B. LA PROPOSITION DU GOUVERNEMENT : LA CRÉATION D'UN DISPOSITIF PÉRENNE D'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

De manière à doter les mesures de restriction prises depuis plusieurs jours d'une base légale solide, le Gouvernement propose de créer un nouveau régime d'état d'urgence sanitaire , qui fait l'objet du titre II du projet de loi (articles 4 à 6).

Fortement inspirées de la loi n° 55-383 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, ces dispositions tendent à conférer à l'autorité administrative des prérogatives exorbitantes de droit commun en cas de « catastrophe sanitaire ».

Ces dispositions ne sont toutefois pas limitées à la gestion de la seule crise du Covid-19. Il s'agit de dispositions pérennes, introduites dans le code de la santé publique, qui seront susceptibles d'être mobilisées à l'avenir en cas de nouvelles crises sanitaires.

Comme le relève le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, ce nouveau dispositif aurait vocation à créer « une gradation en fonction de la gravité des crises », entre la simple menace sanitaire, au cours de laquelle le ministre de la santé serait le seul compétent, et l'état d'urgence sanitaire, « caractérisé non plus par une menace mais par une catastrophe sanitaire avérée », qui ouvrirait la voie à des mesures plus restrictives en termes de libertés.

1. Les conditions de déclenchement de l'état d'urgence sanitaire

À l'instar de l'état d'urgence prévu par la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence sanitaire serait déclaré par décret en Conseil des ministres, pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, « en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie mettant en jeu par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Selon l'ampleur de la situation sanitaire, il pourrait être déclaré soit sur l'ensemble du territoire national, soit sur partie de celui-ci, les circonscriptions sur lesquelles il s'applique étant alors définies par le même décret.

La prorogation au-delà d'un mois de l'état d'urgence sanitaire ne pourrait être autorisée que par la loi, qui fixerait alors sa durée définitive. Conformément à une recommandation du Conseil d'État, il est prévu qu'il puisse y être mis fin, avant la date d'extinction prévue par la loi, par décret pris en Conseil des ministres, lorsque les circonstances ne le justifient plus.

2. Les mesures susceptibles d'être prescrites

S'agissant des mesures susceptibles d'être prescrites lorsque l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le projet de loi prévoit une répartition des rôles entre plusieurs autorités publiques :

- le Premier ministre serait autorisé à prescrire par décret toutes « mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion », dont l'interdiction du déplacement de toute personne hors de son domicile, qui fait l'objet du décret du Premier ministre du 16 mars dernier. Il pourrait également « procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire », ainsi que l'article L. 3131-8 du code de la santé publique l'y autorise déjà sous le régime de la menace sanitaire grave ;

- le ministre chargé de la santé serait quant à lui compétent pour prendre, d'une part, « toutes les autres mesures générales » ainsi que les « mesures individuelles restreignant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion ». Il serait également autorisé à prendre les mesures prévues par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique ;

- enfin, le préfet pourrait être habilité par le Premier ministre ou le ministre de la santé à prendre deux catégories de mesures : d'une part, les mesures d'application, y compris individuelles, des mesures prescrites par ces deux autorités ; d'autre part, lorsque les mesures prévues ont vocation à concerner un territoire n'excédant pas le département, à décider lui-même de leur mise en oeuvre.

La violation des mesures et obligations serait punie :

- de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende s'agissant des mesures de réquisitions ;

- d'une contravention de la quatrième classe, soit un maximum de 700 euros (ou 135 euros pour l'amende forfaitaire), s'agissant des autres mesures.

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