EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Missions des bibliothèques

Cet article propose d'introduire dans le code du patrimoine une définition des missions des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements.

I. - Définition des missions des bibliothèques des communes et de leurs groupements

Afin de conforter la place des bibliothèques, et par symétrie avec les autres institutions (Archives, Musées...), l'article 1 er de la présente proposition de loi insère dans le code du patrimoine un nouvel article L. 310-1 A. Cet article, qui ouvrirait le livre III, propose une définition des missions des bibliothèques des collectivités et de leurs groupements.

A. Quelles bibliothèques ?

Le champ du présent article 1 er est celui des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements, environ 15 000 établissements, soit les bibliothèques municipales, intercommunales et départementales . En seraient exclus les établissements dotés d'un statut particulier comme la Bibliothèque nationale de France (BnF) ou la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou (BPI), les bibliothèques universitaires, mais également les bibliothèques associatives 4 ( * ) .

B. Garantir l'accès à la culture, mais pas seulement

Les bibliothèques concernées par le présent article doivent garantir l'accès de tous à :

- la culture ;

- l'information ;

- l'éducation ;

- la recherche ;

- aux savoirs ;

- aux loisirs.

L'énumération, volontairement large , permet de prendre en compte la diversité des domaines et des savoirs que le citoyen est en droit de trouver dans une bibliothèque. Le choix du dernier terme « loisirs » renvoie à la bibliothèque conçue comme un « tiers lieu », expression que l'on doit au rapport d'Erik Orsenna et Noël Corbin 5 ( * ) et qui souligne le caractère désormais beaucoup plus transversal et ouvert du lieu.

Les bibliothèques ont également pour mission « la transmission aux générations futures du patrimoine qu'elles conservent ». Actuellement, sur 15 000 établissements, un peu plus de 500 sont en mesure de réaliser une action patrimoniale.

Cette définition très large et qui pourrait s'appliquer à d'autres opérateurs, est utilement précisée. Ainsi et « à ce titre », les bibliothèques :

Ø ( ) « constituent, conservent et communiquent des collections de documents et d'objets, définies à l'article L. 310-3 [du code du patrimoine], sous forme physique ou numérique »

Le 1° limite le domaine des bibliothèques aux « collections de documents et objets définies à l'article L. 310-3 [du code du patrimoine] », lui-même créé par l'article 4 de la présente proposition de loi. Cet article en renvoie la liste à un décret en Conseil d'État.

Dans ce cadre, les bibliothèques ont une triple mission au regard des collections : constituer , conserver et communiquer . Ce champ, très complet, synthétise les tâches de ces établissements ;

Ø ( ) « conçoivent et mettent en oeuvre des services et des activités associés à leurs missions ou à leurs collections »

Le rôle des bibliothèques n'est plus limité, comme cela pouvait être autrefois le cas, à la simple collecte et mise à disposition du public de documents la plupart du temps écrits. Ces établissements mènent dorénavant des politiques actives d'animation autour de leurs collections, avec par exemple des expositions, des jeux ou des lectures publiques en particulier en milieu rural où la bibliothèque peut évoluer en « Maison des jeunes » ou en carrefour culturel. Cet aspect est souligné par le rapport précité de Sylvie Robert et Colette Mélot : « De plus en plus de bibliothèques proposent ainsi des services dans des domaines divers (éducation artistique et culturelle, débat d'idées, formation et orientation professionnelles, médiation, lutte contre la fracture numérique...) et développent des partenariats avec d'autres acteurs issus des sphères culturelle, sociale ou éducative. »

Le 2° permet donc de tenir compte de cet élargissement de leurs activités, mais marque cependant une limite en précisant que ces services et activités sont « associés à leurs missions ou à leurs collections ». Il s'agit d'éviter que l'élargissement de ces lieux ne se construise au détriment de leur mission première d'accès à la culture au sens large ;

Ø ( ) « contribuent aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion »

Ce dernier rôle des bibliothèques rappelle leur fonction patrimoniale. Des bibliothèques exercent en effet un travail scientifique sur leurs fonds patrimoniaux, en lien avec les établissements de recherche.

Le dernier paragraphe du présent article 1 er insère la définition du champ d'action des bibliothèques dans un cadre constitutionnel plus large , avec le rappel de trois principes .

Le principe de « pluralisme des courants d'idées et d'opinion » renvoie au champ politique. Il découle du dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution, qui dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ». Son respect est à ce titre qualifié au 12 e considérant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-486 du 3 avril 2003 12 d'« un des fondements de la démocratie ».

Le principe « d'égalité d'accès au service public » est également intégré à la jurisprudence constitutionnelle. Il est une composante de celui, plus vaste, d'égalité des usagers devant le service public, tel que réaffirmé par exemple dans la décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001. Le respect de ce principe peut, par exemple, limiter la possibilité d'instaurer des tarifs différenciés pour l'accès à un service public, ou bien être invoqué dans le cas de fermetures de service public dans certains territoires.

La neutralité pour sa part est attachée aux agents du service public. Le Conseil d'État l'a à l'origine définie dans le cadre d'un avis rendu le 3 mai 2000 6 ( * ) . Consacré par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le principe implique que, dans le cadre de ses fonctions, l'agent public est tenu à une obligation de stricte neutralité. Il doit ainsi s'interdire de manifester, dans le cadre de ses fonctions, ses opinions religieuses . La charte de la laïcité dans les services publics, publiée en 2013, précise que « Tout agent public a un devoir de stricte neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience ».

II. - La position de la commission

La commission a pleinement approuvé le cadre ambitieux proposé par cet article premier pour les bibliothèques. Elle a adopté un amendement COM-3 permettant de préciser la fonction patrimoniale de ces établissements.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2

Accès aux bibliothèques

Cet article pose le principe général de la liberté d'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales.

L'article 2 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 320-3 au code du patrimoine. Il précise que « l'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales est libre ». Il se comprend comme une conséquence de l'égalité d'accès définie à l'article 1 er de la proposition de loi.

Dans le cas spécifique des bibliothèques, il ne s'agit pas comme en 1881 avec la loi du 29 juillet sur la presse ou 1986 avec la loi du 30 septembre sur la communication, de créer de nouveaux droits, mais plutôt de consacrer et de conforter au niveau législatif une pratique des bibliothèques. Ainsi, il ne serait pas possible de limiter l'accès à ces établissements à certaines catégories de la population suivant quelque critère que ce soit. D'autres bibliothèques peuvent cependant légitimement réserver leurs locaux, aux étudiants ou aux chercheurs par exemple.

La spécificité des bibliothèques municipales et intercommunales apparait donc, entre toutes les catégories, dans la liberté de leur accès.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3

Gratuité d'accès aux bibliothèques

Cet article pose le principe de la gratuité de l'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales.

L'article 3 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 320-4 au code du patrimoine, qui vient en complément de l'article précédemment commenté sur la liberté d'accès. Il précise que « l'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales et la consultation sur place sont gratuites ». Si aucune discrimination fondée sur les caractéristiques de la personne ne peut être exercée dans l'accès, aucune sélection pour des motifs économiques ne peut être envisagée .

Cette gratuité s'étend dans deux domaines : l'accès , ce qui interdit d'organiser une tarification à l'entrée, et la consultation sur place de documents. Ne serait par contre pas inclus l'emprunt d'ouvrages ou de médias , qui pourrait donc faire l'objet d'une tarification, par exemple par l'acquisition d'une carte de bibliothèque.

Le financement des bibliothèques doit donc reposer en très large partie sur les budgets des communes et des intercommunalités .

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4

Collections des bibliothèques

Cet article propose de renvoyer à un décret en Conseil d'État la composition des collections des bibliothèques des collectivités et de leurs groupements.

L'article 4 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 310-3 au code du patrimoine. Déjà mentionné à l'article 1 er , il vise à circonscrire le champ des collections que les bibliothèques doivent constituer, conserver et communiquer.

Il est précisé que ces collections sont composées de « documents et d'objets », ce qui permet de ne pas limiter les bibliothèques au strict domaine de la production écrite. En effet, et loin de l'image traditionnelle, les bibliothèques proposent maintenant souvent des DVD, des liseuses électroniques, elles peuvent également détenir des collections d'objets fruits d'une histoire spécifique ou des fonds patrimoniaux qui les rapprochent des Archives. Il aurait été complexe dans le cadre d'un article législatif de figer une liste, nécessairement très étendue pour ne rien oublier, et qu'il aurait été difficile par la suite de faire évoluer. La solution du recours à un décret pris en Conseil d'État, plus souple, offre un degré de garanties suffisant.

La commission a adopté un amendement de précision COM-4 sur cet article.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5

Caractère pluraliste et diversifié des collections des bibliothèques

Cet article affirme certaines caractéristiques générales des collections des bibliothèques.

L'article 5 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 310-4 au code du patrimoine. Il permet de doter les collections constituées par les bibliothèques de quatre caractères spécifiques .

Les deux premiers apparaissent comme impératifs. Les collections doivent être :

- pluralistes , ce qui rappelle le dernier alinéa de l'article L. 310-1 A que l'article 1 er de la présente proposition de loi propose pour définir les missions des bibliothèques, en ce qu'il mentionne « le pluralisme des courants d'idées et d'opinions ». On peut en déduire que les collections doivent s'efforcer de comporter des oeuvres représentatives des différentes opinions politiques, sans exclusive ;

- diversifiées , ce qui se comprend cette fois-ci comme une invitation à couvrir le plus large champ possible des domaines du savoir .

Les deux caractéristiques suivantes sont moins impératives, en ce que leur respect absolu imposerait une exhaustivité impossible à atteindre . Il s'agit ainsi de représenter :

- « dans leur champ de compétence, l'ensemble des connaissances, des courants d'idées et d'opinions » ;

- « l'ensemble des productions éditoriales », ce qui signifie que les collections ne doivent pas se limiter à un genre particulier, y compris s'il est particulièrement demandé par le public, mais au contraire être ouverte à tous les types de productions éditoriales, romans relevant de tous les genres, théâtre, essais, poésie...

Il serait enfin indiqué que les collections sont rendues accessibles au public « par tout moyen, sur place ou à distance ».

Si la consultation sur place des bibliothèques ne pose pas de difficultés, l'introduction du « distanciel », particulièrement développé durant la période de crise pandémique, implique pour ces dernières la mise à disposition d'expertises et de moyens pour créer des sites internet, des bases de données, voire des captations d'événements en ligne. Rentrent également dans cette catégorie les éventuelles activités « hors les murs » , lorsque les bibliothèques par exemple rendent les ouvrages disponibles sur les lieux de vacances.

La commission a adopté un amendement COM-5 qui permet en particulier de tenir compte de la diversité des modèles de bibliothèques, notamment de l'existence de bibliothèques municipales spécialisées, comme la bibliothèque Forney à Paris, qui rend accessibles des collections dans les domaines des arts décoratifs, des métiers d'art et de leurs techniques, des beaux-arts et des arts graphiques. Quel que soit le type d'établissements, le caractère pluraliste et diversifié des collections, ainsi que la multiplicité des courants d'opinion que doivent représenter les collections resteraient clairement posés.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6

Enrichissement des collections des bibliothèques

Cet article vise à s'assurer que les collections des bibliothèques sont régulièrement renouvelées et actualisées.

L'article 6 de la proposition de loi insère un nouvel article L. 310-5 au code du patrimoine. Il précise que les collections des bibliothèques sont « régulièrement renouvelées et actualisées ». Le principe fondamental selon lequel une bibliothèque n'aurait pas vocation à demeurer « statique » et simplement vouée à la préservation de la mémoire serait ainsi posé.

L'article évoque le « domaine privé mobilier » de la personne publique, par opposition au domaine public mobilier, qui recouvre les éléments patrimoniaux par nature inaliénable.

La commission a adopté un amendement de précision COM-6 sur cet article.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7

Présentation à l'assemblée délibérante de la collectivité
des orientations générales des bibliothèques

Cet article précise que les orientations générales en matière de documentation de la bibliothèque peuvent être présentées devant l'assemblée délibérante de la collectivité de rattachement.

L'article 7 de la proposition de loi insère un nouvel article L. 310-6 au code du patrimoine, qui prévoit la possibilité d' un débat devant l'assemblée  délibérante sur la politique documentaire de la bibliothèque.

L'établissement - par la voie de son responsable, même si ce n'est pas précisé - « élabore » des « orientations générales de leur politique documentaire », soit en grande partie le programme d'achats. Le choix du terme très général d'« orientation » offre au responsable une marge de manoeuvre indispensable en cours d'exécution.

Ces orientations ont vocation à être présentées devant l'assemblée délibérante de leur collectivité territoriale.

Ces orientations doivent être actualisées régulièrement . Il n'est cependant pas indiqué si cette actualisation fait elle-même l'objet d'une présentation devant l'assemblée délibérante, pas plus que la fréquence de ces présentations.

Le mérite de cette présentation est double .

D'une part , il permet aux responsables de la bibliothèque de formaliser leur politique documentaire et de l'inscrire dans une stratégie globale.

D'autre part , il rend public les choix de l'établissement et, partant, de la collectivité.

Dans les deux cas, cet exercice permet de sécuriser les professionnels, en faisant assumer par l'assemblée délibérante la politique documentaire. Joint au principe de pluralisme des collections posé par les articles 1 er et 5 de la présente proposition de loi, il permet de créer la possibilité d'un dialogue entre les élus et les responsables de la politique documentaire.

L'article ne précise ni la périodicité de l'exercice, ni la nécessité d'un vote. Ces absences doivent s'interpréter comme une volonté de ne pas contraindre les exécutifs locaux et de leur laisser la plus grande liberté possible. Pour autant, il paraitrait souhaitable qu'un tel débat puisse se tenir au moins une fois par mandat .

La commission a adopté un amendement COM-7 de précision et un amendement COM-8 , qui souligne que l'organe délibérant peut également être celui du groupement , quand l'établissement lui est rattaché.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8

Compétences des agents des bibliothèques

Cet article introduit l'idée que les agents des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements possèdent les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice de cette profession.

L'article 8 de la proposition de loi insère un nouvel article L. 310-7 au code du patrimoine. Il précise que les agents des bibliothèques présentent les qualifications professionnelles propres à leur permettre d'assurer les missions définies à l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Le principe posé par cet article est pour partie symbolique, en l'absence de liste de qualification précise.

Une telle construction n'est cependant pas sans précédent dans le code du patrimoine. Ainsi, l'article L. 442-8 du code du patrimoine prévoit que « Les activités scientifiques des musées de France sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'État ». Les articles R. 442-5 et R. 442-6 du même code fixent avec une grande précision les qualifications permettant d'exercer ces fonctions.

Les exigences sont moins détaillées pour les personnels en charge des actions en lien avec le public, qui, en application de l'article L. 442-9, doivent simplement être assurées par « des personnels qualifiés ».

La rédaction retenue par l'auteur de la proposition de loi se rapproche donc de ce dernier cas. L'immense majorité des agents travaillant dans les bibliothèques disposent d'ores et déjà des compétences nécessaires, mais il importe de bien souligner que cette profession ne peut pas s'improviser et nécessite une formation exigeante pour être exercée dans de bonnes conditions.

Le rapport précité de Sylvie Robert et Colette Mélot insiste particulièrement sur l'évolution du métier de bibliothécaire, conséquence de la mutation de ces établissements : « C'est le métier de bibliothécaire, dans tous ses aspects, qui doit, à cette occasion, être questionné et repensé . Les bibliothécaires font en effet preuve d'un attachement très fort à leur coeur de métier, qui est le livre. Or la bibliothèque n'est plus exclusivement le lieu où l'on vient emprunter un livre ; tel est le cas de 55 % des personnes qui s'y rendent . [...] La question des horaires de travail est donc indissociable d'une action en faveur de la formation des professionnels et de l'évolution de leurs pratiques . »

La commission a adopté un amendement de précision COM-9 sur cet article.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9

Bibliothèques départementales

En complément de l'article 1 er , qui fixe les missions de toutes les bibliothèques des collectivités et de leurs groupements, et symétriquement aux articles 2 et 3 consacrés aux bibliothèques municipales et intercommunales, le présent article propose une définition précise des missions des bibliothèques départementales.

I. - Donner un cadre aux bibliothèques départementales

A. Des bibliothèques départementales au rôle de soutien et de coordination

Progressivement créées depuis 1945, les bibliothèques départementales de prêt (BDP), devenues après 2017 bibliothèques départementales , maillent l'ensemble du territoire. Elles dépendent des conseils départementaux, sans que le caractère obligatoire ou optionnel de cette compétence ne soit clairement établi. Elles ont pour mission de constituer et d'aider un réseau de bibliothèques publiques dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Aujourd'hui, hormis dans la « petite couronne » de Paris (Hauts-de-Seine, Seine Saint-Denis et Val-de-Marne) et la capitale elle-même, c'est-à-dire les territoires les plus urbanisés de la France, chaque département dispose d'une BDP, soit 95 équipements et non plus 96, depuis le 1er juin 2016. Comme le soulignent les auteurs du rapport précité Sylvie Robert et Colette Mélot, à cette date, le conseil départemental des Yvelines a fermé sa BDP et fondu ses missions dans un service de soutien à la lecture publique, qui n'est pas une bibliothèque. Cette décision a fait l'objet de très vives réactions, par crainte de voir le département se désengager du secteur de la lecture publique. L'examen du futur projet de loi « déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification » (4D) pourrait être l'occasion de traiter cette problématique.

Selon la dernière enquête réalisée par le ministère de la culture sur la période 2013-2016 7 ( * ) , les bibliothèques départementales disposent de près de 24 millions de livres imprimés. Même si certaines disposent de locaux permettant l'accueil du public, la vocation de ces établissements est d'apporter soutien et assistance aux bibliothèques des communes, par le biais de conseils et de formation et de prêts de livres et documents.

La desserte des bibliothèques départementales est traditionnellement organisée par les bibliobus, c'est-à-dire un véhicule spécialement aménagé et conçu pour offrir des services de bibliothèque dans des endroits trop excentrés. En 2016, 200 véhicules de ce type étaient en circulation, en baisse sur trois ans. De fait, cette modalité de service semble céder du terrain face à des alternatives plus économiques, comme les navettes de documents ou les ressources numériques.

Le titre III du livre III du code du patrimoine est consacré à ces établissements. Son unique article L. 330-1 indique simplement que « Les bibliothèques centrales de prêt, transférées aux départements, sont dénommées bibliothèques départementales ».

B. Préciser leur rôle

Symétriquement à l'article 1 er , qui insère une définition des missions des bibliothèques des collectivités et de leurs groupements, l'article 9 de la proposition de loi propose un champ spécifique des missions des bibliothèques départementales. Cette consécration législative de ces établissements ne modifie pas le périmètre actuel de leurs compétences.

Un nouvel article L. 330-2 indique ainsi que ces établissements sont chargés de quatre missions :

Ø (1°) « Renforcer la couverture territoriale en bibliothèques, afin d'offrir un égal accès de tous à la culture, à l'information, à l'éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs »

La première mission des bibliothèques départementales se rattache à l'objectif d'égal accès de tous aux différents domaines de la culture, du savoir et des loisirs. Rentrent dans le cadre de cette politique des initiatives comme le bibliobus.

Les domaines mentionnés (culture, information etc...) sont logiquement identiques à ceux des bibliothèques des communes et de leurs groupements, tels que proposés à l'article 1 er ;

Ø (2°) « Favoriser la mise en réseau des bibliothèques des collectivités territoriales »

La mise en réseau permet aux bibliothèques départementales d'apporter un soutien logistique en mettant en oeuvre des actions de mutualisation ;

Ø (3°) « Proposer des collections et des services aux bibliothèques des collectivités territoriales »

Il s'agit d'une mission traditionnelle des bibliothèques départementales. En 2016, dernière année où les données sont disponibles, elles ont ainsi prêté aux établissements de leurs départements 10,8 millions d'ouvrages ;

Ø (4°) « Contribuer à la formation des agents et des collaborateurs occasionnels des bibliothèques des collectivités territoriales ».

Les actions de formation des bibliothèques départementales ne concernent que les collaborateurs occasionnels des bibliothèques.

La définition proposée par le présent article permet enfin de donner un cadre législatif précis à ces établissements, plus de 70 ans après leur création. La question reste cependant posée de leur statut au regard des compétences du département, l'exemple des Yvelines ayant souligné leur relative fragilité.

II. - La position de la commission : ne pas restreindre le rôle des bibliothèques départementales

La commission a adopté un amendement rédactionnel COM-10 et un amendement COM-11 qui permet de tenir compte du cas des quelques bibliothèques départementales qui accueillent effectivement du public sur leur site, pour des collections ou des manifestations, par exemple, celles des Bouches-du-Rhône, de la Drôme, de l'Hérault ou du Bas-Rhin.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 10

Concours particulier des bibliothèques

Cet article élargit les bénéficiaires du concours particulier des bibliothèques à quelques établissements.

L'article 10 de la proposition de loi procède à trois modifications à l'article L. 1614-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Cet article établit le principe du « concours particulier bibliothèque » au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD).

Le concours particulier bibliothèque au sein de la DGD

L'aide de l'État prend la forme d'un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) qui comporte deux fractions :

- la première accompagne l'ensemble des opérations en faveur des bibliothèques territoriales : construction, rénovation, extension, mise en accessibilité ou restructuration de bâtiments, équipement mobilier et informatique, aménagement visant à améliorer les conditions de conservation des fonds patrimoniaux, projets de numérisation... Elle est répartie en enveloppes régionales calculées conjointement par le département des bibliothèques et la direction générale des collectivités locales, et déléguées en région, où les services déconcentrés de l'État (conseillers pour le livre et la lecture des DRAC) en assurent la gestion ;

- la seconde , dont le montant annuel est plafonné à 15 % de la totalité des crédits disponibles, est destinée aux projets à rayonnement départemental ou régional favorisant les actions de coopération avec d'autres institutions chargées du développement de la lecture.

Depuis 2008, ce concours est doté de 80,4 millions d'euros. Il a été majoré de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) en 2018 dans le but de favoriser l'extension des horaires d'ouverture. En 2020 et 2021, ce concours est de 88,4 millions d'euros en AE et crédits de paiement (CP).

Tout d'abord, il substitue le terme de « groupement de collectivités territoriales » à celui d' « établissements publics de coopération intercommunale » dans la liste des bénéficiaires, à côté des départements et des communes, des crédits du concours particulier. Cette nouvelle définition permet d'inclure les syndicats de communes qui souhaiteraient exercer la compétence.

Ensuite, le 2° du présent article propose d'insérer un nouvel alinéa à l'article L. 1614-10 du CGCT destiné à rendre éligible aux crédits du concours particulier les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) et les groupements d'intérêt public (GIP), qui ne sont pas au sens strict des groupements de communes. L'usage des crédits serait identique sans changement par rapport aux groupements de communes.

Cette insertion permettrait de prendre en compte quelques statuts spécifiques, notamment deux EPCC : la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême et le Centre international de recherche et documentation occitanes (CIRDOC - Institut occitan de cultura ) de Béziers.

Enfin, une modification rédactionnelle est apportée.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 11

Lecture publique

Cet article vise à permettre à un EPCI en charge de la compétence « lecture publique » de mettre en place un schéma de développement dédié.

L'article 11 de la proposition de loi propose de compléter le code général des collectivités territoriales (CGCT) par un article L. 5211-63, qui prévoit que, lorsque qu'un EPCI décide que la lecture publique est « d'intérêt intercommunal », soit qu'il choisit d'exercer cette compétence, l'EPCI élabore et met en place un schéma de développement.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 12

Cession à titre gratuit de documents détenus par les bibliothèques

Cet article vise à rendre possible la cession à titre gracieux, et sous certaines conditions, des documents dont les bibliothèques n'auraient plus l'emploi.

L'article 12 de la proposition de loi propose de compléter l'article L. 3213-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

Cet article fixe le cadre dans lequel les collectivités territoriales peuvent céder gratuitement certaines de leurs propriétés limitativement énumérées, et dans des conditions précisément définies, comme le matériel informatique ou les biens de scénographies.

Le nouvel alinéa étend les possibilités de cession à titre gratuit aux « documents dont leurs bibliothèques n'auraient plus l'emploi » (suivant la technique dite du « désherbage » qui consiste à alléger les collections des ouvrages détenus à plusieurs exemplaires par exemple) à des fondations ou associations qui remplissent une double condition :

- être mentionnés au b du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts, soit les fondations et associations reconnues d'utilité publique présentant un « caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises » et les « associations cultuelles ou de bienfaisance et les établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle » ;

- que leurs ressources soient affectées à des « oeuvres d'assistance, notamment à la redistribution gratuite de biens meubles aux personnes les plus défavorisées ».

Ces dispositions écarteraient du bénéfice des dons de documents les entités à vocation commerciale.

Les bénéficiaires n'auraient pas la possibilité de céder par la suite ces biens, ce qui implique que les documents auraient vocation à être eux-mêmes cédés gratuitement. La sanction serait en cas de non-respect de cette disposition d'être définitivement écarté du dispositif.

La commission a adopté un amendement rédactionnel COM-12 .

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13

Recevabilité financière

Cet article permet d'assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.

L'article 13 de la proposition de loi assure la recevabilité financière de la proposition de loi au titre de l'article 40 de la Constitution.

La commission a adopté cet article sans modification.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 4 Comme la « Bibliothèque pour tous ».

* 5 « Voyage au pays des bibliothèques », 2018 https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Voyage-au-pays-des-bibliotheques.-Lire-aujourd-hui-lire-demain

* 6 CE Avis 3 mai 2000 Delle Marteaux, n° 217017.

* 7 https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Livre-et-lecture/Bibliotheques/Observatoire-de-la-lecture-publique/Syntheses-annuelles/Synthese-des-donnees-d-activite-des-bibliotheques-departementales/Bibliotheques-departementales-Donnees-d-activite-2013-2016

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