B. RÉFLÉCHIR À LA MISE EN PLACE D'UN VÉRITABLE PILOTAGE NATIONAL DE NOTRE POLITIQUE DE SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE
Pour nécessaire qu'elle soit, la proposition de loi n'offre cependant qu'une réponse partielle à l'enjeu de l'équité dans l'accès à l'IVG et de la prévention des grossesses non désirées.
Sur les 35 recommandations formulées en 2013 par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes sur l'accès à l'IVG, 15 n'avaient été mises en oeuvre que partiellement et 9 étaient encore restées sans suite en 2016 36 ( * ) .
C'est pourquoi la rapporteure appelle de ses voeux la mise en place d'un véritable pilotage national de l'activité d'IVG et, plus largement, de notre politique de santé sexuelle et reproductive . Afin que l'IVG ne serve plus de variable d'ajustement dans les arbitrages budgétaires des établissements de santé et dans le souci de garantir l'équité territoriale dans l'accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive, elle invite le Gouvernement et le Parlement à engager une réflexion sur la création d'un institut national de la santé sexuelle et reproductive .
Sur le modèle de l'Institut national du cancer (INCa), compétent dans le pilotage de l'offre de soins en cancérologie et dans la définition de notre stratégie nationale de lutte contre le cancer, cet institut pourrait être chargé :
- de piloter l'offre nationale de soins en orthogénie et de planning familial , notamment par l'élaboration d'un cahier des charges des centres d'IVG et de planning familial , le soutien aux associations et l'animation de réseaux d'acteurs non hospitaliers investis dans les activités de santé sexuelle et reproductive (centres d'IVG et de planning familial, réseaux de sages-femmes habilitées pour les IVG médicamenteuses et instrumentales, réseaux de médecins libéraux, réseaux des maisons médicales pluridisciplinaires, réseaux de santé en périnatalité...). Ce pilotage devra être réalisé en lien étroit avec les collectivités territoriales , en particulier les départements qui agréent les centres de planification ou d'éducation familiale ;
- d' élaborer et de réactualiser la stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive , en fixant en particulier des objectifs en termes de maillage équilibré du territoire en soins d'orthogénie ou encore de formation des professionnels de santé aux activités d'IVG et de prévention en santé sexuelle et reproductive. Cette stratégie pourrait être définie en partenariat avec Santé publique France, le Haut Conseil de la santé publique et le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, les représentants des professions médicales et paramédicales concernées, les réseaux d'établissements proposant un accès à l'IVG, à la contraception et à la prévention contre les infections sexuellement transmissibles et les réseaux associatifs. À l'heure actuelle, une stratégie nationale de santé sexuelle fixe 95 objectifs pour la période 2017-2030 et se décline en feuilles de route à trois ans pour sa mise en oeuvre dont la première couvre la période 2018-2020. Son pilotage est censé être assuré par un comité national de pilotage de la stratégie de santé sexuelle 37 ( * ) animé par la direction générale de la santé ;
- de contrôler le respect par les établissements de santé de leurs obligations dans le déploiement d'une offre d'orthogénie . En application de l'article R. 2212-4 du code de la santé publique, « les établissements publics qui disposent de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peuvent refuser de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse ». Si les établissements privés peuvent être exonérés de cette obligation 38 ( * ) , les établissements privés d'intérêt collectif ne peuvent se prévaloir de cette exemption si aucun autre établissement n'est en mesure de répondre aux besoins locaux 39 ( * ) .
Selon le ministère des solidarités et de la santé, des données de 2017 montrent néanmoins qu'un certain nombre d'établissements publics, certes « très faible » selon le ministère, autorisés pour ces activités n'assurent pas l'activité d'IVG en méconnaissance de leurs obligations règlementaires. Lors de leur audition, les services du ministère ont évoqué une vingtaine d'établissements publics et 22 maternités à but non lucratif qui ne réaliseraient pas d'IVG, sur un total d'un peu plus de 500 établissements autorisés à la gynécologie-obstétrique. Le contrôle du respect par les établissements de leurs obligations en matière d'IVG et de l'adaptation du dimensionnement de l'offre hospitalière d'IVG aux besoins territoriaux devra être effectué en coordination avec les ARS qui doivent veiller sur le terrain à ce que les établissements autorisés à la gynécologie-obstétrique ou à la chirurgie assurent bien une activité d'IVG ;
- d' évaluer, en lien avec les ARS, la qualité de l'offre d'orthogénie dans les établissements de santé et les centres de santé ou de planification et de surveiller la qualité de l'information sur les méthodes abortives ;
- d' améliorer l'accès à la prévention en santé sexuelle et reproductive pour les jeunes, notamment par le renforcement des compétences et moyens des services de médecine scolaire ou universitaire .
Cet institut pourrait ainsi organiser, chaque année et en partenariat avec Santé publique France et le Haut Conseil de la santé publique, les acteurs associatifs, les professionnels de santé et les services de médecine scolaire ou universitaire, une campagne thématique d'information et de sensibilisation en lien avec la santé sexuelle et reproductive , par exemple sur la contraception, les droits sexuels et reproductifs ou la prévention des infections sexuellement transmissibles.
À cet égard, la rapporteure relève que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a formulé en 2016 40 ( * ) 30 recommandations sur l'éducation à la sexualité dont la mise en oeuvre et l'évaluation pourraient utilement s'appuyer sur un organisme pilote national. Alors que le Haut Conseil préconisait de « renforcer de manière ambitieuse la politique interministérielle d'éducation à la sexualité », la rapporteure constate que la mise en place obligatoire de trois séances annuelles d'éducation à la vie affective et sexuelle dans les collèges et lycées ne progresse pas. Au-delà des réticences manifestées par certaines familles à l'égard des associations susceptibles d'intervenir pour animer ces séances, des résistances peuvent également être observées au sein même de la communauté éducative. Comme le prônait le Haut Conseil dans la recommandation n° 6 de son rapport précité de 2016, la rapporteure appelle dès lors à la désignation dans les meilleurs délais et dans chaque région d'un délégué académique à l'éducation à l'égalité et l'éducation à la sexualité afin de veiller au déploiement effectif dans l'ensemble des établissements scolaires du second degré des séances d'éducation à la vie affective et sexuelle.
En conclusion, la rapporteure souscrit aux objectifs poursuivis par la proposition de loi et se prononce en faveur de son adoption afin que son examen se poursuive dans le cadre de la navette parlementaire.
* 36 Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l'avortement : d'importants progrès réalisés, un accès réel qui peut encore être conforté , bilan de la mise en oeuvre des recommandations formulées par le Haut Conseil à l'égalité depuis 2013, réalisé à l'occasion du 42 e anniversaire de la loi « Veil », publié le 17 janvier 2017.
* 37 Présidé en 2017 par le Pr Patrick Yeni.
* 38 Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, « un établissement de santé privé peut refuser que des IVG soient pratiquées dans ses locaux ».
* 39 Quatrième alinéa de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique.
* 40 Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d'égalité femmes-hommes , rapport relatif à l'éducation à la sexualité, rapport n° 2016-06-13-SAN-021, publié le 13 juin 2016.