EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Généralisation des contrats écrits
et pluriannuels de vente de produits agricoles et révision automatique
des prix
Cet article inverse la logique à l'oeuvre en matière de vente de produits agricoles en faisant de la contractualisation écrite la règle, sauf dérogations définies par le pouvoir réglementaire ou par accord interprofessionnel étendu. Ce faisant, cet article entend faciliter la construction du prix « en marche avant » en permettant une plus grande prise en compte de différents indicateurs de référence (coût de production, prix de marché, origine, qualité, etc.), supposés permettre l'atteinte d'une plus juste rémunération du producteur.
La commission souscrit à l'esprit général de cet article 1 er , en dépit de quelques réserves liées à sa bonne application sur le terrain, et a adopté, outre quatre amendements rédactionnels et de coordination juridique, trois amendements de la rapporteure afin d'introduire la possibilité que certains producteurs agricoles soient exonérés de son application lorsque leur chiffre d'affaire est inférieur à un seuil, de mieux encadrer les possibilités de dérogation à la contractualisation écrite et de préciser les modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration et la publication des indicateurs de référence.
I. La situation actuelle - Une contractualisation facultative en agriculture, renforcée par la loi « Egalim » en 2018 pour favoriser la construction du prix « en cascade », et rendue obligatoire dans deux filières
La contractualisation dans le secteur primaire, c'est-à-dire la conclusion de contrats écrits pluriannuels entre un producteur de produits agricoles et un premier acheteur (industriel, organisme stockeur, etc.) comprenant diverses clauses liées par exemple au prix ou aux quantités livrées, est supposée offrir une visibilité utile aux deux parties au contrat, en sécurisant les débouchés (pour l'agriculteur) et l'approvisionnement (pour l'acheteur). En matière agricole, cette contractualisation est particulièrement utile dans un contexte caractérisé par une forte fluctuation des marchés mondiaux et une variabilité importante des prix qui en résultent.
En cela, elle s'oppose aux autres procédés de vente comme l'accord verbal (gré à gré), qui, s'ils apportent une certaine souplesse dans les relations commerciales, ne permettent pas de sécuriser la production et la rémunération de l'agriculteur et freinent la planification des investissements nécessaires à la pérennité de son exploitation.
a) La contractualisation écrite est facultative mais doit respecter un ensemble précis de dispositions destinées à rééquilibrer la relation entre l'agriculteur et son premier acheteur
La contractualisation écrite dans le secteur agricole est aujourd'hui facultative, conformément aux dispositions de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Si la contractualisation écrite est globalement peu développée dans les filières viande bovines 4 ( * ) , ovines et caprines, elle l'est bien davantage dans les filières volailles, oeufs et lapin, pommes de terre industrielles et légumes transformés. Dans la filière chanvre, elle conditionne l'accès à certaines aides de la politique agricole commune.
Dans l'hypothèse où un contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu, ce même article L. 631-24 précise les conditions qu'il doit alors remplir.
La conclusion d'un contrat de vente écrit doit tout d'abord être précédée d'une proposition du producteur agricole, sauf si ce dernier exige qu'elle soit d'abord formulée par l'acheteur (et sous réserve que la contractualisation n'ait pas été rendue obligatoire, auquel cas cette exception disparaît, cf. infra ). Il est à noter que cette disposition date de la loi Egalim 5 ( * ) de 2018, qui a inversé le mécanisme existant jusqu'alors afin de donner l'initiative de la proposition à l'agriculteur plutôt qu'à l'acheteur et de favoriser la construction du prix « en marche avant », supposée plus protectrice de sa rémunération.
Par ailleurs, lorsque l'agriculteur est membre d'une organisation de producteur (OP) ou que celle-ci est membre d'une association d'organisations de producteurs (AOP), la conclusion d'un contrat écrit par l'agriculteur est subordonnée au respect des stipulations de l'accord-cadre écrit avec l'acheteur par l'OP ou l'OAP. Au total, 586 OP et 32 AOP sont reconnues au 7 juillet 2021.
Dans tous les cas, la proposition de contrat ou d'accord-cadre est alors le socle unique de la négociation commerciale, c'est-à-dire qu'elle devra obligatoirement porter sur des éléments prévus dans la proposition de contrat.
Le III de l'article L. 631-24 du CRPM liste par ailleurs les clauses devant obligatoirement figurer dans la proposition de contrat ou d'accord-cadre. Celles-ci ont trait :
• au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix. Dans ce cas, ces critères doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l'acheteur et à l'évolution de ces prix ainsi qu'un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits ou au respect d'un cahier des charges ;
Les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture
Trois types d'indicateurs de référence doivent être pris en compte dans les critères et modalités de détermination et de révision du prix du contrat :
- les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, comme par exemple l'indice IPAMPA dans la filière du lait de vache (indice de prix d'achat des moyens de production agricoles, c'est-à-dire l'évolution du prix du panier de charges spécifique à la production laitière), le coût matière première, la marge brute industrie, la marge brute détail grandes et moyennes surfaces commerciales (tous trois calculés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges) 6 ( * ) ;
- les indicateurs relatifs aux prix de marché des produits agricoles et alimentaires, comme par exemple les prix mensuels pour le lait de vache (recensés par FranceAgriMer), le prix export, le prix consommateur ;
- les indicateurs « autres », relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits, comme par exemple l'indice de volume fabrications, l'indice du volume export, l'indice du volume GMS.
Ces différents types d'indicateurs sont diversement combinés. En viande bovine label rouge, par exemple, le formule de prix repose souvent à 80 % sur le coût de production d'une vache conventionnelle et à 20 % sur le prix de marché (cotation) auquel sont ajoutés 22 centimes d'euros pour le surcoût « label rouge ».
Ces indicateurs de référence sont généralement élaborés et diffusés par les interprofessions 7 ( * ) , mais le choix des indicateurs utilisés relève in fine des parties concernées qui ne sont pas tenues d'utiliser ceux élaborés et/ou publiés par les interprofessions.
• à la quantité, à l'origine et à la qualité des produits concernés qui peuvent ou doivent être livrés ;
• aux modalités de collecte ou de livraison des produits ;
• aux modalités relatives aux procédures et délais de paiement ;
• à la durée du contrat ou de l'accord-cadre ;
• aux règles applicables en cas de force majeure ;
• au délai de préavis et à l'indemnité éventuellement applicables dans les différents cas de résiliation du contrat.
Dans le cas d'un accord-cadre, outre ces critères, la proposition doit également préciser la quantité totale, l'origine et la qualité des produits agricoles à livrer, la répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l'OP ou de l'AOP, les modalités de gestion des écarts entre le volume ou la quantité à livrer et le volume ou la quantité effectivement livrés, et d'autres dispositions relatives à la transparence et aux relations entre l'acheteur et l'OP ou l'AOP.
En application de l'article L. 441-8 du code de commerce, ces contrats doivent également comporter une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse. Cette clause est toutefois, dans les faits, peu activée. D'une part, il n'existe aucune obligation de résultat quant à l'issue de la renégociation ; d'autre part, une telle démarche s'avère longue et complexe, dans un secteur où le prix des matières premières et ceux de l'énergie fluctuent régulièrement et impactent fréquemment les coûts de production.
Les dispositions relatives à la contractualisation écrite antérieures à la loi Egalim de 2018
L'article L. 631-24 du CRPM, qui représente l'essentiel du régime de contractualisation écrite en agriculture, a été créé par l'article 12 de la loi de 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche 8 ( * ) , puis modifié à plusieurs reprises depuis, une fois en 2012 9 ( * ) , deux fois en 2014 10 ( * ) , une fois en 2015 11 ( * ) , une fois en 2017 12 ( * ) puis par l'article 1 er de loi Egalim de 2018, dont les dispositions sont entrées en vigueur au 1 er février 2019.
Avant cette loi, lorsque la cession des produits agricoles était subordonnée à la proposition de contrats écrits, cette dernière devait émaner de l'acheteur en direction du producteur, plaçant potentiellement l'agriculteur dans la situation de devoir choisir entre accepter les termes définis par l'acheteur ou renoncer à la vente, compte tenu du rapport de force qui lui est souvent défavorable.
Par ailleurs, les critères de détermination du prix mentionnés dans le contrat ou dans la proposition de contrat devaient simplement « faire référence à un ou plusieurs indices publics de coût de production en agriculture qui reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires ». Ces indices pouvaient alors être définis par toute structure leur conférant un caractère public, et pouvaient être régionaux, nationaux ou européens.
Il était également prévu que les contrats fassent référence à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l'acheteur, ce dernier devant alors les communiquer aux producteurs sur une base mensuelle.
b) La contractualisation écrite a été rendue obligatoire dans un nombre restreint de filières
Aux termes de l'article L. 631-24-2 du CRPM, la conclusion de contrats de vente et accords-cadres écrits peut être rendue obligatoire par extension d'un accord interprofessionnel ou, en l'absence d'accord étendu, par un décret en Conseil d'État. Ce dernier précise alors les produits ou catégories de produits concernés en priorisant les produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine.
La contractualisation écrite pluriannuelle a ainsi été rendue obligatoire dans le secteur du lait de vache depuis 2011 13 ( * ) et dans le segment « label rouge » de la viande bovine 14 ( * ) . Elle le deviendra également dans le secteur du lait cru de chèvre le 1 er janvier 2022 15 ( * ) , par extension d'un accord interprofessionnel conclu en mars de la même année.
Par ailleurs, elle n'est plus obligatoire dans la filière fruits et légumes frais depuis 2019 16 ( * ) , les acteurs ayant estimé qu'une telle obligation ne permettait pas de prendre en compte les caractéristiques spécifiques de ce secteur 17 ( * ) .
Des travaux sont, enfin, en cours pour rendre obligatoire la contractualisation écrite pluriannuelle dans le secteur du lait de brebis (par décret).
L'accord interprofessionnel ou le décret peuvent par ailleurs définir un seuil de chiffre d'affaires en-dessous duquel l'obligation de contractualisation ne s'applique pas. Dans les faits, le seuil retenu est fixé à 700 000 euros annuels pour la filière lait de vache (aucun seuil n'a été fixé pour la filière viande bovine sous label rouge) et la filière lait de chèvre cru, et devrait être situé au même niveau pour la filière lait de brebis.
L'article précise également que lorsque le contrat ou l'accord-cadre ne comporte pas de prix déterminé, l'acheteur communique au producteur et à l'OP ou à l'AOP, avant le premier jour de la livraison, le prix qui sera payé.
Lorsque la contractualisation a été rendue obligatoire, la durée minimale du contrat de vente, déterminée par le décret ou l'accord interprofessionnel, ne peut dépasser cinq ans 18 ( * ) . Dans l'hypothèse où il s'agit d'une nouvelle production, engagée depuis moins de cinq ans, le décret et l'accord peuvent prévoir que la durée minimale du contrat est majorée de deux ans. En outre, un tel contrat ne peut alors être résilié par l'acheteur avant le terme de la période minimale (sauf inexécution ou cas de force majeure).
II. Le dispositif envisagé - L'obligation de la contractualisation écrite en agriculture et le renforcement du contenu des contrats par une clause de révision automatique des prix
L'article 1 er de la présente proposition de loi inverse la logique à l'oeuvre en matière de contractualisation écrite, en rendant obligatoire le fait de conclure des contrats écrits de vente et dérogatoire le fait de ne pas le faire. Son ambition est de faciliter et de favoriser la construction du prix « en cascade », plus protecteur de la rémunération de l'agriculteur, qu'il entend réaliser d'une part par ce mécanisme et d'autre part en renforçant la prise en compte, dans la détermination du prix, des coûts de production supportés par le producteur et de l'évolution du prix des matières premières agricoles.
Il prévoit tout d'abord que « tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite » et est régi par les dispositions de l'article L. 631-24, que cet article 1 er modifie par ailleurs.
Il reprend les dispositions en vigueur visant à exclure de cet article L. 631-24 les ventes directes aux consommateurs, les cessions réalisées au bénéfice d'organisations caritatives et les cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d'intérêt national définis à l'article L. 761-1 du code de commerce ou sur d'autres marchés physiques de gros de produits agricoles.
Il maintient également la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer un seuil de chiffre d'affaires en-dessous duquel les entreprises ne sont pas concernées par les dispositions de cet article.
Toujours dans l'objectif de « sanctuariser » les coûts de production supportés par l'agriculteur, cet article 1 er étoffe le contenu de la clause du contrat écrit relative au prix et aux critères et modalités de détermination de ce prix. Cette clause devra en effet désormais comporter, outre les éléments aujourd'hui en vigueur, des éléments relatifs « aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties ».
Cet article modifie également la durée des contrats de vente et accords-cadres, en leur fixant un plancher de trois ans (le droit en vigueur fixe, à l'inverse, un plafond à la durée minimale du contrat, qui ne peut dépasser cinq ans sauf exception). Par extension d'un accord interprofessionnel, la durée minimale des contrats pourra être augmentée à cinq ans 19 ( * ) . Elle pourra par ailleurs être augmentée de deux ans si le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans, sans qu'il ne soit précisé si ces deux années supplémentaires s'ajoutent au plancher de trois ans ou à celui de cinq ans suite à un accord interprofessionnel étendu (auquel cas, la durée minimale serait de sept ans pour un producteur nouvellement engagé).
De la même façon, cet article 1 er reprend les dispositions aujourd'hui en vigueur à l'article L. 631-24-2 du CRPM relatives à la résiliation par l'acheteur d'un contrat le liant à un « nouveau » producteur et à la cession par le producteur d'un contrat à un producteur engagé depuis moins de cinq ans dans la production. Il maintient également l'exclusion des dispositions de durée des produits soumis à accises ainsi que les raisins, moûts et vins dont ils résultent.
Par ailleurs, la proposition de loi réécrit l'article L. 631-24-2 du CRPM, pour tenir compte de l'inversion du mécanisme. Alors que cet article était consacré à la possibilité de rendre obligatoire ce qui relevait jusqu'alors de la faculté, il regroupera désormais les dispositions qui autorisent un contrat de vente ou un accord-cadre à ne pas être conclu sous forme écrite. Cette option sera activable par extension d'un accord interprofessionnel ou, en l'absence d'accord étendu, en vertu d'un décret en Conseil d'État. Par parallélisme, si un contrat est tout de même conclu sous forme écrite dans une filière pour laquelle la contractualisation a été rendue facultative, ce contrat sera régi par l'article L. 631-24, sauf pour ce qui concerne la durée.
Pour les produits ou catégories de produits agricoles pour lesquels il n'existe pas d'interprofession représentative, la demande de dérogation, motivée et accompagnée de toutes données utiles à l'appréciation de sa pertinence, peut être formulée par une organisation professionnelle représentant des producteurs.
Enfin, cet article 1 er reprend les dispositions permettant à un producteur, dans le cas où la conclusion d'un contrat écrit a été rendue facultative, d'exiger tout de même d'un acheteur une offre de contrat écrit.
En résumé, cet article inverse ce qui relève de la règle et de l'exception en matière de contractualisation écrite, modifie la durée minimale des contrats et ajoute une clause de révision automatique des prix.
III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, plusieurs amendements identiques ont été adoptés prévoyant que la clause du contrat écrit relative aux critères et modalités de détermination du prix devra faire figurer la pondération des différents indicateurs retenus dans son élaboration. Un autre amendement a été adopté prévoyant que la clause relative à la quantité des produits devant être livrés s'appliquera à la totalité desdites quantités.
Un amendement a également été adopté autorisant le pouvoir réglementaire, en l'absence d'un accord interprofessionnel étendu, à augmenter la durée minimale des contrats de vente et accords-cadres de trois à cinq ans.
Par ailleurs, un amendement a été adopté afin de préciser que les critères et modalités de détermination et de révision du prix sont définis en prenant pour socles les indicateurs (de coût de production, de prix de marché, d'origine, etc.), et non plus seulement en « prenant en compte » ces derniers.
Les députés ont également adopté un amendement prévoyant une publication des indicateurs de référence, et non plus une diffusion, par les organisations interprofessionnelles.
Trois amendements ont été adoptés afin d'inscrire à l'article L. 631-24 du CRPM que les contrats, accords-cadres et propositions de contrat et d'accord-cadre ne peuvent pas comporter de clauses ayant pour effet une modification automatique du prix liée à l'environnement concurrentiel. Il s'agit d'interdire les clauses qui auraient pour effet de modifier le prix ou la formule de prix convenue en fonction d'un autre contrat qui serait conclu par ailleurs entre l'acheteur et un autre fournisseur (par exemple lorsque le prix inscrit dans le contrat entre le producteur X et l'acheteur Y peut être revu à la baisse automatiquement car l'acheteur Y a conclu par la suite pour une même production un autre contrat avec le producteur Z qui prévoit un prix plus bas).
Une telle pratique pourrait en effet être considérée comme privant d'effet la prise en compte des indicateurs mentionnés pour la révision ou la détermination du prix du contrat puisque le prix effectivement payé ne résulterait plus de cette prise en compte.
Enfin, quatorze amendements ont été adoptés afin d'étendre le régime de sanctions prévu à l'article L. 631-25 du CRPM aux manquements à cette interdiction.
En séance, outre deux amendements rédactionnels, les députés ont adopté :
• un amendement interdisant l'application de pénalités au producteur ne respectant pas les volumes prévus au contrat en cas de survenue d'un aléa climatique exceptionnel. Lesdits aléas font en fait référence aux calamités agricoles, définies à l'article L. 361-5 du CRPM ;
• deux amendements qui renforcent la prise en compte des indicateurs de référence dans les critères de détermination du prix, en reformulant l'avant-dernier alinéa du III de l'article L. 631-24 et en prévoyant une forme de double-étage. Premièrement, la proposition de contrat constitue le socle de la négociation entre les parties et elle prend en compte des indicateurs relatifs aux coûts de production et à leur évolution. Deuxièmement, les parties définissent librement ces critères et modalités de révision et de détermination du prix et y intègrent, outre ces indicateurs issus du socle de la négociation, les autres indicateurs (prix de marché, qualité, origine, etc.) ;
• un amendement qui prévoit que si les organisations interprofessionnelles n'ont pas élaboré et publié d'indicateur de référence, les instituts techniques agricoles soient compétents en la matière ;
• un amendement qui prévoit que si un contrat écrit conclu dans une filière où la contractualisation a été rendue facultative prévoit une durée inférieure à trois ans, il peut ne pas comporter de clause de révision automatique du prix.
IV. La position de la commission - souscrire au principe de contractualisation écrite généralisée tout en encadrant davantage les possibilités de dérogation
La commission partage le constat que l'absence de contractualisation écrite nuit à la transparence des relations commerciales entre un producteur et son acheteur et à la possibilité d'élaborer des dispositifs permettant de tendre vers une meilleure rémunération de l'agriculteur. Elle souscrit par conséquent à l'objectif d'une généralisation de la contractualisation écrite obligatoire, sauf exception. La bonne prise en compte de différents indicateurs susceptibles de participer à l'atteinte d'une plus juste rémunération, au premier rang desquels les indicateurs de coût de production, dépend en effet de l'existence d'un tel document écrit, traçable et vérifiable.
La commission émet toutefois quelques réserves au sujet de deux risques principaux. D'une part, il conviendra de veiller que cette généralisation ne s'accompagne pas d'un alourdissement des tâches administratives pour l'agriculteur. En cela, le rôle des interprofessions et fédérations sera décisif, notamment pour accompagner et conseiller les producteurs agricoles et pour concevoir des modèles de contrats. D'autre part, le risque n'est pas nul qu'en dépit des bonnes intentions affichées par cet article 1 er , il conduise certains acheteurs à privilégier des produits agricoles importés, soumis à un nombre plus faible d'obligations légales.
Interrogées à ce sujet, plusieurs fédérations de producteurs ont néanmoins indiqué à la rapporteure que le risque restait faible compte tenu de l'importance croissante, aux yeux des consommateurs, que les produits agricoles soient d'origine française.
La commission, tout en validant donc le coeur de cet article 1 er , l'a complété en adoptant :
• un amendement COM-128 de la rapporteure qui précise que le décret pouvant fixer un seuil de chiffre d'affaires en dessous duquel l'article 1 er n'est pas applicable aux entreprises concerne tant les producteurs agricoles que les acheteurs ;
• un amendement COM-130 de la rapporteure et six amendements identiques COM-17 de Mme Noël, COM-24 de Mme Létard, COM-49 de M. de Nicolay, COM-73 de M. Menonville, COM-98 de Mme Delattre et COM-30 de Mme Billon de la rapporteure, qui encadrent la façon dont il est recouru aux instituts techniques agricoles pour suppléer les interprofessions dans l'élaboration et la publication des indicateurs de référence. L'institut pourra être sollicité, passé un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, par un membre d'une interprofession et disposera alors de deux mois pour se substituer à cette dernière ;
• un amendement COM-133 qui encadre les modalités d'édiction du décret autorisant une filière à ne pas contractualiser. Le décret devra désormais être pris après avis des organisations interprofessionnelles compétentes, ce dernier devant par ailleurs être rendu public. Il s'agit en effet d'associer plus étroitement les parties prenantes au choix, important, de permettre à certaines productions de déroger à la loi. Par ailleurs, cet amendement prévoit que l'accord interprofessionnel étendu (ou le décret) qui lève l'obligation de contractualisation peut également prévoir des conditions spécifiques d'application de la contractualisation adaptées à la taille des entreprises ;
• un amendement COM-129 de la rapporteure modifié par le sous-amendement COM-148 du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires visant à intégrer les crises sanitaires exceptionnelles (comme la peste porcine ou la grippe aviaire) parmi les situations dans lesquelles il ne peut être infligé de pénalités aux agriculteurs pour retard de livraison ;
• huit amendements COM-12 de M. Duffourg, COM-18 de Mme Noël, COM-25 de Mme Létard, COM-50 de M. de Nicolay, COM-67 de M. Canévet, COM-74 de M. Menonville, COM-99 de Mme Delattre et COM-121 de M. Labbé, qui précisent que toute imposition d'une renégociation automatique du prix du contrat en fonction de l'environnement concurrentiel est interdite ;
• un amendement rédactionnel COM-131 et deux amendements COM-132 et COM-134 de coordination juridique, à l'initiative de la rapporteure.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 1er
bis
Expérimentation d'un tunnel de prix dans les contrats
écrits de vente
de produits agricoles
Cet article vise à expérimenter, sur cinq ans maximum, la mise en place, au sein des contrats écrits de vente de produits agricoles, de bornes minimales et maximales entre lesquelles le prix de vente pourrait librement fluctuer, créant de ce fait un « tunnel de prix ». L'expérimentation devrait concerner prioritairement la filière bovine.
La commission, nonobstant quelques réserves quant au caractère facultatif de ce « tunnel de prix » et à sa capacité à satisfaire les deux parties, a souhaité que l'expérimentation, demandée par plusieurs acteurs agricoles, puisse avoir lieu et a adopté cet article après l'avoir modifié pour intégrer un dispositif de sanction applicable aux situations dans lesquelles une des deux parties manquerait à ses obligations et refuserait de mettre en place ce tunnel de prix alors que l'expérimentation est obligatoire dans sa filière.
I. La situation actuelle - Une prise en compte parcellaire de l'évolution des coûts de production des agriculteurs dans les contrats de vente de produits agricoles
Aux termes du 1° du III de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime 20 ( * ) , lorsqu'un contrat ou un accord-cadre écrit est envisagé pour la vente de produits agricoles, il doit comporter a minima un ensemble de clauses parmi lesquelles une clause relative « au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix ».
Si les critères et modalités de détermination du prix en question doivent prendre en compte un ensemble d'indicateurs (de coûts de production, de prix de marché, d'autres éléments, etc.), cet article reste silencieux quant au fonctionnement concret du volet « révision » de cette clause. Rien ne précise, en effet, qu'elle doit, elle aussi, s'appuyer sur les indicateurs de coûts de production supportés par l'agriculteur (évolution du prix des intrants, de l'énergie, du prix du matériel agricole, etc.).
Par ailleurs, l'article L. 441-8 du code de commerce, créé par la loi relative à la consommation de 2014 et modifié par ordonnance 21 ( * ) en 2019 sur le fondement de la loi Egalim, prévoit une clause de renégociation du prix de certains contrats de vente de produits agricoles 22 ( * ) « dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et, le cas échéant, des coûts de l'énergie ». Cette clause doit permettre de prendre en compte ces fluctuations, à la hausse comme à la baisse.
La clause doit préciser les conditions et seuils de déclenchement de la renégociation et prendre notamment en compte les indicateurs de l'article L. 631-24 du CRPM (coût de production, prix de marché, autres éléments). Une fois décidée, la renégociation doit avoir lieu de bonne foi, dans un délai maximal d'un mois, et elle doit tendre à « une répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations ». Elle doit notamment tenir compte de l'impact de ces fluctuations sur l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement.
Le fait de ne pas prévoir une telle clause est passible d'une amende administrative pouvant atteindre 375 000 euros pour une personne morale.
Si la renégociation du prix n'aboutit pas à un accord dans le délai imparti, les parties peuvent alors saisir le médiateur des relations commerciales agricoles 23 ( * ) . Sa saisine est par ailleurs un préalable obligatoire à toute saisine du juge en la matière.
L'efficacité de cette clause reste limitée. D'une part, elle n'emporte aucune obligation de résultat en matière de renégociation, si bien que la prise en compte des fluctuations du prix des matières premières agricoles ou de l'énergie ne peut être formellement garantie. Autrement dit, la persistance du rapport de force entre l'agriculteur et son acheteur, souvent défavorable au premier, peut avoir pour conséquence une prise en compte minime des fluctuations des coûts de production.
D'autre part, l'activation de la clause peut également entraîner la renégociation des autres critères et modalités de détermination du prix, au-delà de la simple prise en compte de l'évolution du prix des matières premières. Cette perspective peut représenter un frein à l'activation de cette clause, le producteur pouvant craindre qu'une telle renégociation « globale » lui soit défavorable.
Il en résulte, de la part des différents acteurs entendus par la rapporteure, une insuffisante prise en compte de l'évolution (surtout à la hausse) des coûts de production supportés par les agriculteurs, en dépit des efforts répétés du législateur de construire un tel mécanisme.
II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - La fixation, à titre expérimental, de bornes minimales et maximales entre lesquelles le prix du contrat pourra fluctuer pour tenir compte de l'évolution des coûts de production
En séance publique, les députés ont adopté sept amendements identiques visant à instaurer à titre expérimental un dispositif de « tunnel de prix » pour les contrats écrits de vente de produits agricoles.
Il est en effet prévu que dans la clause de prix des contrats 24 ( * ) , « les parties [pourront] convenir de bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix, intégrant notamment un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, [produiront] leurs effets ». Il s'agit donc d'un dispositif facultatif, et non obligatoire comme l'est la clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, du prix, créée par l'article 1 er de la proposition de loi.
Par ailleurs, l'article 1 er bis prévoit qu'un décret, de l'élaboration duquel les parties prenantes seront informées, définit, pour un ou plusieurs produits agricoles, les conditions d'une expérimentation de l'utilisation obligatoire d'un modèle de rédaction de ladite clause. Les premiers échanges à ce sujet semblent indiquer que la filière bovine serait prioritairement concernée par cette expérimentation.
Cette expérimentation, d'une durée maximale de cinq ans, a pour objectif d'évaluer les effets de l'utilisation de la clause de prix sur l'évolution dudit prix de vente des produits concernés et sur la concurrence.
L'article 1 er bis prévoit par ailleurs la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation six mois avant le terme de l'expérimentation.
III. La position de la commission - accepter le principe de l'expérimentation d'un « tunnel de prix »
La commission souscrit à l'objectif d'apporter une sécurisation supplémentaire, tant au producteur agricole qu'à son premier acheteur, en matière de fluctuation des prix.
Elle valide également le principe d'une expérimentation, qui devra notamment permettre de clarifier les suites à donner lors du franchissement éventuel, par le prix, des bornes minimales et maximales fixées.
Elle souligne toutefois que, au-delà du cas de la filière bovine qui expérimentera vraisemblablement en priorité ce nouveau dispositif, la possibilité d'introduire un « tunnel de prix » revêtira pour les acteurs un caractère facultatif (contrairement à la clause de révision automatique des prix, prévue à l'article 1 er ). Ce faisant, le risque existe que l'acheteur, souvent en position de force par rapport au producteur agricole, propose de fixer les bornes à un niveau asymétrique, de telle sorte par exemple que le prix puisse davantage diminuer qu'augmenter. Il n'est donc pas certain que le « tunnel de prix » soit, in fine , un dispositif consensuel susceptible de convenir aux deux parties. En cela, sa plus-value en termes de sécurisation des prix ne paraît pas évidente par rapport à la clause automatique de révision des prix prévue à l'article 1 er .
La commission a adopté trois amendements identiques COM-40 de M. Duplomb, COM-84 de M. Menonville et COM-107 de Mme Schillinger qui créent un dispositif de sanction applicable lorsqu'un vendeur ou un acheteur de produit agricole relevant d'une filière concernée par l'expérimentation manque à ses obligations et s'oppose à l'utilisation du tunnel de prix.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 1er
ter
Publication trimestrielle des indicateurs de référence
par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits
alimentaires
Cet article charge l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de publier, trimestriellement, une synthèse des indicateurs de référence choisis par les filières.
La commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que cette obligation ne s'appliquera qu'aux indicateurs de coût de production en agriculture, les plus utiles pour mesurer la construction « en marche avant » du prix des produits agricoles, et non aux deux autres catégories d'indicateurs (prix de marché et « autres »). Cet amendement précise également que seuls les indicateurs de coût de production rendus publics doivent faire l'objet de ladite publication.
I. La situation actuelle - Une diffusion des indicateurs de référence par les organisations interprofessionnelles
Aux termes de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, « dans le cadre de leurs missions [...], les organisations interprofessionnelles élaborent et diffusent des indicateurs, qui servent d'indicateurs de référence ». Elles peuvent, le cas échéant, s'appuyer sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) des produits alimentaires 25 ( * ) , placé auprès du ministre chargé de l'alimentation et de celui chargé de la consommation.
Sans que cela soit précisé spécifiquement, il ressort de la lecture du neuvième alinéa du III de l'article L. 631-24 que les indicateurs en question, dont l'élaboration et la diffusion incombe aux interprofessions, correspondent aux trois types d'indicateurs que les critères et modalités de détermination du prix, présents dans le contrat écrit de vente de produits agricoles, doivent prendre en compte : indicateurs de coûts de production, indicateurs de prix de marché, indicateurs « autres » (quantité, composition, qualité, origine, traçabilité des produits, etc.).
Dans les faits, lorsque de tels indicateurs ont été élaborés, ils sont généralement accessibles sur les sites internet des interprofessions. À titre d'exemple, l'interprofession du lait publie chaque mois sur son site 26 ( * ) un tableau de bord d'indicateurs, validés par la Commission européenne, parmi lesquels figure notamment un indicateur de marge laitière (« MILC ») ou un indicateur de prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA).
II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - une publication synthétique, trimestrielle, des indicateurs par l'Observatoire
En séance publique, les députés ont adopté un amendement créant cet article 1 er ter qui prévoit que l'OFPM publie, chaque trimestre, un support synthétique reprenant l'ensemble des indicateurs mentionnés au III de l'article L. 631-24 du CRPM, à l'article L. 631-24-1 et au II de l'article L. 631-24-3 du même code (indicateurs prévus dans le cadre de la relation entre une coopérative et ses membres).
Ce nouvel article entend tirer les conséquences de l'obligation de contractualisation écrite en matière de vente de produits agricoles, prévue à l'article 1 er , compte tenu de l'augmentation du nombre d'indicateurs publiés qui en est attendue.
Le secret des affaires impose que la publication de cette synthèse se borne aux indicateurs de référence, c'est-à-dire sans préciser dans quel contrat ils ont été utilisés, ni selon quelles modalités.
III. La position de la commission - rendre plus réaliste la portée de l'obligation pesant sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires
La commission souscrit à l'objectif d'une publication synthétique et régulière des indicateurs de référence, pour plus de transparence et de lisibilité.
Elle a toutefois circonscrit la portée de l'obligation aux seuls indicateurs de coût de production en adoptant un amendement COM-135 de la rapporteure, considérant que les autres indicateurs (prix de marché et « autres ») revêtent un caractère moins structurant en matière de rémunération des producteurs agricoles et qu'il ne paraissait dès lors pas nécessaire de mobiliser sur ce sujet les équipes, peu nombreuses, de l'Observatoire.
Par cet amendement, elle a également précisé que seuls les indicateurs rendus publics devaient faire l'objet de cette publication.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2
Transparence et non-négociabilité des
matières premières agricoles entrant dans la composition des
produits alimentaires
Cet article vise à accroître, entre fournisseurs et distributeurs, la transparence quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte lors des négociations commerciales.
Pour ce faire, il prévoit que le fournisseur affiche dans ses conditions générales de vente la part des matières premières agricoles dans le volume du produit alimentaire concerné ainsi que leur part dans son tarif fournisseur. Par dérogation, il pourra n'afficher que la part agrégée, ou ne rien afficher dans ses conditions générales de vente mais prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part liée aux matières premières agricoles.
Dans tous les cas, cet article instaure une interdiction que la négociation commerciale porte sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles. En cela, il entend « sanctuariser » cette part et la soustraire aux négociations souvent déflationnistes.
Par ailleurs, cet article 2 prévoit la signature, pour les produits alimentaires et à l'issue des négociations commerciales, d'une convention écrite qui retrace les obligations réciproques auxquelles le fournisseur et le distributeur se sont engagés. Cette convention devra également comporter une clause automatique de révision de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole.
Cet article raccourcit à deux mois au lieu de trois, enfin, la durée des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, pour la partie relative aux produits alimentaires.
La commission souscrit à l'objectif d'une plus grande transparence mais refuse de valider un dispositif octroyant à un cocontractant, en l'espèce le distributeur, une visibilité démesurément grande sur les marges de son cocontractant, le fournisseur. L'article 2, sans que son efficacité ne puisse être garantie, contraindrait en effet les fournisseurs à dévoiler leurs marges de façon disproportionnée, alors que le même but peut être poursuivi par des moyens plus respectueux du secret des affaires.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui réécrit globalement cet article 2 et qui prévoit :
- que le fournisseur ait le choix entre afficher dans ses CGV la part agrégée que représentent l'ensemble des matières premières agricoles dans son tarif ou ne rien afficher et mandater un tiers indépendant pour qu'il atteste, dans le cas d'une évolution tarifaire, de la part de cette évolution qui résulte de la fluctuation en amont du prix des matières premières agricoles. La négociation ne pourra, par ailleurs, pas porter sur la part agrégée des matières premières agricoles, ni sur la part de l'évolution tarifaire liée aux prix agricoles ;
- que la clause de révision automatique de la part du prix liée aux matières premières agricoles inclue obligatoirement les indicateurs liés aux coûts de production en agriculture ;
- que le distributeur doive motiver par écrit, lorsqu'il souhaite ouvrir à la négociation les conditions générales de vente réceptionnées, les raisons de son choix ;
- que la durée des négociations commerciales soit à nouveau portée à trois mois ;
- que le « ligne à ligne », prévu à l'article 2 bis A, soit directement intégré à cet article 2, tout en étant circonscrit aux seuls produits alimentaires ;
- qu'un décret pourra prévoir des conditions d'application spécifiques aux petites entreprises.
La commission a également adopté deux sous-amendements à l'amendement de la rapporteure qui suppriment l'obligation d'afficher sur la facture les indicateurs utilisés.
I. La situation actuelle - Une insuffisante prise en compte de la variation du prix des matières premières agricoles dans les négociations commerciales entre fournisseur et acheteur, qui se répercute sur le revenu des agriculteurs
La négociation commerciale formelle entre un fournisseur et un acheteur (généralement renommés « industriel » et « distributeur », sans que ces termes ne recouvrent l'intégralité des situations) est régie par les dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce, telles qu'elles résultent désormais de l'ordonnance du 24 avril 2019 27 ( * ) , et plus particulièrement par son chapitre 1 er28 ( * ) , relatif à la « transparence dans la relation commerciale ».
Elle repose sur l'articulation de deux documents écrits, l'un transmis par le fournisseur à l'acheteur en amont de la période de négociation, l'autre élaboré à l'issue du cycle de négociation.
En amont de la négociation, les fournisseurs envoient leurs conditions générales de vente (CGV) aux acheteurs 29 ( * ) , qui comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. Pour les produits de grande consommation (PGC 30 ( * ) ), ces CGV doivent être communiquées au distributeur au plus tard trois mois avant le 1 er mars 31 ( * ) .
Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale. Ce sont donc ces tarifs proposés chaque année par les industriels qui font l'objet des négociations avec la grande distribution, jusque fin février de chaque année, en vue de la vente de ces produits aux consommateurs.
Dans les faits, selon une logique classique de négociation désormais bien documentée, l'acheteur demande généralement dès le début de la négociation une diminution brute du tarif fournisseur, arguant de la nécessité de rester compétitif vis-à-vis de ses concurrents, la négociation s'entamant ensuite sur cette nouvelle base. Au total, les produits alimentaires sont ainsi frappés de déflation continue depuis 2013, en dépit du discours officiel tenu par le Gouvernement sur les vertus de la loi Egalim. La création de l'Observatoire de la formation des prix et des marges via cette même loi a d'ailleurs permis d'attester officiellement cette diminution constante et sa persistance post-Egalim, conformément aux prédictions et mises en garde que le Sénat formulait durant l'examen de ladite loi.
Le deuxième document écrit intervient à l'issue de la négociation et avant le 1 er mars, fournisseur et distributeur devant conclure une convention écrite 32 ( * ) qui mentionne les obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés. Elle fixe un certain nombre d'obligations comme :
• les conditions de l'opération de vente des produits et services (réduction de prix, par exemple) ;
• les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits et services, que le distributeur rend au fournisseur (rayonnage, placement en tête de gondole, inscription dans le catalogue de Noël, etc.) en précisant l'objet, la date, les modalités d'exécution et, notamment, la rémunération globale afférente à l'ensemble de ces obligations. Ce sont ces services de coopération commerciale qui sont par ailleurs utilisés par le distributeur pour justifier une baisse du tarif fournisseur ;
• les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.
Lorsqu'elle porte sur des PGC, la convention écrite comporte alors un certain nombre d'éléments supplémentaires :
• elle mentionne le barème des prix unitaires tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses CGV ;
• elle fixe le chiffre d'affaires prévisionnel, qui constitue avec les différentes obligations susmentionnées (services de coopération commerciale, etc.) le plan d'affaires de la relation commerciale ;
Tout manquement à ces dispositions est passible d'une amende administrative pouvant atteindre 375 000 euros pour une personne morale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les contrats de marque de distributeur (MDD) dans le domaine alimentaire, l'encadrement de la relation commerciale est assez ténu, le contrat conclu entre le distributeur et le fournisseur devant simplement mentionner le prix et les critères et modalités de détermination du prix d'achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires 33 ( * ) .
Si la construction du prix « en cascade », supposée sécuriser la rémunération des agriculteurs, implique la possibilité de répercuter en aval les fluctuations du prix des matières premières agricoles supportées par les industriels, force est de constater que de tels mécanismes restent donc assez peu développés dans le droit en vigueur. Les éléments s'en rapprochant sont :
• le fait que pour les produits agricoles ou alimentaires, lorsque les indicateurs de coût de production, de prix de marché, etc., existent, il doit y être fait référence au sein des CGV et des différentes conventions et les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix doivent y être explicitées 34 ( * ) . Ce dispositif, à la formulation vague, est aujourd'hui insuffisant à deux titres. D'une part, dans les faits, la plupart des fournisseurs n'indiquent pas le pourcentage de prise en compte de l'indicateur dans le calcul du prix pour éviter de dévoiler la construction de leur tarif, n'y étant pas obligés par la loi, et se contentent donc, souvent, de simplement mentionner les indicateurs dans leurs CGV et contrats 35 ( * ) . D'autre part, il leur est uniquement imposé de mentionner les indicateurs de référence, sans qu'il s'agisse nécessairement des indicateurs utilisés dans le contrat de vente amont ;
• le fait qu'aux termes de l'article L. 631-24-1 du CRPM, « lorsque l'acheteur revend des produits agricoles ou des produits alimentaires [...], le contrat de vente prend en compte les indicateurs figurant dans le contrat d'achat conclu pour l'acquisition de ces produits » ;
• lorsque la convention est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, le fait qu'elle fixe les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d'un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l'évolution du prix des facteurs de production ; mais il ne s'agit que d'une faculté 36 ( * ) ;
• la clause de renégociation du prix en cas de fluctuation du prix des matières premières agricoles et alimentaires ou de l'énergie, prévue à l'article L. 441-8 du code de commerce ( cf. commentaire de l'article 1 er bis ). Cette clause est néanmoins rarement activée, compte tenu notamment du fait qu'elle permet de renégocier l'ensemble des critères de détermination du prix, et non uniquement « d'acter » la hausse du prix des matières premières et leur prise en compte dans un nouveau tarif.
II. Le dispositif envisagé - Une sanctuarisation et une transparence de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur, supposées les soustraire à la négociation commerciale et préserver ainsi la rémunération de l'agriculteur
L'article 2 de la proposition de loi prévoit de créer un nouvel article L. 441-1-1 au sein du code de commerce afin de compléter le contenu des CGV relatives aux produits alimentaires, qui mentionneraient désormais :
• les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit, ou dans celle des produits entrant dans la composition de ce produit ;
• le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d'achat de ces matières premières agricoles ;
• et les modalités de prise en compte de ce prix d'achat dans l'élaboration du tarif proposé.
Par ailleurs, le prix d'achat de la matière première agricole serait présenté de manière agrégée par matière première agricole.
En outre, cet article 2 crée une nouvelle convention écrite fournisseur-acheteur, spécifique aux produits alimentaires, dans laquelle les parties mentionneraient les obligations réciproques auxquelles elles se sont engagées à l'issue de la négociation commerciale.
Il est également prévu l'interdiction que la négociation porte sur les éléments « alimentaires » des CGV susmentionnées, outil central du mécanisme de cette proposition de loi.
Cette nouvelle convention « produits alimentaires » doit par ailleurs reprendre les éléments relatifs à la détermination du prix, tels qu'ils figurent dans les CGV, et les modalités de prise en compte du prix d'achat des matières premières agricoles dans l'élaboration du prix du contrat.
Toujours dans l'optique d'une construction « en marche avant » du prix, et par parallélisme avec l'article 1 er , l'article 2 prévoit ensuite que la convention comporte une clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole, en fonction de la variation du coût de cette matière première agricole. Les parties déterminent librement, selon la durée du cycle de production, la formule de révision et les indicateurs à utiliser.
Comme pour la convention écrite « PGC » (résultant de l'article L. 441-4 du code de commerce), cette nouvelle convention sera conclue pour une durée d'un, deux ou trois ans, et au plus tard trois mois après l'envoi des CGV de l'industriel au distributeur.
III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - L'introduction d'un tiers de confiance chargé de certifier la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur
En commission, outre quatre amendements rédactionnels, les députés ont adopté deux amendements identiques, sous-amendés par le rapporteur, afin de réécrire le mécanisme d'affichage du prix des matières premières agricoles au sein des CGV prévu par le nouvel article L. 441-1-1 du code de commerce.
Il est ainsi désormais prévu que les CGV présentent, pour chaque matière première agricole et pour chaque produit transformé composé de plus de 50 % de matières premières agricoles (par exemple, une pizza), sa part dans la composition du produit alimentaire sous la forme d'un pourcentage du volume et d'un pourcentage du tarif du fournisseur. Cette obligation ne serait toutefois applicable qu'aux matières premières agricoles et aux produits transformés qui entrent dans la composition du produit pour plus de 10 % de son volume.
Par ailleurs, si le fournisseur ne souhaite pas indiquer dans ses CGV la part de chaque matière première agricole, considérant que cela fournirait trop d'informations au distributeur quant au niveau de sa marge et des autres éléments négociables, deux autres options lui sont ouvertes :
• il peut choisir de présenter uniquement la part agrégée des matières premières agricoles et produits transformés, sous la forme d'un pourcentage du volume et d'un pourcentage du tarif du fournisseur. Concrètement, cela signifierait que le fournisseur de pizza ne serait plus tenu d'indiquer la part que représente chaque ingrédient de la pizza en termes de volume et de tarif, mais uniquement : « les matières premières agricoles représentent 65 % du volume de ce produit, et équivalent à 50 % du tarif proposé au distributeur » (les autres 50 % correspondant mécaniquement à d'autres coûts de production (carton, foncier, salaires, etc.) et à sa marge) ;
• il peut prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles et des produits transformés. Concrètement, l'industriel n'afficherait pas dans ses CGV la part des matières premières agricoles, mais il mandaterait un tiers indépendant (le commissaire aux comptes, par exemple) pour qu'il certifie que cette part n'a pas été affectée par la négociation, toujours dans l'optique que l'agriculteur ne subisse pas, par ricochet, les effets de la négociation si cette dernière avait porté sur les produits agricoles.
Un exemple d'application du dispositif envisagé : le yaourt à la fraise
Dans le cas d'un yaourt à la fraise vendu par un fournisseur à un acheteur au tarif de 3 €, les matières premières agricoles entrant dans sa composition sont le lait et les fraises. Si chacun de ces deux ingrédients entre dans la composition du produit final pour plus de 25 % du volume, les CGV du fournisseur devront indiquer : « Le lait entrant dans la fabrication de ce yaourt représente 30 % du volume du produit. Le prix payé pour ce lait explique 40 % du tarif proposé. Les fraises entrant dans la fabrication de ce yaourt représentent 35 % du volume du produit. Le prix payé pour ces fraises explique 35 % du tarif proposé ».
S'il ne souhaite pas indiquer à l'acheteur le détail du volume et du prix des matières premières agricoles, le fournisseur pourra indiquer : « Le lait et les fraises représentent 65 % du volume du produit. La part agrégée de ces deux matières premières agricoles dans le tarif proposé est de 75 % ».
S'il choisit l'option n° 3, qui consiste à ne rien indiquer dans les CGV et à prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation n'a pas porté sur la part « matière première agricole » du tarif fournisseur, ledit tiers attestera par exemple que dans la hausse de tarif demandée par l'industriel (par exemple + 3 %), le prix du lait et des fraises représente + 1 %. À l'issue de la négociation, le tarif négocié ne pourra donc être inférieur à + 1 %.
Ces amendements identiques ont également réécrit l'interdiction de négociation des matières premières agricoles. Désormais, « la négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles et des produits transformés [...] ».
Un amendement du rapporteur a également été adopté prévoyant que les CGV indiquent si un contrat de vente écrit ( cf. article 1 er ) portant sur les matières premières agricoles en question est déjà conclu pour la durée de la convention « produits alimentaires ». Les députés ont également prévu un dispositif de sanction en cas de manquement à ces dispositions d'affichage dans les CGV.
Un amendement a été adopté prévoyant que lorsqu'elle est conclue avec un distributeur, la nouvelle convention écrite « produits alimentaires » est conclue dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire celles prévues à l'article L. 441-4 du code de commerce. Autrement dit, dans ce cas de figure, il ne s'agit pas d'un nouveau document propre aux produits alimentaires, mais d'un ensemble de règles spécifiquement applicables à ces produits au sein de la convention écrite « PGC ».
Par deux amendements identiques, les députés ont également précisé le régime applicable aux trois options d'affichage ouvertes au fournisseur :
• si le fournisseur affiche dans ses CGV le détail de la part des matières premières agricoles dans son tarif (option n° 1), alors la convention écrite reprendra ces éléments et mentionnera ladite part, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu ;
• si le fournisseur n'affiche dans ses CGV que la part agrégée des matières premières agricoles (option n° 2), il devra mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude de cette part agrégée. La mission dudit tiers indépendant consiste alors exclusivement à réceptionner les informations transmises, à attester de leur exactitude et à transmettre cette attestation à l'acheteur. Il est précisé que le tiers est astreint au secret professionnel pour les faits, les actes et les renseignements dont il a pu avoir connaissance à raison de ses fonctions ;
• si le fournisseur fait le choix de ne « rien » afficher dans ses CGV (option n° 3), et de remettre ces informations au tiers indépendant, il accompagne sa transmission des pièces qui justifient l'exactitude des informations transmises. Outre les missions vues supra , le tiers indépendant doit alors certifier que le prix convenu à l'issue de la négociation respecte bien la non-négociabilité des matières premières agricoles. En tout état de cause, le contrat ne peut être légalement conclu en l'absence de cette certification. Interrogé par la rapporteure, le Gouvernement a par ailleurs indiqué que si l'acheteur estime que le tiers a commis une faute dans l'exercice de sa mission qui lui a causé un préjudice consistant, par exemple, en une perte de chance de conclure le contrat, il pourra chercher à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.
Un amendement du rapporteur a également été adopté prévoyant que la convention n'est plus conclue trois mois après l'envoi des CGV, mais au plus tard le 1 er mars, et que le fournisseur communique ses CGV au plus tard le 1 er janvier précédent. Le délai de négociation des PGC, aujourd'hui fixé à trois mois en vertu de l'article L. 441-4 du code de commerce, passerait donc à deux mois.
Un autre amendement du rapporteur a également été adopté, octroyant au distributeur « un délai raisonnable à compter de la réception des conditions générales de vente pour motiver explicitement et de manière détaillée par écrit le refus de ces dernières ou notifier leur acceptation ou, le cas échéant, les dispositions des conditions générales de vente qu'il souhaite soumettre à la négociation ».
Enfin, un amendement du rapporteur a été adopté afin de préciser que l'ensemble de ces dispositions ne sont pas applicables à certains produits alimentaires ou catégories de produits dont la liste est définie par décret en raison des spécificités de leur filière de production.
En séance publique, outre quatre amendements rédactionnels, les députés ont adopté quatre amendements visant à :
• préciser que le présent article n'est applicable ni aux grossistes, ni à certains produits alimentaires ou catégories de produits dont la liste est définie par décret en raison des spécificités de leur filière de production. Les fruits et légumes frais vendus en l'état au consommateur ainsi que la filière viticole devraient être prioritairement concernés par cette dérogation ;
• préciser que l'affichage dans les CGV de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur n'est applicable qu'aux matières qui représentent plus de 25 % du volume du produit alimentaire (et non plus 10 %) et qu'un décret peut fixer, pour certains produits ou certaines catégories de produits, un taux inférieur. Les viandes pourraient faire l'objet de ce seuil abaissé pour prendre en compte le fait qu'il est rare qu'elles représentent plus de 25 % du volume des produits transformés ;
• préciser que dans le cas de l'option n° 1 (lorsque le fournisseur affiche chaque matière première agricole dans ses CGV), l'acheteur qui souhaite vérifier l'exactitude de ces informations peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour qu'il l'atteste ;
• prévoir que le distributeur ne dispose plus d'un « délai raisonnable », mais d'un délai d'un mois, à compter de la réception des CGV, pour motiver le refus de ces dernières.
IV. La position de la commission - poursuivre l'objectif de transparence et de sanctuarisation de la matière première agricole tout en évitant un déséquilibre disproportionné dans la relation commerciale entre fournisseur et distributeur
Si la commission souscrit à l'objectif d'accroître la transparence des négociations commerciales et d'assurer une meilleure prise en compte de l'évolution du prix des matières premières agricoles dans le but de desserrer l'étau qui pèse in fine sur les agriculteurs, comme elle l'a rappelé dans de nombreux travaux précédents, elle considère toutefois que le dispositif proposé dans cet article 2 est inutilement complexe, s'apparente à une « usine à gaz » unanimement regrettée par tous les acteurs entendus, et conduit à dévoiler aux distributeurs des informations cruciales sur les marges des fournisseurs, sans certitude que l'agriculteur bénéficie de cette évolution.
Interrogé sur les risques que cet article fait peser sur les fournisseurs, qui seraient contraints d'aborder la négociation commerciale avec un désavantage marqué, alors même que le rapport de force leur est déjà souvent défavorable, le Gouvernement s'est contenté d'indiquer à la rapporteure que la présence des trois options leur permettra de choisir le mode de dévoilement qui leur convient le mieux.
Or cette possibilité est loin d'être satisfaisante.
Si le fournisseur choisit l'option n° 3, il est exact qu'il est autorisé à ne pas afficher dans ses CGV la part des matières premières agricoles qui entrent dans son tarif, le tiers indépendant attestant simplement, ex post , que la négociation n'a pas porté sur ladite part des matières premières agricoles ; mais dans ce cas, le distributeur peut déduire de la certification du tiers indépendant qu'il existe encore, pour les prochaines négociations, une part du tarif de son fournisseur qu'il pourra négocier durement à la baisse. Ce faisant, l'intervention du tiers indépendant permet de sanctuariser, sur une année donnée, le prix des matières premières agricoles. Mais elle donne également au distributeur une information clé : il pourra exiger du fournisseur, les années ultérieures, d'écraser encore davantage sa marge. En pacifiant les négociations à un moment T, le tiers indépendant dans l'option n° 3 ouvre la voie à un renforcement de la férocité des négociations des années à venir, tant que la part des matières premières agricoles n'est pas « touchée ».
L'équilibre atteint par cet article 2 entre transparence et secret des affaires n'est donc pas satisfaisant, l'atteinte portée au second étant largement disproportionnée, sans gage d'efficacité.
Par ailleurs, cet article présente d'autres écueils. D'une part, il envisage un raccourcissement de la durée des négociations commerciales, de trois à deux mois, alors même qu'il accroît le nombre de procédures et d'étapes à respecter durant cette période (CGV plus complexes à analyser, recours à un tiers indépendant, impossibilité de conclure le contrat sans la certification dudit tiers, etc.).
D'autre part, il laisse libre le choix des indicateurs de référence à prendre en compte dans la clause de révision automatique des prix. Or le risque est élevé que lors de la détermination de cette clause, le bénéficiaire du rapport de force impose la prise en compte d'indicateurs de plus faible portée, comme les indicateurs de qualité, de traçabilité, en laissant de côté l'indicateur lié aux coûts de production, pourtant le plus important pour assurer la rémunération de l'agriculteur. Un fournisseur pourrait donc être lié en amont par une clause de révision automatique du prix agricole, elle-même appuyée sur les indicateurs de coût de production, tout en étant lié en aval par une clause qui n'intègre pas les mêmes indicateurs, nuisant à la bonne prise en compte tout au long de la chaîne d'approvisionnement du prix de la matière première agricole.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-136 qui réécrit globalement l'article et qui :
• ne retient que deux possibilités d'affichage de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur, au lieu de trois, qu'il met par ailleurs sur le même plan. La première est celle de l'affichage de la part agrégée, sans condition de taux ; la seconde, qui ne peut être choisie qu'en cas d'évolution du tarif fournisseur d'une année à l'autre, prévoit l'intervention d'un tiers indépendant pour certifier la part de cette évolution qui résulte de la fluctuation du prix des matières premières agricoles, cette part de l'évolution tarifaire ne pouvant faire l'objet de négociation. Concrètement, si un fournisseur de soda propose une hausse du tarif de 3 %, et qu'un tiers indépendant atteste qu'un tiers de cette hausse résulte du fait que le prix du sucre a augmenté, la négociation ne pourra pas porter sur ce tiers (soit 1 % dans l'exemple). Elle pourra porter sur les 2 % restants ou, comme dans toute négociation, sur les autres éléments que les parties souhaitent discuter (recherche et développement, coûts de marketing, etc.) ;
• précise que la clause de révision automatique de la part du prix liée aux matières premières agricoles inclut obligatoirement les indicateurs liés aux coûts de production en agriculture, lorsque le fournisseur a lui-même acquis les produits agricoles via un contrat écrit ;
• réinstaure une période de trois mois pour la négociation commerciale, et non deux ;
• contraint le distributeur à motiver par écrit son souhait d'ouvrir à la négociation les conditions générales de vente réceptionnées, alors qu'il n'était jusqu'à présent tenu de le faire que dans les cas où il refusait des CGV ;
• intègre le dispositif du « ligne à ligne » directement dans cet article 2, alors qu'il faisait l'objet d'un article séparé, le 2 bis A. L'amendement modifie à cette occasion le champ d'application du « ligne à ligne », en le circonscrivant aux seuls produits alimentaires ;
• prévoit qu'un décret pourra fixer des conditions d'application de cet article 2 spécifiques aux petites entreprises.
• procède à des ajustements rédactionnels et à des coordinations juridiques.
La commission a par ailleurs adopté deux sous-amendements COM-147 de Mme Estrosi Sassone et COM-146 de Mme Muller-Bronn qui suppriment le fait que la facture doive faire apparaître les indicateurs utilisés et leur impact sur le prix net facturé. La facture n'est en effet pas le document idoine pour le suivi de la prise en compte du prix des matières premières agricoles, par opposition à la convention écrite ; en outre, les logiciels de facturation ne sont pas conçus pour ce type de procédés.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2 bis
A
Affichage détaillé des obligations réciproques au
sein des conventions écrites entre fournisseur et distributeur ou
prestataire de services
Cet article vise à instaurer une obligation pour les distributeurs et fournisseurs d'indiquer précisément, dans la convention écrite signée à l'issue des négociations commerciales, chacune des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés, ainsi que leur prix unitaire. Ce faisant, il entend mettre fin à certaines pratiques de distributeurs qui proposent un ensemble flou de services commerciaux, peu détaillés, en contrepartie de baisses importantes du tarif du fournisseur. Désormais, chaque contrepartie devra être clairement mentionnée et valorisée.
La commission ayant transféré, en modifiant son périmètre, le contenu de cet article 2 bis A au sein de l'article 2 via l'adoption d'un amendement de la rapporteure, elle a adopté un amendement de suppression de cet article.
I. La situation actuelle - Un ensemble parfois peu précis d'obligations réciproques à l'issue des négociations commerciales, à l'origine de pressions déflationnistes
Aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce, « une convention écrite conclue entre le fournisseur 37 ( * ) [...] et le distributeur ou le prestataire de services mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale ». Cette convention doit être établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre et des contrats d'application.
Les obligations que la convention doit fixer, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, recouvrent plusieurs catégories :
• les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix, et le cas échéant les types de situations dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l'opération de vente sont susceptibles d'être appliquées ;
• les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de service lui rend, ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. Y figurent par exemple la mise en avant des produits dans le magasin, l'inscription du produit en première page du catalogue sur telle semaine, le fait de passer un message en magasin, de produire des données statistiques de vente du produit sur telle périodicité ;
• les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services.
Ces obligations, additionnées au chiffre d'affaires prévisionnel fixé par la convention écrite, forment le plan d'affaires de la relation commerciale.
Les services commerciaux mentionnés supra portent généralement sur trois grandes catégories : l'assortiment (tel produit à telle place), l'innovation (la façon de mettre en avant ou de faire goûter tel produit, etc.) ; le développement commercial ou plan d'affaires (comment augmenter les ventes).
Or ces services payants, jusqu'à maintenant négociés globalement, sont recensés dans les conventions écrites avec un degré de précision sur les actions conduites qui varie beaucoup d'une enseigne à une autre. Les négociations de ces services sont souvent réalisées selon une somme globale, sans savoir dans le détail à quoi correspond exactement, service par service, cette somme. Dans les faits, il s'agit donc d'un outil majeur de négociation de la grande distribution face aux industriels, les premiers proposant aux seconds un ensemble parfois « nébuleux » de services en contrepartie de baisses de tarifs.
L'ensemble des industriels interrogés par la rapporteure ont déploré manquer de visibilité sur les prestations qu'ils achètent réellement sous forme de services commerciaux.
Le droit actuel permet certes de contrôler les abus et disproportions au titre du déséquilibre significatif et au titre de l'obtention d'avantage sans contrepartie, ou avec une contrepartie disproportionnée 38 ( * ) . Mais l'action de la DGCCRF en matière de pratiques restrictives de concurrence sanctionne les pratiques abusives suite à l'exécution de la convention, sans contrôle ex ante . En outre, peu d'industriels signalent les situations dans lesquelles il leur semble que l'enveloppe globale de services commerciaux est surfacturée, par crainte notamment de représailles.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Contraindre les parties à la négociation à indiquer précisément, ligne par ligne, les obligations auxquelles elles se sont engagées ainsi que leur prix unitaire
En séance publique, les députés ont adopté sept amendements identiques créant ce nouvel article 2 bis A qui entend préciser le premier alinéa de l'article L. 441-3 du code de commerce relatif à la mention des obligations réciproques au sein de la convention écrite.
Le dispositif de ces amendements précise que la convention écrite mentionne non plus « les obligations réciproques » auxquelles les parties se sont engagées, mais « chacune des obligations réciproques et leur prix unitaire ». Il s'agit donc d'instaurer un recensement « ligne-à-ligne » des services proposés par les distributeurs, dans l'objectif de faciliter la transparence et d'en contrôler plus efficacement toute éventuelle disproportion. Rédigé de cette façon, l'article 2 bis A instaure donc le « ligne à ligne » sur l'ensemble du champ couvert par une convention écrite au sens de l'article L. 441-3, et non uniquement pour les produits alimentaires.
Ce faisant, les députés ambitionnent d'inscrire dans la loi la proposition n° 34 du rapport 39 ( * ) de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, dont le rapporteur était l'auteur et le rapporteur de la présente proposition de loi : « rendre obligatoire que chaque service délivré à un industriel fasse l'objet d'une facturation distincte indiquant clairement l'objet de la rémunération ».
Il convient par ailleurs de noter que si cette disposition a pour effet de rendre non conforme tout contrat qui ne présenterait pas ce formalisme, elle n'impose en revanche rien, par elle-même, en matière de niveau de tarification.
III. La position de la commission - supprimer l'article compte tenu de son transfert au sein de l'article 2
La commission est favorable à ce dispositif, qui apporte une transparence bienvenue en matière de prestations commerciales proposées par les distributeurs en contrepartie des baisses de tarif qu'ils exigent.
Par souci de clarté, le contenu de cet article 2 bis A a été transféré, via l'amendement COM-136 ( cf. supra ) de la rapporteure, au sein de l'article 2, tout en étant circonscrit aux seuls produits alimentaires.
Cet article 2 bis A étant devenu sans objet puisque son contenu a été déplacé, la commission a adopté un amendement COM-137 de la rapporteure le supprimant.
La commission a supprimé l'article.
Article 2 bis B
Encadrement des volumes
prévisionnels au sein des contrats de marques de distributeur
Cet article vise à faire figurer, au sein des contrats de produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), une clause relative aux engagements du distributeur sur les volumes prévisionnels qu'il entend faire produire.
La commission salue ce premier pas vers un encadrement des MDD, qui sont aujourd'hui soumises à une régulation bien moindre que les marques nationales en dépit de leur part croissante dans les rayons alimentaires et de leur importance pour les agriculteurs. Elle regrette toutefois que l'occasion n'ait pas été saisie pour proposer un encadrement plus ambitieux et davantage sécurisant pour la rémunération des agriculteurs.
Sur proposition de la rapporteure, elle a adopté un amendement qui introduit dans les contrats MDD une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du prix des matières premières agricoles. Cet amendement prévoit également que le non-respect des volumes prévisionnels par le distributeur doive être dûment justifié. Il interdit la facturation au fournisseur de dépenses liées à la promotion du produit et contraint les parties à se répartir les coûts de conception et de production du produit dès le stade du contrat.
I. La situation actuelle - Un faible encadrement des contrats relatifs aux marques de distributeur, par comparaison à celui applicable aux « marques nationales »
Un produit vendu sous marque de distributeur (MDD) est un « produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprise qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu 40 ( * ) ». Par opposition aux marques nationales (Coca-Cola, Yoplait, Nutella, etc.), qui appartiennent à l'industriel qui les produit et pour lesquelles le distributeur agit comme le prestataire d'un service de vente, les MDD correspondent à des prestations réalisées par le fournisseur vis-à-vis du distributeur, à partir d'un cahier des charges que ce dernier a défini et qui reflète l'expression de ses besoins particuliers.
Plus précisément, la commission d'examen des pratiques commerciales 41 ( * ) (CEPC) indique que la notion de MDD peut recouvrir deux types de produits :
• un produit « dont les caractéristiques sont définies par l'acheteur qui en assure la commercialisation sous sa responsabilité mais qui sont peu différentes de celles des produits vendus sous la marque du fournisseur ». Le cahier des charges est alors plus souple ;
• un produit qui répond à une demande sur-mesure de l'acheteur, et qui suppose donc « un cahier des charges techniques complet, incluant le design et peut être, dans certains cas, le résultat de recherches particulières, voire faire l'objet de brevets (fabrication, process...) ».
Souvent proposées à un tarif plus bas que les marques nationales, notamment afin de fidéliser les consommateurs et de différencier l'enseigne, les MDD occupent une part croissante des rayons alimentaires de la grande distribution, évolution encore accélérée par les effets de bord de la loi Egalim de 2018, largement anticipés par le Sénat lors de son examen puis dénoncés lors de leur apparition concrète 42 ( * ) .
La loi Egalim a entraîné une augmentation
de la part des produits
vendus sous MDD dans les rayons de la grande
distribution
L'augmentation de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires a eu plusieurs conséquences, dont un accroissement de la différence de prix entre les produits vendus sous MDD et les produits des grands groupes. Ce faisant, il est devenu particulièrement intéressant, pour les enseignes de la grande distribution et compte tenu de la plus forte marge qu'elles réalisent généralement sur les MDD, d'augmenter la part relative des produits vendus sous MDD dans leurs rayons.
Ainsi que l'indique le rapport du Sénat de 2019 ( cf. supra ), « retrouvant une forte compétitivité par rapport à leurs concurrents, les produits sous MDD gagnent, pour la première fois depuis 2012, des parts de marché après 7 années de baisse selon l'institut Nielsen ».
Le rapport précise également que « cette revalorisation des produits MDD aux yeux des consommateurs peut, durablement, modifier les stratégies des distributeurs qui vont rechercher à accroître leur différenciation non plus sur des produits de grandes marques par une baisse de prix ou des promotions mais en jouant sur la profondeur de gamme des produits MDD ».
Le rapport alerte donc sur une tendance, que les auditions régulières réalisées sur ce sujet par la commission des affaires économiques du Sénat permettent de confirmer depuis : « cette différenciation pourrait aboutir à ce que la guerre des prix à l'achat se déplace sur ces produits ».
D'après la CEPC 43 ( * ) , à partir de données transmises par les panélistes Nielsen et IRI, les MDD représentaient en 2019 un total de 36,05 milliards d'euros de vente, contre 35,47 milliards d'euros en 2015, et leur part de marché variait entre 26 % des ventes en hypermarché et supermarché et près de 75 % dans les supermarchés à dominante marques propres (SDMP). Par ailleurs, 70 % environ des ventes réalisées sous MDD sont produites par des TPE, PME et ETI françaises.
Malgré l'importance croissante des MDD, leur encadrement par la loi reste particulièrement lâche, notamment au regard de celui qui s'applique aux marques nationales, dont la négociation est enserrée dans un ensemble de règles de forme et de fond.
L'article L. 441-7 du code de commerce prévoit par exemple qu'un contrat de MDD alimentaire « mentionne le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d'achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires ».
L'article L. 441-8 du code de commerce précise quant à lui que la clause de renégociation des prix des contrats de vente de produits agricoles et alimentaires doit également figurer dans les contrats de MDD de plus de trois mois.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 443-4 du code de commerce, les contrats de MDD sont soumis à l'obligation de faire référence, lorsqu'ils existent, aux indicateurs de référence 44 ( * ) (coût de production, prix de marché, autres éléments) et d'expliciter les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix.
Contrairement aux contrats régis par le chapitre 1 er du titre IV du livre IV du code de commerce, les contrats de MDD, notamment alimentaires, ne sont donc soumis à aucune règle spécifique concernant :
• les volumes (prévisionnels et fermes) à produire. Certains fournisseurs ont ainsi souligné que l'absence de volumes prévisionnels pouvait constituer un frein pour certaines entreprises, notamment pour les PME, qui hésitent à engager des frais pour se positionner sur ces marchés en l'absence de cette information. D'autres ont également déploré des cas de réduction drastique de volumes à produire, postérieurement à la réalisation d'investissements pour répondre à la demande d'enseignes qui, devant le niveau de ventes décevant des produits, ont subitement changé d'avis ;
• les modalités de révision automatique des prix en cas d'évolution du prix des matières premières agricoles et la prise en compte d'indicateurs de référence en matière de coût de production ou de prix de marché (au-delà du simple fait d'y « faire référence ») ;
• l'encadrement du déroulement de l'appel d'offres et la pluriannualité éventuelle des contrats ;
• la répartition de certains coûts ;
• la durée minimale de préavis contractuel.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'obligation d'engagement en matière de volume prévisionnel dans les appels d'offres et les contrats de produits vendus sous MDD
En séance, les députés ont adopté six amendements identiques, prévoyant que l'appel d'offres portant sur une MDD et le contrat écrit qui en résulte comportent « une clause relative aux engagements sur les volumes ».
Les députés ont également adopté un sous-amendement circonscrivant la portée de ces dispositions aux seuls volumes prévisionnels.
III. La position de la commission - mettre fin à une inégalité de traitement et créer pour la première fois un encadrement véritable des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur afin, notamment, que l'ensemble du secteur agisse en faveur d'une plus juste rémunération des agriculteurs
La commission partage pleinement l'objectif de mieux encadrer la relation commerciale relative aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), et notamment les produits alimentaires.
Si la philosophie d'une marque MDD n'est pas la même que celle d'une marque nationale, le fournisseur agissant dans le premier cas sous la qualité de prestataire de service pour le distributeur, ce qui rendrait contre-productive la simple transposition du régime juridique « marques nationales » aux MDD, il importe toutefois de ne pas laisser perdurer une situation où un secteur important de l'alimentaire (cf. supra ) est exempté d'un grand nombre de régulations qui visent à accroître la transparence des relations commerciales et, in fine , la rémunération des agriculteurs.
La commission salue l'initiative des députés, qui ont souhaité prévoir que les contrats de MDD intègrent des clauses relatives aux volumes prévisionnels, mais regrette que l'occasion n'ait pas été saisie d'encadrer véritablement, pour la première fois, ce secteur. Si la commission des affaires économiques a, de longue date, émis de forts doutes sur l'efficacité des dispositifs Egalim pour améliorer le niveau de vie du monde agricole, elle considère qu'il n'est ni juste ni utile de maintenir un « deux poids deux mesures » aussi important entre les marques nationales et les marques MDD. Ce constat est renforcé par la part croissante que les MDD représentent dans les rayons alimentaires.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-138 qui :
• intègre, au sein des contrats, une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du prix des matières premières agricoles supportée par le fournisseur. La formule de révision reste librement déterminée par les parties et devra tenir compte des indicateurs de coût de production en agriculture. Par ailleurs, si le distributeur souhaite s'assurer de la réalité de cette variation dans les coûts du fournisseur, il pourra à ses frais mandater un tiers indépendant chargé d'attester de cette évolution ;
• prévoit que le non-respect par le distributeur des volumes prévisionnels qu'il s'est engagé à faire produire doive être dûment justifié. Il importe en effet d'accorder plus de visibilité aux fournisseurs, qui engagent des investissements parfois significatifs pour répondre au cahier des charges du distributeur, et qui font parfois face à des décisions soudaines de révision à la baisse des quantités finalement achetées par le distributeur. La commission n'a toutefois pas souhaité prévoir un volume ferme dès le stade du contrat, compte tenu des difficultés de prévision pour les contrats, nombreux, conclus pour une longue période ;
• interdit le fait de facturer au fournisseur certaines dépenses liées aux opérations commerciales de mise en avant du produit, compte tenu du fait que le produit vendu sous MDD est un produit de fidélisation de la clientèle à l'enseigne, et non au fournisseur ;
• intègre dès le stade du contrat une clause de répartition entre distributeur et fournisseur des coûts liés à la conception et à la production du produit, y compris de répartition des coûts additionnels survenant en cours de contrat.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2 bis
C
Interdiction de la déduction d'office des factures, par le
distributeur, de pénalités liées à l'absence de
livraison d'un produit indiqué comme indisponible
Cet article vise à interdire la déduction d'office du montant de la facture établie par le fournisseur des pénalités ou rabais correspondant à l'absence de livraison de produits préalablement indiqués par le fournisseur comme étant indisponibles.
La commission partage l'objectif d'une plus forte réglementation des pénalités dites « logistiques », devenues dans nombre de cas un centre de profit à part entière, déconnecté fréquemment de l'ampleur des préjudices réellement subis par les distributeurs.
La commission a adopté un amendement visant à créer un cadre réglementaire ambitieux des pénalités logistiques, qui prévoit :
- le caractère proportionné des pénalités au regard du préjudice subi ;
- l'interdiction du refus ou du retour de marchandises ;
- la possibilité pour le fournisseur de présenter ses observations écrites avant application de la pénalité ;
- l'interdiction des déductions d'office de la facture des pénalités correspondant au non-respect d'un engagement contractuel lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible ;
- la limitation des pénalités aux seules situations ayant entraîné une rupture de stock, sauf dérogation ;
- la prise en compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties, et l'interdiction de toute pénalité logistique en cas de force majeure ;
- un principe de réciprocité, les fournisseurs devant être autorisés également à imposer des pénalités logistiques aux distributeurs en cas d'inexécution d'un engagement contractuel ayant entraîné un préjudice démontré.
I. La situation actuelle - Une déduction d'office du montant de la facture, par certains acheteurs, de pénalités liées à la non-livraison de produits
Compte tenu du rapport de force entre distributeurs et fournisseurs et des volumes et montants en jeu, l'application de pénalités dites « logistiques » par les acheteurs à leurs fournisseurs est soumise à un encadrement législatif à la fois souple et précis.
Jusqu'à la loi ASAP 45 ( * ) de décembre 2020, et depuis l'ordonnance du 24 avril 2019 sur la refonte du titre IV du livre IV du code de commerce 46 ( * ) , cet encadrement reposait sur trois leviers principaux, codifiés à l'article L. 442-1 du code de commerce :
• l'interdiction d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
• l'interdiction de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
• l'interdiction de rompre brutalement , même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Avant la publication de l'ordonnance de 2019 mentionnée supra , les pratiques restrictives de concurrence étaient mentionnées de façon bien plus détaillée, à l'ancien article L. 442-6 du code de commerce.
Face à l'augmentation des pénalités logistiques, notamment celles consistant, de la part du distributeur, à les déduire d'office du montant de la facture qu'il doit par ailleurs au fournisseur, les députés ont adopté en première lecture du projet de loi ASAP un amendement de M. Besson-Moreau visant à traduire concrètement la recommandation n° 29 du rapport de la commission d'enquête 47 ( * ) sur les pratiques de la grande distribution, et qui complète les trois piliers en vigueur depuis 2019. L'article ainsi créé correspond désormais à l'article 139 de la loi ASAP.
Désormais, engage également la responsabilité de son auteur le fait « 3° d'imposer des pénalités disproportionnées, au regard de l'inexécution d'engagements contractuels, ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ». Ce faisant, le législateur a choisi de revenir partiellement sur la classification opérée par l'ordonnance de 2019, et de faire figurer directement dans la loi le détail de certaines pratiques interdites.
Pour autant, certaines pratiques restrictives de concurrence persistent en matière de pénalités logistiques. À de nombreuses reprises, au cours des auditions menées par la rapporteure, les professionnels comme les différents pouvoirs publics ont déploré que lesdites pénalités soient désormais devenues « un véritable centre de profit » pour la grande distribution, qui les appliquerait sans grande transparence ni dialogue.
A notamment été pointée du doigt la pratique consistant à appliquer des pénalités (ou à ne s'acquitter que d'une partie de la facture due) en toute connaissance de leur illégalité, afin qu'elles génèrent une trésorerie supplémentaire avant, éventuellement, leur remboursement au fournisseur lorsque leur non-conformité est démontrée.
À titre d'exemple, lorsque le fournisseur leur indique l'indisponibilité d'un produit, certaines enseignes de la grande distribution déduiraient d'office du montant qu'elles doivent par ailleurs au fournisseur le montant de pénalités liées à cette indisponibilité, quitte à procéder à la régularisation du paiement plusieurs mois - parfois jusqu'à dix-huit - après.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'interdiction de la déduction d'office du montant de la facture des pénalités liées à l'indisponibilité d'un produit signalé comme tel
En séance, un amendement du rapporteur a été adopté engageant la responsabilité de son auteur le fait de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant à l'absence de livraison de produits préalablement indiqués par le fournisseur comme étant indisponibles.
Cet article 2 bis C n'interdit donc pas l'application de pénalités pour ce motif (la non-disponibilité d'un produit entraîne en effet un préjudice au distributeur, dont il est légitime qu'il souhaite obtenir réparation), mais uniquement la pratique de la déduction d'office sans que le fournisseur n'ait été mis en mesure de contester la pénalité.
III. La position de la commission - renforcer significativement l'encadrement des pénalités logistiques, devenues parfois un véritable « centre de profit »
L'application par les distributeurs de pénalités logistiques s'apparente de plus en plus fréquemment à un véritable « centre de profit », les éloignant de leur objectif initial qui est de sanctionner et réparer un préjudice subi du fait de l'inexécution d'un engagement contractuel.
Alors que se multiplient les cas de pénalités dénuées de tout fondement, ou vaguement motivées par des motifs abstraits ou exagérés, il apparaît urgent de consacrer dans la loi un encadrement plus étoffé de ces pratiques. Si le bien-fondé de leur existence n'est pas remis en question, elles n'ont pas à être imposées dans le seul but d'améliorer la rentabilité de telle ou telle partie.
À l'initiative de M. Duplomb, la commission a adopté un amendement COM-41 qui crée cet encadrement en :
• inscrivant la nécessité du caractère proportionné des pénalités au regard du préjudice subi ;
• interdisant le refus ou le retour de marchandises ;
• rendant obligatoire que le fournisseur soit en mesure de présenter ses observations écrites avant application de la pénalité ;
• interdisant la déduction d'office de la facture des pénalités correspondant au non-respect d'un engagement contractuel lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible ;
• limitant les pénalités aux seules situations ayant entraîné une rupture de stock, sauf dérogation ;
• prévoyant la prise en compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties, et en interdisant toute pénalité logistique en cas de force majeure ;
• en mettant en place un principe de réciprocité, les fournisseurs devant être autorisés également à imposer des pénalités logistiques aux distributeurs en cas d'inexécution d'un engagement contractuel ayant entraîné un préjudice démontré.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2 bis
D
Interdiction de la discrimination tarifaire sans contrepartie pour
certains produits alimentaires
Cet article vise à interdire, pour les produits alimentaires, toute pratique discrimination en matière tarifaire. Ce faisant, les délais de paiement et les conditions et modalités de vente définis par un fournisseur ne pourront différer, selon le distributeur, qu'en raison de contreparties dûment justifiées.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel de la rapporteure.
I. La situation actuelle - À l'issue des négociations commerciales, des baisses de tarif fournisseur parfois consenties sans réelle contrepartie
Les conditions générales de vente transmises par un fournisseur à un acheteur constituent « le socle unique de la négociation commerciale 48 ( * ) », c'est-à-dire que cette dernière s'engage à partir du tarif fournisseur figurant dans ces CGV. Traditionnellement, le distributeur cherche à le diminuer, tandis que l'industriel tente de le défendre.
Depuis la loi de modernisation de l'économie 49 ( * ) , les négociations commerciales sont régies par le principe de libre discrimination tarifaire, les parties n'ayant plus à justifier systématiquement et dans le détail les différences obtenues ou accordées par des contreparties réelles. Ce faisant, un fournisseur X peut proposer un tarif T pour un certain produit à un acheteur Y, et un tarif T' à un acheteur Z, pour le même produit, s'il souhaite par exemple avantager cet acheteur.
Inversement, il est fréquent qu'un distributeur exige, dès le début de la négociation (voire même avant l'envoi des CGV, informellement), une diminution du tarif fournisseur sans même proposer de réelles contreparties sérieuses, du simple fait du rapport de force (le fournisseur hésitant à signaler la situation aux autorités administratives compétentes), ou en proposant un ensemble de contreparties très peu détaillées, dont la valeur intrinsèque est difficilement quantifiable. Il en résulte alors, pour le même produit, plusieurs tarifs différents selon les exigences et les négociations des différents distributeurs.
Il ressort des auditions menées par la rapporteure avec les fournisseurs et avec les pouvoirs publics que ces pratiques semblent légions. Plusieurs professionnels lui ont ainsi fait part de négociations dans lesquelles aucun véritable échange ne débutait tant que le fournisseur n'appliquait pas une première réduction « sèche » de tarif exigée par le distributeur (avant même, donc, toute négociation sur les contreparties), l'objectif de ce dernier étant, bien entendu, de s'approvisionner à un prix inférieur à celui acquitté par son concurrent.
Si l'article L. 442-1 du code de commerce interdit le fait d'obtenir de l'autre partie un avantage sans contrepartie, ou disproportionné au regard de la contrepartie, force est de constater que, sauf contrôle de la DGCCRF, son effectivité dépend de la volonté des fournisseurs de signaler ces demandes unilatérales lorsqu'elles ont lieu - ce qui est rarement le cas, compte tenu des craintes de représailles commerciales. En outre, la notion d' « avantage disproportionné » reste floue. Dans les faits, les contreparties proposées par le distributeur pour justifier la demande de baisse de tarif, si elles sont classées par nature de service (support promotionnel, mise en avant du produit, etc.), restent souvent trop peu détaillées (dates et lieux exacts de l'opération promotionnelle, dans quel type de circuit de distribution elle aura lieu, dans quelle strate, dans quel format de prospectus et à quelle date, etc.).
Ce faisant, le fournisseur n'est pas en mesure d'identifier précisément la valeur des différents services en échange desquels il concède une baisse de son tarif (l'empêchant, au demeurant, de comparer facilement les prix des différents services selon le distributeur qui les propose). En outre, la valeur intrinsèque des services proposés est parfois décorrélée de toute logique économique. Un même service peut par exemple être proposé 2 % plus cher d'une année à l'autre, simplement pour permettre au distributeur de compenser d'éventuels moindres profits enregistrés sur un autre poste.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - La sécurisation du tarif fournisseur par l'interdiction de discrimination entre distributeurs
En séance, les députés ont adopté six amendements identiques complétant l'article L. 442-1 du code de commerce et prévoyant que, s'agissant des produits alimentaires, engageait désormais la responsabilité de son auteur le fait de pratiquer, à l'égard de l'autre partie, ou d'obtenir d'elle, des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée au nouvel article L. 443-5 du code de commerce 50 ( * ) en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage de la concurrence.
Un sous-amendement du rapporteur a par ailleurs été adopté afin de circonscrire le champ d'application de cette interdiction aux produits alimentaires qui satisfont aux conditions prévues au I de l'article L. 441-1-1 du code de commerce (créé par l'article 2 du présent texte), c'est-à-dire ceux qui comportent une matière première agricole représentant plus de 25 % du volume du produit et ceux transformés dont plus de 50 % du volume est composé de matière première agricole.
De fait, cet article introduit une interdiction par principe de la discrimination par le fournisseur de ses différents acheteurs, en ce qui concerne le prix convenu. Autrement dit, les CGV transmises devront contenir le même tarif, indépendamment du distributeur destinataire, et seules des contreparties réelles accordées durant la négociation pourront justifier que le prix final convenu s'en écarte. A prestation égale et à tarification égale de la prestation, le prix prévu dans la convention écrite post-négociation devra donc être le même pour tous les distributeurs.
Cela signifie que si, à l'issue de la négociation, un fournisseur X et un acheteur Y s'accordent sur un tarif T formalisé dans une convention pour un produit, ce même fournisseur X ne peut pas s'accorder avec un acheteur Z sur un tarif T' différent de T pour le même produit sauf à ce que la différence entre T et T' soit justifiée par une contrepartie réelle (de nouvelles prestations que Z propose mais pas Y, les mêmes prestations mais à des tarifs différents, etc.). Cette nouvelle disposition vise donc à mettre fin à la libre discrimination tarifaire pour certains produits alimentaires, telle qu'elle existe depuis 2008. D'une certaine façon, cet article 2 bis D réinstaure un dispositif issu de la loi Galland 51 ( * ) (mais sans modifier le mode de calcul du seuil de revente à perte, qui avait été en 1996 à l'origine d'une poussée inflationniste).
Selon le Gouvernement, cet article participe à la protection du tarif du fournisseur dans la mesure où l'acheteur sera moins enclin, dans la négociation et même avant l'envoi des CGV, à négocier à la baisse le tarif proposé puisque l'éventuelle baisse obtenue bénéficiera également aux autres acheteurs concurrents, le tarif proposé par le fournisseur devant être le même pour tous les distributeurs.
Bien entendu, les acheteurs restent libres de négocier à la baisse le tarif du fournisseur, mais les avantages ainsi obtenus devront bénéficier d'une contrepartie réelle (notamment sous forme de services commerciaux). Théoriquement, la seule façon pour un distributeur de s'approvisionner à un prix inférieur à ses concurrents sera donc de proposer de nouveaux services (ou plus chers) en contrepartie de la baisse de tarif exigée.
En cela, cet article est articulé avec l'article 2 bis A, qui prévoit que les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale, au premier rang desquelles les services commerciaux, devront être mentionnés, « ligne à ligne », dans la convention écrite prévue à l'article L. 441-3 du code de commerce.
La combinaison des deux articles est donc supposée permettre de rééquilibrer le rapport de force fournisseur-distributeur dans la négociation, en :
• désincitant le distributeur à exiger une baisse du tarif fournisseur sans réelle contrepartie, puisqu'elle bénéficiera également à ses concurrents (et qu'il ne pourra donc arguer de prix moins chers que le concurrent). Il devra donc proposer des services en contrepartie ;
• facilitant le contrôle du sérieux et de la proportion des contreparties obtenues par le fournisseur en échange d'une baisse de son tarif, grâce au « ligne à ligne ». Le distributeur ne pourra donc plus, normalement, proposer des contreparties floues ou trop peu détaillées.
III. La position de la commission - valider le principe de rendre au fournisseur la maîtrise de son tarif et élargir le champ d'application de la non-discrimination à tous les produits alimentaires
La commission approuve l'objectif de protéger le tarif du fournisseur et d'encadrer davantage la façon dont il peut être négocié. Elle voit dans cette mesure un outil utile de lutte contre la déflation, synonyme souvent de destruction de valeur pour la chaîne agricole et alimentaire.
Sur proposition de la rapporteure, elle a adopté un amendement COM-139 et trois amendements identiques COM-37 de M. Duplomb , COM-89 de M. Menonville et COM-60 de M. Kern, qui visent à élargir le champ du principe de non-discrimination à tous les produits alimentaires, et non uniquement à ceux soumis à la transparence de la part des matières premières agricoles.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2 bis
E
Révision du calcul du seuil de revente à perte pour
certains alcools
Cet article vise à exclure du calcul du seuil de revente à perte, pour les alcools, la part liée aux droits de consommation et à la cotisation « alcool », compte tenu de la forte inflation constatée sur ces produits depuis l'application du relèvement du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires adopté dans la loi Egalim.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a précisé cet article pour exiger du Gouvernement que le rapport qu'il remettra au Parlement avant octobre 2022 sur les effets de la loi Egalim en matière de prix de vente détaille précisément l'usage qui a été fait du surcroît de ventes enregistré par les distributeurs, afin de vérifier dans quelle mesure le relèvement du SRP s'est traduit par une amélioration du revenu des agriculteurs.
I. La situation actuelle - Un relèvement du seuil de revente à perte particulièrement inflationniste pour les alcools en raison de son mode de calcul
La revente à perte est interdite en France depuis la loi de finances rectificative pour 1963 52 ( * ) , un commerçant ne pouvant revendre un produit (ou annoncer sa revente) à un prix inférieur au prix d'achat effectif, sous peine d'une amende de 75 000 € pouvant être portée à la moitié des dépenses de publicité engagées pour promouvoir cette vente. Ce prix d'achat effectif est considéré comme le seuil de revente à perte.
Objet de plusieurs modifications successives, la définition du seuil de revente à perte est désormais inscrite à l'article L. 442-5 du code de commerce : « le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ».
Les « autres avantages financiers consentis par le vendeur » correspondent aux remises différées accordées par le fournisseur au distributeur en contrepartie de services de coopération commerciale (placement en tête de gondole, dans le catalogue, production de statistiques de vente, etc.).
L'interdiction de la vente à perte ne s'applique toutefois pas dans certains cas, comme les ventes motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale, les produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué ou encore les produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques.
Dans l'objectif d'améliorer la marge des distributeurs et dans l'espoir que ce surcroît de profit incite les enseignes à augmenter le prix versé aux industriels et aux producteurs, l'ordonnance du 12 décembre 2018 53 ( * ) prise sur le fondement de l'article 15 de la loi Egalim a affecté d'un coefficient de 1,10 le prix d'achat effectif des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur. Les dispositions de cette ordonnance relatives au relèvement du SRP ont par ailleurs été inscrites directement dans la loi par le législateur, à l'article 125 de la loi ASAP 54 ( * ) de décembre 2020.
Dans les faits, le relèvement du seuil de revente à perte a entraîné, après huit années de baisse des prix, le retour d'une légère inflation sur les produits vendus en grande surface.
Dans le cas spécifique de la filière des vins et spiritueux, l'augmentation du SRP aurait entraîné une diminution des ventes de l'ordre de 7 à 8 %. L'effet inflationniste de la mesure est en effet particulièrement marqué sur ces produits, compte tenu du fait qu'elle s'applique sur un prix d'achat effectif qui inclue les droits de consommation et les contributions de sécurité sociale, ces taxes pouvant représenter 55 % du prix de vente d'une bouteille à 40 degrés.
L'ambiguïté liée à l'inclusion de ces taxes dans la définition du prix d'achat effectif était déjà soulevée par la commission des affaires économiques du Sénat en 2019, dans son rapport 55 ( * ) sur le bilan d'Egalim un an après son adoption.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'exclusion des droits d'accise et de la cotisation « alcool » du calcul du seuil de revente à perte
En séance, les députés ont adopté un amendement qui modifie le mode de calcul du seuil de revente à perte pour les alcools :
• il modifie le I de l'article 125 de la loi ASAP afin d'exclure « les produits assujettis aux droits de consommation mentionnés au I de l'article 403 du code général des impôts », c'est-à-dire les alcools, de l'application du relèvement du SRP ;
• il complète ce I pour modifier la définition du seuil de revente à perte pour ces produits. Il prévoit en effet que le prix d'achat effectif est majoré d'un montant égal au produit d'un coefficient 0,1 par le prix d'achat effectif minoré du montant des droits de consommation et du montant de la cotisation « alcool ».
Évolution du mode de calcul du SRP+10 pour les alcools
III. La position de la commission - Souscrire à l'objectif de cet article tout en demandant des comptes sur l'usage qui a été fait des recettes issues du relèvement du seuil de revente à perte
Les effets de bord du relèvement du seuil de revente à perte depuis la loi Egalim ont été anticipés, documentés et constatés à plusieurs reprises par la commission des affaires économiques 56 ( * ) . Parmi ceux-ci figure, en effet, le flou entourant la définition du seuil de revente à perte pour les alcools. La commission valide donc les dispositions relatives à l'alcool.
Par ailleurs, alors que l'ensemble des acteurs du monde agricole entendus par la rapporteure ont déploré que le relèvement du SRP en 2019 n'ait pas « ruisselé » jusqu'à eux, en dépit d'un surcroît de ventes estimé en valeur entre 500 millions et un milliard d'euros, cette dernière a estimé nécessaire que le Gouvernement rende des comptes sur l'usage qui a été fait de cette « cagnotte » par les distributeurs et les fournisseurs. La commission a donc adopté, à son initiative, l'amendement COM-140 qui précise que le rapport devant être remis avant octobre 2022 par le Gouvernement au Parlement sur les effets de la loi « Egalim » en termes de prix devra détailler précisément cet usage, et la répartition de cette manne financière entre revalorisation des prix convenus avec les fournisseurs, hausse de la marge, augmentation des remises fidélité, etc.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2
bis
Expérimentation d'un affichage informant le consommateur sur
la rémunération des producteurs
Cet article vise à expérimenter, sur cinq ans, la mise en place d'un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles.
La commission a adopté un amendement encadrant la durée de l'expérimentation.
I. La situation actuelle - Une demande croissante, par les consommateurs, d'informations relatives à la rémunération des agriculteurs
Les informations dont dispose le consommateur au moment de l'acte d'achat sont de plus en plus nombreuses depuis quelques années.
Outre les informations légales (prix, volume, composition, etc.), il dispose en effet, de plus en plus souvent, de données relatives à la qualité nutritionnelle des produits (« Nutriscore »), à leurs conditions de fabrication (labels du commerce équitable) ou à leur impact environnemental.
Ces démarches relèvent généralement de la libre volonté des fabricants. Il convient de noter que si l'affichage environnemental a été prévu sur une base volontaire au sein de la loi dite « AGEC 57 ( * ) », le législateur a choisi de le rendre, à moyen terme et à l'issue d'une expérimentation, obligatoire pour certains produits définis par décret, à l'article 1 er de la loi « Climat-résilience ».
Devant l'exigence croissante, exprimée par la société civile, d'une rémunération juste des agriculteurs, certaines initiatives comme « C'est qui le patron ? » ont émergé en optant à la fois pour un prix payé plus élevé aux producteurs agricoles, et pour un affichage plus transparent dudit prix.
II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'expérimentation d'un affichage en rayons sur les conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles
En commission, les députés ont adopté un amendement, sous-amendé par le rapporteur, visant à instaurer une expérimentation de cinq ans d'un « affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles ».
Construit dans l'ensemble sur le même modèle que l'affichage environnemental prévu à l'article 1 er de la loi « Climat-résilience », l'amendement précise que cet affichage s'effectuera par voie de marquage, d'étiquetage, ou par tout autre procédé approprié, y compris par voie électronique. Il devra faire notamment ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l'impact en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits.
La méthodologie à utiliser et les modalités d'affichage seront définies, pour chaque catégorie de produits agricoles et alimentaires, par décret et leur pertinence sera évaluée lors de cette expérimentation.
III. La position de la commission - permettre la mise en oeuvre de cette expérimentation tout en encadrant sa durée maximale
Bien que les intentions du Gouvernement restent floues à ce stade quant aux modalités de mise en oeuvre de cet affichage des conditions de rémunération, la commission a souhaité valider l'esprit de cette initiative.
Elle a adopté un amendement COM-141 de la rapporteure qui précise que la durée de l'expérimentation n'est pas de cinq ans, mais d'une durée maximale de cinq ans.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article
3
Création d'un comité de règlement des
différends commerciaux agricoles
Cet article vise à élargir le champ de la médiation des relations commerciales agricoles à la conclusion des contrats écrits de vente de produits agricoles (et non uniquement à leur exécution) et à mettre en place un comité de règlement des différends commerciaux agricoles pouvant intervenir en cas d'échec de la médiation, préalablement à la saisine du juge, et disposant de pouvoirs d'injonction, d'astreinte et de mesures conservatoires.
La commission a adopté un amendement de la rapporteure qui renforce parallèlement des pouvoirs du médiateur, tiers de confiance de plus en plus connu et sollicité par les acteurs, et qui renforce les garanties d'indépendance et d'impartialité des membres du comité.
I. La situation actuelle - Un médiateur des relations commerciales agricoles récent, qui oeuvre à l'attente d'un règlement consensuel des litiges entre vendeurs et acheteurs de produits agricoles
La loi Egalim a renforcé les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles et a réduit la durée de la médiation à un mois.
L'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime dispose que tout litige entre professionnels relatif à « l'exécution d'un contrat ou d'un accord-cadre » ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit faire l'objet, nécessairement avant la saisine du juge, d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit explicitement un autre dispositif de médiation ou sauf recours à l'arbitrage.
Le médiateur connaît donc des litiges à l'amont comme à l'aval de la chaîne agroalimentaire.
La durée de médiation est plafonnée à un mois, renouvelable une fois avec l'accord des parties.
Toutefois, en pratique, certaines médiations peuvent être beaucoup plus longues : par exemple, dans la filière laitière, compte tenu de la situation de dépendance des organisations de producteurs vis-à-vis de leur laiterie, les producteurs ne souhaitent pas toujours que la médiation soit rompue, même en cas de désaccord maintenu.
La médiation est encadrée par les règles relevant du chapitre I er du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile.
Le médiateur peut recommander la modification des contrats dont il estime qu'ils présentent un caractère abusif ou manifestement déséquilibré. Il a faculté, aux termes de l'article L. 631-27, de saisir le ministre chargé de l'économie de toute clause des contrats ou accords-cadres ou de toute pratique liée à ces contrats ou accords-cadres qu'il estime présenter un caractère abusif ou manifestement déséquilibré afin que le ministre puisse, le cas échéant, introduire une action devant la juridiction compétente.
En cas d'échec de la médiation, les parties au litige peuvent saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige selon une procédure accélérée au fond, en s'appuyant sur les recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles.
II. Le dispositif envisagé - La création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles compétent pour connaître des litiges relatifs à la conclusion et l'exécution des contrats « amont »
L'article 3 de la proposition de loi vient modifier la procédure applicable en cas de litige entre les parties à un contrat portant sur la vente de produits agricoles ou alimentaires prévue à l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime.
D'une part, il étend le champ de la médiation aux litiges concernant la conclusion du contrat (et non uniquement l'exécution de celui-ci).
D'autre part, il crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles qui interviendra en cas d'échec de la médiation et préalablement à toute saisine du juge.
Ce comité de règlement des différends commerciaux agricoles pourra être saisi, en cas d'échec de la médiation, par toute partie au litige ou par le médiateur des relations commerciales agricoles dans un délai d'un mois suivant le constat de cet échec.
L'article 3 crée quatre nouveaux articles au sein du code rural et de la pêche maritime pour créer ce comité de règlement des différends commerciaux agricoles.
L'article L. 631-28-1 ainsi créé précise la compétence générale du comité ainsi que sa composition.
Il rappelle la compétence du comité de règlement des différends commerciaux agricoles pour connaître des litiges relatifs à la conclusion et à l'exécution des contrats ou accords-cadres et précise que ce comité établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d'application des articles du code rural et de la pêche maritime relatifs à la contractualisation entre un producteur agricole et son acheteur.
Il établit également sa composition. L'article 3 dispose que le comité de règlement des différends commerciaux agricoles est composé de trois membres, nommés pour une durée de cinq ans par décret par le ministre chargé de l'agriculture, à savoir :
• un membre ou un ancien membre du Conseil d'État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires. Ce membre présidera le comité ;
• une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière d'économie agricole ;
• une personnalité exerçant ou ayant exercé son activité dans le secteur de la production, la transformation ou de la distribution des produits agricoles.
À ces membres titulaires s'ajoutent trois membres suppléants, désignés selon les mêmes règles. En cas de vacance ou d'empêchement, la présidence est exercée par le suppléant du président titulaire.
Deux mesures encadrent la parité des membres du comité : d'une part, l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes parmi les membres titulaires ne peut être supérieur à un ; de même, l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes parmi les membres titulaires et suppléants ne peut être supérieur à un.
Le mandat de membre du comité n'est renouvelable qu'une seule fois. Les membres ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de soixante-dix ans.
L'article L. 631-28-2 encadre les conditions régissant l'instruction et la procédure devant le comité.
L'instruction, menée par un rapporteur, et la procédure respectent le principe du contradictoire. Chaque partie peut y être assistée par la personne de son choix.
La délibération après lecture du rapport par le rapporteur déclenche le débat devant le comité, qui a lieu en séance publique, dès lors que tous les membres du comité, titulaires ou suppléants, sont présents. La délibération a lieu en dehors de la présence du rapporteur.
Le huis clos peut être demandé si une des parties le demande : il est alors de droit. Le président, si la protection du secret des affaires l'exige, peut décider que la séance se poursuive hors la présence du public.
Le comité rend sa décision dans un délai d'un mois, ou deux mois si la production des documents est demandée par l'une ou l'autre des parties, délai lui-même prorogeable sous réserve de l'accord de la partie ayant saisi le comité.
L'article L. 631-28-3 fixe les pouvoirs dudit comité.
Pour tous les litiges, la décision du comité est motivée et rend compte des conditions à remplir pour assurer la conformité du contrat à la réglementation en vigueur. Elle est notifiée aux parties.
Le comité dispose d'un pouvoir d'injonction , éventuellement assortie d'une astreinte dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen par jour de retard à compter de la date que le comité fixe, pour contraindre les parties à conclure un contrat à certaines conditions ou à modifier ou à renégocier le contrat pour le mettre en conformité avec la législation en vigueur.
Le cas échéant, l'astreinte est prononcée en prenant pour base le chiffre d'affaires sur la base des comptes de l'entreprise relatifs au dernier exercice clos et dure jusqu'à la conclusion du contrat ou jusqu'à ce qu'une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat, ce qu'elle notifie alors au président du comité, ou, pour les litiges relatifs à l'exécution, jusqu'à ce que le contrat soit résilié, dans le respect du délai de préavis.
Enfin, le comité peut, après avoir entendu les parties, prendre les mesures conservatoires qu'il estime nécessaires, dès lors qu'il est porté une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l'une des parties au litige et qu'elles restent strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. Ces mesures conservatoires sont appliquées, lors d'un litige relatif à la conclusion d'un contrat, jusqu'à cette conclusion ou la rupture des négociations par l'une des parties et, lors d'un litige relatif à l'exécution ou à la renégociation, jusqu'à la modification ou la fin de la relation contractuelle.
Si les injonctions, les astreintes ou les mesures conservatoires ne sont pas respectées, le comité peut infliger une sanction administrative jusqu'à 75 000 € par producteur ou par acheteur, dans les conditions fixées à l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime.
L'article L. 631-28-4 du code rural et de la pêche maritime fixe les conditions de recours des décisions du comité de règlement des différends commerciaux agricoles.
Ces décisions et mesures conservatoires sont susceptibles de recours en annulation ou réformation devant la cour d'appel de Paris. Le recours n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel de Paris peut en revanche ordonner un sursis à exécution de la décision du comité, dès lors qu'elle est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est survenu, après sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
Le président du comité peut former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel et présenter ses observations devant la Cour de cassation.
Enfin, l'article 3 abroge l'article L. 631-29 du code rural et de la pêche maritime , lequel prévoyait que des accords interprofessionnels mentionnés ou, le cas échéant, le décret rendant obligatoire la contractualisation peuvent préciser les clauses du contrat pour lesquelles un recours à l'arbitrage est recommandé en cas de litiges.
III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, les députés ont adopté plusieurs amendements afin :
• de permettre aux filières dont la liste est définie par décret, pour lesquelles des modes alternatifs de règlement des différends ont été mis en place, d'être exonérées de l'application de l'article ;
• d'exclure du champ de compétence du comité de règlement des différends les litiges relatifs à la clause de renégociation des prix en cas d'échec de la médiation, le litige relevant alors de l'office du juge compétent ;
• de revoir la composition du comité de règlement des différends commerciaux agricoles en fixant à cinq le nombre de membres (un pour la production, un pour la transformation, un pour la distribution), tout en supprimant la limite d'âge fixée à 70 ans ;
• d'apporter des précisions rédactionnelles.
En séance publique, l'article a été modifié par un amendement afin de doter le comité de règlement des différends commerciaux agricoles d'un secrétariat pouvant faire appel à des rapporteurs extérieurs mis à la disposition par l'État. Les agents mis à la disposition du comité respectent les conditions d'impartialité et ne reçoivent aucune instruction. Ils sont tenus au secret professionnel.
IV. La position de la commission - Conserver le comité mais renforcer en parallèle les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles
La commission émet de sérieux doutes quant à l'utilité et à l'efficacité de ce nouveau comité.
Premièrement, toute partie au contrat pourra, si elle le souhaite, rompre unilatéralement le contrat afin de cesser la procédure devant ce comité, affaiblissant de fait sa capacité à imposer une solution. L'originalité de ce comité, qui le distingue du médiateur, réside en effet dans la possibilité qui lui serait confiée de pouvoir imposer ses décisions (injonction, astreinte, etc.). Or toute partie réticente à les appliquer pourra s'y soustraire en mettant fin à la relation contractuelle qui la lie au vendeur ou à l'acheteur du produit agricole.
Deuxièmement, ce comité affaiblit la médiation des relations commerciales agricoles, peu de temps après qu'elle ait été créée, alors même qu'elle est reconnue par l'ensemble des acteurs comme un moyen pertinent de parvenir à des solutions consensuelles. En outre, sa place dans les relations commerciales agricoles est appelée à croître du fait de la généralisation de la contractualisation écrite prévue à l'article 1 er .
Troisièmement, en offrant la possibilité au médiateur de saisir lui-même le comité, cet article 3 transforme indirectement la nature de la médiation. De tiers de confiance à la neutralité établie, le médiateur deviendrait un potentiel « gendarme » susceptible de sanctionner des échanges qu'il jugerait trop longs par la saisine du comité.
Quatrièmement, la création de ce comité soulève des préoccupations juridiques quant aux garanties d'indépendance et d'impartialité de ses membres, alors même qu'ils disposeront de pouvoirs potentiellement significatifs (injonctions, astreintes, mesures conservatoires).
Autrement dit, la commission ne perçoit pas les apports de la création de ce comité, qui pourrait conduire, du reste, à rallonger les délais de négociation avant saisine du juge.
Privilégiant le fait de renforcer la médiation, dont il apparaît de plus en plus clairement qu'elle a su s'imposer comme un mode de règlement des litiges consensuel et apprécié des parties, la commission a adopté l'amendement COM-145 de la rapporteure qui :
• permet aux parties à un contrat de désigner le médiateur comme arbitre, si elles le souhaitent ;
• donne au médiateur la possibilité de rendre publics les refus des parties de communiquer les éléments nécessaires à la médiation des litiges ;
• permet aux parties, en cas d'échec de la médiation ou à l'issue du délai qui lui est imparti, de saisir directement juge selon la procédure accélérée au fond ;
• exige du comité qu'il statue sur la base des recommandations du médiateur ;
• remplace le membre du comité représentant la grande distribution par un deuxième membre représentant l'amont agricole ;
• précise que les membres du comité exercent leur fonction en toute impartialité.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article
3 bis
Tromperie du consommateur lorsque figure un symbole
représentatif de la France sur un produit alimentaire dont les
ingrédients primaires n'ont pas une origine française
Cet article vise à considérer comme une pratique commerciale trompeuse le fait d'afficher un drapeau français ou tout autre symbole équivalent sur une denrée alimentaire dont l'ingrédient principal n'a pas une origine française.
Considérant les risques de non-conformité au droit européen trop importants, et rappelant que le cadre juridique vient d'être renforcé en la matière lors du projet de loi Climat et résilience, la commission a choisi de ne pas modifier, une nouvelle fois, l'arsenal juridique mais de renforcer considérablement les contrôles en matière de tromperie sur l'origine des produits alimentaires, en forçant le Gouvernement à rendre compte annuellement de ses actions en la matière.
I. La situation actuelle - le droit européen encadre strictement les règles relatives à l'affichage de l'origine des produits alimentaires
L'encadrement des pratiques commerciales déloyales et trompeuses est régi par le droit européen, plus précisément par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, transposée dans le code de la consommation.
Au regard de ce cadre, les pratiques commerciales sont considérées comme déloyales lorsqu'elles sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elles altèrent le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service, aux termes de l'article L. 121-1 du code de la consommation.
Parmi les pratiques commerciales déloyales figurent les pratiques commerciales trompeuses, dès lors qu'elles contiennent des informations fausses ou mensongères ou si ces informations, bien que correctes dans les faits, peuvent induire le consommateur moyen en erreur et sont susceptibles de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.
Les pratiques commerciales trompeuses sont définies à l'article L. 121-2 du code de la consommation comme des pratiques commises dans l'une des circonstances suivantes :
1. lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2. lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service, le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation, la portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services, l'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel, le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
3. lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.
Aux termes de l'article L. 121-3 du même code, sont également trompeuses les pratiques commerciales qui omettent, dissimulent ou fournissent de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle.
Enfin, l'article L. 121-4 du code liste spécifiquement des pratiques interdites en toutes circonstances. Cette « liste noire » est une transposition de l'annexe I de la directive 2005/29/CE.
L'article L. 132-2 du code de la consommation précise, de son côté, le régime de sanctions applicables. Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.
II. Le dispositif envisagé - considérer comme une pratique commerciale trompeuse le fait de laisser entendre, par un signe distinctif, qu'un produit alimentaire est français alors que l'ingrédient principal qui le compose ne l'est pas
En commission, les députés ont un adopté un amendement qui allonge la liste des pratiques commerciales considérées comme trompeuses en toutes circonstances, figurant à l'article L. 121-4 du code de la consommation, en ajoutant le fait de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur un produit alimentaire lorsque l'ingrédient primaire de ce produit n'est pas lui-même d'origine française.
En pratique, l'ingrédient primaire étant considéré dans le droit européen comme « le ou les ingrédients d'une denrée alimentaire qui constituent plus de 50 % de celle-ci ou qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par les consommateurs et pour lesquels, dans la plupart des cas, une indication quantitative est requise », l'article interdit tout affichage laissant entendre que le produit alimentaire est d'origine française si l'ingrédient principal de la denrée n'est pas lui-même d'origine française.
III. La position de la commission - tout en souscrivant à la philosophie de l'article, la commission estime que le renforcement de l'arsenal juridique porte, en lui, trop de risques pour les opérateurs, notamment au regard du droit européen et lui préfère une action résolue et ferme des autorités de contrôles pour mieux lutter contre les pratiques trompeuses en matière de l'étiquetage de l'origine du produit
La consommation de produits alimentaires français est plébiscitée par les ménages. C'est pourquoi de nombreuses entreprises mettent en avant des drapeaux français ou des symboles rappelant au consommateur que le produit est local. Cet affichage permet, en pratique, de valoriser des produits « transformés en France » ou composés principalement de matières premières françaises.
Bien entendu, le flou autour de ce qui a un lien suffisamment fort avec une production française entretient des pratiques qui peuvent poser des difficultés : un miel chinois conditionné en France peut-il par exemple afficher clairement des rubans tricolores, laissant entendre au consommateur qu'il consomme un produit français, alors même que le droit européen autorise à ne mentionner que l'origine du miel est « hors UE », sans autres précisions ?
Il va de la crédibilité du dispositif juridique actuel de mieux circonscrire l'utilisation des affichages « origine France ».
Toutefois, le droit actuel prévoit déjà un cadre précis luttant contre les affichages trompeurs en matière d'origine.
À partir du moment où le professionnel choisit d'apposer sur un produit une mention sur l'origine française, elle doit pouvoir être justifiée.
L'article 6 de la directive susmentionnée, transposée à l'article L. 121-2 du code de la consommation, précise qu'est considérée comme une pratique trompeuse toute pratique commerciale mensongère ou induisant en erreur le consommateur en ce qui concerne plusieurs caractéristiques principales du produit, notamment « son origine géographique ou commerciale » et « le mode de fabrication ».
Bien entendu, rien n'interdit à un produit qui ne comporte pas un ingrédient primaire français de faire figurer un symbole français pour mettre en avant le fait que la transformation a lieu en France. Toutefois, si le produit n'a aucune origine française, et que l'affichage se prévaut d'une telle origine, une telle pratique est considérée comme trompeuse.
Cette rédaction a été consolidée lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, l'article L. 121-2 du code de la consommation prévoyant désormais qu'une pratique commerciale est considérée comme trompeuse dès lors qu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur son origine « notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions "fabriqué en France" ou "origine France" ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits ».
L'esprit de l'article 3 bis semble donc déjà satisfait par le droit existant.
À l'inverse, adopter une logique prescriptive préventive, interdisant l'utilisation de tout signe représentatif de la France sur une denrée alimentaire dont l'ingrédient primaire n'est pas français, semble s'opposer au droit européen.
Le règlement (UE) n° 1169/2011 relatif à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires ne permet pas de s'opposer à ce qu'un opérateur revendique l'origine française de son produit, notamment sous la forme d'un drapeau français, dès lors que cela est vrai au regard des règles de l'Union. Or les règles de l'Union européenne n'imposent pas que les ingrédients primaires soient d'origine française.
En outre, si l'article L. 121-4 du code de la consommation liste spécifiquement des pratiques interdites en toutes circonstances, formant une « liste noire » des pratiques commerciales à prohiber, il s'agit, en réalité, d'une transposition à l'identique de l'annexe I de la directive 2005/29/CE. Dès lors, l'article 3 bis de la proposition de loi suggère d'aller plus loin que cette liste noire en l'enrichissant.
Or le 5. de l'article 5 de cette directive précise que « cette liste unique s'applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive. » En outre, l'article 4 de la même directive dispose que : « les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la [...] directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur. »
De surcroît, certaines entreprises souhaitent légitimement valoriser la transformation réalisée en France, notamment sur des produits dont l'ingrédient primaire ne peut être d'origine française (comme le chocolat ou le café), ou pour mieux le valoriser à l'export. Ces valorisations, qui ne posent pas de difficultés, doivent être maintenues.
En outre, aller plus loin expose le législateur à une rédaction créant de l'insécurité juridique : en l'espèce, il apparaît difficile d'identifier en amont ce qui s'apparente à un « symbole représentatif de la France ».
Pour la rapporteure, la solution, en la matière, est avant tout dans un renforcement des contrôles, plus que dans un renforcement de l'arsenal juridique, d'autant que ce dernier est très contraint par le droit européen. À défaut, l'article serait inapplicable.
C'est pourquoi elle a proposé à la commission, qui l'a accepté, d'appeler le Gouvernement à renforcer structurellement les contrôles relatifs aux pratiques trompeuses relatives à l'origine des produits alimentaires, notamment pour sanctionner les étiquetages qui laisseraient entendre clairement que le produit est français alors que les ingrédients qui le composent ne le sont pas.
Pour mieux contrôler ces actions de contrôle, la commission a donc adopté l'amendement COM-142 de la rapporteure qui vise à réécrire l'article et à prévoir que le Gouvernement présente chaque année, au Parlement, le bilan des contrôles annuels menés en la matière, les mesures qui ont été prises ainsi que les sanctions appliquées.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 4
Obligation
de la mention d'origine pour les produits alimentaires lorsqu'il existe un lien
avéré entre leurs propriétés et cette origine et
indication de l'origine de l'ingrédient primaire lorsque celle-ci
diffère de celle indiquée pour le produit
Cet article vise à rendre obligatoire l'affichage de l'origine des ingrédients composant une denrée alimentaire, dès lors qu'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et l'origine des ingrédients.
Au regard des risques juridiques liés à l'inconventionnalité de la mesure, la commission a rédigé différemment l'article pour renforcer sa robustesse, conformément à ce que le Sénat avait proposé et adopté lors de l'examen de la loi Climat et résilience.
I. La situation actuelle - un affichage de l'origine des ingrédients d'une denrée alimentaire strictement encadré par le droit européen, qui contraint les initiatives nationales voulant aller plus loin pour préserver le marché unique
L'indication de l'origine des produits alimentaires est une caractéristique essentielle permettant aux consommateurs à la fois de réduire l'empreinte environnementale de leur alimentation, en renforçant la localisation de celle-ci, mais également de mieux valoriser des démarches rémunératrices des producteurs.
L'article 26 du règlement INCO 58 ( * ) dispose que l'indication du pays d'origine est obligatoire « dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent ».
En la matière, le droit européen issu du ce règlement est d'harmonisation maximale.
En parallèle, dans plusieurs règlements spécifiques, la réglementation européenne rend obligatoire l'étiquetage du pays d'origine pour certaines catégories de produits spécifiques (viande crue bovine, viandes crues des espèces porcine, ovine, caprine et les volailles, fruits et légumes, vin, oeufs et huile d'olive, miel et poissons).
En outre, l'article 39 du règlement INCO prévoit que les États membres peuvent introduire des mentions obligatoires complémentaires dès lors qu'il existe une des raisons suivantes :
• protection de la santé publique ;
• protection des consommateurs ;
• répression des tromperies ;
• une protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d'origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale.
Il ajoute que les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance . Lorsqu'ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information.
Transposé en droit, l'article L. 412-1 du code de la consommation prévoit qu'un décret en Conseil d'État statue sur « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou documents de promotion » , notamment pour l'origine des matières premières composant le produit.
L'article L. 412-4 du code de la consommation dispose spécifiquement que « sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. »
À cet égard, le cinquième alinéa dispose que « la liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article . »
Cet alinéa permet à la Commission européenne de valider, en amont, toute surtransposition. Dès lors, toute imposition spécifique fixée dans le droit national peut être cassée, comme le rappelle une récente « affaire » sur l'affichage de l'origine du lait.
En effet, la France avait obtenu, en 2016, une expérimentation sur l'étiquetage de l'origine du lait. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne, interrogée par le Conseil d'État, a rappelé que cet étiquetage de l'origine ne pouvait être imposé par un État membre que si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information, ce qui est bien sûr le cas, et s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés d'une denrée alimentaire et son origine. C'est pourquoi, à défaut de la démonstration d'un tel lien entre l'origine et les propriétés du lait français, le Conseil d'État a annulé le décret autorisant une telle expérimentation.
Depuis, l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire, notamment le lait, est dans une impasse.
II. Le dispositif envisagé - établir obligatoirement l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire d'une denrée alimentaire s'il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine, sauf dérogations
L'article 4 de la proposition de loi initiale propose une modification de l'article L. 412-4 du code de la consommation :
• le premier alinéa applique la plus récente jurisprudence dans le droit français, en rendant obligatoire l'indication du pays d'origine pour les denrées alimentaires « pour lesquelles il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine » et que cet affichage, dans le cas des produits constitués de plusieurs ingrédients, se fait dans le respect des règles fixées par le droit de l'Union européenne ;
• le cinquième alinéa prévoit une mesure de coordination juridique ;
• les sixième et septième alinéas disposent qu'un décret peut préciser que certains produits ne sont pas soumis à cette obligation.
III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, les députés ont adopté plusieurs amendements visant à :
• préciser que les propriétés appréciées pour établir le lien avéré doivent être regardées « notamment en termes de protection de la santé publique et de protection des consommateurs » ;
• rappeler que l'origine doit être indiquée pour « le ou les » ingrédients primaires ;
• apporter une précision rédactionnelle au dernier alinéa.
En séance publique, ils n'ont pas adopté d'amendement sur cet article.
IV. La position de la commission - renforcer l'obligation d'afficher l'origine de l'ingrédient primaire dans les denrées alimentaires, dans le strict respect du droit européen
Il importe de faire bouger les lignes en matière d'étiquetage de l'origine des produits alimentaires : la présidence française de l'Union européenne en janvier 2022 doit être une étape importante dans l'évolution du droit européen en la matière.
La proposition de loi actuelle entend simplement transcrire dans le droit français la jurisprudence européenne, à savoir que le fait de rendre obligatoire l'affichage de l'origine n'est possible qu'à la condition que deux critères soient réunis : si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information, et s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés d'une denrée alimentaire et son origine.
L'architecture proposée rend obligatoire, dès lors qu'il existe un tel lien avéré, l'affichage de l'origine, sauf pour les produits qui en sont dispensés par décret. En d'autres termes, l'article renverse la logique de l'article L. 412-4 actuel, lequel prévoit qu'un décret fixe la liste des produits soumis à l'obligation d'indication de l'origine. Avec la proposition de loi, l'obligation d'indication devient le principe avec une possibilité de sortir certains produits du dispositif par décret.
Cette architecture pourrait toutefois poser des difficultés pratiques - comment, par exemple, lister l'ensemble des produits pour lesquels il n'existe pas de lien avéré ou comment gérer le contentieux relatif à des produits pour lesquels il existerait un doute sur l'existence d'un tel lien avéré, les entreprises ne sachant pas, dans ce cas, s'ils doivent afficher ou non l'origine - et, sans doute, de compatibilité avec le droit européen.
En effet, l'esprit du règlement INCO semble être de rendre possible de contraindre l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire, sous condition, et non de le rendre obligatoire par principe. L'imposition doit plutôt avoir lieu au cas par cas, au travers d'une liste positive, sans présumer de façon générale par principe qu'il existe un lien avéré entre un produit et son origine. C'est d'ailleurs ce que rappelle la décision du Conseil d'État ayant censuré le 10 mars 2021 l'expérimentation de l'affichage de l'origine du lait en estimant que les mesures nationales en présence devaient être « justifiées », cette justification des mesures étant sans doute entendue comme des mesures prises au cas par cas, et non une mesure générale d'obligation assortie de mesures dérogatoires par produits.
Par conséquent, la solution juridique proposée semble vouloir transcrire un droit européen déjà applicable (qui ne nécessite donc pas de transcription), tout en voulant aller au-delà de la transcription du droit européen, ce qui prend donc le risque d'être inconventionnel et donc non applicable en l'état. Dès lors, l'adoption de l'article en l'état ne semble pas pertinente.
Toutefois, la rapporteure rappelle que, le règlement INCO ayant été légèrement modifié en 2020, il est utile, par transparence et souci de lisibilité, de transcrire ces modifications dans le droit national en inscrivant que lorsque le pays d'origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est indiqué et qu'il n'est pas celui de son ingrédient primaire, le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire en question est également indiqué, ou, à tout le moins, le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire est indiqué comme étant autre que celui de la denrée alimentaire.
Lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, le Sénat a voulu faire bouger les lignes en la matière en adoptant un article (il s'agissait de l'article 66 ter A du texte issu des travaux du Sénat), à l'initiative de la rapporteure Anne-Catherine Loisier, visant à rendre obligatoire l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire lorsqu'elle est différente de celle de la denrée alimentaire, ou à tout le moins d'une mention indiquant cette divergence, au travers d'un affichage visible, lisible et apparent.
La commission a donc accepté de modifier l'article pour reprendre plutôt la rédaction que le Sénat avait adoptée dans la loi Climat et résilience, plus solide juridiquement, en adoptant l'amendement COM-143 de la rapporteure.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 4 bis
Indication
de l'origine des viandes vendues par les établissements
de
restauration à emporter proposant seulement des repas à emporter
(« dark kitchen »
)
Cet article vise à étendre l'obligation de l'affichage de l'origine des viandes dans tous les établissements de restauration.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. La situation actuelle - une obligation d'affichage de l'origine des viandes dans les établissements de restauration
Depuis l'adoption de loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, l'article L. 412-9 du code de la consommation rend obligatoire l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volailles dans les établissements proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer.
Les modalités d'application de cet article sont fixées dans un décret, qui n'a pas encore été publié.
II. Le dispositif envisagé - étendre cette obligation aux restaurants ne faisant que de la vente à emporter
L'article 4 bis , adopté par les députés au stade de la commission, étend cette obligation aux restaurants proposant seulement des repas à emporter ou à livrer.
III. La position de la commission - une extension légitime de l'obligation aux établissements à emporter sans salle
L'article, pourtant adopté début 2020, n'est toujours pas en vigueur en raison d'un vice de forme.
La réglementation européenne dispose en effet que les États membres doivent informer la Commission de tout projet de règle technique avant son adoption. Dès lors que le projet a été notifié, une période d'instruction de trois mois démarre, durant laquelle la mesure proposée ne peut entrer en vigueur. À défaut, ces mesures sont réputées inopposables devant les juridictions nationales.
Si le Gouvernement a bien notifié ces mesures à la Commission européenne le 7 juin 2020, la Commission a estimé que la loi avait été promulguée avant l'expiration du délai d'instruction et que, partant, les dispositions devenaient inopposables en cas de contentieux.
En parallèle, le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de cette disposition au titre de l'article 37 de la Constitution dans la mesure où il estimait que cette mesure présentait un caractère réglementaire. En pratique, le déclassement permettait de prendre un décret, qu'il aurait été possible de notifier tout en respectant la durée de trois mois d'instruction requise par la Commission européenne. Toutefois, le Conseil constitutionnel a démenti l'analyse du Gouvernement estimant que ces mesures relevaient « des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales » et qu'elles avaient donc un caractère législatif (décision n° 2021-295 du 24 juin 2021).
Dès lors, pour que la mesure entre en vigueur, il convient, en raison d'un élément déclencheur, de notifier de nouveau ces mesures à la Commission européenne en respectant le délai d'instruction. Sans présager de l'analyse de fond de la Commission, les mesures pourraient, dès lors, entrer en vigueur.
Au-delà de ce problème de forme, qui rendra inopérant l'article 4 bis de cette loi, la commission soutient l'idée de l'article.
La commission a adopté l'article sans modification.
Article 5
Encadrement
de la publicité relative aux opérations de
dégagement
Cet article vise à encadrer les pratiques publicitaires liées aux opérations de dégagement de produits alimentaires.
La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.
I. La situation actuelle - un encadrement possible des promotions de dégagement par arrêté
Si des opérations promotionnelles sur les produits alimentaires périssables sont susceptibles de désorganiser les marchés, « par leur ampleur ou leur fréquence », l'article L. 443-1 du code de commerce dispose qu'un arrêté interministériel ou à défaut préfectoral peut encadrer la périodicité et la durée de ces opérations.
Les ministres chargés de l'agriculture et de l'économie ont, sur ce fondement, pris, dans le passé, dans un contexte de crise porcine, des arrêtés, d'une durée d'un an, pour encadrer les opérations promotionnelles de la viande porcine fraîche.
Par exemple, aux termes de l'arrêté du 27 novembre 2017, en dehors des périodes des fêtes de début d'année et de la sortie de l'été où les opérations sont utiles pour désengorger le marché, aucune opération promotionnelle mettant en avant des prix inférieurs à 40 % du prix moyen hors promotion du mois précédent ne pouvait être proposée.
II. Le dispositif envisagé - une autorisation administrative requise pour réaliser des publicités en dehors des magasins sur les opérations de dégagement
Reprenant une proposition du rapport de Serge Papin remis au ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, l'article 5 de la proposition de loi crée une nouvelle sous-section au sein du code de la consommation, composée d'un article L. 122-24 qui soumet à l'autorisation de l'autorité administrative, après avis de l'organisation interprofessionnelle compétente, la pratique publicitaire en dehors des magasins relative à une opération de dégagement de produits alimentaires. L'alinéa suivant définit une opération de dégagement comme « une opération promotionnelle visant à écouler une surproduction de produits alimentaires . »
La liste des produits concernés par cette disposition sera déterminée par décret.
III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, les députés ont adopté deux amendements visant à :
• prévoir que l'avis de l'organisation interprofessionnelle était réputé favorable en l'absence de réponse dans un délai fixé par décret ;
• préciser que la publicité était réputée autorisée en l'absence de réponse de l'administration dans un délai fixé par décret.
IV. La position de la commission
Estimant que les garanties proposées, notamment la consultation des interprofessions, étaient satisfaisantes pour lutter contre un problème de destruction de la valeur des produits agricoles tout en permettant, lors de surproduction, d'écouler les produits concernés, la commission a adopté l'article après l'avoir modifié par l'amendement COM-144 de la rapporteure, de nature rédactionnelle.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 6
Date
d'entrée en vigueur des articles de la proposition de loi
Cet article fixe les dates d'entrée en vigueur des différents articles de la proposition de loi. La contractualisation écrite serait applicable au plus tard le 1 er janvier 2023, tandis que les dispositions relatives à la transparence de la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur seraient applicables à compter du 1 er janvier 2022.
La commission a adopté cet article sans modification, privilégiant sur ce sujet un débat en séance publique.
I. Le dispositif envisagé - Des dates d'entrée en vigueur homogènes, au 1er janvier 2022
La version initiale de l'article 6 prévoyait des dates d'entrée en vigueur similaires pour les différents articles :
• l'article 1 s'appliquait aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2022 ;
• l'article 2, également, s'appliquait aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2022 ;
• les dispositions de l'article 3 ne pouvaient être applicables aux médiations en cours à la date de la publication de la loi ;
• les dispositions de l'article 4 et de l'article 5 étaient applicables à compter du 1 er janvier 2022
II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, les députés ont adopté un amendement :
• prévoyant que l'article 1 er ne s'appliquerait qu'à compter d'une date fixée par décret pour chaque filière, et au plus tard le 1 er janvier 2023 ;
• que les contrats et accords-cadres en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article 1 er devraient être mis en conformité lors de leur prochain renouvellement, et au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi.
Ils ont également adopté un amendement qui repousse l'entrée en vigueur de l'article 4 au 1 er juillet 2022 (et non plus au 1 er janvier 2022), ainsi qu'un amendement rédactionnel.
III. La position de la commission - ne pas modifier cet article et réserver le débat sur les dates d'entrée en vigueur pour la séance publique
La commission a adopté l'article sans modification.
* 4 Environ 30 % des volumes sont couverts par une contractualisation écrite volontaire. Ce pourcentage atteint 100 % dans le cas des viandes en label rouge, mais ces dernières ne représentant que 3 à 5 % du volume total de viande bovine.
* 5 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
* 6 Ces indicateurs sont diversement pris en compte selon l'orientation de la collecte. Ils sont habituellement pris en compte pour un certain pourcentage sur la partie de la collecte destinée à la France (souvent de l'ordre de la moitié de la collecte). Pour la partie export, il s'agit plus souvent de l'indicateur lié au prix du lait allemand (de l'ordre de 40 % pour les gros faiseurs) et le reste sur la base du prix international beurre/poudre. La combinaison de ces indicateurs affectés à leur part du total collecté, constitue la « formule de prix ».
* 7 Par exemple : CNIEL (lait de vache), l'ANICAP (lait de chèvre), INTERBEV (ovins et bovins), INAPORC (porcins), ANVOL (volaille de chair), INTERFEL (fruits et légumes frais), ANIFELT (fruits et légumes transformés), GIPT (pomme de terre fécule et transformée), Intercéréales (céréales), Terres Univia (huiles et protéines végétales).
* 8 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
* 9 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (art. 84).
* 10 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (art. 125) et loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (art. 15).
* 11 Ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne (art. 2).
* 12 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (art. 94).
* 13 Décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur laitier et décret n° 2020-960 du 31 juillet 2020 relatif à l'obligation de conclure des contrats de vente écrits pour la vente de lait de vache cru. L'obligation de contractualisation est désormais codifiée à l'article R. 631-7 du CRPM.
* 14 Arrêté du 18 décembre 2019 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV) du 22 mai 2019 définissant les règles de contractualisation en label rouge « Gros bovins de boucherie ».
* 15 Arrêté du 26 juillet 2021 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP) rendant obligatoire la contractualisation écrite dans le secteur du lait cru de chèvre.
* 16 Décret n° 2019-310 du 11 avril 2019 portant abrogation des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives aux contrats de vente de fruits et légumes frais.
* 17 Les fruits et légumes frais constituent des productions périssables dont l'offre et la demande peuvent être particulièrement sensibles aux aléas météorologiques, rendant plus difficile l'engagement des parties sur une durée pluriannuelle. Dans ce cadre le caractère obligatoire et pluriannuel de la contractualisation ne permettrait pas de prendre en compte, par exemple, des aléas de production nécessitant de mettre en place en quelques jours des débouchés nouveaux sur des périodes courtes. Par ailleurs, certaines filières utilisent d'autres modes de relations commerciales comme les marchés à terme pour les céréales ou les oléoprotéagineux, qui impliquent d'autres modalités contractuelles tout en permettant également de donner une visibilité aux producteurs. Enfin, il demeure dans certains secteurs comme la viande bovine des habitudes de fonctionnement qui privilégient les accords oraux et la « cueillette » d'animaux dans les fermes sur des bases ponctuelles.
* 18 Ces dispositions ne sont toutefois applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent, en application du dernier alinéa du III de l'article L. 631-24-2. Cette dérogation est justifiée par le fait qu'au sein de la filière viticole, les opérateurs font face à une pluralité d'opérateurs commerciaux et à une production ponctuelle dont les quantités et qualités varient d'une année à l'autre. En raison de cette spécificité, de nombreuses transactions quasi immédiates sont effectuées entre les producteurs et les acheteurs, notamment à l'occasion d'achat de vendanges durant la récolte.
* 19 C'est le choix fait par l'association nationale interprofessionnelle caprine dans l'accord interprofessionnel rendant obligatoire la contractualisation écrite dans le secteur du lait cru de chèvre.
* 20 Cf. commentaire de l'article 1 er .
* 21 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, prise sur le fondement de l'article 17 de la loi Egalim de 2018.
* 22 La liste des produits concernés figure à l'article D. 441-3 du code de commerce. Elle comprend, par exemple, la catégorie des bovins, veaux, porcs, volailles, lapins, lait, oeufs, ou encore les saucisses fraîches et viandes hachées.
* 23 Art. L. 631-28 du CRPM.
* 24 Le terme « clause de prix des contrats de vente » regroupe la clause relative au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, créée par l'article 1 er de la présente proposition de loi, ainsi que, le cas échéant, la clause relative aux critères et modalités de détermination du prix. Ces clauses sont définies au 1° du III de l'article L. 631-24 du CRPM.
* 25 Art. L. 682-1 du CRPM.
* 26 https://cniel-infos.com/LT943111-indicateurs-economiques
* 27 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.
* 28 Les autres chapitres du titre IV sont relatifs aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises (chapitre 2) et aux dispositions spécifiques aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (chapitre 3).
* 29 Art. L. 441-1 du code de commerce. Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s'effectue par tout moyen constituant un support durable.
* 30 Les PGC sont définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation. Ils sont listés à l'article D. 441-9 du code de commerce.
* 31 Art. L. 441-4 du code de commerce.
* 32 Art. L. 441-3 du code de commerce.
* 33 Art. L. 441-7 du code de commerce.
* 34 Art. L. 443-4 du code de commerce.
* 35 Un exemple de CGV qui satisfait à l'obligation d'explicitation : dans le cas d'un producteur d'oeufs, le fait de faire référence à l'indicateur mensuel de l'ITAVI poule pondeuse pour les gammes de produits d'oeufs de poules élevées en cage, d'indiquer que le prix de production sortie d'usine d'une tonne d'aliment des poules pondeuses est le résultat d'un produit entre cet indice ITAVI et un coefficient, et d'indiquer, à chaque évolution positive de 10 € par tonne d'aliment, l'incidence sur le prix de revient pour 100 oeufs.
* 36 IV de l'article L. 441-4 du code de commerce.
* 37 Sauf les fournisseurs produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture, figurant sur une liste établie par décret.
* 38 Art. L. 442-1 du code de commerce.
* 39 Rapport n° 2268 fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs.
* 40 Art. R. 412-47 du code de la consommation.
* 41 Avis n° 18-9 relatif à une demande d'avis d'un professionnel portant sur la légalité d'une pratique mise en oeuvre dans le cadre de l'achat de produits MDD.
* 42 « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », Rapport d'information de MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 89 (2019-2020) - 30 octobre 2019.
* 43 Recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur.
* 44 Art. L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.
* 45 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 46 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.
* 47 Assemblée nationale, rapport n° 2268 fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs.
* 48 Art. L. 441-1 du code de commerce.
* 49 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 50 Article créé par l'article 2 de la présente proposition de loi, cf. commentaire d'article y afférant.
* 51 Loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.
* 52 Loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963.
* 53 Ordonnance n° 2018-1128 du 12décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.
* 54 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 55 Rapport d'information n° 89 fait au nom de la commission des affaires économiques dressant un bilan du titre Ier de la loi Egalim un an après sa promulgation, Par MM. Daniel Gremillet, Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier.
* 56 Rapport d'information de MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », n° 89 (2019-2020), octobre 2019.
* 57 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
* 58 Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires