à cet égard, une amende forfaitaire, majorée en cas de récidive - ainsi que la mise en place d'un passeport vaccinal pour accéder à certains lieux pourraient, selon le rapporteur, constituer les solutions les plus opérationnelles en mettant l'ensemble de nos concitoyens sur un pied d'égalité.
En conclusion, il ressort des éléments qui précèdent que la vaccination universelle obligatoire reste la seule solution acceptable et opérationnelle, en complément des actions d'« aller-vers », pour garantir une couverture vaccinale suffisamment élevée pour transformer l'épidémie en un « bruit de fond » maîtrisé sur le plan sanitaire . Elle présente, en outre, l'avantage de poser une règle claire et simple applicable à tous , par opposition à un passe sanitaire qui soulève d'importantes difficultés d'application, aggrave les inégalités sociales et territoriales et dont la prolongation jusqu'à l'été 2022 est envisagée par le Gouvernement. La transformation du passe sanitaire en un passeport vaccinal achèverait ainsi de rassembler l'ensemble de nos concitoyens dans un effort collectif pour vaincre cette épidémie et tourner la page d'une crise sanitaire qui n'a que trop duré .
Toutefois, attachée à la poursuite d'une stratégie de conviction pour inciter à se faire vacciner ceux de nos concitoyens qui hésitent encore à franchir le pas de la vaccination, la commission a appelé à renforcer les actions d'« aller-vers » et l'accès à la vaccination des personnes les plus éloignées du système de santé.
En conséquence, la commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi.
En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.
* 39 Le décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 a ainsi suspendu l'obligation vaccinale contre la grippe des professionnels des établissements de santé et des Ehpad.
* 40 Article L. 3111-1 du même code.
* 41 Antidiphtérique ; antitétanique ; antipoliomyélitique ; contre la coqueluche ; contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b ; contre le virus de l'hépatite B ; contre les infections invasives à pneumocoque ; contre le méningocoque de sérogroupe C ; contre la rougeole ; contre les oreillons ; contre la rubéole.
* 42 Article R. 3111-2 du code de la santé publique.
* 43 II de l'article L. 3111-2 du code de la santé publique.
* 44 Selon la base Géodes de Santé publique France, au 29 septembre 2021, seulement six décès ont été recensés chez des enfants de 0 à 9 ans. Selon des informations rapportées par la HAS, « Santé publique France a identifié, à ce jour, 10 décès d'enfants considérés comme imputables à la covid-19 et 4 dont l'imputabilité a été considérée comme possible par le clinicien » (Haute Autorité de santé, « Stratégie de vaccination contre la covid-19 - Place du vaccin à ARNm Spike-vax® de Moderna chez les 12 à 17 ans », recommandation vaccinale, 27 juillet 2021.
* 45 Sur la base de l'avis n° 2021.0061/AC/SEESP du 23 août 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la définition des populations à cibler par la campagne de rappel vaccinal chez les personnes ayant eu une primovaccination complète contre la covid-19.
* 46 Les caractéristiques du justificatif de statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet, précisées à l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, n'ont en effet pas été modifiées à l'occasion du lancement du rappel vaccinal.
* 47 Communiqué de presse de la Haute Autorité de santé du 6 octobre 2021, « Covid-19 : la HAS élargit le périmètre de la dose de rappel ».
* 48 La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale a supprimé la sanction pénale générale dont pouvaient faire l'objet les titulaires de l'autorité parentale en cas de violation des obligations vaccinales au titre de la protection de l'enfance, autrefois prévue à l'article L. 3116-6 du code de la santé publique.