B. DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES, POUR GARANTIR LA SÉCURITÉ JURIDIQUE ET L'OPÉRATIONNALITÉ DU DISPOSITIF

1. Assurer l'applicabilité de la mesure de sûreté, sans fragiliser sa proportionnalité
a) Un champ d'application restreint par l'Assemblée nationale

Le champ d'application du dispositif introduit par l'article 1 er de la proposition de loi se définit par deux critères cumulatifs : d'une part, un critère lié à la nature de l'infraction commise ; d'autre part, un critère lié à la dangerosité de la personne à l'issue de l'exécution de sa peine.

Le premier critère résulte de la proposition de loi initiale et n'a fait l'objet d'aucune modification par l'Assemblée nationale. Il limite l'application de la mesure de sûreté créée aux seules personnes condamnées à une peine privative de liberté pour des actes de terrorisme . Cette notion englobe en particulier l'infraction d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, fortement mobilisée au cours des dernières années à l'encontre des individus ayant quitté le territoire pour se rendre en zone syro-irakienne, ou ayant tenté de le faire.

Elle exclut, en revanche, les délits de provocation à commettre des actes de terrorisme et d'apologie publique de ces actes (article 421-2-5 du code pénal), ainsi que le délit d'entrave intentionnelle au blocage de sites faisant l'apologie d'actes de terrorisme (article 421-2-5-1 du même code), qui sont punis de peines plus faibles et soumis à un régime pénal moins sévère.

La mobilisation du critère relatif à la nature de l'infraction initialement commise n'a pas pour conséquence de faire de la mesure de sûreté un complément de peine. Il ne constitue qu' un élément supplémentaire pour établir la dangerosité des personnes éligibles , au regard des faits qu'elles ont déjà commis, la condamnation servant ici à en attester la réalité. Ceci explique que ne sont pas éligibles à la mesure créée les personnes dont la radicalisation est avérée, mais condamnées pour des faits de droit commun et pour lesquels l'objectivation de la dangerosité apparaîtrait moins aisée.

Le second critère définissant le champ de l'application de la mesure a été précisé par les députés, dans l'objectif de mieux caractériser la notion de particulière dangerosité .

Alors que la proposition de loi initiale limitait l'appréciation de cette notion au seul « risque élevé de commettre l'une de ces infractions », le texte adopté par l'Assemblée nationale est à la fois plus précis et plus restrictif , en ce qu'il exige non seulement un risque très élevé de récidive, mais également la preuve d'une « adhésion persistante à une entreprise tendant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

b) Adapter la caractérisation de la dangerosité aux profils des détenus terroristes...

La commission partage le souci de l'Assemblée nationale d'objectiver la notion de dangerosité , afin de ne laisser aucune place à l'arbitraire.

La caractérisation de cette dangerosité se révèle en effet complexe pour les profils terroristes, dès lors qu'elle ne repose pas uniquement sur des critères médicaux ou psychiatriques, mais sur des critères idéologiques et criminologiques, moins bien appréhendés par le droit pénal et qui peuvent se révéler plus difficiles à établir.

La rédaction qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale, si elle a le mérite de la précision, apparaît toutefois peu opérationnelle . Ainsi que l'a indiqué le procureur de la République antiterroriste lors de son audition, les critères définis sont à ce point restrictifs qu'ils se rapprochent de la définition de l'infraction d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et rendent, de ce fait, la mesure quasiment inapplicable .

La commission a en conséquence estimé qu'une reformulation était nécessaire afin d'en garantir l'applicabilité, sans pour autant nuire à l'équilibre trouvé. Elle a adopté, en ce sens, un amendement COM-3 de sa rapporteure, qui adapte la définition de la notion de dangerosité aux profils des détenus terroristes, en visant l'adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, plutôt que l'adhésion à une entreprise terroriste.

c) ... en contrepartie d'un meilleur encadrement du champ d'application de la mesure.

De manière à garantir la proportionnalité de la mesure, la commission a contrebalancé cet élargissement par l'ajout de plusieurs garanties , qui encadrent de manière plus précise son champ d'application.

(1) L'instauration d'un quantum minimal de peine

Elle a tout d'abord adopté un amendement COM-2 de sa rapporteure qui limite l'application de la mesure aux personnes condamnées à des peines supérieures à 5 ans d'emprisonnement, ou 3 ans en cas de récidive .

Cette modification répond à une exigence constitutionnelle . Saisi de la conformité à la Constitution de la surveillance et de la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel a en effet apprécié la nécessité et la proportionnalité de ces mesures non seulement au regard de la gravité des infractions commises, mais également de l'importance de la sanction prononcée par la juridiction. Le quantum de la peine infligé constitue en effet un critère supplémentaire pour établir la dangerosité de la personne concernée.

Or, si la rédaction retenue par l'Assemblée nationale limite bien le champ de la mesure aux infractions terroristes les plus graves, elle ne comprend aucune condition quant à l'importance de la sanction, ce qui pourrait induire une fragilité, sur le plan constitutionnel, de la mesure créée.

(2) La précision des finalités de la mesure de sûreté

La commission a par ailleurs précisé les finalités de la mesure de sûreté créée , qui seraient doubles : d'une part, favoriser l'insertion ou la réinsertion de la personne et, d'autre part, prévenir la récidive ( amendement COM-6 ). Ce faisant, elle a entendu réduire les possibilités d'arbitraire et s'assurer d'un usage strictement nécessaire de la mesure .

(3) La clarification du contenu des réquisitions du parquet

Par l'adoption d'un amendement COM-5 de sa rapporteure, la commission a clarifié le contenu des réquisitions du procureur de la République antiterroriste , afin de préciser que les éléments apportés par le parquet devront non seulement être circonstanciés, mais également actuels.

Il s'agit, ce faisant, de garantir que la dangerosité du condamné sera appréciée sur des éléments récents, afin d'assurer la stricte nécessité et la proportionnalité des mesures de sûreté prononcées.

La commission en revanche considéré qu'il n'était pas utile de préciser que les éléments apportés par le procureur pourront être issus de la période de détention, ce qui tombe sous le sens dès lors qu'ils devront être circonstanciés et actuels.

(4) La clarification de l'articulation de la mesure de sûreté avec les autres dispositifs de surveillance

Enfin, la commission s'est attachée à clarifier les conditions d'articulation de la mesure de sûreté avec les dispositifs de suivi et de surveillance post-peine existants .

Cette préoccupation n'est pas absente du texte adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoit que la mesure ne puisse être prononcée que si d'autres dispositifs judiciaires moins attentatoires ne permettent pas de prévenir la commission de nouvelles infractions.

Par l'adoption d'un amendement COM-12 de sa rapporteure, la commission a toutefois jugé utile d'apporter trois modifications à la rédaction proposée, de manière à mieux garantir le caractère subsidiaire de la mesure .

Elle a, tout d'abord, prévu que l'utilité de la mesure doit être évaluée au regard de l'ensemble de l'arsenal juridique existant, qu'il soit administratif ou judiciaire . D'un point de vue constitutionnel, la nécessité et la proportionnalité d'une mesure restrictive de libertés ne sauraient en effet être appréciées qu'au regard de l'ensemble des moyens à disposition des pouvoirs publics qui poursuivent les mêmes finalités, quelle qu'en soit la nature.

De manière à garantir une articulation fluide entre mesures administratives et judiciaires, l'amendement adopté précise également que l'utilité de la mesure de sûreté est appréciée non seulement au regard de l'objectif de prévention de la récidive, mais également de l'objectif de réinsertion du condamné.

Il exclut enfin le cumul de la mesure de sûreté créée avec d'autres mesures judiciaires ayant un caractère de sûreté, en particulier le suivi socio-judiciaire, la mesure de surveillance judiciaire, la surveillance ou la rétention de sûreté. Cette modification répond d'ailleurs à une recommandation formulée par le Conseil d'État dans son avis du 11 juin dernier, qui suggérait « d'exclure la mise en oeuvre des mesures de sûreté (...) lorsque la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire » et « de prévoir que la mise en oeuvre du régime de la rétention et de la surveillance de sûreté (...) soit exclusive du dispositif prévu par la proposition de loi ».

La commission a également adopté deux amendements de précision rédactionnelle ( amendements COM-1 et COM-4 ).

2. Le contenu de la mesure : renforcer le volet « réinsertion »
a) Des obligations principalement orientées vers la surveillance de la personne

La mesure de sûreté créée par l'article 1 er consiste à soumettre la personne concernée à une ou plusieurs obligations ou interdictions , définies par le juge en fonction de sa situation et de sa personnalité.

La proposition de loi initiale énumérait huit obligations, qui se limitaient exclusivement à des mesures de surveillance .

Les huit obligations prévues par la proposition de loi initiale

1° répondre aux convocations du juge de l'application des peines ;

2° établir sa résidence en un lieu déterminé ;

3° obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout changement d'emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l'exécution des mesures de sûreté ;

4° obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger ;

5° se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite de trois fois par semaine ;

6° ne pas entrer en relation avec certaines personnes ou catégories de personnes spécialement désignées ;

7° ne pas paraître dans tout lieu spécialement désigné ;

8° être placé sous surveillance électronique mobile de la personne.

À l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, cette liste a été complétée d'une neuvième obligation, qui s'inscrit, contrairement aux autres, dans une logique d'accompagnement psychologique et social. Elle consiste à imposer à la personne de « respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté ». Il s'agit, dans la pratique, de soumettre la personne au suivi d'actions de prise en charge de la radicalisation mises en oeuvre dans les centres d'accueil individualisé et de réaffiliation sociale.

b) Compléter le contenu du dispositif, tant sur le volet surveillance que réinsertion

En dépit de ce complément, il ressort des auditions conduites par la rapporteure que le contenu de la mesure de sûreté, tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, présente des insuffisances à deux niveaux.

Certaines mesures de surveillance susceptibles de se révéler utiles pour des profils terroristes paraissent tout d'abord avoir été omises .

Aussi la commission des lois a-t-elle adopté un amendement COM-8 de sa rapporteure qui insère deux obligations complémentaires : d'une part, l'interdiction de se livrer à l'activité au cours de laquelle l'infraction a été commise ; d'autre part, l'interdiction de détenir ou de porter une arme.

Le même amendement adapte certaines des obligations de surveillance déjà prévues par le texte . Il précise tout d'abord, à l'instar de ce qui est prévu dans le cadre d'autres mesures de suivi judiciaire, que la personne pourra être interdite de fréquenter les auteurs ou complices de l'infraction à l'issue de sa peine. Il étend en outre l'interdiction de paraître aux catégories de lieux et à toute zone désignée par le juge.

L'ensemble des acteurs judiciaires entendus par la rapporteure a, par ailleurs, regretté l'incomplétude du volet d'accompagnement à l'insertion ou à la réinsertion, pourtant essentiel à la prévention de la récidive .

L'obligation de suivi des actions du programme PAIRS introduite par l'Assemblée nationale demeure en effet, à cet égard, insuffisante. Bien que ce dispositif ait connu une forte montée en puissance depuis sa création, accueillant aujourd'hui 85 personnes, contre 20 en octobre 2018, il n'est à l'heure actuelle pas en mesure d'accueillir l'ensemble des personnes susceptibles d'être concernées. Il n'existe en effet que six centres, aux capacités encore limitées et qui ne couvrent, au demeurant, qu'une partie du territoire national.

Ce manque de mesures d'accompagnement est d'autant plus regrettable que l'utilité des mesures judiciaires, notamment par comparaison aux mesures de surveillance administrative, réside justement dans la possibilité de mêler surveillance et accompagnement à la réinsertion.

Aussi la commission a-t-elle, à l'initiative de sa rapporteure, prévu que puisse être mis en oeuvre un suivi par les services pénitentiaires d'insertion et de probation , parallèlement au suivi qui sera opéré par le juge de l'application des peines ( amendement COM-10 ). Elle a également introduit une obligation d'exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation ( amendement COM-7 ).

c) Renforcer l'utilité et la sécurité juridique du placement sous surveillance électronique mobile

Parmi les obligations susceptibles d'être prononcées dans le cadre de la mesure de sûreté figure le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM).

Compte tenu des atteintes fortes qu'il porte tant à la liberté d'aller et de venir qu'au droit au respect de la vie privée, les conditions de sa mise en oeuvre ont été fortement encadrées par l'Assemblée nationale. Il est ainsi prévu qu'il ne puisse être mis en oeuvre qu'avec le consentement préalable de la personne concernée . En outre, lorsqu'il est prononcé, la personne qui y est soumise ne peut être astreinte qu'à une obligation de pointage par semaine.

De l'avis des personnes auditionnées, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale rend toutefois ce dispositif largement inutile sur le plan opérationnel.

La surveillance électronique mobile repose en effet sur un dispositif technique conçu pour assurer le contrôle d'une restriction des déplacements, qu'il s'agisse d'une assignation à résidence ou d'une interdiction de paraître par exemple. Son prononcé, seul, comme le prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale, ne présente donc pas d'intérêt opérationnel.

De manière à surmonter cette difficulté, la commission a adopté un amendement COM-9 de sa rapporteure qui fait du placement sous surveillance électronique mobile une mesure accessoire aux obligations imposant des restrictions à la liberté d'aller et de venir , à savoir la restriction des déplacements à l'étranger, l'interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux et l'interdiction d'entrer en contact avec certaines personnes ou catégories de personnes.

Par le même amendement, elle a également exclu la possibilité de cumuler un placement sous surveillance électronique mobile avec une obligation de pointage hebdomadaire , considérant qu'un tel cumul était de nature à porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir et de fragiliser la mesure sur le plan constitutionnel.

Dès lors que le placement sous surveillance électronique est nécessairement soumis au consentement de la personne, il apparaît en outre peu vraisemblable que les individus concernés acceptent d'être soumis à une telle mesure, ce qui reviendrait, en pratique, à la rendre inapplicable.

d) Les sanctions applicables

La violation des sanctions des obligations prescrites dans le cadre d'une mesure de sûreté serait constitutive d'un délit, puni de 45 000 euros d'amende et de trois ans d'emprisonnement.

La commission a souscrit à ce régime pénal, qui ne lui est pas apparu disproportionné au regard d'autres infractions de même nature. Elle a notamment observé que les peines prévues étaient identiques à celles encourues en cas de violation d'une MICAS 11 ( * ) .

3. Des ajustements apportés à une procédure judiciaire respectueuse des droits de la défense

La procédure conduisant au prononcé de la mesure de sûreté prévue par la proposition de loi s'inspire de celle applicable à la surveillance et à la rétention de sûreté. De ce fait, elle n'induit pas, pour l'autorité judiciaire, de complexité particulière en ce qu'elle reprend un régime déjà éprouvé.

La commission des lois a donc souscrit, sous réserve de quelques ajustements, au dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

a) L'évaluation préalable de la dangerosité, une étape nécessaire au prononcé de la mesure

Le prononcé de la mesure de sûreté créée est conditionné à la conduite d'une évaluation préalable de dangerosité de la personne concernée avant sa sortie de détention.

Le texte, non modifié sur ce point par l'Assemblée nationale, prévoit un examen systématique , au moins trois mois avant la date prévue pour la libération, de l'ensemble des détenus éligibles à la mesure de sûreté.

Cet examen est conduit par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et inclut le placement du détenu, pendant une durée de six semaines, au sein du centre national d'évaluation 12 ( * ) .

La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

Instaurée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, cette commission est chargée de donner un avis préalable au prononcé des mesures de sûreté, en particulier le placement sous surveillance électronique mobile, la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté.

Elle est également consultée sur les décisions de libération conditionnelle des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité.

Conformément à l'article R. 61-8 du code de procédure pénale, y siègent une diversité d'acteurs, parmi lesquels le préfet de région, ou son représentant, qui peut se faire le relai des services de renseignement, le directeur interrégional des services pénitentiaires et des experts psychiatres et psychologues.

Il est confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté le soin de donner un avis, à l'issue de cet examen, sur la dangerosité de la personne et sur la pertinence de mettre en oeuvre la mesure de sûreté.

La commission des lois a approuvé, dans son principe, ce dispositif d'évaluation. L'expérience déjà acquise par cette commission pluridisciplinaire et sa composition diversifiée lui sont en effet apparues de nature à garantir une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, et non uniquement médicale. Le cas échéant, un ajustement de sa composition par voie réglementaire pourra être décidé pour adapter l'examen au profil des détenus terroristes.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale appelle en revanche de sa part deux observations.

La première concerne le délai minimal dans lequel il doit être procédé à l'évaluation des détenus . Au cours de ses auditions, la rapporteure a été alertée sur le fait qu'un délai de trois mois était trop restreint au regard de la procédure de prononcé de la mesure de sûreté. Ceci étant, la commission des lois n'a pas jugé nécessaire de modifier cette durée, dès lors qu'il ne s'agit que d'une durée minimale, et non d'un délai impératif.

La seconde observation porte sur le caractère systématique de l'examen de dangerosité, dont la commission a estimé en revanche qu'il portait atteinte au principe d'individualisation du suivi et de prononcé de la mesure . Elle a jugé préférable que l'examen du condamné par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté soit engagé sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste et a adopté un amendement COM-13 de sa rapporteure en ce sens.

b) Les conditions de prononcé de la mesure
(1) La compétence des juridictions parisiennes

Le prononcé de la mesure de sûreté créée relève, dans le texte soumis à l'examen de la commission, de la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris, saisie en ce sens par le procureur de la République antiterroriste de Paris .

Cette rédaction résulte des travaux de l'Assemblée nationale, qui a modifié les règles de compétence juridictionnelle à deux niveaux :

- d'une part, en supprimant la compétence initialement attribuée par la proposition de loi déposée au tribunal de l'application des peines, « dès lors qu'il s'agit bien de prononcer une mesure de sûreté et en aucune façon une peine » ;

- d'autre part, en prévoyant une spécialisation des juridictions parisiennes pour le prononcé de cette mesure, tant au niveau du ministère public que de la juridiction de jugement, de manière cohérente avec la répartition des compétences en matière de terrorisme.

(2) Une procédure contradictoire

La décision d'ordonner une mesure de sûreté est prononcée à l'issue d'un débat contradictoire, dont les conditions ont été précisées à l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale. Il est en particulier prévu que la personne concernée soit obligatoirement accompagnée d'un avocat, choisi par elle ou, à défaut, commis d'office.

La juridiction régionale de la rétention de sûreté se prononce sur le fondement de l'avis rendu par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, ainsi que sur les réquisitions du procureur de la République antiterroriste.

Sans remettre en cause l'organisation de cette procédure, la commission a estimé souhaitable d'y apporter plusieurs précisions. À l'initiative de sa rapporteure ( amendement COM-14 ), elle a ainsi :

- procédé à la correction d'une erreur matérielle de coordination ;

- précisé les exigences de motivation de la décision rendue par la juridiction régionale de la rétention de sûreté.

(3) Une garantie du droit au recours effectif

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs compléments à la proposition de loi initiale afin de garantir à la personne faisant l'objet d'une mesure de sûreté un droit au recours effectif.

Elle a tout d'abord introduit une voie de recours contre les décisions de la juridiction régionale de la rétention de sûreté , qui était absente du texte initial. De même que dans le cadre de la rétention et de la surveillance de sûreté, il est prévu que les recours en appel soient portés devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a renforcé les possibilités de révision de la mesure de sûreté et de son contenu en cours d'exécution . Outre la possibilité de procéder à une modification des obligations en cours d'exécution de la mesure, elle a prévu qu'il puisse être procédé à sa mainlevée. Ces modifications seraient décidées par la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris, soit d'office, soit à la demande de la personne concernée.

À la lumière des informations recueillies dans le cadre des auditions, la commission a estimé souhaitable d'apporter deux ajustements à cette procédure.

À l'initiative de sa rapporteure ( amendement COM-14 ), elle a, d'une part, substitué au pouvoir d'initiative conféré à la juridiction régionale de la rétention de sûreté une possibilité de saisine par le procureur de la République antiterroriste. Il apparaît en effet complexe, pour cette juridiction, d'engager une procédure d'office en raison de son caractère non permanent.

Par le même amendement, elle a, d'autre part, simplifié la procédure applicable à la procédure de modification des obligations, en prévoyant que celle-ci soit confiée au président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté . Cette compétence s'exercerait sans préjudice de la possibilité pour le juge de l'application des peines d'apporter, dans le cadre de son rôle de suivi de la mesure, des modifications à la marge des obligations, par exemple pour adapter le lieu de pointage.

4. La durée de la mesure : rétablir l'opérationnalité du dispositif

La durée initiale de la mesure de sûreté est limitée à un an par le texte adopté par les députés.

Il est prévu qu'elle puisse être renouvelée, après un nouvel avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et selon la même procédure que la mesure initiale, dans la limite d'une durée maximale.

Cette durée maximale était fixée, par la proposition de loi initiale, à 10 ans ou à 20 ans lorsque les faits commis par la personne faisant l'objet de la mesure constituent un crime ou un délit puni de plus de dix ans d'emprisonnement.

Suivant une recommandation du Conseil d'État, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa rapporteure, abaissé ces plafonds à 5 ans, ou 10 ans en cas de condamnation pour crime ou délit grave. Elle a, par ailleurs, introduit une exception de minorité limitant la durée maximale de la mesure à 3 ans, ou 5 ans, pour les mineurs.

Il ressort des auditions menées par la rapporteure que ces durées maximales sont cohérentes avec le besoin de suivi des profils terroristes .

La durée initiale d'un an est en revanche jugée peu opérationnelle par l'ensemble des acteurs judiciaires entendus. Au regard de la lourdeur de la procédure, elle imposerait en effet quasiment d'initier le renouvellement de la mesure dès son prononcé, avant même que ne puisse être appréciée l'évolution de la personne concernée.

Aussi la commission a-t-elle, par l'adoption d'un amendement COM-11 de sa rapporteure, élevé cette durée initiale à deux ans . Loin de fragiliser l'équilibre juridique du dispositif, une telle modification lui paraît au contraire garantir à la personne concernée que le renouvellement de sa mesure pourra être apprécié au regard de son évolution et de ses efforts de réinsertion. La durée de deux ans n'apparaît pas, au demeurant, disproportionnée au regard des autres mesures de sûreté existantes 13 ( * ) .


* 11 Article 228-7 du code de la sécurité intérieure.

* 12 Créé le 15 août 1950, le centre national d'évaluation est une entité spécifique au sein de l'administration pénitentiaire qui permet d'évaluer, de manière pluridisciplinaire, des personnes condamnées pendant des sessions de plusieurs semaines. Il conduit deux types d'évaluation : l'évaluation de personnalité et l'évaluation de dangerosité.

* 13 La surveillance de sûreté peut par exemple être prononcée pour une durée initiale de deux ans.

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