Rapport n° 208 (2020-2021) de M. Marc-Philippe DAUBRESSE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 décembre 2020

Disponible au format PDF (366 Koctets)


N° 208

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 décembre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure ,

Par M. Marc-Philippe DAUBRESSE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.)

Première lecture : 3117 , 3186 et T.A. 467

Commission mixte paritaire : 3471

Nouvelle lecture : 3433 , 3520 et T.A. 498

Sénat :

Première lecture : 669 (2019-2020), 11 , 12 , 19 et T.A. 2 (2020-2021)

Commission mixte paritaire : 71 et 72 (2020-2021)

Nouvelle lecture : 130 et 209 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie le 22 octobre 2020, la commission des lois, réunie le mercredi 9 décembre 2020 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), a examiné, en nouvelle lecture , le rapport de Marc-Philippe Daubresse sur le projet de loi n° 130 (2020-2021) relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure , adopté par l'Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

Depuis le début de l'examen de ce texte, députés et sénateurs convergent sur l'utilité des dispositions dont la prorogation est proposée , à savoir les dispositions introduites par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme , dite loi « SILT » , pour prendre le relai du régime de l'état d'urgence, et une disposition créée par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement portant sur la technique dite de l'algorithme .

En première lecture, le Sénat, tout en acceptant la prolongation de l'expérimentation de l'algorithme, s'était en revanche prononcé en faveur d'une pérennisation, plutôt que d'une prorogation « sèche », des dispositions de la loi « SILT » . Soucieux de renforcer sans attendre l'efficacité de l'arsenal de lutte contre le terrorisme, il avait par ailleurs procédé à plusieurs ajustements de ces outils.

Réunie sans délai après l'adoption du texte par le Sénat, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un accord . Une divergence importante de méthode est apparue, l'Assemblée nationale se refusant à toute évolution immédiate des dispositifs et préférant reporter le débat sur l'avenir de ces dispositifs à une date ultérieure.

Fermée à toute évolution de fond, l'Assemblée nationale a donc, en nouvelle lecture, rétabli pour l'essentiel son texte de première lecture . En écartant à nouveau la possibilité de conforter sans délai le cadre légal, les députés retardent, sans raison valable, des ajustements qui se révèlent pourtant essentiels pour améliorer l'efficacité des services dans la lutte contre le terrorisme.

Au regard du contexte sécuritaire actuel et de la prégnance de la menace terroriste sur notre territoire, la commission des lois du Sénat a quant à elle souhaité maintenir ses positions adoptées en première lecture.

Elle a donc adopté deux amendements visant à compléter les dispositions de la loi SILT, en espérant poursuivre le débat avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

*

I. UN ACCORD DE FOND, MAIS UNE DIVERGENCE PROFONDE DE MÉTHODE

A. UNE CONVERGENCE SUR LA NÉCESSITÉ DE REPORTER LA RÉFORME DE LA LOI RELATIVE AU RENSEIGNEMENT

En première lecture, le Sénat avait accepté le principe de la prorogation de la technique de renseignement dite de l'algorithme (article 2) , prévue par l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure et dont l'expérimentation arrive également à échéance au 31 décembre 2020.

Il lui est en effet apparu préférable de ne pas dissocier le débat sur l'avenir de cette technique d'une réforme plus large de la loi sur le renseignement, attendue pour l'année 2021.

Par l'adoption d'un amendement du Gouvernement, le Sénat avait cependant porté au 31 décembre 2021 l'échéance de la nouvelle prolongation . La date du 31 juillet souhaitée par les députés lui était en effet apparue incompatible avec la nécessité de tirer les conséquences, en droit français, des arrêts récents de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 1 ( * ) susceptibles de remettre en cause le fonctionnement de plusieurs techniques de renseignement actuellement autorisées par la loi.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale s'est ralliée à cette position et a adopté l'article 2 du projet de loi sans modification.

B. LE REFUS PERSISTANT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DE RÉPONDRE À L'URGENCE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

1. La volonté du Sénat de conforter sans délai les dispositions de la loi « SILT »

Le Sénat et l'Assemblée nationale se rejoignent sur l'utilité des quatre dispositions introduites par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme , dite loi « SILT », pour prendre le relai de l'état d'urgence et arrivant à leur terme le 31 décembre 2020.

Les dispositions d'application temporaire de la loi « SILT »

Les quatre mesures de la loi « SILT » arrivant à échéance le 31 décembre 2020 et concernées par l'article 1 er du projet de loi sont les suivantes :

- les périmètres de protection 2 ( * ) , qui peuvent être mis en place par arrêté préfectoral afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement exposé à un risque d'actes de terrorisme à raison de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation ;

- la fermeture des lieux de culte 3 ( * ) dans lesquels « les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes » ;

- les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) 4 ( * ) , qui permettent au ministre de l'intérieur d'imposer une ou plusieurs obligations aux personnes présentant une menace de nature terroriste (assignation sur le territoire de la commune ou du département, interdiction de paraître, obligation de pointage, etc .) ;

- les visites domiciliaires et saisies (perquisitions administratives) 5 ( * ) .

En première lecture, le Sénat a toutefois jugé que le report de quelques mois du débat de fond sur l'avenir de ces dispositions n'était pas justifié compte tenu du bilan positif tiré de leur application, tant par les assemblées parlementaires, dans le cadre de l'exercice de leurs prérogatives de contrôle, que par le Gouvernement 6 ( * ) .

C'est pourquoi, soucieux de consolider sans délai l'arsenal de lutte contre le terrorisme, il a adopté une nouvelle rédaction de l'article 1 er en vue de procéder à une pérennisation immédiate des quatre dispositions de la loi « SILT » .

Tirant les conséquences des deux années de travaux de contrôle conduits par sa commission des lois sur l'application de cette loi 7 ( * ) , le Sénat a, dans le même temps, apporté plusieurs ajustements à ces dispositions , afin d'en renforcer l'efficacité. Il s'agissait en particulier :

- d' étendre le champ de la mesure de fermeture administrative prévue par l'article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure à d'autres lieux connexes aux lieux de culte ;

- de renforcer l'information des autorités judiciaires sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ;

- d' élargir les possibilités de saisies informatiques dans le cadre d'une visite domiciliaire lorsqu'il est fait obstacle, par l'occupant des lieux, à l'accès aux données présentées sur un support ou un terminal informatiques.

Lors de la discussion en séance publique, le Sénat a également adopté un amendement de M. Jean-Yves Leconte et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, visant à intégrer dans la loi la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel excluant toute discrimination dans la conduite des vérifications au sein des périmètres de protection 8 ( * ) .

2. Le rétablissement, par l'Assemblée nationale, de son texte de première lecture

La commission mixte paritaire sur le projet de loi, qui s'est tenue le 22 octobre 2020, a échoué sur une divergence de calendrier, l'Assemblée nationale souhaitant se donner plus de temps de réflexion avant de consolider un arsenal législatif à l'efficacité pourtant désormais largement établie .

Ainsi que le relevait le député Didier Paris, rapporteur du projet de loi pour l'Assemblée nationale, « les solutions [proposées par le Sénat] sont loin d'être aberrantes, mais elles fermeraient un échange que nous voulons maintenir ouvert, dans le cadre d'un prochain projet de loi, afin de prendre le temps de formuler nos propres propositions et d'en débattre avec vous » 9 ( * ) .

L'Assemblée nationale a maintenu cette position en nouvelle lecture et rétabli son texte sur l'article 1 er du projet de loi , conduisant à la prorogation « sèche » des dispositions de la loi « SILT » jusqu'au 31 juillet 2021.

Elle a procédé, par cohérence, aux modifications de coordination nécessaires au sein de l'article 3 relatif à l'application outre-mer du projet de loi.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : CONFORTER, SANS DÉLAI, DES MESURES INDISPENSABLES POUR ASSURER LA SÉCURITÉ DES FRANÇAIS, DANS LE STRICT RESPECT DES LIBERTÉS

Face au terrorisme, il est de la responsabilité du législateur de doter les services de sécurité et, plus globalement, l'autorité administrative des moyens nécessaires pour assurer la sécurité des Français, dans le strict respect des libertés publiques et individuelles.

C'est pourquoi, alors que la France a de nouveau été frappée par plusieurs attentats au cours des dernières semaines, la prorogation « sèche » proposée par le Gouvernement et soutenue par l'Assemblée nationale est, pour le rapporteur, non seulement injustifiée, mais également peu opportune au regard du niveau de la menace terroriste .

Certes, le texte adopté par les députés permettrait de préserver, pour les mois à venir, les outils introduits par la loi « SILT ». Mais il exclut, dans le même temps, toute modification de ces outils , qui pourrait pourtant répondre à des besoins opérationnels. Il en est notamment ainsi de l'extension de la possibilité de prononcer des fermetures administratives à l'encontre de lieux connexes aux lieux de culte, où agissent les prêcheurs de haine.

Au demeurant, la commission des lois ne partage pas l'argument, avancé tant par le ministre de l'intérieur que par les députés, consistant à invoquer la nécessité d'un débat démocratique approfondi sur ces mesures, que la crise sanitaire aurait empêché. Outre le fait que rien n'excluait la tenue d'un tel débat depuis la sortie du confinement au mois de juillet, elle rappelle que les propositions d'ajustement qu'elle a formulées, loin d'avoir été écrites dans la précipitation, résultent de plus de deux années de travaux conduites par la mission d'information de suivi et de contrôle de la loi « SILT ».

Aussi la commission a-t-elle rétabli son texte de première lecture sur l'article 1 er du projet de loi et, par cohérence, sur l'article 3 .

Elle a adopté deux amendements COM-1 et COM-2 de son rapporteur en ce sens.

*

* *

La commission des lois a adopté ainsi modifié le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2020

M. François-Noël Buffet , président . - Nous allons entendre à présent Marc-Philippe Daubresse sur le projet de loi relatif à la prorogation de plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure, après la tenue d'une commission mixte paritaire non conclusive.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Nous sommes appelés à examiner, en nouvelle lecture, les dispositions restant en discussion sur le projet de loi prorogeant diverses dispositions du code de la sécurité intérieure, à la suite de l'échec de la CMP du 22 octobre dernier. L'Assemblée nationale a examiné ce texte en nouvelle lecture le 17 novembre, dans un contexte très tendu, marqué par la tragédie qui a coûté la vie à Samuel Paty.

Ce projet de loi a pour objet de prolonger l'application de plusieurs dispositions en matière de lutte contre le terrorisme, qui arrivent à échéance le 31 décembre prochain et qui, en l'absence d'intervention du législateur, ne seront plus en vigueur après cette date. Il s'agit de quatre mesures de la loi relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, adoptée par le législateur en 2017 pour prendre le relais de l'état d'urgence, ainsi que d'une disposition introduite par la loi relative au renseignement portant sur la technique dite de l'algorithme.

Les échanges ayant eu lieu au cours de la CMP ont montré que nous n'avions pas de divergence de fond avec les députés sur ces sujets, et que nous nous accordions sur l'utilité de ces mesures pour lutter contre le terrorisme. Par ailleurs, j'ai conduit une mission d'information pluraliste de plus de deux ans sur l'application des dispositions de la loi SILT, qui a conclu à la nécessité de conforter ces mesures, et je vous ai présenté deux rapports à ce sujet.

Cependant, la CMP a échoué en raison d'une profonde divergence sur la méthode et le calendrier. Depuis le début de la navette parlementaire, les députés se cantonnent à l'idée de procéder à une prorogation sèche, sans modification, des mesures de la loi SILT et de l'utilisation de la technique de l'algorithme.

Nous avons validé cette position en première lecture pour la technique de l'algorithme, afin de donner le temps à la réforme de la loi sur le renseignement d'être discutée. En effet, il s'agit d'avancer encore sur les expérimentations menées, et de s'assurer de la conformité des dispositions avec notre Constitution et certaines exigences en matière de liberté.

En revanche, nous avons jugé que la prorogation sèche des dispositions de la loi SILT était non seulement injustifiée, mais également peu opportune au regard du niveau de la menace terroriste. D'ailleurs, depuis l'examen du texte en première lecture au Sénat, notre territoire a malheureusement à nouveau été frappé par le terrorisme. Nous avons donc jugé préférable de pérenniser immédiatement ces mesures, mais aussi d'y apporter plusieurs ajustements, afin de les rendre pleinement efficaces. Il s'agissait tout d'abord d'étendre le champ de la mesure de fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte, afin d'éviter le déport des discours radicaux vers d'autres lieux. En effet, nous savons que le prosélytisme radical ne se déploie pas uniquement dans les mosquées, mais aussi dans des lieux souvent liés financièrement à des associations cultuelles - le sujet est d'ailleurs abordé en ce moment, dans le cadre de la loi sur les principes républicains.

De plus, nous avons souhaité renforcer l'information des autorités judiciaires sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), de manière à assurer une parfaite articulation avec les mesures judiciaires, notamment dans le cas du contrôle judiciaire.

Enfin, il s'agissait d'élargir les possibilités de saisie informatique dans le cadre d'une visite domiciliaire, dans les cas où l'occupant des lieux ferait obstacle à l'accès aux données présentes sur un support ou un terminal informatiques.

Les récents attentats ayant frappé notre pays ont montré qu'il nous appartenait de ne jamais baisser la garde, et de faire preuve de réactivité pour doter nos services de sécurité des outils nécessaires. Nous savons que les effectifs des services de renseignement ont été renforcés de façon importante, mais cela ne suffit pas : il nous faut un cadre législatif suffisamment complet. .

C'est la position que nous avons tenue en CMP, et que les députés ont catégoriquement refusé de suivre, dans un contexte qui aurait pourtant mérité que l'on trouvât un compromis. Je constate que, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'a pas dévié de sa ligne et qu'elle a rétabli pour l'essentiel son texte initial, revenant à une simple prorogation des mesures SILT, au détriment d'une véritable pérennisation.

Elle n'a fait qu'une concession au Sénat, en acceptant de reporter du 31 juillet au 31 décembre 2021 l'échéance pour l'utilisation de la technique de l'algorithme. En effet, avant de réformer la loi sur le renseignement, il nous faut laisser le temps aux administrations de l'État de tirer les conséquences des arrêts récents de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui risquent de remettre en cause le fonctionnement de plusieurs techniques de renseignement.

Malgré cette petite concession, l'Assemblée nationale n'a pas accepté l'essentiel : la pérennisation et l'adaptation des dispositifs de la loi SILT. Pour cette raison, je vous propose de maintenir notre position de première lecture : c'est le sens des deux amendements que je soumets au vote de la commission. L'amendement COM-1 rétablit la rédaction de l'article 1 er du projet de loi dans sa version adoptée par le Sénat. Quant à l'amendement COM-2 , il procède à l'application des dispositions de la loi dans les collectivités d'outre-mer.

M. Jean-Yves Leconte . - La position du rapporteur est sans surprise, et identique à celle qu'il avait adoptée en première lecture. Nous restons, nous aussi, sur les mêmes positions. D'une part, nous soutenons la prorogation des mesures et, d'autre part, s'il devait y avoir pérennisation, nous souhaiterions que soit établi un contrôle parlementaire particulièrement rigoureux, compte tenu de ce que les mesures prévues par la loi SILT, bien qu'efficaces et utiles, sont aussi particulièrement attentatoires aux libertés, et méritent d'être systématiquement contrôlées par le Parlement dans la manière dont elles sont utilisées. Ne doutant pas du fait que vous refuserez de nouveau cette proposition de contrôle renforcé, nous préférerions en rester au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Bas . - Je remercie notre rapporteur, dont je partage toutes les positions. En effet, après une longue réflexion, nous avons adopté des dispositions permettant d'inscrire dans la durée un certain nombre de mesures, en tenant compte des décisions du Conseil d'État, et en cela nous faisons oeuvre utile. Je ne comprends pas que le Gouvernement reporte à l'année prochaine, quand le contexte politique sera marqué par la préparation de l'élection présidentielle, un arbitrage pour lequel nous avons d'ores et déjà le recul nécessaire. Il aborde dans la dispersion et par petites touches ces questions de sécurité, à la faveur de l'examen de textes dont ce n'est pas l'objet principal et, quand on lui offre la possibilité d'adopter des dispositions définitives après avoir réfléchi et débattu, et à la lumière de décisions prises par les plus hautes juridictions du pays, il refuse même d'entrer dans la discussion, ce qui me semble suspect. Je ne voudrais pas y voir une forme d'amour propre puéril, qui consisterait à considérer par avance comme mauvaise toute proposition n'émanant pas de lui... Cela ne serait pas à la hauteur des enjeux que nous avons à traiter. Cependant, je suis navré que l'on se retrouve dans cette situation, et la proposition de notre rapporteur me semble la seule possible à ce stade.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Je remercie M. Leconte pour son attitude très constructive en première lecture. J'ai toujours été favorable à un contrôle renforcé du Parlement mais, en cas de pérennisation, nous n'aurions pas les mêmes possibilités de contrôle, et c'est pourquoi nous avons refusé ses amendements en première lecture. Cependant, je confirme avoir intégré son amendement visant à exclure toute forme de discrimination dans le cadre des vérifications réalisées aux abords des périmètres de protection.

Bien sûr, je suis en phase avec Philippe Bas. J'ajouterai que le Gouvernement a fait et partagé son propre bilan, qui allait dans le sens d'une pérennisation des mesures. De plus, nous avons auditionné de nombreux interlocuteurs, issus notamment des services de renseignement, et ils étaient favorables à notre proposition, pour des raisons d'efficacité évidentes. Il me semble donc qu'il y a eu davantage de freins du côté de l'Assemblée nationale que du côté du Gouvernement. En tout cas, nous aboutissons à une situation dommageable, dans un contexte peu rassurant en matière de terrorisme. Le ministre de l'intérieur évoque des assauts contre les mosquées radicales où sont prononcés des prêches islamistes ; nous proposons d'aller plus loin sur un certain nombre de lieux, bien repérés aujourd'hui par les services de renseignement.

Mme Valérie Boyer . - Compte tenu du contexte rappelé par Philippe Bas et le rapporteur, et de l'absence de réponse du Gouvernement, ne serait-il pas intéressant de lui demander régulièrement des comptes, notamment sur les annonces qui ont été faites ? Ainsi, avant même la décapitation de Samuel Paty, le ministre de l'intérieur avait évoqué l'expulsion de personnes fichées comme dangereuses et radicalisées et, aujourd'hui, nous n'avons aucune information sur ce sujet. Ce texte arrivera trop tard par rapport aux attentes et à l'actualité, l'attitude du Gouvernement nous oblige à chercher des façons concrètes d'avancer sur ces questions fondamentales.

M. François-Noël Buffet , président . - Chaque sénateur, rapporteur pour avis sur les missions budgétaires ou rapporteur sur tel ou tel texte, se tient régulièrement informé auprès de l'exécutif. De plus, nous aurons très prochainement l'occasion d'auditionner le ministre de l'intérieur, dans le cadre du projet de loi visant à conforter les principes républicains. Nous pouvons aussi poser nos questions par voie écrite.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 3

L'amendement COM-2 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

M. DAUBRESSE, rapporteur

1

Pérennisation et ajustement des dispositions de la loi SILT

Adopté

Article 3

M. DAUBRESSE, rapporteur

2

Application outre-mer

Adopté

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-669.html


* 1 Arrêts du 6 octobre 2020 dans l'affaire C-623/17 Privacy International et dans les affaires jointes C-511/18 La Quadrature du Net e.a. et C-512/18, French DataNetwork e.a.

* 2 Art. L. 226-1 du code de la sécurité intérieure.

* 3 Art. L. 227-1 et L. 227-2 du même code.

* 4 Art. L. 228-1 à L. 228-7 du même code.

* 5 Art. L. 229-1 à L. 229-6 du même code.

* 6 Le rapport du Gouvernement remis au Parlement relatif au bilan de la deuxième année de mise en oeuvre de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 fait état d'« une appropriation et [d'] une maitrise de ces instruments de police par l'autorité administrative » et d'« une utilité opérationnelle avérée ayant permis de faire face à une menace terroriste demeurant à un niveau particulièrement élevé ».

* 7 Voir le rapport d'information de M. Marc-Philippe Daubresse, fait au nom de la commission des lois, n° 348 (2019-2020), déposé le 26 février 2020. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-348-notice.html

* 8 Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018.

* 9 Compte rendu de la commission mixte paritaire du 22 octobre 2020, rapport n° 71 (2020-2021) de MM. Marc-Philippe Daubresse, sénateur et Didier Paris, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 22 octobre 2020. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l20-071/l20-071.html

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page