CHAPITRE
II
AMÉLIORER LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
Article
9
Échanges d'informations avec les organismes européens
homologues
Cet article propose de prévoir des échanges d'informations avec des organismes européens de sécurité sociale en vue de renforcer les contrôles des conditions de résidence.
I - Le dispositif proposé : des échanges d'informations avec les organismes européens homologues
Le présent article modifie l'article L. 114-12-4 du code de la sécurité sociale , qui prévoit des échanges entre les organismes de sécurité sociale mais aussi avec l'administration fiscale à des fins de « contrôle du respect des conditions de résidence prévues pour l'ouverture des droits et le service des prestations ».
L'article 9 entend compléter cet article par un nouvel alinéa prévoyant de mêmes échanges d'informations avec les organismes et administrations chargés des mêmes missions dans un État de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen .
Il est prévu un accord préalable de l'organisme homologue, éventuellement au moyen d'une convention. Une liste des organismes est enfin fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
II - La position de la commission : la suppression de cet article satisfait par le droit communautaire
Les échanges d'informations entre organismes de sécurité sociale ou administrations à l'échelle européenne sont déjà prévus par un règlement européen 23 ( * ) qui, par nature, est d'application directe sur le territoire national. Une telle disposition inscrite au sein du code de la sécurité sociale apparaît donc redondante.
Concrètement, ce règlement a conduit au développement du système Electronic Exchange of Social Security Information (EESSI) en cours de déploiement et qui permet l'échange d'informations entre organismes des États membres, chaque organisme l'utilisant dans son champ d'activité.
En outre, en application du même règlement européen, la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale a rendu une décision « H5 » 24 ( * ) qui a donné la plateforme H5NCP établissant des points de contacts nationaux permettant de faciliter les échanges d'informations . Cette plateforme, exploitée par l'ensemble des organismes de sécurité sociale, s'est mise en place en 2019. Elle est gérée en France par la CNAV qui centralise et transmet aux correspondants européens l'ensemble des demandes d'informations en provenance des référents fraude de ces organismes.
Aussi, sur proposition de son rapporteur, la commission a supprimé cet article (amendement COM-12) qu'elle considère satisfait en droit et en cours de mise en oeuvre dans les faits.
Article 10
Conventions
pour l'établissement de certificats d'existence
Cet article propose de permettre de justifier de son existence au moyen d'un certificat établi par un organisme étranger conventionné.
I - Le dispositif proposé : le conventionnement d'organismes étrangers pour établir des certificats d'existence
A. Des conditions de justification de l'existence revues lors du dernier PLFSS
L'article 104 25 ( * ) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 26 ( * ) a codifié au sein des articles L. 161-24 et suivants du code de la sécurité sociale les dispositions relatives à la justification de l'existence qui figuraient auparavant à l'article 83 de la LFSS pour 2013 27 ( * ) .
Pour rappel, chaque assuré d'un régime de retraite obligatoire résidant à l'étranger , en Nouvelle-Calédonie ou dans les îles Wallis et Futuna doit annuellement justifier de son existence auprès de son régime, à défaut de quoi le versement de sa pension de vieillesse peut être suspendu.
Au-delà de la codification « à droit constant », le législateur a ouvert à cette occasion une nouvelle faculté de recours à la biométrie pour permettre la preuve d'existence du bénéficiaire .
B. L'inscription du conventionnement possible apportée par le dispositif
Le présent article entend modifier l'article L. 161-24 du code de la sécurité sociale , créé en décembre 2021, pour le compléter.
Il serait ainsi précisé que le justificatif de l'existence pourrait « notamment » être issu - « fourni ou certifié » par un organisme de retraite d'un État étranger conventionné avec un organisme français .
II - La position de la commission : le maintien de cet article
Cette disposition telle que formulée ne restreindrait pas les moyens de preuve de l'existence mais inscrirait au sein du code de la sécurité sociale l'une des options possibles .
Aussi, s'il n'apparaît pas nécessaire en droit, le dispositif proposé est par surcroît satisfait par la pratique.
En effet, la CNAV a déjà conclu des conventions avec des organismes homologues étrangers permettant d'établir la condition d'existence des assurés ressortissants . Des échanges automatisés de données d'état civil ont ainsi été organisés avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l'Italie et l'Espagne et des conventions sont à l'étude avec le Canada, Israël et le Maroc.
En outre, la direction de la sécurité sociale a souligné qu'un dispositif de « certification » du justificatif d'existence auprès d'autorités administratives locales ou de consulats existe également suivant une liste d'autorités habilitées par la DSS en collaboration avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Le rapporteur souligne également le suivi permanent réalisé par la commission et le rapporteur pour l'assurance vieillesse concernant le fonctionnement des régimes de retraite et la sécurisation de leur gestion.
Cependant, sur proposition de son rapporteur et à la demande de l'auteur, la commission a adopté cet article sans modification.
Article
11
Création d'une liste de pays à l'état civil
présumé non fiable
Cet article propose qu'un décret établisse une liste de pays dont l'état civil serait présumé non fiable.
I - Le dispositif proposé
Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi , sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Le présent article propose d'établir une exception à ce principe pour certains pays . À cette fin, il est proposé de compléter ce même article 47 par un alinéa en vertu duquel un décret établirait une liste de pays pour lesquels la présomption de conformité des actes d'état civil ne s'appliquerait pas . Ce décret déterminerait, pour les pays concernés, les modalités d'admission des documents destinés à prouver l'identité de leurs ressortissants.
II - La position de la commission
S'il est exact que la fiabilité de l'état civil de certains États n'est que relative, le dispositif proposé risque de ne pas proposer de réponse concrète à ce « vrai sujet ».
En effet, comme l'ont montrées les auditions conduites par le rapporteur général, la dérogation proposée et plus encore la publication d'une liste d'États non fiables risquent de poser d'importants problèmes diplomatiques ou politiques sans vraiment résoudre le problème posé. En particulier, il est difficile d'imaginer une procédure que le décret pourrait prévoir pour pallier le manque de fiabilité de l'état civil, ou prévenir le risque de fraude à l'identité.
Sur le fond, les difficultés, souvent liées à des faiblesses administratives davantage qu'à la mauvaise volonté des États en question, ne relève pas de la même logique et n'appelle donc pas le même traitement que les États et territoires non coopératifs d'un point de vue fiscal, mentionnés à l'article 238-0 A du code général des impôts - duquel le dispositif proposé semble s'inspirer.
Une approche diplomatique de la question (française ou européenne) et une vigilance particulière des organismes de sécurité sociale apportent donc des réponses plus adaptées, bien qu'imparfaite par essence, à cette situation délicate.
C'est pourquoi, à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-13 de suppression de cet article .
Article 12
Rapport sur
la lutte contre la fraude transfrontalière
Cet article propose la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'état de la lutte contre les fraudes transfrontalières.
I - Le dispositif proposé
Cet article propose que dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'état de la lutte contre les fraudes transfrontalières.
Il est précisé que ce rapport ferait notamment mention de la mise en oeuvre du second alinéa de l'article L. 114-12-4 du code de la sécurité sociale, que l'article 9 de la présente proposition de loi a pour objet de créer.
II - La position de la commission
La commission goûte peu aux demandes de rapport du Parlement au Gouvernement, notamment parce que de telles demandes sont rarement suivies d'effet et que les rapports offrant une analyse réellement opérationnelles sont encore plus rares.
Néanmoins, en l'espèce, l'auteur de la proposition a souligné l'absence préjudiciable d'information sur l'état de la lutte contre les fraudes transfrontalières en matière sociale et l'impérieuse nécessité d'y voir plus clair. Conformément au souhait du rapporteur, la commission a donc maintenu cet article dans le texte qu'elle a adopté, modifié par un amendement de coordination avec la suppression de l'article 9 de la présente proposition de loi, auquel il était initialement fait référence ( amendement COM-14 ).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
* 23 Règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, complété par le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004.
* 24 Décision H5 du 18 mars 2010 concernant la coopération dans le domaine de la lutte contre les fraudes et les erreurs dans le cadre du règlement (CE) n° 883/2004 du Conseil et règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
* 25 Article 47 ter du projet de loi, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale et modifié par le Sénat.
* 26 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 27 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.