EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que les articles rattachés 78 octodecies à 78 vicies , sur le rapport de nos rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet. Je salue également la présence de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - À titre liminaire, je tiens à regretter les conditions difficiles dans lesquelles nous avons dû élaborer notre rapport : à la date impartie, seulement 34 % des réponses à notre questionnaire nous étaient parvenues ! C'est symptomatique du peu de respect du Gouvernement pour le Parlement.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dotée de 25,5 milliards d'euros de crédits de paiement en 2020. Ces crédits progressent de 6,7 % par rapport à 2018, soit une augmentation de près d'1,6 milliard d'euros. Le montant des crédits pour 2020 dépasse de 2,8 milliards d'euros le plafond de dépense du triennal fixé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, en raison du dynamisme structurel et des revalorisations de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Ces deux dépenses, estimées à 20 milliards d'euros pour 2020, représentent en effet plus de 80 % des crédits de la mission.

Les crédits prévus pour l'AAH, qui a connu une augmentation de 40 % en dix ans, s'élèvent à 10,6 milliards d'euros en 2020. Ceux de la prime d'activité passent de 6 à 9,5 milliards d'euros entre 2018 et 2019. Cette hausse est due à la revalorisation du bonus individuel de 90 euros, comme mesure de pouvoir d'achat en réponse à la crise des « gilets jaunes ». Mon collègue, Arnaud Bazin, reviendra sur la mise en oeuvre de cette réforme et les premiers enseignements que l'on peut en tirer.

Malgré cette hausse des crédits et les revalorisations que nous saluons, ce budget n'est pourtant pas pleinement satisfaisant puisqu'il intègre, comme les années précédentes, de discrets coups de rabot touchant les plus fragiles. Ainsi, la prime d'activité a été concernée par plusieurs mesures d'économie budgétaires : baisse de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime ; suppression de la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et des pensions d'invalidité dans le calcul du droit à la prime, pour les nouveaux bénéficiaires ; suppression de la revalorisation annuelle au 1 er avril pour 2019 et limitation à 0,3 % en 2020. De même pour l'AAH : rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au revenu de solidarité active (RSA) ; disparition au 1 er janvier 2020 du complément de ressources de 179 euros mensuels pour certains allocataires de l'AAH ; suppression de la revalorisation annuelle au 1 er avril pour 2019 et limitation à 0,3 % en 2020.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - La mise en oeuvre du budget de la mission pour 2020 est entourée d'incertitudes, qui sont source d'inquiétudes.

D'abord, la montée en charge extrêmement dynamique des dépenses de prime d'activité, dont le montant frôle aujourd'hui les 10 milliards d'euros, a occasionné des difficultés de gestion dans les caisses d'allocations familiales (CAF).

Je m'arrête un instant sur ce sujet de la revalorisation de 90 euros du bonus de la prime d'activité, votée lors de la dernière loi de finances. Un premier bilan peut être fait : on constate ainsi, comme nous avons pu le voir lors de nos déplacements dans les CAF du Nord et du Val-d'Oise, une montée extrêmement rapide du dispositif. Le nombre de foyers allocataires a ainsi augmenté de 47 % entre septembre 2018 et mars 2019, pour atteindre 4,1 millions de foyers bénéficiaires. Du 1 er janvier au 30 avril 2019, les CAF ont enregistré plus d'1,4 million de demandes, contre 276 000 à la même période en 2018. Le nombre de foyers allocataires supplémentaires liés à la réforme est estimé par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) à 1 250 000, dont 700 000 étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme, mais n'y recouraient pas et 550 000 sont devenus éligibles avec le relèvement du barème d'éligibilité.

Outre le nombre de bénéficiaires, il est intéressant de noter - voir de se questionner - sur l'évolution du profil des bénéficiaires. D'après un rapport remis au Parlement, 55 % des foyers bénéficiaires ont des revenus compris entre 1 250 et  2 000 euros par mois en mars 2019 contre 39 % en mars 2018. A contrario , le pourcentage de foyers dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros passe de 41 % à 30 %. Par ailleurs, autre observation qui interroge : la revalorisation de la prime d'activité a fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point, tout en s'accompagnant d'une hausse de 0,5 point de l'intensité de la pauvreté. Ces évolutions s'expliquent ainsi par le ciblage de la réforme sur les travailleurs dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic.

Outre, la prime d'activité, nous souhaitions, par ailleurs, dire un mot du revenu universel d'activité (RUA), piloté par un rapporteur et le délégué interministériel à la pauvreté que nous avons rencontrés. Plusieurs flous s'agissant de ce dispositif demeurent et pas des moindre : d'abord, son périmètre, avec notamment la question de l'intégration de l'AAH. Le Gouvernement a fixé, sur ce sujet, deux lignes rouges, sur lesquelles nous serons extrêmement vigilants : 1) aucune conditionnalité en termes d'activité ne sera exigée pour le versement du revenu minimum s'agissant du handicap, et 2) les moyens mobilisés aujourd'hui pour le handicap lui resteront affectés. Par ailleurs, outre son périmètre, des incertitudes entourent son financement : les départements s'inquiètent ainsi des modalités de reprise du RSA par l'État ;

Autre sujet d'inquiétude pour les départements et pour vos rapporteurs : le financement des mineurs non accompagnés (MNA), dont l'enveloppe prévue n'est toujours pas à la hauteur des enjeux. L'ADF estime aujourd'hui à 2 milliards le coût induit par l'évaluation et la prise en charge de ces mineurs, quand le budget de l'État atteint péniblement les 162 millions d'euros. À terme, nous considérons, comme l'État s'y était d'ailleurs engagé, qu'une partie du dispositif doit être pris à sa charge, au titre de ses missions régaliennes.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Deux autres sujets budgétairement et politiquement sensibles ont également attiré notre attention : d'abord le financement de l'aide alimentaire, qui fut l'objet de notre précédent rapport de contrôle. En effet, la gestion du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) par les autorités françaises risque, comme nous avions pu le souligner, d'occasionner des pertes budgétaires conséquentes pour la France. Selon les informations dont on dispose, ce serait, selon une hypothèse basse, 70 millions d'euros du à des non-remboursements de la part de la commission européenne qui devront être compensés sur le budget de l'État. C'est assez dramatique, d'autant que la prochaine programmation se profile.

Il faut absolument que l'État en tire les conséquences, sur son mode d'organisation et de gestion de ce fonds. S'agissant de la prochaine programmation, nous souhaitions toutefois rappeler l'importance du maintien de ces crédits européens qui représentent 30 % des denrées alimentaires distribuées en France.

Toujours au sujet de l'aide alimentaire et des associations, déjà fragilisées par la suppression de la réserve parlementaire et la diminution du nombre de contrats aidés, nous souhaitions porter à votre connaissance une incohérence de l'article du projet de loi de finances portant réforme du mécénat.

Les associations d'aide alimentaire - dites « loi Coluche » - ont été, en effet, exclues du champ d'application du dispositif, ce dont nous nous félicitons. Néanmoins, cette dérogation s'applique seulement aux structures « qui procèdent à la fourniture gratuite de repas », et tend donc à exclure les épiceries solidaires, dont le modèle reposant sur la participation symbolique des bénéficiaires pourrait être remis en cause.

Dernier sujet que nous souhaitions aborder : les crédits dédiés aux politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, qui sont en partie portés par le programme 137 de la mission Solidarité. À ce sujet, nous souhaitions faire deux séries d'observations : nous constatons d'abord la diminution des crédits dédiés à la lutte contre les violences, au sein du programme 137, entre 2019 et 2020, et l'absence de budgétisation, à ce stade, des mesures présentées dans le cadre du Grenelle. Les modalités de financement devraient être présentées le 25 novembre, nous y serons attentifs. Ensuite, nous regrettons la situation difficile dans laquelle se trouvent certaines associations, qui ont dû affronter une hausse sans précédent de demandes et de sollicitations depuis le mouvement « me too », sans bénéficier parallèlement de hausse de crédits. Par ailleurs, la considération des associations par le ministère nous laisse quelque peu perplexe : certaines structures n'ont pas encore reçu leurs subventions au titre de 2019, ni d'informations quant au renouvellement de leur conventions pluriannuelles débutant en 2020. Pour toutes ces raisons, je ne serai pas favorable à l'adoption des crédits.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Pour ma part, je voterai ces crédits avec un enthousiasme mesuré : je salue la hausse du budget de la mission, mais serai attentif à ce que les sujets d'incertitudes évoqués soient pris en compte par le Gouvernement et à ce que des réponses soient apportées en séance publique.

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Je tiens tout d'abord à saluer la grande qualité du rapport des rapporteurs spéciaux, dont je rejoins tout à fait les conclusions.

L'AAH reste un revenu au carrefour de deux logiques, qui vise des personnes confrontées aux plus grandes difficultés, voire à l'impossibilité de s'insérer ou de se maintenir dans l'emploi. On ne peut donc pas la considérer comme un minimum social de droit commun. S'il est justifié que les ressources du foyer soient prises en compte dans la détermination du droit à l'allocation et de son montant, il convient de prêter attention aux conditions de cette prise en compte ; à cet égard, la baisse du plafond de ressources applicable aux allocataires en couple a sans doute été trop brutale et a contribué, avec la suppression du complément de ressources pour les nouveaux allocataires, à la perception mitigée de leur situation par les bénéficiaires de l'AAH, en dépit de la revalorisation de la prestation.

Je suis également très réservé à l'égard d'une intégration de l'AAH dans le futur RUA. Cette réflexion peut nous donner l'occasion de corriger certains défauts de l'allocation. L'idée d'un rapprochement avec l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) est intéressante et permettrait de simplifier le parcours des allocataires ; dans cette perspective, la réforme et la revalorisation de l'ASI prévues dans le projet de loi de finances sont bienvenues. L'AAH a été portée à un niveau inédit depuis trente ans par rapport au seuil de pauvreté. Il convient de veiller à ce que la sous-revalorisation proposée pour 2020 n'amorce pas un nouveau décrochage pour le pouvoir d'achat des allocataires.

La revalorisation exceptionnelle du bonus individuel de la prime d'activité au 1 er janvier 2019 semble avoir amélioré la compatibilité entre ses objectifs de soutien du pouvoir d'achat des familles aux revenus modestes et d'incitation à l'exercice d'une activité professionnelle, et corrigé certaines distorsions observées les années précédentes, au prix d'un effort financier considérable, mais probablement sous-estimé pour 2020. Toutefois, quatre ans après sa création, son impact réel sur l'emploi demeure impossible à quantifier.

Le Gouvernement manifeste une volonté de décloisonner et de fluidifier les parcours entre les politiques de lutte contre la pauvreté, l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux et les politiques de l'emploi, à travers notamment la concertation sur le service public de l'insertion. Il conviendra de veiller à ce que la priorité donnée au travail reste adaptée aux besoins spécifiques des publics les plus éloignés de l'emploi.

Concernant les mineurs non accompagnés, je déposerai, comme l'an passé, un amendement tendant à créer un programme dédié au sein de la mission.

Enfin, j'estime que le financement de la lutte contre la prostitution devrait être maintenu à son niveau de 2019. Il appartient au Gouvernement de lever les freins à la montée en charge de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS).

Mme Sophie Taillé-Polian . - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux pour leurs éclairages et analyses. Plusieurs points nous conduisent à ne pas voter les crédits de cette mission.

L'an dernier, nous avons été unanimes pour voter l'augmentation de la prime d'activité, dans un contexte de crise. Mais nous observons encore cette année un certain nombre de coups de rabots présents dans cette mission. Cette année, la réforme de l'assurance chômage risque d'aggraver les situations de pauvreté et d'en créer de nouvelles. Les conséquences sociales de cette réforme, mais aussi financières pour les départements, n'ont en outre absolument pas été anticipées : le Gouvernement semble avoir la tête dans le sable.

La hausse de ce budget est en trompe-l'oeil, car il subit en réalité de nombreux coups de rabot, comme les rapporteurs l'ont souligné. S'agissant des crédits consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes, ils diminuent alors que c'est une préoccupation croissante de notre société. La Garde des Sceaux a reconnu la façon dont cela se passe sur le terrain, mais le fossé est immense entre la réalité des violences faites aux femmes et la réponse institutionnelle. Nous avons besoin d'une mobilisation générale sur ce sujet, mais nous ne le voyons pas dans ce budget. J'espère que les annonces attendues concernant le Grenelle contre les violences conjugales seront faites. Par ailleurs, un récent drame nous a rappelé la situation difficile des étudiants. Pourtant, rien n'est prévu, notamment, en matière de complémentaire santé. Enfin, les migrants sont dans un angle mort de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Même si le plan de lutte contre la pauvreté va dans le bons sens, je note encore le manque d'anticipation du Gouvernement, notamment s'agissant de la réforme de l'assurance chômage.

Nous suivrons la position de notre collègue Éric Bocquet et rejetterons ces crédits.

M. Marc Laménie . - Je tiens à remercier nos rapporteurs spéciaux qui ont travaillé sur une mission importante aux enjeux sensibles. Combien la prime d'activité compte-t-elle d'allocataires ? Quelles sont les conditions d'ouverture des droits ? L'AAH représente quelque 10 milliards d'euros annuels. Combien de personnes handicapées françaises se tournent-elles vers les établissements de Belgique faute de place dans les établissements français ? C'est une préoccupation des familles, notamment dans les départements frontaliers.

En tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je considère que les 29 millions d'euros sont insuffisants. Je regrette la disparition de la réserve parlementaire qui permettait d'aider les associations et leurs bénévoles.

Comment appréciez-vous les finances des départements qui sont les collectivités de proximité sur le volet social et des autres collectivites?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Je pourrais reprendre à mon compte certains des commentaires de mes collègues Sophie Taillé-Polian et Marc Laménie. Sur les violences faites aux femmes, il n'y a aucune traduction budgétaire alors qu'il aurait fallu un signal fort. Face à l'intolérable, nous avons besoin de réponses budgétaires et judiciaires fortes. On est très loin du compte  malheureusement!

La prime d'activité a fait quelque peu diminuer le taux de pauvreté, mais il avait augmenté en 2018 de 0,6 %. 14,7 % de la population en situation de pauvreté, c'est loin d'être marginal ! La prime d'activité a permis d'améliorer un peu les choses, mais le chantier est immense.

Les personnes handicapées qui s'expatrient en Belgique le font souvent, non par choix, mais faute de réponse adaptée en France. Je n'ai cependant pas d'éléments nouveaux à vous communiquer sur ce phénomène. Nous aurons l'occasion de refaire le point ultérieurement.

Les associations nous ont rappelé que la réserve parlementaire leur était très utile. En 2018, les associations d'aide alimentaire avaient ainsi bénéficié de 2,2 millions d'euros à ce titre sur la mission, auxquels s'ajoutaient les contrats aidés. Le passé c'est un oeuf cassé, l'avenir c'est un oeuf que l'on couve dit-on, mais la réserve parlementaire représentait un montant de crédits très utiles pour les associations.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Nous ne disposons d'aucun élément sur les conséquences sociales de la réforme de l'assurance chômage, mais nous y serons attentifs. Notre rapport dénonce les coups de rabot que subit ce budget en trompe-l'oeil ; nous n'avons cependant pas fait d'amendement, car certaines décisions sont purement réglementaires. Nous déposerons toutefois, pour la séance, un amendement, sur la réforme du mécénat, destiné à protéger les épiceries sociales et à éviter une mise en concurrence entre structures d'aide alimentaire.

La question de la complémentaire santé des étudiants ne relève pas tout à fait du périmètre de la mission. Nous ne pouvons y répondre.

Pour répondre à Marc Laménie, 4,1 millions de foyers bénéficient désormais de la prime d'activité. Parmi ceux-ci, on compte 1 250 000 nouveaux foyers bénéficiaires, dont 700 000 qui avaient déjà droit à la prime, mais ne la demandaient pas et 550 000 qui y ont droit du fait du rehaussement du seuil d'éligibilité. Je souligne que le curseur est plutôt du côté de la reprise de l'activité que de la lutte contre la pauvreté, puisque ce sont les personnes dont le revenu est supérieur à 0,5 Smic qui font l'objet de l'essentiel des financements de cette réforme.

La disparition de la réserve parlementaire a été évoquée. Le fonds pour le développement de la vie associative ne constitue qu'une réponse très imparfaite et très partielle aux besoins exprimés.

Les départements consacrent 2 milliards d'euros aux mineurs non accompagnés (MNA). C'est considérable. Par comparaison, les 162 millions d'euros de crédits de l'État paraissent tout à fait dérisoires.

De mémoire, ce sont 50 millions d'euros qui ont été annoncés dans le plan pour la protection de l'enfance, pour tout le pays et pour une année. Autant dire que cette somme est purement symbolique. On est dans l'affichage. Alors qu'il ne compte que 1,2 million d'habitants, un département que je connais bien a augmenté son budget d'aide sociale à l'enfance de 40 millions d'euros sur les dernières années rien que pour les mineurs non accompagnés sur les dernières années.

Sur ce sujet, il convient de surveiller d'extrêmement près l'évolution des demandes de financement pour les mineurs non accompagnés. Depuis des années, elles augmentent de façon redoutable. Aujourd'hui, on nous annonce une relative stagnation des demandes. Accueillons cette nouvelle avec prudence : les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut penser que l'évolution va se poursuivre, les trafics internationaux et la grande criminalité n'ayant pas disparu.

Des espoirs sont fondés sur le fichier des MNA, qui devront maintenant être recensés dans les préfectures, pour éviter des demandes multiples dans les départements. Plus de 60 % des départements ont joué le jeu. Nous verrons si cette mesure est efficace.

Par ailleurs, je pense qu'il faut porter un jugement nuancé sur l'expatriation des enfants dans certains établissements de Belgique. Il y a eu des situations scandaleuses, mais il y a aussi des situations tout à fait satisfaisantes et même pertinentes pour des habitants du nord de la France ou de la région Île-de-France. Lorsque j'étais président du conseil départemental de Val-d'Oise, j'ai eu l'occasion de vérifier que les enfants étaient accueillis dans d'excellentes conditions en Belgique. Il ne faut donc pas remettre en cause, par principe, l'expatriation de ces enfants. En revanche, il faut s'interroger sur les causes des différences de prix pratiqués : elles sont essentiellement dues à la masse salariale et aux charges sociales.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous en venons maintenant à l'étude des articles rattachés.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Les trois articles rattachés ne posent pas de difficulté particulière.

L'article 78 octodecies vise à simplifier les conditions d'attribution de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (ARFS). Cette aide est destinée aux travailleurs immigrés âgés disposant de faibles ressources, afin de leur permettre de compenser la perte de certaines prestations sociales servies sous condition de résidence, comme les aides personnelles au logement, lors des séjours prolongés qu'ils effectuent dans leurs pays d'origine. Elle n'avait pas trouvé son public, puisque, au 31 août 2019, on ne comptait que 29 bénéficiaires.

Le présent article vise à simplifier les critères d'éligibilité et à élargir son public, l'aide étant renommée « aide à la vie familiale et sociale ». Au vu des observations que nous avions pu faire sur la complexité de ce dispositif, nous considérons cette simplification des conditions d'attribution comme une mesure bienvenue et vous proposons une adoption de cet article sans modification.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Je viens d'apprendre que l'on nous préparerait une mouture différente de l'article, qui consisterait essentiellement à supprimer la condition de résidence, au profit d'un lien avec une famille au pays d'origine. Nous en rediscuterons en séance. Une telle modification interrogerait le sens même de l'allocation.

Pour l'heure, je vous propose que nous approuvions l'article dans la rédaction actuelle, en attendant sa nouvelle version.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 octodecies .

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - L'article 78 novodecies révise le mode de calcul de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) et supprime le dispositif de recouvrement sur succession actuellement en vigueur. Contrairement à la logique prévalant pour d'autres minima sociaux, le plafond de ressources pour bénéficier de l'ASI différait du montant maximal pouvant être versé. Par ailleurs, le recouvrement sur succession rendait le dispositif désincitatif.

Par conséquent, nous vous proposons d'adopter cet article sans modification, sous réserve néanmoins de l'adoption de l'amendement de coordination de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis, visant à tirer les conséquences de ces modifications sur l'article L. 815-24-1 du code de la sécurité sociale

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 novodecies .

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - L'article 78 vicies vise à abroger les dispositions législatives permettant aux départements de contractualiser avec l'État dans le cadre du Fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI). Ce processus de contractualisation se fera désormais dans un autre cadre, celui de la « stratégie pauvreté » lancée par le Président de la République en septembre 2018.

Nous vous proposons d'adopter cet article sans modification. Cependant, nous serons très attentifs aux modalités de contractualisation mises en oeuvre dans le cadre de la « stratégie pauvreté ».

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 vicies .

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi que les articles 78 octodecies , 78 novodecies et 78 vicies .

Page mise à jour le

Partager cette page