B. UNE MENACE TOUJOURS AUSSI PRÉGNANTE

Dix militaires français sont morts au Mali au cours de l'opération Serval, et trente-et-un sont morts depuis le lancement de l'opération Barkhane, dont quatorze lors du seul mois de novembre 2019.

Ces derniers mois, les armées partenaires ont été la cible des groupes armées terroristes (GAT) et ont essuyé des pertes importantes, en particulier au Burkina Faso. Les civils ne sont pas plus épargnés par les GAT.

1. Le contexte sécuritaire s'aggrave au Burkina Faso...

La situation sécuritaire continue de se dégrader dans le pays. Les attaques se sont multipliées ces derniers mois et visent tant les forces de défense et de sécurité que les civils, comme en témoignent l'attaque du détachement militaire de Koutougou (Nord) du 19 août 2019 ayant fait trente-et-un morts, l'attaque contre une mosquée ayant coûté la vie à seize civils le 11 octobre à Salmossi (Nord), l'embuscade contre un convoi transportant des employés de Semafo, une société minière canadienne, qui a fait une quarantaine de morts et une soixantaine de blessés le 6 novembre dernier dans l'est du pays, ou encore l'attaque contre une église protestante le 1 er décembre qui a fait au moins quatorze victimes à Hantoukoura, toujours dans l'est du pays. En quatre ans, les attaques attribuées aux groupes djihadistes ont déjà fait plus de six cents morts militaires et civils au Burkina Faso.

Ainsi, après le Nord, ce sont désormais le Sud et surtout l'Est qui sont visés, avec un risque de contagion vers les pays côtiers voisins (Côte d'Ivoire, Bénin, Togo et Ghana). L'est du Burkina Faso est une zone historiquement et géographiquement éloignée du pouvoir central, ce qui attise le sentiment d'abandon et les ressentiments contre l'État, et favorise ainsi l'enracinement local des islamistes qui, par ailleurs, tentent de déclencher des cycles de représailles intercommunautaires.

La France est mobilisée pour soutenir le Burkina Faso face à ces défis. Au plan sécuritaire, notre coopération bilatérale militaire et de sécurité intérieure s'est fortement renforcée en 2018, à la demande burkinabè, et a donné lieu à des opérations de réassurance et à un soutien logistique. Des opérations conjointes ont ainsi été menées par Barkhane et les forces de défense et de sécurité burkinabè au cours des derniers mois.

La task force Sabre, unité des forces spéciales françaises, est actuellement stationnée à Ouagadougou. La ministre des armées, Florence Parly, a annoncé la création d'une task force européenne nommée « Takuba » 3 ( * ) dès 2020. L'Estonie, la République tchèque et la Belgique ont d'ores et déjà confirmé leur participation à cette nouvelle force qui complètera Barkhane et accompagnera les forces partenaires, notamment maliennes, vers davantage d'autonomie et de résilience.

Malgré cette forte implication militaire, les sentiments anti-français sont en recrudescence dans le pays. Compte tenu de ce contexte sécuritaire dégradé, le Quai d'Orsay a placé l'ensemble du pays en zone « formellement déconseillée aux voyageurs » à compter du 19 novembre dernier.

ÉVOLUTION DU RISQUE SÉCURITAIRE AU BURKINA FASO

Mars 2018 Novembre 2019

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2. ...et reste fragile au Niger

La situation sécuritaire est certes moins préoccupante au Niger qu'au Burkina Faso, mais elle reste très fragile.

Les forces armées et de sécurité nigériennes ont été la cible de plusieurs attaques ces derniers mois à l'ouest du pays, près de la frontière malienne : le 14 mai 2019 dans la région de Tillabéri (vingt-huit soldats tués), le 1 er juillet dans la zone d'Inates (quatorze soldats tués et quatre portés disparus) et le 12 octobre à Abarey (cinq gendarmes décédés dans une embuscade alors qu'ils patrouillaient sur un marché).

Le Niger est également mobilisé au Nord-Est à la frontière avec la Libye, et surtout à l'Est, dans la région de Diffa, près du Lac Tchad, où Boko Haram reste une menace forte. La base militaire de Blabrine, située au nord de Diffa, a d'ailleurs été attaquée le 29 octobre dernier faisant douze morts et huit blessés.

Ces attaques d'ampleur ont fait prendre conscience aux autorités du pays de la nécessité de demander l'appui des partenaires internationaux, en particulier la France - qui dispose d'une base aérienne projetée à Niamey - et les États-Unis.

Au Niger, une partie de l'opinion critique également l'action et la présence françaises sur le territoire national. Le président de la République, Mahamadou Issoufou, estime pour sa part que l'armée française est la seule à être au front aux côtés des Nigériens et réclame, en conséquence, davantage de solidarité à la communauté internationale.

ZONES DE VIGILANCE AU NIGER

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères, septembre 2018

3. La situation humanitaire se détériore également dans la région

L'année 2019 a aussi été marquée par une forte détérioration de la situation humanitaire au Sahel central, qui englobe le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Selon le programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, 2,4 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire dans cette région en proie à de violents affrontements entre groupes armés, aux déplacements de population et à l'extrême pauvreté.

Le Burkina Faso est considéré par l'ONU comme l'épicentre de cette crise. Le pays compte désormais près d'un demi-million de personnes déplacées à cause des combats 4 ( * ) , et 1,2 million de personnes nécessitant une assistance humanitaire. Visés par les groupes terroristes, près de 1 500 écoles et 60 centres de santé ont dû fermer. L'insécurité grandissante contraint de plus en plus d'agriculteurs à abandonner leurs champs, dans un pays où la population dépend essentiellement de l'agriculture pour sa subsistance.

L'ONU estime que 20 millions de personnes vivent dans des zones touchées par le conflit au Sahel, et que 860 000 d'entre elles sont déplacées de ce fait.


* 3 Takuba signifie « sabre » en tamasheq (langue des Touaregs).

* 4 Dont 40 000 en décembre 2018. Le nombre d'attaques recensées au cours du premier semestre de 2019 y a dépassé le total enregistré en 2018, avec quatre fois plus de victimes civiles que l'année précédente.

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