B. UNE PRIORITÉ RENOUVELÉE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE SPATIALE
Les crédits destinés à la recherche spatiale française, portés par le programme 193, augmenteront de 213 millions d'euros en 2020 pour atteindre 2 033,6 millions d'euros (AE = CP). Cet effort budgétaire très significatif représente près de 50 % en AE et 73 % de l'augmentation des crédits de la mission « Recherche » en 2020 .
Cette augmentation, qui se traduit par un dépassement de la trajectoire définie dans le triennal budgétaire 2020-2022 , illustre la très haute priorité accordée par le Gouvernement à la politique spatiale, domaine d'excellence de la recherche française.
En pratique, les moyens dégagés devraient permettre à la France de souscrire, lors du Conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne ( European Space Agency, ESA ) de novembre 2019 à Séville, un montant de 2,5 milliards d'euros sur la période 2020-2022, soit 400 millions d'euros supplémentaires par rapport à la trajectoire initialement envisagée. En effet, sans cette enveloppe complémentaire de 170 millions d'euros sur 3 ans, les engagements français auraient été extrêmement contraints, la France devant poursuivre l'apurement de sa dette auprès de l'ESA tout en finançant les engagements pris sur le programme Ariane 6.
Le conseil ministériel de Séville - 27 et 28 novembre 2019 Les principaux enjeux programmatiques du conseil ministériel porteront sur la consolidation de la politique d'accès à l'espace de l'ESA, la définition des prochaines étapes de l'exploration spatiale et le maintien de la compétitivité industrielle dans les filières satellites. L'exécutif de l'ESA, dans ce contexte, propose aux États membres de souscrire à hauteur de 14,256 milliards d'euros au total, dont 4,235 milliards d'euros pour les programmes obligatoires. - le transport spatial bénéficierait de 2,662 milliards d'euros , afin de permettre la transition entre la fin de l'exploitation d'Ariane 5 et le début d'Ariane 6, d'améliorer la compétitivité d'Ariane 6 et de Vega C, de bâtir des briques technologiques pour le futur et de financer la rénovation du Centre spatial guyanais (CSG) ; - l'exploration se verrait proposer une enveloppe de 1,98 milliard d'euros pour financer des activités vers la Lune et Mars, dans un contexte international marqué par les annoncées américaines d'un retour anticipé sur la Lune en 2024 ; - le soutien à la compétitivité de l'industrie se ferait principalement au travers des programmes d'observation de la Terre (2,349 milliards d'euros destinés notamment à financer la future composante spatiale de Copernicus et les futurs satellites d'observation de l'ESA) et du programme ARTES (1,475 milliard d'euros) pour préparer l'avenir des télécommunications par satellites. Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire |
En pratique, la contribution française à l'Agence spatiale européenne serait donc portée à 1 401 millions d'euros en 2020, soit une augmentation de 226 millions d'euros par rapport à 2019 (+ 19 %), la France demeurant le premier contributeur net à l'ESA, devant l'Allemagne (927 millions d'euros en 2019), l'Italie (420 millions d'euros) et le Royaume-Uni (369 millions d'euros).
Répartition de la contribution à l'ESA
(en millions d'euros)
Apurement de la dette auprès de l'ESA |
277* |
Financement des programmes souscrits lors des ministérielles passées |
793 |
Financement des programmes pouvant être souscrits lors de la conférence ministérielle de Séville |
331 |
Total |
1 401 |
* Chiffre à préciser à la fin de l'année 2019 en fonction de l'exécution réelle des contrats
Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
La contribution versée à l'ESA permettrait ainsi d'apurer les 277 millions d'euros de dette résiduelle française , et donc de garantir sa résorption en 2020, conformément à la trajectoire décidée par le Gouvernement au titre des années 2018 - 2020. Il devenait en effet urgent de casser la spirale de l'envolée de l'endettement de la France vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne, qui aurait pu finir par nuire à la crédibilité de notre pays en tant que moteur de l'Europe de la recherche spatiale.
Évolution de la dette française à l'Agence Spatiale européenne
(en millions d'euros)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 (p) |
2020 (p) |
2021 (p) |
2022 (p) |
|
Dette nette au 1/01/N |
220 |
33 |
17 |
- 1 |
151 |
354 |
415 |
277 |
0 |
0 |
Besoins en contributions des programmes souscrits par la France |
651 |
778 |
842 |
1001 |
1079 |
1026 |
1037 |
1099 |
1033 |
1033 |
Subvention pour charge de service public totale* |
838 |
794 |
860 |
846 |
876 |
965 |
1175 |
1376 |
1033 |
1033 |
Dette nette au 31/12/N |
33 |
17 |
- 1 |
151 |
354 |
415 |
277 |
0 |
0 |
0 |
Variation de la dette |
- 187 |
- 16 |
- 18 |
152 |
203 |
61 |
- 138 |
- 277 |
0 |
0 |
* Subvention issue du programme 193 augmentée entre 2013 et 2017 de subventions PIA et des produits de cession des titres Arianespace
Source : réponse au questionnaire budgétaire
L'année 2020 verra également l'achèvement du programme Ariane 6 , dont le premier vol est prévu à la fin de l'année 2020, pour une pleine exploitation de ce nouveau lanceur en 2023. S'il convient de saluer cette avancée, votre rapporteur spécial s'interroge sur l'avenir des programmes spatiaux européens , confrontés plus que jamais à une concurrence internationale particulièrement intense.
Ainsi, le succès de l'exploitation d'Ariane 6 - qui court actuellement le risque majeur d'un déficit durable à compter de 2022 - sera étroitement lié à la capacité des pays contributeurs à consolider la demande européenne pour les lancements institutionnels .
En effet, l'économie globale de ce secteur demeurant largement dépendante de la commande institutionnelle, civile et militaire, notre pays doit s'assurer d'un engagement ferme de ses partenaires européens en faveur du spatial . Votre rapporteur spécial note avec satisfaction qu'une première étape a été franchie le 25 octobre 2018, avec la signature par l'ESA, l'Italie, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne et la France d'une lettre d'intention qui recense les missions institutionnelles prévues entre 2020 et 2027, de telle sorte qu'à ce jour, l'ESA serait prête à confirmer sept lancements institutionnels pour Ariane 6 pendant la phase de transition.
Il est toutefois regrettable que les négociations en vue de la mise en place du nouveau règlement sur la politique spatiale européenne pour la période 2021-2027 n'aient pu aboutir à l'affirmation d'un principe de préférence européenne .