II. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT »
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) , créé en 2006, est composé d'actions territorialisées répondant à des enjeux divers. Il est abondé par des contributions de différents ministères et des fonds de concours.
Ce programme représente un faible enjeu budgétaire en termes de montants de crédits. Il est toutefois pertinent pour répondre à certaines problématiques locales complexes notamment mettant en jeu la responsabilité de l'État, en cas de contentieux européen ou de risque sanitaire.
Le PITE présente des avantages notables pour les gestionnaires, en leur offrant une grande souplesse de gestion , tandis qu'il garantit aux acteurs locaux une meilleure visibilité de l'engagement de l'État sur leur territoire.
Il connaît quelques modifications de périmètre en 2021. Une nouvelle action est créée concernant les services d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna , le PITE en faveur du Marais poitevin est clos. L'action 04 - programme exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse sera appelée à se clôturer en 2021.
Ces modifications de périmètre influencent l'évolution des crédits inscrits au PLF 2021. Le programme subit une baisse des AE à hauteur de 9,7 %, mais bénéficie d'une hausse des CP de 5,2 % . Le montant total du programme est de 41 millions d'euros en AE et 40,5 millions d'euros en CP.
Ces évolutions sont également dues à une montée en charge de l'action 09 - Plan littoral 21 et à une forte contraction des AE de l'action 10 - Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane en raison d'un redéploiement de crédits. Quant à la baisse de l'action 08 - Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, elle doit être nuancée car elle découle de la non reconduction de l'abondement supplémentaire introduit par amendement lors de la discussion du PLF pour 2020.
Évolution par action des crédits du
programme 162
« Interventions territoriales de
l'État »
(en milliers d'euros)
Action |
LFI 2018 |
LFI 2019 |
LFI 2020 |
PLF 2021 |
Évolution 2021/2020 |
|||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
02 - Eau et agriculture en Bretagne |
7 147 |
6 110 |
2 285 |
1 783 |
1 984 |
1 784 |
1 976 |
1 974 |
0,0% |
0,0% |
04 - PEI en Corse |
17 813 |
20 213 |
27 323 |
17 833 |
16 833 |
17 866 |
16 768 |
17 780 |
0,0% |
0,0% |
06 - Marais poitevin |
1 105 |
1 717 |
1 594 |
1 446 |
0 |
0 |
-100,0% |
|||
08 - Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe |
2 133 |
2 105 |
1 987 |
1 981 |
5 000 |
5 000 |
3 000 |
3 000 |
-40,0% |
-40,0% |
09 - Plan littoral 21 |
967 |
225 |
3 974 |
2 477 |
4 822 |
4 463 |
5 944 |
4 448 |
23,8% |
0,1% |
10 - Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane |
16 853 |
7 462 |
11 970 |
11 366 |
-28,7% |
53,0% |
||||
11 - Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire |
60 |
700 |
59 |
696 |
0,0% |
0,0% |
||||
12 - Service de secours à Wallis-et-Futuna |
1 276 |
1 276 |
||||||||
Total |
29 165 |
30 370 |
35 569 |
25 669 |
43 552 |
36 721 |
40 996 |
40 542 |
-9,7% |
5,2% |
En gris, action supprimée. En vert, action créée en PLF 2021.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les montants prévus en 2021 sont nettement supérieurs à la programmation pluriannuelle. Les plafonds de crédits de paiement fixés par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 22 janvier 2018 pour le programme 162 sont en effet les suivants.
Budget quinquennal 2018-2022 du programme 162
(en milliers d'euros)
LFI 2018 |
Plafond 2019 |
Plafond 2020 |
Plafond 2021 |
Plafond 2022 |
27 308 |
25 808 |
27 808 |
25 408 |
24 408 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Ces dépassements s'expliquent d'une part par les amendements adoptés lors de l'examen des projets de loi de finances et d'autre part par la création de trois nouvelles actions (actions 10 - fonds interministériel pour la transformation de la Guyane et 11 - reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire en LFI pour 2020 d'une part et action 12 - services d'incendie et de secours de Wallis et Futuna en PLF pour 2021 d'autre part).
Toutefois, la lettre de cadrage relative à la préparation du projet de loi de finances pour 2021, adressée aux ministres le 26 mai 2020, demande de continuer à oeuvrer à un usage soutenable des deniers publics et prévoit que l'annuité 2021 des plafonds arbitrés à l'été 2019 demeure la référence .
A. L'AMBITION DU PLAN CHLORDÉCONE DANS LES ANTILLES DOIT ÊTRE POURSUIVIE ET APPROFONDIE
Le plan chlordécone est mis en oeuvre en réponse à la problématique de l'impact sanitaire de la dispersion du pesticide chlordécone , utilisé pour la culture des bananes dans les milieux terrestres et aquatiques de la Martinique et de la Guadeloupe.
Trois plans successifs ont été mis oeuvre depuis 2008 : le premier sur la période 2008-2010, le deuxième sur 2011-2013 et le troisième est actuellement en cours pour la période 2014-2020. Sur 12 ans, 33,3 millions d'euros auront été consacrés à cette action.
Financement de l'action 08 « plan chlordécone » depuis 2009
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le plan IV devrait couvrir la période 2021-2027 avec une mise en oeuvre dès 2021 et comporte six axes :
- un axe « communication » pour informer la population sur les comportements à adopter dans un contexte de pollution à long terme ;
- un axe « formation et éducation » pour sensibiliser le public scolaire, les professionnels de santé ainsi que les professionnels (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs) aux problématiques liées à la chlordécone ;
- un axe « recherche » sous le pilotage d'un comité scientifique ;
- un axe « santé-environnement-alimentation » visant à effectuer un suivi de l'état de santé de la population et à tendre vers le zéro chlordécone dans l'alimentation ;
- un axe « socio-économique » pour accompagner les professionnels de la pêche et de l'agriculture et indemniser les préjudices économiques liés à la pollution à la chlordécone ;
- enfin, un axe « santé-travail » destiné à améliorer la prévention des risques professionnels, mobiliser les acteurs de la santé au travail et faciliter l'information des salariés et des non-salariés agricoles dans les entreprises qui ont utilisé la chlordécone ou utilisent actuellement dans leurs procédés de travail des pesticides, améliorer la réparation des travailleurs exposés à la chlordécone et à d'autres pesticides à usage agricole.
Le budget global du plan IV s'élève à 92,3 millions d'euros pour la période 2021-2027, dont 31,3 millions d'euros de mesures mises en oeuvre dans le cadre de l'action 08 du PITE .
Si ces chiffres traduisent une nouvelle ambition pour le plan chlordécone, celle-ci ne se traduit pas entièrement en PLF pour 2021 . L'action 8 est en effet en baisse de 40 % par rapport à l'année précédente, passant de 5 à 3 millions d'euros. La forte baisse des crédits entre la LFI pour 2020 et le PLF pour 2021 découle d'un retour aux montants demandés par le Gouvernement en PLF pour 2020. Le Parlement avait en effet voté en LFI pour 2020 une augmentation de deux millions d'euros pour la mise en place du dépistage de la population (ou chlordéconémie), dont l'absence de reconduction explique la baisse faciale des crédits.
Si celle-ci n'est pas surprenante, dans la mesure où les crédits demandés en PLF 2021 sont similaires à ceux demandés en PLF 2020, elle pourrait toutefois interroger sur l'ampleur et l'efficacité du plan IV.
Toutefois, une partie des crédits chlordéconémie (700 000 euros en AE et 960 000 euros en CP) devrait être reportée , ce qui permettra d'atténuer la baisse des crédits et ce dont le rapporteur spécial se félicite.
En outre, des contributions de la part des ministères déjà impliqués ainsi que du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, et du ministère de la mer interviendront, en gestion 2021 puis au PLF 2022. Du fait d'un retard de calendrier lié à l'impact de la crise sanitaire sur le fonctionnement des différents groupes de travail, les financements complémentaires qui seront alloués dans le cadre du nouveau plan ne figurent pas dans le PLF pour 2021 et devraient être versés par des transferts en gestion.
En incluant ces contributions et les reports de crédits, 5,15 millions d'euros en AE et 5,41 millions d'euros en CP en 2021 devraient en fin de compte être consacrés au plan chlordécone en 2021, selon les informations dont dispose le rapporteur spécial.
Les conclusions de la mission d'évaluation du
plan chlordécone III
(2014-2020)
Cette mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales, au conseil général de l'environnement et du développement durable, au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et à l'inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche, qui a rendu son rapport en février 2020. Le bilan du plan III dressé par la mission est assez sévère.
Celle-ci conclut à d'importantes lacunes dans l'organisation du pilotage du plan , jugée « peu efficace » du fait de l'absence d'implication directe des trois ministères de l'agriculture et du développement durable et de la recherche, à la direction générale de la santé (DGS) et à la direction générale des outre-mer (DGOM).
En outre, le financement des 30 millions d'euros du plan pour les premières années (2014-2017) reposait sur une articulation avec des crédits européens. Mais, selon la mission, les collectivités territoriales gestionnaires des fonds structurels européens ne se sont pas senties engagées par un plan auquel elles n'avaient pas été associées.
La mission fait également le constat d'un état d'avancement très inégal des actions . Selon elle, « des actions aussi essentielles que la surveillance médicale des professionnels et anciens professionnels de la banane et la cartographie des sols n'ont pas ou ont été insuffisamment réalisées ».
Autre critique, le volet recherche du plan présente un bilan mitigé au regard des objectifs du plan : « en continuité des deux plans précédents avec des actions et des projets largement autonomes, sans réelles hiérarchie ni cohérence avec les autres actions du plan, sa conception apparaît déficiente ». La mission pointe en particulier une absence de clarté sur la gouvernance du plan, entraînant un manque d'efficacité du pilotage.
La mission recommande en conclusion de revoir en profondeur le pilotage du plan IV afin de créer une synergie entre toutes les parties prenantes. Le Gouvernement semble avoir entendu cette recommandation et met en avant la « coconstruction » du plan IV avec l'ensemble des acteurs. Concernant le volet recherche, la mission préconise un nouveau comité scientifique associé aux comités de pilotage aux missions élargies.
Les moyens alloués au plan chlordécone n'apparaissent pas en adéquation avec les enjeux sanitaires et environnementaux considérables qui le sous-tendent , dans la mesure où la mission précédemment mentionnée évalue à 30 millions d'euros le financement nécessaire à la seule réalisation de la cartographie des sols, en priorité celles des zones agricoles, polluées et non polluées.