EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Marie Mercier , rapporteur . - Notre commission est appelée à examiner ce matin la proposition de loi déposée par Annick Billon et plusieurs de nos collègues visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Elle sera débattue dans l'hémicycle le 21 janvier prochain, dans le cadre d'un espace réservé.
Cette proposition de loi a pour objet de créer un nouveau crime sexuel sur mineur de treize ans, de façon à poser dans le code pénal un interdit sociétal clair et de manière à mieux protéger les jeunes adolescents contre les violences sexuelles qui peuvent être commises par des adultes.
Ces dernières années, le Sénat a mené plusieurs travaux de contrôle, qui ont montré que les violences sexuelles sur mineurs demeuraient trop rarement réprimées par les juridictions pénales. Trop souvent, les victimes n'osent pas dénoncer ce qu'elles ont subi et beaucoup de plaintes sont classées sans suite, faute de preuves.
La proposition de loi est examinée deux ans et demi après l'entrée en vigueur de la loi Schiappa du 3 août 2018. Cette loi a amélioré les dispositions pénales tendant à protéger les mineurs, mais elle n'a pas donné satisfaction à tous les acteurs de la protection de l'enfance. Certains, en effet, appellent de leurs voeux la création d'une nouvelle infraction ou une modification de la définition du viol, afin qu'il ne soit plus nécessaire de s'interroger, au cours du procès pénal, sur l'éventuel consentement du jeune mineur qui aurait eu un rapport sexuel avec un majeur.
La proposition de loi de nos collègues vise à répondre à cette attente en créant une nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur, laquelle serait constituée en cas de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'elle soit, commise par un majeur sur un mineur de treize ans, dès lors que l'auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime.
La peine encourue serait la même que celle aujourd'hui prévue pour viol sur mineur de quinze ans, soit vingt ans de réclusion criminelle. La peine serait portée à trente ans de réclusion en cas de décès du mineur et à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'actes de torture ou de barbarie.
À la différence du viol ou de l'agression sexuelle, l'infraction serait constituée sans qu'il soit nécessaire de rechercher s'il y a eu un élément de contrainte, de menace de violence ou de surprise, dont la preuve est souvent difficile à rapporter.
Je voudrais souligner que la proposition de nos collègues tient compte des débats qui nous ont occupés en 2018, lors de l'examen de la loi Schiappa.
À l'époque, le Gouvernement avait envisagé de modifier la définition du viol pour introduire une présomption de non-consentement en cas d'acte de pénétration sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans. Cette solution n'avait pas été retenue au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui n'a admis que de manière très limitée - dans le seul domaine contraventionnel - la possibilité de prévoir une présomption en droit pénal, à condition qu'il s'agisse d'une présomption simple.
La proposition de loi cherche à contourner cet obstacle juridique en créant une infraction autonome. La nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur serait construite sur le modèle du délit d'atteinte sexuel, qui figure déjà dans le code pénal et qui punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le majeur qui a un contact de nature sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans. Le crime sexuel sur mineur viendrait renforcer la protection des jeunes de moins de treize ans, le délit d'atteinte sexuelle étant maintenu pour les jeunes de treize à quinze ans.
Dans son avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi Schiappa, le Conseil d'État avait par ailleurs estimé que la seule référence à l'âge de la victime pourrait ne pas suffire pour répondre à l'exigence constitutionnelle relative à l'élément intentionnel en matière criminelle. Selon les représentants de la Chancellerie, le fait de retenir un seuil d'âge à treize ans plutôt qu'à quinze ans réduit cependant ce risque constitutionnel.
Dans son avis, le Conseil d'État notait que le seuil de quinze ans soulevait une difficulté dans l'hypothèse, par exemple, d'une relation sexuelle qui serait librement consentie entre un mineur de dix-sept ans et demi et une adolescente de quatorze ans - c'est le problème des « jeunes couples ». Cette relation serait licite au regard du code pénal jusqu'à ce que le jeune homme atteigne l'âge de dix-huit ans, puis elle deviendrait criminelle, donc susceptible de renvoyer le jeune homme aux assises, alors que rien n'aurait changé dans son comportement et qu'il n'aurait bien sûr pas conscience de commettre une infraction.
Avec un seuil à treize ans, l'écart d'âge avec un jeune majeur devient plus significatif - au minimum cinq ans -, ce qui rend beaucoup plus improbable qu'un jeune majeur puisse entretenir une relation consentie avec un mineur à peine sorti de l'enfance.
J'en viens aux auditions auxquelles j'ai procédé. Elles ont montré une absence de consensus.
Les représentants du barreau contestent l'utilité de légiférer à nouveau sur le sujet des infractions sexuelles sur mineurs. Ils estiment que l'arsenal législatif est déjà suffisamment étoffé et ils font valoir que le délit d'atteinte sexuelle pose déjà un interdit clair concernant les rapports entre majeurs et mineurs. Ils nous mettent en garde contre la tentation de légiférer sous le coup de l'émotion et soulignent que les affaires qui ont été médiatisées, comme celles de Pontoise et de Melun, demeurent assez exceptionnelles.
Parmi les interlocuteurs qui sont favorables à une évolution de la législation, une double ligne de clivage est apparue : sur l'âge et sur le choix d'une présomption plutôt que d'une infraction autonome.
Pour ce qui concerne l'âge, comme je vous l'ai indiqué, les auteurs de la proposition de loi ont retenu le seuil d'âge de treize ans à la fois pour mieux garantir la constitutionnalité du dispositif et pour tenir compte de certaines situations de fait. Pourtant, le seuil de quinze ans conserve des partisans, notamment du côté des associations de protection de l'enfance, qui ont insisté sur la nécessité de protéger tous les collégiens. Elles ont admis qu'il pouvait exister des jeunes couples, mais elles ont estimé que « l'effet-couperet » inhérent à la fixation d'un seuil était un inconvénient difficilement évitable.
La députée Alexandra Louis, auteure d'un récent rapport d'évaluation de la loi Schiappa, défend elle aussi le seuil des quinze ans, de même que notre collègue Laurence Rossignol, qui a déposé une proposition de loi en ce sens avec plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En ce qui concerne le choix d'une présomption de non-consentement, elle est défendue avec grande conviction par le juge des enfants Édouard Durand, qui travaille sur ce sujet au sein du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce dernier reproche à l'infraction autonome proposée par Annick Billon de gommer la dimension violente de l'acte sexuel imposé au mineur, en évacuant du débat judiciaire la question du consentement. C'est la raison pour laquelle il lui paraît important, par respect pour la victime, d'affirmer une présomption de contrainte en dessous d'un certain âge. Cette idée est également défendue par notre collègue Valérie Boyer, qui a déposé des amendements en ce sens.
Constatant ces nombreuses divergences, je me suis attachée à trouver un moyen d'enrichir le texte pour atténuer les réticences qu'il suscite, tout en conservant le coeur du dispositif proposé par Annick Billon.
Je crois très important de rappeler que, sur le plan politique, la fixation d'un nouveau seuil à treize ans n'est pas synonyme d'affaiblissement de la protection que nous devons aux jeunes de treize à quinze ans. Nous devons vraiment éviter de donner l'impression que le seul public véritablement digne de protection serait les mineurs de moins de treize ans. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement, que le Sénat avait déjà adopté en 2018, mais qui n'avait pas été retenu lors de la commission mixte paritaire sur la loi Schiappa, afin d'indiquer dans le code pénal que la contrainte, qui est un élément constitutif du viol, peut résulter du jeune âge du mineur de moins de quinze ans, lequel ne dispose pas de la maturité sexuelle suffisante. Il s'agit, par cet amendement, de réaffirmer l'attention que nous devons porter aux mineurs de treize à quinze ans. Nous devons continuer à les protéger.
J'ai auditionné de nombreux principaux de collège, des pédiatres, des parents. J'ai rencontré les animateurs de maisons d'adolescents. Tous les principaux de collège alertent sur les dangers des réseaux sociaux.
Ils soulignent aussi la grande évolution qui s'opère entre les élèves de sixième et ceux de troisième. Être en couple quand on est en sixième, c'est se faire des bisous... La sexualité de ces enfants ne peut pas être comparée à celle des adultes. L'âge du premier rapport sexuel est toujours de dix-sept ans pour les garçons et de seize ans pour les filles, malgré les réseaux sociaux et la pornographie. Le point de vigilance porte sur les jeunes âgés de treize à quinze ans. Entre ces deux âges, la différence est sensible.
Je vous proposerai deux améliorations juridiques au dispositif de la proposition d'Annick Billon.
Il est important de modifier, par coordination, le code de procédure pénale, afin d'appliquer au nouveau crime sexuel sur mineur les règles de procédure dérogatoire prévues pour les affaires qui concernent les mineurs. Je pense à la possibilité de prononcer une injonction de soins, à l'obligation d'enregistrer l'audition du mineur, au droit de bénéficier d'une expertise médico-psychologique et à la possibilité d'inscription dans le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv).
Par le jeu des renvois, la mesure que je vous propose aura également pour effet d'appliquer au nouveau crime sexuel sur mineur les règles de prescription adoptées en 2018 pour les autres crimes sur mineurs : pour ces crimes, l'action publique est prescrite au terme d'un délai de trente ans à compter de la majorité de la victime. C'est très protecteur pour la victime puisque le délai de prescription de droit commun est de vingt ans à compter de la commission des faits. Il tient compte du temps souvent très long qui s'écoule avant que la victime ne parvienne à briser la loi du silence et trouve la force de porter plainte.
En conclusion, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi complétée par mes amendements. Conformément à l'accord politique passé entre les groupes, je rappelle que la commission ne peut adopter d'amendements qu'avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi. Je me suis entretenue avec Annick Billon, qui a donné son accord pour que nous intégrions au texte les quatre amendements que j'ai déposés. Je lui ai également demandé quelle était sa position concernant les amendements déposés par nos collègues Valérie Boyer et Michel Savin, que nous examinerons à l'issue de notre débat.
Les amendements que j'ai déposés visent à aboutir à un texte un peu plus complet, pour protéger les enfants de moins de treize ans sans négliger les mineurs âgés de treize à quinze ans. Le Sénat se bat depuis plusieurs années pour protéger tous les mineurs.
M. François-Noël Buffet , président . - Bien évidemment, l'accord de l'auteur pour modifier les propositions de loi ne s'applique qu'en commission : la séance publique reste souveraine.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Nous partageons tous le même objectif : trouver les solutions les plus efficaces, les plus pertinentes, sans nous laisser envahir par les polémiques du moment.
Il ne faut pas non plus légiférer pour légiférer - nous avons déjà beaucoup légiféré. J'ignore si le texte aura, au final, une influence concrète sur la politique pénale, dès lors que le régime de l'opportunité des poursuites de la part du parquet est, en France, un principe intangible.
Au-delà, nous nous interrogeons sur la question du consentement. Nous trouvons globalement insupportable que cette question soit posée à un âge où nous considérons qu'elle ne devrait pas se poser. Sur ce sujet, il n'y a pas forcement d'unanimité au sein des groupes. Pour ma part, je suis favorable au seuil de treize ans : il faudrait affirmer que, en dessous de cet âge, l'acte sexuel n'est pas autorisé. Laurence Rossignol a, pour sa part, déposé une proposition de loi, largement signée par les collègues de mon groupe, retenant l'âge de quinze ans.
Sur la question de contrainte, nous avions travaillé, avec Marie Mercier, sur la différence d'âge. C'est une piste intéressante, même s'il est un peu compliqué d'édicter une différence d'âge normative. Néanmoins, c'est un paramètre que les parquets me semblent prendre en considération.
Sur l'imprescriptibilité, mon groupe n'a pas évolué : nous y restons opposés, pour trois raisons. Premièrement, il nous semble qu'elle doit être réservée aux crimes contre l'humanité. Quelle que soit l'horreur des infractions que nous évoquons ce matin, je ne pense pas qu'elles soient plus graves qu'un assassinat précédé d'actes de barbarie. Or celui-ci n'est pas imprescriptible... Deuxièmement, comme on l'a vu dans l'affaire qui a récemment occupé les médias, la prescription est, paradoxalement, un facteur de parole : c'est lorsque les faits sont prescrits que certains parlent. Troisièmement, certains, sachant que les faits seront bientôt prescrits, se mettent à parler.
À ce stade de nos réflexions, mis à part la question de l'âge, sur laquelle certains de mes collègues déposeront peut-être un amendement, l'architecture générale de la proposition de loi, intégrant les propositions de modifications de Marie Mercier, nous semble intéressante. Cependant, nous estimons qu'il convient d'ajouter, dans la définition du viol, les rapports buccaux-génitaux, la pénétration pouvant être effectuée sur la personne de l'auteur. En outre, nous proposerons probablement un allongement de la prescription concernant la non-dénonciation de mauvais traitements ou d'agressions sexuelles, qui est un outil très intéressant.
En résumé, nous sommes plutôt favorables au texte, enrichi des amendements de Mme la rapporteure et des deux amendements que je viens d'évoquer, mais il y aura sans doute, au sein de notre groupe, des positions divergentes sur la question de l'âge.
Mme Dominique Vérien . - Je remercie Mme la rapporteure de la finesse de son travail.
Ce texte est issu des débats que nous avons eus lors de l'examen de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, notamment au sein de la délégation au droit des femmes, que préside Annick Billon.
Il entend marquer clairement l'interdiction d'une relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de treize ans. Les associations demandent quinze ans. Cette interdiction existe déjà avec l'atteinte sexuelle, lorsqu'un majeur a une relation sexuelle avec un mineur de quinze ans, sans avoir à prouver quelque consentement que ce soit. Pour autant, le juge se pose toujours la question du consentement. Avec l'institution du crime de violence sexuelle, le consentement ne devra plus être interrogé pour les mineurs de treize ans.
La proximité entre les deux âges peut amener à considérer qu'il n'y a pas forcément de crime en cas de relation entre un jeune de quinze ans et un autre de dix-huit ans. Les enfants évoluent considérablement entre la sixième et la troisième : il n'est pas impossible qu'un élève de seconde ait des relations avec un jeune de terminale... En revanche, on n'imagine pas une relation entre un jeune de terminale et un sixième. Par conséquent, retenir l'écart d'âge entre treize et dix-huit ans plutôt qu'entre quinze et dix-huit ans me semble garantir plus de sécurité. D'ailleurs, dans la loi de 2018, l'écart d'âge constitue déjà un élément qui peut être pris en compte pour caractériser l'infraction.
Les associations évoquent une politique de petits pas. Sur les violences conjugales, on se rend compte que les avancées ont toujours résulté de petits pas... Toutes les avancées qui conduisent à une meilleure protection des femmes ou des enfants doivent être saluées.
En conclusion, notre travail n'est pas totalement achevé. Pour ce faire, il faudrait que la loi soit appliquée, que les procureurs et les juges entendent correctement les victimes, que les policiers et les gendarmes soient mieux formés à la prise en charge initiale. Cependant, un pas est franchi.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Merci pour ce rapport, et merci d'avoir récapitulé le débat tenu il y a trois ans. Comme tous les groupes, le nôtre est partagé. Nous laisserons donc à chacun sa liberté de vote. Il n'y a aucun doute sur la nécessité de protéger, et de mieux en mieux, nos enfants, et les mineurs en général. Mais est-il opportun, moins de trois ans après 2018, de légiférer encore sur un sujet aussi sensible et aussi lourd ? Pour ma part, j'aurais tendance à dire qu'il faut faire confiance aux juges et aux jurés. Trois ans, ce n'est pas suffisant pour remettre à nouveau un tel sujet sur la table sans avoir pris le temps de consulter, d'examiner, d'écouter les jurisprudences qui ne vont pas manquer de survenir. Nous avons un système de double degré de juridiction, avec première instance et appel - et possibilité d'aller en cassation, et même jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme. Attendons de connaître la jurisprudence, notamment de la Cour de cassation, pour décider s'il faut légiférer de nouveau.
Mme Valérie Boyer . - Nous avons tous le même objectif : mieux protéger les mineurs contre les agressions sexuelles. Ce qui nous différencie, ce sont les moyens d'y parvenir. La question de l'imprescriptibilité se pose. Il n'y a pas de bonne solution, et la législation n'a cessé d'évoluer. En tous cas, il faut l'étendre à l'ensemble des crimes sur mineurs : on ne peut pas s'en tenir aux crimes sexuels. Pour la notion de viol, faire figurer les rapports bucco-génitaux me semble une bonne chose, mais je souhaiterais aussi qu'on ajoute la notion de sidération. Il faut également que l'on protège mieux les mineures qui subissent une IVG, en prévoyant la conservation de prélèvements qui pourront ensuite servir de preuves. Je travaille sur ces sujets depuis plusieurs années, et j'ai été vice-présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. J'ai donc déposé plusieurs propositions de loi et rencontré des personnes qui s'occupent de mineurs, notamment dans des hôpitaux de Saint-Germain et de Saint-Denis, et dont la presse parle régulièrement. Je sais qu'il est extrêmement difficile de produire des preuves plusieurs années après le crime.
Bien sûr, je souscris à la protection des 13-15 ans, mais on ne peut pas ignorer les débats qui ont lieu en ce moment chez nos collègues de l'Assemblée nationale sur l'âge de 13 ans pour les mineurs délinquants. La loi rappelle que c'est l'âge du discernement, et c'est un âge qui existe déjà dans notre code. Cela ne signifie pas qu'à 13 ans et un jour on n'est plus protégé... Pour que nos travaux ne restent pas limités à notre hémicycle, nous devons faire en sorte qu'ils puissent être repris. Le but n'est pas simplement de se faire plaisir ici, en disant qu'on a raison, qu'on a bien légiféré, mais de faire avancer la loi. Pour cela, nous devons nous mettre en cohérence avec un certain nombre de choses, même si nous sommes tous d'avis qu'entre 13 et 15 ans il faut améliorer la protection des mineurs. Ce n'est pas parce qu'on améliore la protection jusqu'à 13 ans qu'on la diminue entre 13 et 15 ans.
M. Philippe Bas . - Marie Mercier a de nouveau accepté de faire un travail très difficile, de réinterroger ses propres convictions, après avoir déjà mené cette tâche il y a maintenant un peu plus de deux ans. Le résultat auquel elle aboutit est un compromis, qui nous permet de ne pas rejeter une proposition de loi inspirée par des motivations que nous partageons tous, mais dont on peut se demander, néanmoins, si elle a des chances sérieuses d'améliorer réellement la protection des enfants. Il ne faudrait pas accréditer l'idée que notre code pénal, aujourd'hui, protège les agresseurs plus que les victimes. Nous avons un corps de règles, des incriminations et des délits précis, qui sont autant d'outils familiers à la fois aux magistrats et aux avocats. Quand on modifie la loi pénale pour ajouter à des dispositifs qui sont déjà relativement complexes, on n'est pas sûr qu'on va réellement améliorer la situation des victimes qu'il s'agit de protéger. C'est pourquoi, sans faire de juridisme, on a raison d'être prudent dans ces matières. De toute façon, sur des sujets qui, sur le plan humain, sont aussi difficiles et lourds de conséquences - comme sur des sujets qui le seraient moins, d'ailleurs - le rôle du juge est absolument vital : sa capacité d'appréciation de la réalité des situations, qui sont diverses, doit absolument être préservée.
Je suis prêt à ne pas m'opposer à un texte qui ferait consensus entre nous, mais je suis sceptique. Trois points sont pour moi des limites absolument infranchissables - et qui ne sont pas franchies, ce qui me permet de ne pas m'opposer à ce texte. Premièrement, il n'y a pas d'imprescriptibilité. Celle-ci, inventée au procès de Nuremberg, est une dérogation à un principe fondamental du droit qui dit que la justice ne peut plus être rendue dans des conditions permettant d'administrer les preuves du crime ou du délit après une certaine durée. D'ailleurs, avec le système que nous avons adopté, qui ajoute à l'anniversaire des 18 ans un délai de 30 ans, nous allons déjà très loin. Pourtant, c'est parfois parce qu'il y a prescription que le souvenir de la blessure peut remonter à la surface. À cet égard, je ne suis pas certain qu'en ayant voté les 30 ans nous ayons réellement rendu service aux victimes... En tout cas, je n'irai jamais jusqu'à l'imprescriptibilité.
Le deuxième point qui serait un très grand danger pour une démocratie, c'est la présomption irréfragable. Nier la possibilité d'un examen individuel de chaque affaire, qui permette de prendre en compte les circonstances et d'apprécier la réalité, c'est se débarrasser des juges ! Ce serait la fin de la reconnaissance du rôle du juge dans la société, ce serait scandaleux !
Évitons donc de créer des dispositions pénales qui seraient des « machines à Outreau », des machines à erreurs judiciaires. Nous ne franchissons pas cette limite, et c'est heureux. Il ne faut pas hésiter à l'expliquer, malgré une forme de terrorisme du militantisme de la présomption irréfragable, qui n'est pas acceptable dans une démocratie comme la nôtre, ou dans un État de droit.
Enfin, un équilibre a été proposé par notre rapporteur sur l'inscription dans la loi pénale de seuils d'âge. On comprend sa motivation : dire qu'en dessous d'un certain âge, on ne peut pas même admettre l'idée de la relation sexuelle avec l'adulte. Tout le monde partage cette idée, mais il faut aussi s'interroger sur les effets de l'inscription dans la loi pénale de seuils d'âge. Cela signifie qu'au-dessus de cet âge, on n'aurait pas le droit à la même protection, alors même qu'on est aussi vulnérable. Marie Mercier a beaucoup consulté les pédiatres, les psychologues, les psychiatres, qui ont parfaitement mis en évidence le fait que la vulnérabilité ne dépend pas de la date de l'anniversaire. Fixer un âge peut simplifier, mais peut aussi conduire à se préoccuper de la situation de la personne victime qui est en dessous de cet âge, mais a déjà une pratique sexuelle avérée, qui n'est pas de son âge peut-être, mais enfin qui existe, et à ne pas tenir compte de la victime qui est au-dessus du seuil d'âge et qui pourtant est beaucoup plus vulnérable que la précédente. La différence d'âge est un concept utile, et qui repose sur la confiance faite au juge, lequel doit apprécier la situation pour savoir s'il y a eu agression ou non. Le consentement n'est pas un bon instrument : ce qu'on utilise en droit pénal, c'est la contrainte. Se reposer sur le consentement, c'est rendre la victime moins protégée. Se reposer sur la contrainte, c'est faire reposer la charge de la preuve sur l'agresseur.
Je suivrai les propositions de notre rapporteur - jusqu'ici, mais pas plus loin !
M. François-Noël Buffet , président . - Il n'est effectivement pas question d'aller plus loin que ce que nous proposons !
Mme Éliane Assassi . - Je remercie Mme la rapporteure de son travail tout en responsabilité et tout en finesse, alors que plusieurs affaires surgissent dans l'espace public.
Le sujet est important et sensible. Certains pensent que la proposition de loi est inaboutie. Notre groupe considère majoritairement qu'elle marque une avancée, même si le débat n'est pas clos, particulièrement sur la question de l'âge.
Le texte comble un vide juridique. Mais d'autres questions devraient être abordées d'urgence : la prévention et l'éducation sexuelle dès le plus jeune âge ; la formation des professionnels ; la récidive des auteurs de crime ou d'agression sexuelle sur mineur ; les moyens de la justice et des forces de l'ordre, mais aussi des services de protection maternelle et infantile.
Je pense que nous adopterons cette proposition de loi telle que modifiée par certains des amendements qui nous seront présentés ce matin.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Nous sommes globalement tous d'accord.
La question de l'âge va continuer à faire débat. Je m'accroche à notre idée d'écart d'âge, qui me semble extrêmement importante.
Je suis d'accord avec Dominique Vérien : on est mineur jusqu'à dix-huit ans. On sait que le passage à l'acte se fait plutôt au lycée.
Je suis d'accord avec Mme Assassi sur la formation et les moyens. Nous en avons déjà longuement débattu dans les précédents rapports, dès 2017, soit bien avant la loi Schiappa.
Il est vrai qu'il n'y a pas assez de jurisprudence, mais la politique des petits pas permet quelques avancées.
Monsieur le président, j'ai bien noté que vous n'étiez pas favorable au fait d'aller plus loin en matière d'imprescriptibilité. Il existe des barrières juridiques qui permettent au Sénat de garder sa cohérence. Il faut prendre le temps du recul, voir ce que l'on a déjà fait et ce qui est mal appliqué. La loi est mal connue de nos concitoyens. Elle est mal appliquée par les magistrats, souvent faute de moyens, raison pour laquelle ces derniers sont régulièrement amenés à correctionnaliser.
Mme Esther Benbassa . - Je remercie Mme la rapporteure de son travail très intéressant.
Cette proposition de loi constitue le énième texte sur la question. L'actualité montre que nos textes n'influent pas sur le comportement de certaines personnes...
Notre groupe sera probablement favorable au seuil de quinze ans. Je suis également d'accord pour que l'on n'adopte pas l'imprescriptibilité et pour que l'on ne mélange pas les genres.
En même temps, je trouve que cette proposition de loi, en créant une infraction autonome et en punissant ces agissements de vingt ans, rend les choses beaucoup plus claires. Mais j'aurais aimé que l'acte sexuel retenu par le texte ne soit pas limité à la pénétration : un acte sexuel commis sur un mineur ne saurait être considéré comme moins grave qu'un autre. Il faudrait également que l'acte sexuel soit défini dans le texte.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Concernant l'article 45, considérant que l'objet du texte est la création d'une nouvelle infraction pénale, nous estimons qu'entretiennent une relation avec l'objet du texte les amendements qui modifient d'autres infractions sur mineur prévues par le code pénal, qui procèdent à des ajustements dans le code de procédure pénale pour donner à ces infractions leur pleine efficacité ou qui sont directement en lien avec le déroulement de l'enquête judiciaire. En revanche, je vous proposerai de déclarer irrecevables les cinq derniers amendements de la liasse, qui modifient le code du sport, le code de l'éducation et le code de l'action sociale et des familles, parce qu'ils sont vraiment trop éloignés de la politique pénale.
Ensuite, je vous rappelle que le texte est inscrit dans un espace réservé ; conformément à l'accord politique passé entre les groupes, la commission ne peut donc amender le texte qu'avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi. Je me suis entretenue avec Annick Billon, qui m'a indiqué qu'elle était défavorable aux amendements COM-3 , COM-4 , COM-5 et COM-1 . Je vous proposerai donc de ne pas trop nous attarder sur ces quatre amendements, sachant qu'ils pourront être redéposés en séance.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Un amendement relatif à la prescription pour non-dénonciation de mauvais traitements sur un enfant est-il considéré comme entrant dans le champ du texte ?
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Oui, puisque cela relève du champ de la politique pénale.
Mme Valérie Boyer . - L'amendement COM-3 rectifié proposer d'introduire une présomption de contrainte, en cas de rapport sexuel entre un majeur et un mineur de quinze ans, la contrainte constituant un élément constitutif du crime de viol. Depuis 2018, le fait pour un majeur d'avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans est passible de sept ans d'emprisonnement, contre cinq auparavant. Je salue cette avancée mais je pense qu'il faut aller plus loin.
Pour ma part, je souhaite que l'on parle de « contrainte », et non d'« absence de consentement », car l'auteur est seul responsable de ses actes.
Contrairement au texte qui avait été voté à l'Assemblée nationale, le dispositif que je propose est conforme au principe constitutionnel de présomption d'innocence, proclamé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, puisque l'infraction ne sera pas systématique, dès lors qu'il faudra prouver l'acte, la nature de l'acte et démontrer que l'auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime, et à celui d'égalité devant la loi, prévu à l'article 6 de la Déclaration. En effet, ce nouveau dispositif est exclu du champ d'application de l'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans. Aussi, le texte que je propose suit les recommandations de l'avis du Conseil d'État du 21 mars 2018.
Cet amendement permettrait de sanctuariser la protection des mineurs de moins de quinze ans. Selon le juge Édouard Durand, « le passage à l'acte de l'adulte est une perversion du besoin affectif de l'enfant » : en aucun cas, l'enfant ne peut être consentant à une relation sexuelle. Nous devons y mettre un terme.
L'amendement ne crée pas une infraction autonome qui aurait tendance à complexifier notre droit. Que la victime soit majeure ou mineure, le viol est un crime déjà inscrit dans le code pénal.
Je propose donc de fixer une présomption de contrainte pour protéger les mineurs de moins de quinze ans lorsque l'auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - La présomption irréfragable de contrainte n'est pas la voie choisie par l'auteur du texte. Nous ne pouvons donc pas accepter cet amendement.
L'amendement COM-3 rectifié n'est pas adopté.
Mme Valérie Boyer . - L'amendement COM-4 rectifié est un amendement de repli, avec un seuil d'âge à treize ans.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Pour les mêmes raisons, je suis défavorable à l'adoption de cet amendement.
L'amendement COM-4 rectifié n'est pas adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-19 a pour objet de supprimer les mots « lorsque l'auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime ». Cette précision est superfétatoire et pourrait amener de la confusion.
L'amendement COM-19 est adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-18 vise à préciser que l'infraction est également constituée si l'acte de pénétration sexuelle est commis sur la personne de l'auteur. Cela répond à la remarque de Marie-Pierre de la Gontrie.
L'amendement COM-18 est adopté.
Article additionnel après l'article 1 er
Mme Valérie Boyer . - L'amendement COM-5 rectifié tend à inscrire dans le texte que la contrainte est présumée dans le cas de relations sexuelles entre mineurs, si l'un d'eux a moins de quinze ans, lorsque leur écart d'âge excède deux années ou lorsque l'un exerce sur l'autre une relation d'autorité de droit ou de fait.
C'est pourquoi je proposais d'envisager que, avant l'âge de quinze ans, un mineur peut consentir à des relations sexuelles avec un partenaire mineur si celui-ci est de moins de deux ans son aîné et s'il n'exerce aucune relation d'autorité, de dépendance ou de forme d'exploitation à son endroit.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement est lui aussi refusé par l'auteur de la proposition de loi. Avis défavorable.
L'amendement COM-5 rectifié n'est pas adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'objet de l'amendement COM-20 est de préciser que la contrainte morale ou la surprise peuvent également résulter de ce que la victime mineure était âgée de moins de quinze ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante.
C'est avec cet amendement que nous augmentons la protection des mineurs âgés de treize à quinze ans au sein de la proposition de loi.
M. François-Noël Buffet , président . - Cela laisse naturellement aux magistrats toute latitude pour apprécier les situations au cas par cas.
Mme Valérie Boyer . - Je partage l'objectif d'une meilleure protection des mineurs âgés de treize à quinze ans. Je salue cette avancée, mais je sais qu'Alexandra Louis s'oppose à cette politique des petits pas et veut tout mettre à plat, bien qu'elle ait soutenu la loi Schiappa.
Madame la rapporteur, quelle est la définition juridique de l'expression « maturité sexuelle suffisante » ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je comprends l'objectif de cet amendement, mais je m'interroge sur sa portée juridique.
La contrainte morale ou la surprise sont déjà des paramètres constitutifs du viol. Le dispositif me semble relever, au mieux, d'une circulaire. Je ne vois pas très bien son utilité réelle dans le code, au-delà du geste symbolique.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Cet amendement peut être considéré comme une disposition interprétative. Il complète les dispositions qui figurent déjà à l'article 222-22-1 du code pénal. Dans une décision du 6 février 2015, le Conseil constitutionnel a confirmé qu'il s'agissait bien de dispositions interprétatives.
Madame Boyer, la majorité sexuelle n'existe pas en France. On la déduit, en creux, de l'atteinte sexuelle, pour laquelle le seuil est de quinze ans.
C'est en fait la jurisprudence qui va avoir vocation à préciser la maturité sexuelle. On ne peut pas travailler cette notion sans traiter celle de « discernement ». Celui-ci diffère du consentement : il permet de distinguer le bien du mal. On peut faire preuve de discernement, mais pas forcément sur tous les sujets. Les collégiens ne sont pas dans une sexualité installée. À cet égard, les expertises psychologiques sont extrêmement importantes. Il faut être très prudent avec la notion de discernement.
Mme Valérie Boyer . - La « maturité sexuelle suffisante » est davantage une notion médicale. Que signifie-t-elle pénalement ?
Mme Marie Mercier , rapporteur . - La maturité, c'est quand on a conscience. La maturité sexuelle, c'est quand on a conscience de la portée et des implications d'un rapport sexuel.
M. Philippe Bas . - Ne peut-on pas considérer qu'il s'agit d'un concept nouveau ? Il sera très important, si nous le faisons entrer dans la loi, de donner des explications précises. Il faudra décrire de manière détaillée les implications de son inscription dans la loi pénale, pour guider le juge et les avocats dans l'application de celle-ci.
M. François-Noël Buffet , président . - La maturité est, pour un individu, la conscience de l'acte qu'il va commettre, c'est-à-dire la capacité à en mesurer l'aspect positif comme l'aspect négatif et donc à pouvoir porter un jugement éclairé sur celui-ci.
Il appartiendra aux magistrats de déterminer, en se fondant sur les expertises psychiatriques ou psychologiques, si, au moment où le fait reproché a été commis, l'enfant mineur avait conscience ou non de l'engagement qu'il prenait. Ce travail est extrêmement délicat, mais les magistrats le font tous les jours dans leur appréciation des situations.
Mme Dominique Vérien . - Nous allons également évoquer le discernement dans le texte sur le code de la justice pénale des mineurs.
On parle depuis longtemps de discernement, sans que celui-ci soit défini dans la loi. Cela n'empêche pas que le terme soit déjà utilisé ! Dès lors, pourquoi n'utiliserions-nous pas le mot « maturité sexuelle » ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Cet amendement est une disposition interprétative : c'est une piste qui est donnée. Il ne mérite pas que l'on se tourmente excessivement.
L'amendement COM-20 est adopté.
Articles additionnels après l'article 4
Mme Valérie Boyer . - L'amendement COM-15 vise à ajouter dans la définition du viol la notion de sidération. Celle-ci est un blocage total qui protège de la souffrance en la distanciant. On entend souvent que les victimes n'ont pas bougé, qu'elles n'ont rien dit...
Annick Billon ne semblait pas opposée à cette précision de la définition.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Effectivement, elle n'est pas opposée à ce que l'on réfléchisse à cette proposition.
Cependant, celle-ci revient à adopter le point de vue de la victime et à retenir comme élément constitutif de l'infraction une donnée purement subjective. Cela prive l'agresseur de toute possibilité de se défendre.
Je comprends l'intention de cet amendement, mais, en l'état, il me semble compliqué de l'adopter. La discussion pourra continuer.
Mme Valérie Boyer . - Je rappelle que c'est Muriel Salmona, qui a défini l'amnésie traumatique et qui a fait évoluer notre droit, qui insiste pour que la notion de sidération soit intégrée dans la définition du viol. Cette notion est totalement définie.
Je n'ai pas compris en quoi elle attentait à la défense de l'auteur des faits de viol, d'autant que la surprise fait partie de la définition du viol.
Les violeurs disent toujours qu'ils ne connaissaient pas l'âge de la victime et que celle-ci ne s'est pas défendue. De fait, celle-ci est sidérée. C'est ce que décrit Muriel Salmona.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Il faut être respectueux des droits des victimes, mais aussi des droits de la défense.
J'ai beaucoup discuté avec Muriel Salmona. Ce sont les neurosciences qui permettront d'apporter la preuve scientifique de l'existence de l'amnésie post-traumatique, mise en évidence par l'armée américaine avec la guerre du Vietnam. On sait aussi que peuvent se mettre en place dans le cerveau des dispositifs complexes de suggestion et d'autosuggestion.
L'amnésie traumatique n'étant pas encore démontrée scientifiquement, il n'est pas encore possible de l'inscrire dans la loi. Nous devons être prudents.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Les amendements COM-1 rectifié, COM-6 rectifié et COM-2 rectifié ont trait à l'imprescriptibilité.
Je rappelle que celle-ci ne s'applique qu'à des crimes contre le genre humain.
Les amendements COM-1 rectifié, COM-6 rectifié et COM-2 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - À fin de coordination, l'amendement COM-21 vise à faire figurer le nouvel article 227-24-2 du code pénal, instituant l'infraction de crime sexuel sur mineur à l'article 706-47 du code de procédure pénale.
L'amendement COM-21 est adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-10 rectifié bis concerne le Fijaisv : il tend à élargir la liste des infractions qui peuvent être inscrites à ce fichier.
Cet outil, qui a fait ses preuves, peut encore être enrichi.
Toute personne peut demander à être effacée du fichier, mais l'inscription n'est pas sans conséquence : elle empêche d'exercer certaines activités, oblige à se rendre à la gendarmerie...
L'amendement COM-10 rectifié bis est adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Complémentaire du précédent, l'amendement COM-17 rectifié tend à un élargissement de la liste des décisions qui sont automatiquement inscrites au Fijaisv. J'y suis également favorable.
L'amendement COM-17 rectifié est adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Mme Billon est défavorable à l'amendement COM-16 .
L'amendement COM-16 n'est pas adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-11 rectifié bis a pour objet d'instaurer une peine complémentaire d'interdiction de contact avec les mineurs. Je suis favorable à cette mesure, que nous avions approuvée en 2018.
L'amendement COM-11 rectifié bis est adopté.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-7 rectifié vise à un prélèvement sur les tissus embryonnaires après une IVG. Il nous paraît difficile de statuer sur cette question délicate actuellement. Je sollicite le retrait de l'amendement.
Mme Valérie Boyer . - Je ne retirerai pas cet amendement, que je défendrai en séance.
Il me paraît important que l'on propose aux mineures victimes de crimes sexuels subissant une IVG de garder une preuve de celui-ci pour le cas où elles souhaiteraient agir en justice ultérieurement. Cette proposition leur serait faite au cours de la consultation préalable à l'intervention, obligatoire pour toutes les mineures.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Cet amendement me paraît extrêmement problématique. J'ignore s'il est recevable au regard de l'article 45 et de l'article 40 de la Constitution. En tout état de cause, je trouve problématique que l'on considère par principe qu'une mineure qui décide d'avoir recours à une IVG puisse être amenée à engager des poursuites judiciaires.
Au reste, la rédaction est assez floue : on ne sait pas qui décide du prélèvement.
Cet amendement mélange la protection des mineurs contre les agressions sexuelles et l'accès à l'IVG.
Mme Valérie Boyer . - La rédaction est à peut-être à revoir, mais je souhaite que l'on retienne l'idée, portée notamment par la Maison des femmes de Saint-Denis et celle de Saint-Germain. C'est à leur demande que j'ai travaillé sur cette question.
Il est important que l'on autorise les mineures à prélever et à conserver des tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux après une interruption de grossesse dans la perspective d'une éventuelle poursuite pénale ultérieure. Cela peut aussi permettre aux personnes frappées d'amnésie traumatique de disposer d'une preuve. Je ne vois pas pourquoi on les priverait de savoir ce qui leur est arrivé, alors que l'on est en train de réfléchir à l'imprescriptibilité.
Ce dispositif est cohérent avec les discussions que nous avons eues. Je conçois que ce soit compliqué, mais je souhaite aujourd'hui que nous ayons ce débat. Il s'agit de protéger les victimes et, surtout, de leur permettre d'avoir une réparation, ne serait-ce que psychologique.
L'objet de l'amendement n'est pas du tout de restreindre l'accès à l'IVG. Au contraire, il est de mieux protéger les victimes dans le temps.
Mme Marie Mercier , rapporteur . - Nous travaillons depuis longtemps sur ces sujets très difficiles. Nous avons toujours débattu avec beaucoup de respect et de sérénité, en nous enrichissant mutuellement de nos approches et de nos expériences. C'est ainsi que nous avons pu faire évoluer les choses.
Cet amendement vise à autoriser le prélèvement de tissus embryonnaires, après une IVG réalisée sur une jeune fille mineure, dans le but de réaliser des analyses génétiques permettant de confondre plus facilement l'auteur d'un viol dans le cas où une procédure judiciaire serait ouverte ultérieurement.
Actuellement, le code de la santé publique n'autorise ces prélèvements qu'à des fins diagnostiques, thérapeutiques ou scientifiques. De plus, un tel prélèvement ne peut avoir lieu si la femme ayant subi l'IVG est mineure, sauf s'il s'agit de rechercher les causes de l'interruption de grossesse. Cet amendement introduit donc une double rupture par rapport aux principes posés par le code de la santé publique : le prélèvement ne serait pas réalisé à des fins médicales ou scientifiques et les mineures seraient expressément concernées.
Il paraît difficile de statuer sur cette question très délicate, aux confins de la bioéthique, sans avoir sollicité des avis extérieurs. Je me demande en particulier s'il ne serait pas opportun d'encadrer un peu plus le dispositif, en le réservant à des situations laissant penser qu'une infraction a été commise, après un dépôt de plainte par exemple.
M. François-Noël Buffet , président . - Cela pose également un problème de gestion de la preuve et fait naître un risque de mise en cause de personnes, alors même que l'on ne sait pas ce qui s'est passé au moment où l'acte a été commis. L'idée peut paraître intéressante, mais il convient de l'expertiser de manière très approfondie, d'en regarder très précisément toutes les conséquences et de cadrer le dispositif juridiquement.
Au reste, une décision aussi importante nécessite que l'on ouvre le débat avec d'autres commissions, notamment la commission des affaires sociales.
L'amendement COM-7 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements COM-8 rectifié bis , COM-9 rectifié bis , COM-12 rectifié bis , COM-13 rectifié bis et COM-14 rectifié bis sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article
1
er
|
|||
Mme BOYER |
3 rect. |
Présomption irréfragable de contrainte |
Rejeté |
Mme BOYER |
4 rect. |
Présomption irréfragable de contrainte avec un seuil d'âge à treize ans |
Rejeté |
Mme MERCIER, rapporteur |
19 |
Suppression d'une précision superflue |
Adopté |
Mme MERCIER, rapporteur |
18 |
Précision sur la définition de la pénétration sexuelle |
Adopté |
Articles additionnels après l'article 1 er |
|||
Mme BOYER |
5 rect. |
Pénalisation des rapports sexuels entre mineurs |
Rejeté |
Mme MERCIER, rapporteur |
20 |
Notions de contrainte et de surprise lorsque la victime a moins de 15 ans |
Adopté |
Articles additionnels après l'article 4 |
|||
Mme BOYER |
15 |
Sidération psychique de la victime |
Rejeté |
Mme BILLON |
1 rect. |
Imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs |
Rejeté |
Mme BOYER |
6 rect. |
Imprescriptibilité des crimes commis sur les mineurs |
Rejeté |
Mme BILLON |
2 rect. |
Délai de prescription de quarante ans à compter de la majorité de la victime |
Rejeté |
Mme MERCIER, rapporteur |
21 |
Coordination avec le code de procédure pénale |
Adopté |
M. SAVIN |
10 rect. bis |
Élargissement de la liste des infractions pouvant être inscrites au Fijaisv |
Adopté |
Mme BOYER |
17 rect. |
Élargissement de la liste des décisions automatiquement inscrites au Fijaisv |
Adopté |
Mme BOYER |
16 |
Lutte contre la correctionnalisation des viols |
Rejeté |
M. SAVIN |
11 rect. bis |
Peine complémentaire d'interdiction de contact avec les mineurs |
Adopté |
Mme BOYER |
7 rect. |
Prélèvement sur les tissus embryonnaires après une IVG |
Rejeté |
M. SAVIN |
8 rect. bis |
Renforcement des contrôles d'honorabilité des arbitres et des surveillants des piscines |
Irrecevable
|
M. SAVIN |
9 rect. bis |
Contrôle de l'honorabilité des bénévoles engagés dans des associations sportives |
Irrecevable
|
M. SAVIN |
12 rect. bis |
Prévention des violences sexuelles dans le sport |
Irrecevable
|
M. SAVIN |
13 rect. bis |
Information auprès des élèves sur la lutte contre les violences sexuelles |
Irrecevable
|
M. SAVIN |
14 rect. bis |
Précision sur les missions de l'ONPE |
Irrecevable
|