C. L'ENJEU CENTRAL DE LA PROTECTION SOCIALE

1. Une protection lacunaire

Les travailleurs indépendants ne bénéficient pas, du fait de leur statut, des protections que le Code du travail réserve aux salariés, notamment en termes de salaire minimum, de repos, de congés payés, de participation aux résultats de l'entreprise ou encore de la rupture de la relation de travail.

En outre, s'ils bénéficient d'une protection sociale, les travailleurs indépendants ne cotisent pas à l'assurance chômage ni à la branche accidents du travail et maladie professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale et ne sont donc pas couverts contre ces risques bien réels à moins de bénéficier d'une couverture privée.

Ces travailleurs ne bénéficient pas non plus de la généralisation de la couverture maladie complémentaire à tous les salariés.

Les travailleurs ayant opté pour le régime de la micro-entreprise 20 ( * ) , qui constituent la part la plus nombreuse des travailleurs de plateformes, disposent pour leur part d'une couverture encore amoindrie en lien avec des cotisations plus faibles. En particulier, la cotisation minimale permettant aux travailleurs indépendants percevant de faibles revenus de valider trois trimestres par an au titre de l'assurance retraite ne leur est pas applicable .

2. Des travailleurs extrêmement vulnérables

La couverture sociale incomplète des travailleurs indépendants, qui résulte d'un compromis accepté par les indépendants traditionnels, peut être plus problématique dans le cas de travailleurs des plateformes.

L'absence de couverture du risque d'accident du travail est particulièrement gênante dans le cas des activités accidentogènes du secteur des mobilités (VTC, livraison à deux-roues) qui sont aussi les plus massivement investies par les plateformes.

Par ailleurs, le non-rattachement de ces travailleurs au régime général de la sécurité sociale rend quasiment inexistantes les données sur les risques professionnels auxquels ils s'exposent. L'expérience menée par la coopérative SMart en Belgique avec les plateformes de livraison Take Eat Easy et Deliveroo constitue ainsi l'une des seules bases d'information à l'échelle mondiale sur l'accidentologie des coursiers à deux-roues, qui a confirmé le caractère particulièrement exposé de cette activité.

3. Des droits spécifiques encore embryonnaires

Face à la précarité des travailleurs des plateformes, le législateur a jusqu'à présent réagi de manière timide, en se contentant souvent de donner un socle législatif à des couvertures que les plateformes avaient déjà accepté de financer.

La loi du 8 août 2016 21 ( * ) a institué le principe d'une responsabilité sociale des plateformes, qui se traduit par la prise en charge des cotisations d'assurance volontaire contre le risque d'accident du travail, de la cotisation « formation professionnelle » et des frais liés à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

La récente loi d'orientation des mobilités 22 ( * ) est allée dans le même sens, notamment en donnant aux plateformes la possibilité d'élaborer des chartes détaillant les droits qu'elles octroient aux travailleurs avec lesquelles elles collaborent.

Cette construction d'une responsabilité sociale des plateformes, si elle permet d'améliorer, marginalement, la situation des travailleurs concernés, demeure largement tributaire du bon vouloir des plateformes elles-mêmes. Surtout, elle tend à consacrer le recours à des travailleurs indépendants pour des tâches qui s'assimilent souvent à du salariat.

Pour la rapporteure, seule la réintégration des travailleurs concernés dans le statut protecteur du salariat est de nature apporter une réponse satisfaisante au problème posé.


* 20 Créé en 2009, le statut d'auto-entrepreneur, refondu en 2016 dans le régime de la micro-entreprise, permet, sur option, à un travailleur indépendant de bénéficier de formalités de création d'entreprise allégées ainsi que d'un régime social et fiscal simplifié, à condition que son chiffre d'affaires reste inférieur à des seuils déterminés. Dans le cadre du régime micro-social simplifié, l'ensemble des charges sociales sont ainsi remplacées par un prélèvement social libératoire forfaitaire proportionnel au chiffre d'affaires.

* 21 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 22 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

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