B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une budgétisation insuffisante des montants alloués à la fonctionnarisation des personnels ouvriers
En mai 2017, la ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur de la Recherche, ainsi que le secrétaire d'État chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ont signé un protocole d'accord portant sur les conditions d'accès des personnels ouvriers des Crous à la fonction publique de l'État .
Ce protocole prévoyait, à compter du 1 er avril 2018 :
- la sortie des emplois de personnels ouvriers du décret-liste permettant de déroger à l'obligation d'emploi de fonctionnaires sur des emplois permanents, de telle sorte que ces personnels nouvellement recrutés à temps complet soient des fonctionnaires relevant des catégories B et C ;
- un accès spécifique à la fonction publique de l'État pour les personnels ouvriers déjà employés , passant par la nomination des agents ayant réussi les examens professionnels réservés et leur reclassement dans leurs nouveaux corps et grades.
Dans ce cadre, deux campagnes de fonctionnarisation ont été organisées en 2019 :
- une première session de recrutements réservés sur 1 000 postes d'adjoints et de techniciens de recherche et de formation au titre de la session 2018, avec une prise de fonction au 1 er septembre 2019 ;
- une deuxième session de recrutements réservés sur 1 000 autres postes au titre de la session 2019, avec une prise de fonction au 1 er janvier 2020.
En 2020, il est prévu d'organiser une troisième et dernière session de recrutements réservés. Cette session est supposée permettre d'ouvrir 1 000 postes aux concours et examens réservés.
Or, selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, l'ensemble de ces opérations de reclassement des personnels ouvriers se traduirait, in fine , par des surcoûts conséquents , de l'ordre de 30 à 32 millions d'euros au total , liés d'une part à l'abondement nécessaire du compte d'affectation spéciale « Pensions » (surcoût évalué à 10 000 euros par personnel et par an) et d'autre part au gain d'indice des personnels reclassés.
Si l'impact de ces fonctionnarisations n'a pu, à ce stade, être encore précisément chiffré, en raison notamment de la complexité des modalités de reclassement, force est de constater que cette mesure fait l'objet d'une sous-budgétisation manifeste dans le présent projet de loi de finances, faisant craindre le risque d'un dérapage budgétaire en gestion .
2. Des retards notables dans la mise en oeuvre du plan logement
À la suite du « Plan 40 000 » qui visait à créer 40 000 nouveaux logements étudiants pendant le quinquennat précédent 16 ( * ) , le Gouvernement a annoncé un plan de construction de 60 000 nouveaux logements 17 ( * ) pour les étudiants.
Le financement de ce nouveau plan est prévu dans le Grand Plan d'Investissement de 57 milliards d'euros. Dans le cadre de son enquête annuelle arrêtée au 31 mars 2019, la « mission 60 000 » a recensé 19 332 places livrées ou prévues entre le 1 er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 , les créations étant réalisées principalement dans les grandes agglomérations où la pression en matière de logement est la plus forte.
En pratique, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, les Crous gèreraient 2 883 nouvelles places en 2019, tandis que dans le même temps, l'agrandissement des logements à l'occasion des réhabilitations conduira à une baisse de 746 places, soit une augmentation nette de 2 137 places .
Si cet effort est appréciable, il n'en demeure pas moins que seules 30 373 places devraient finalement être mises en service entre 2018 et 2022, selon la dernière enquête pour le tableau de bord national de suivi du « Plan 60 000 », arrêtée au 31 mars 2019, soit à peine plus de la moitié de l'objectif initial .
Votre rapporteur spécial regrette le retard considérable pris dans la réalisation du plan logement, dans un contexte où l'accroissement de la population étudiante contribue à décupler les besoins. Il sera donc particulièrement attentif aux mesures mises en oeuvre par le Gouvernement pour rattraper ce retard et honorer la promesse de construire 60 000 nouveaux logements à horizon 2022 .
3. La dégradation de la situation financière de certains Crous
Votre rapporteur spécial relève qu'en fin de gestion 2018 , sept Crous affichaient un résultat déficitaire pour un déficit cumulé de 8,8 millions d'euros , contre seulement 3 Crous en 2017, pour 4,9 millions d'euros.
Si cette dégradation résulte, pour trois d'entre eux (Paris, Versailles, Nice) des coûts d'ouverture de nouvelles structures, elle découle, pour les quatre autres (Antilles-Guyane, Besançon, Dijon, Limoges) de la faiblesse de leur structure financière, avec un déficit cumulé de 1,2 million d'euros .
À cet égard, une mission de l'Inspection générale des finances s'est penchée sur la gestion de cinq Crous au cours de l'année 2019 . Si le rapport n'a pas encore été publié, les premières conclusions de la mission pointeraient, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la situation très atypique du réseau - un établissement public national pilotant des établissements autonomes . Il en découlerait une insuffisance du pilotage du réseau au plan ministériel , ainsi que l'existence de nombreuses disparités entre les Crous, notamment dans les attributions d'aides au logement.
Par ailleurs, le rapport identifierait des marges d'amélioration quant à la gestion financière des Crous . Votre rapporteur spécial prendra connaissance avec intérêt des conclusions du rapport, ainsi que des suites qui y seront données .
* 16 De fait, quelque 40 391 places nouvelles ont été créées pendant cette période, dont, comme prévu, près de la moitié (19 904) sont situées en Ile-de-France.
* 17 Ce plan prévoit également la création de 20 000 places pour les « jeunes actifs ».