PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE
L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. AUTORISATION DE PERCEPTION
DES IMPÔTS ET PRODUITS
ARTICLE 1er
Annulation de
redevances d'occupation du domaine public de l'État
et de ses
établissements
. Le présent article prévoit d'annuler les redevances et les produits de location dus au titre de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public de l'État et de ses établissements publics par les petites et moyennes entreprises dont l'activité a été fortement affectée par la crise sanitaire et économique. Cette mesure va donc au-delà de la simple suspension du paiement des redevances domaniales, prévue par l'ordonnance du 22 avril 2020. D'une ampleur budgétaire a priori limitée, elle s'inscrit néanmoins dans l'ensemble des mesures prises pour soutenir certains secteurs économiques, particulièrement affectés par la crise sanitaire et économique. La commission regrette néanmoins que n'aient pas été inclus dans le champ de l'annulation les occupants du domaine public des établissements publics de santé. Cette différence de traitement se justifie difficilement, d'autant que l'État aurait pu compenser les pertes de recettes, limitées, ainsi supportées par ces établissements. Elle a donc adopté un amendement visant à inclure les occupants du domaine public des établissements publics de santé dans le dispositif, ainsi qu'un amendement portant la durée de l'annulation de trois à quatre mois, afin que cette période coïncide avec l'état d'urgence sanitaire. La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié. |
I. LE DROIT EXISTANT : SI LES REDEVANCES DOMANIALES SONT, PAR PRINCIPE, DUES PAR TOUTE PERSONNE OCCUPANT OU UTILISANT LE DOMAINE PUBLIC, DES AMÉNAGEMENTS ONT ÉTÉ APPORTÉS DANS LE CADRE DE LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE
A. DE MANIÈRE GÉNÉRALE, LES REDEVANCES D'OCCUPATION DOMANIALE SONT DUES PAR TOUT OCCUPANT DU DOMAINE PUBLIC
1. Le paiement d'une redevance par les entreprises au titre de leur occupation ou de leur utilisation du domaine public
Le titre II du livre 1 er de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) définit les règles relatives à l'utilisation du domaine public. L'occupation et l'utilisation du domaine public d'une personne publique 2 ( * ) sont soumises à autorisation (article L. 2122-1). Cette autorisation est temporaire (article L. 2122-2) et révocable (article L. 2122-3). Toute occupation du domaine public sans autorisation est sanctionnée d'une contravention de grande voirie (article L. 2132-2 du CGPPP).
Selon le principe inscrit à l'article L. 2125-1 du CGPPP, toute occupation privative du domaine publique est obligatoirement consentie à titre onéreux . Seules deux exceptions sont prévues et permettent de délivrer une autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public gratuitement :
- lorsque l'occupation ou l'utilisation sont la conséquence de travaux intéressant un service public bénéficiant gratuitement à tous ;
- lorsque l'occupation ou l'utilisation contribuent directement à la conservation du domaine public en lui-même.
Sauf disposition législative spécifique, il appartient à l'autorité gestionnaire du domaine public de définir les modalités et le niveau de la redevance domaniale , en tenant compte des avantages octroyés au titulaire de l'autorisation (article L. 2125-3). Si la redevance domaniale est, de manière générale, payable d'avance et annuellement, le redevable peut, selon son montant et son mode de détermination, verser des acomptes ou des avances (article L. 2125-4).
Dans le cadre de leurs activités, certaines entreprises peuvent exercer tout ou partie de leur activité commerciale sur le domaine public (par exemple la publicité extérieure) ou occuper une dépendance domaniale pour y exercer une activité, aux termes d'une convention conclue avec l'autorité gestionnaire du domaine . En contrepartie de cette occupation du domaine public, elles doivent donc verser une redevance au titre de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public.
Aux termes des principes encadrant la gestion du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », les recettes issues des redevances d'occupation domaniale du domaine public de l'État sont dans leur totalité allouées aux dépenses d'entretien du propriétaire . Ces dépenses sont essentielles à la valorisation du parc immobilier de l'État, un parc dont la mise aux normes techniques, énergétiques et environnementales est loin d'être optimale. Le présent projet de loi prévoit ainsi une diminution des recettes du CAS de 70 millions d'euros , dont 60 millions d'euros au titre des produits de cessions et 10 millions d'euros pour les redevances domaniales .
2. Des exonérations de redevances domaniales octroyées à titre exceptionnel
Si le principe général demeure celui du versement d'une redevance au titre de l'occupation du domaine public, le législateur a exonéré de cette contrepartie certaines activités extrêmement précises . Il s'agit par exemple des opérations de conservation, de restauration et d'aménagement de l'environnement immédiat de Notre-Dame 3 ( * ) ou encore de l'installation d'un réseau d'infrastructures nécessaires à la recharge de véhicules électriques, par l'État ou tout opérateur, lorsque cette opération s'inscrit dans un projet de dimension nationale 4 ( * ) .
B. LA SUSPENSION DU PAIEMENT DES REDEVANCES DOMANIALES DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE
Le b) du I de l'article 20 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19 a modifié l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 5 ( * ) afin de permettre aux entreprises dont « les conditions d'exploitation de l'activité sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de [leur] situation financière » du fait de l'épidémie de Covid-19 de suspendre le versement des redevances d'occupation domaniale .
Cette disposition est applicable aux contrats de mobilier urbain, ainsi qu'aux conventions domaniales au sens strict. Selon le rapport au Président de la République accompagnant la présentation de l'ordonnance, ces deux catégories de contrats publics ne pouvaient bénéficier des autres dispositions prévues en matière de commande publique pour répondre aux éventuelles difficultés d'exécution des contrats publics en raison de l'épidémie de covid-19. Les conventions d'occupation liant les entreprises concernées aux gestionnaires ne contiennent en effet généralement pas de clause permettant la suspension de ces redevances : l'ordonnance vise donc à remédier à cet écueil. Aux termes de l'ordonnance, cette suspension ne concerne toutefois pas les autorisations temporaires d'occupation du domaine public , qui sont des actes administratifs unilatéraux et qui constituent une part importante des titres d'occupation délivrés par les autorités gestionnaires du domaine.
La suspension du versement des redevances n'est valable que pour une durée qui ne peut dépasser celle fixée à l'article 1 er de l'ordonnance du 25 mars 2020, soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020 inclus . L'ordonnance prévoit également qu'un avenant pourrait, le cas échéant, être conclu afin d'apporter au contrat les modifications apparues nécessaires durant cette période.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ANNULER LES REDEVANCES DOMANIALES DUES À L'ÉTAT ET À SES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS PAR LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DES SECTEURS PARTICULIÈREMENT TOUCHÉS PAR LA CRISE
Le I du présent article prévoit d' annuler les redevances et les produits de location dus au titre de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public de l'État et de ses établissements publics par les micro, petites et moyennes entreprises exerçant « leur activité principale dans les secteurs [...] particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de covid-19 ». Cette annulation porte sur une durée de trois mois à compter du 12 mars 2020 ce qui correspond, pour les occupants dont la redevance est due annuellement, à une annulation du quart du montant dû .
Ainsi, pour bénéficier de cette annulation, les entreprises doivent remplir une triple condition :
- répondre aux critères fixés par l'annexe I du règlement n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, c'est-à-dire appartenir à la catégorie des micro, petites ou moyennes entreprises , soit les entreprises qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ;
- appartenir aux secteurs du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture ou de l'événementiel 6 ( * ) et avoir été particulièrement touchées par les conséquences de la crise du covid-19 ;
- occuper le domaine public de l'État ou de ses établissements publics .
Ne pourront en revanche bénéficier de cette annulation les occupants du domaine public des établissements publics de santé. Ces établissements sont définis à l'article L. 6141-1 du code de la santé publique comme « des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière [...]. Ils sont soumis au contrôle de l'État [...] et dotés d'un statut spécifique ».
Le II du présent article précise que le bénéfice de cette annulation est conditionné par le respect du règlement 1407/2013 dit « de minimis » 7 ( * ) : le montant cumulé des aides reçues par une même entreprise ne peut pas excéder 200 000 euros sur trois exercices fiscaux.
Enfin, le III du présent article prévoit que les dispositions du présent article s'appliquent dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie.
III. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES BIENVENU, MAIS D'UNE AMPLEUR LIMITÉE
A. UN DISPOSITIF D'ANNULATION NÉCESSAIRE MAIS QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS SUR SON CHAMP ET SA PORTÉE...
Le dispositif prévu au présent article constitue l'une des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises des secteurs les plus affectés par les conséquences économiques et financières de la crise sanitaire. En procédant à l'annulation des redevances d'occupation du domaine et des produits de location, il met fin à une incertitude pour les entreprises qui avaient déjà bénéficié de la suspension du versement de ces redevances et qui s'interrogeaient sur les suites de cette suspension, ce dont la commission se félicite. La suspension du versement de ces redevances devait en effet prendre fin prochainement, le 24 juillet 2020.
Or, les entreprises n'étaient pas dispensées du paiement de ces redevances et ne disposaient pas d'informations précises sur les conditions de la reprise du versement de ces redevances, ni même sur leur capacité effective à s'acquitter de ces produits après plusieurs mois d'activité commerciale réduite et dans un contexte économique particulièrement dégradé.
La suspension prévue à l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 avait en outre suscité plusieurs interrogations :
- d'abord parce qu'elle ne couvrait pas les exploitants d'activité qui avaient reçu une autorisation unilatérale (temporaire) d'occupation du domaine public, contrairement à l'annulation prévue au présent dispositif ;
- ensuite parce qu'elle ne précisait pas si cette suspension était de droit ou devait être expressément accordée par l'autorité gestionnaire du domaine.
Par ailleurs, les entreprises qui s'acquittent annuellement de leur redevance d'occupation domaniale n'ont pas pu bénéficier de cette suspension.
Toutefois, dans l'ordonnance comme dans le présent article, aucune précision n'est apportée sur ce qu'il est entendu de « particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de covid-19 » . Si les secteurs visés sont énumérés, il n'y a pas de critères précis permettant de distinguer les entreprises particulièrement affectées des autres et portant par exemple sur la perte de chiffre d'affaires ou sur la réduction de l'activité. Cette absence de précision pourrait conduire les établissements publics, dans le cadre de leur autonomie de gestion, à apprécier différemment ce critère . Toutefois, selon les réponses apportées au rapporteur général, cette formulation vise précisément à inclure le plus grand nombre d'occupants possibles 8 ( * ) , l'appréciation devrait donc être maximaliste . Dans ce contexte, la commission considère qu'il serait judicieux d'allonger la durée de l'annulation des redevances domaniales de trois à quatre mois ( amendement FINC.2 (n°373) ), afin de faire coïncider la période d'annulation avec la fin de l'état d'urgence sanitaire. Le coût de cette extension serait faible.
Une seconde interrogation porte sur l'exclusion des établissements de santé . Si le rapporteur général comprend les raisons qui justifient cette exclusion, les ressources des établissements de santé devant être préservées , il s'interroge sur la sécurité juridique de ce dispositif . Exclure les occupants du domaine public des établissements de santé de ce dispositif mais inclure les occupants du domaine public de l'État et de ses établissements crée entre eux une différence de traitement, alors même qu'ils ont connu des difficultés économiques et financières similaires. Il serait préférable d'inclure ces occupants, tout en prévoyant une compensation par l'État des pertes ainsi subies par les établissements publics de santé ; cette compensation serait d'un montant modeste . La commission a ainsi adopté un amendement FINC.1 (n°372) visant à inclure les occupants du domaine public des établissements de santé dans le présent dispositif d'annulation.
La disposition prévue au présent article ne s'étend pas aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Certains maires ont d'ores et déjà pris la décision d'exonérer de redevances domaniales les occupants du domaine public de la commune 9 ( * ) . Le rapporteur général estime opportun de laisser les communes choisir ou non de suspendre ou d'exonérer le versement des redevances dues au titre de l'occupation ou de l'utilisation de leur domaine public .
B. ... ET DONT LE COÛT EST LIMITÉ POUR L'ÉTAT ET SES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
L'annulation des redevances et produits de location dus au titre de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public de l'État et de ses établissements publics est d'une ampleur limitée . Selon l'étude d'impact, son coût pour l'État serait d'environ six millions d'euros et le coût total serait légèrement supérieur puisqu'il faut ajouter à ces six millions d'euros les pertes de recettes pour les établissements publics . Cette estimation doit donc être prise avec précaution : il est en effet impossible de connaître exactement la part que représentent les entreprises visées par le présent article dans les redevances domaniales . De même, les établissements publics bénéficiant d'une autonomie de gestion, les données sur les recettes qu'ils tirent des redevances domaniales ne sont pas, d'après l'étude d'impact, disponibles . Il leur revient en effet, après délibération du conseil d'administration, de fixer les conditions d'occupation de leur domaine public, y compris, donc, le montant de la redevance due au titre de l'occupation ou de l'utilisation de ce domaine.
L'estimation paraît toutefois raisonnable : l'État percevrait environ 45 millions d'euros par an au titre des redevances et produits de location, dont environ 20 millions d'euros de la part d'occupants exerçant leurs activités dans les secteurs visés par le présent article. L'étude d'impact retient un chiffrage à six millions d'euros pour l'État, soit un peu plus d'un quart des 20 millions d'euros, auxquels doivent s'ajouter les redevances perçues par les établissements publics de l'État.
Décision de la commission : la commission des finances vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 2 L'article 1 er du code général de la propriété des personnes publiques précise que les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques s'appliquent « aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ».
* 3 Article 11 de la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.
* 4 Article unique de la loi n° 2014-877 du 4 août 2014 facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public.
* 5 Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19.
* 6 Ce sont notamment les secteurs cités en annexe 1 du décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
* 7 Règlement (UE) n ° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis
* 8 Se référer au commentaire de l'article 18 du présent projet de loi pour une présentation des activités relevant de ces secteurs, qui incluent ceux visés au décret du 20 juin 2020 précité, ainsi que pour une analyse du ciblage proposé (petites et moyennes entreprises de certains secteurs) au regard des exigences constitutionnelles en matière d'égalité devant les charges publiques.
* 9 Se référer au commentaire de l'article 5 du présent projet de loi. L'article 5 renvoie à un décret la définition des modalités de traitement des pertes de recettes résultant d'une baisse des tarifs des redevances et recettes d'utilisation du domaine mise en oeuvre sur délibération de la commune.