II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une lisibilité des moyens consacrés aux politiques publiques de la mission toujours perfectible
Comme votre rapporteur spécial l'avait souligné l'année dernière à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2017, la présentation de l'exécution des crédits consacrés aux politiques portées par la mission « Médias, livre et industries culturelles » ne permet pas d'avoir une vision exhaustive des moyens qui y sont consacrés .
C'est tout d'abord le cas, à nouveau en 2018, pour les crédits consacrés aux aides à la presse . En effet, les crédits dédiés au transport postal de la presse ne figurent pas aux côtés des autres aides à la presse inscrites dans le programme « Presse et médias ». Ils sont inscrits au programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».
Par ailleurs, compte tenu de l'existence d'exonérations et d'exemptions sociales dont bénéficie le secteur, qui sont retracées dans les documents annexes au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande que le rapport annuel de performance de la mission soit complété par un « tableau récapitulatif de l'ensemble des aides à la presse, tous dispositifs confondus », afin de disposer d'une vision globale du soutien financier public à ce secteur et de permettre d'avoir les outils nécessaires pour une évaluation de l'efficacité combinée de ces dispositifs.
Les crédits consacrés à la politique en faveur du livre , et plus particulièrement aux bibliothèques, constituent la seconde source d'amélioration de la lisibilité des moyens en faveur des politiques du ministère de la culture portées par la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les subventions d'investissement versées aux collectivités territoriales afin de les aider à développer et moderniser leurs bibliothèques constituent la majeure partie des crédits consacrés à la politique en faveur des bibliothèques. Ils s'élèvent, en 2018, à 88,4 millions d'euros. Or, ceux-ci sont portés par le programme « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », tandis que le reste des crédits en faveur du livre et de la lecture sont inscrits au programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », et notamment les moyens accordés à la Bibliothèque nationale de France. Par souci de cohérence, il conviendrait là encore de disposer d'un outil de contrôle global de cette politique publique , que constituerait un document récapitulatif de l'ensemble des moyens publics consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture.
2. L'année 2018 marquée par l'adoption du plan de transformation de l'Agence France Presse
Les difficultés financières persistantes de l'Agence France Presse (AFP), sur lesquelles votre rapporteur spécial avait appelé à une vigilance particulière, ont trouvé à l'occasion de l'année 2018 des premiers éléments de réponse, dont il conviendra de suivre la mise en oeuvre et l'effectivité sur la situation de l'Agence.
M. Fabrice Ries a été désigné en avril 2018 Président directeur général de l'AFP et a présenté, à la suite de sa désignation, un plan de transformation . Ce plan repose sur deux axes :
- un développement des recettes qui s'appuierait sur le renforcement de la partie de l'activité de l'Agence consacrée à la vidéo ;
- une meilleure maîtrise des charges , en particulier des charges de personnel.
Le rapport annuel de performances indique que le soutien de l'État à ce plan de transformation prendra la forme d'un financement exceptionnel de 11 millions d'euros pour l'année 2019 et de 6 millions d'euros en 2020. En 2018, une subvention exceptionnelle de 3,87 millions d'euros avait été versée en fin d'exercice, après la présentation du plan de transformation au Conseil d'administration de l'AFP et par anticipation sur 2019. Ces montants prennent en compte, à la demande de l'AFP, la sous compensation des missions d'intérêt général (MIG) de l'Agence depuis plusieurs années . Ces aides resteront donc compatibles avec les obligations de financement imposées par le droit européen, dans la mesure où elles n'excéderont pas la compensation des MIG. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens étant en cours de négociation, une nouvelle trajectoire de financement sera déterminée pour la prochaine période de cinq années.
Votre rapporteur spécial suivra avec attention la mise en oeuvre du plan de transformation et ses conséquences sur un retour à une situation financière assainie de l'Agence . Dans le contexte de forte concurrence mondiale des agences américaines, britanniques, mais également russes et chinoises, il apparaît nécessaire de donner les moyens à cet acteur clé du secteur, garant d'une information fiable et de qualité, de faire évoluer son modèle et son fonctionnement pour s'inscrire dans la durée.
3. L'exécution 2018 : une année de transition pour l'audiovisuel public
Concernant l'audiovisuel public, l'exécution 2018 constitue une année de transition, dans la mesure où les grandes lignes de la réforme du secteur ont été annoncées par Françoise Nyssen, ministre de la culture, en juillet 2018, sans que la traduction législative n'ait été jusqu'à ce jour présentée aux assemblées. Cependant, pour la première année après une hausse annuelle continue des dotations versées aux sociétés de l'audiovisuel public, la loi de finances pour 2018 avait demandé à celles-ci un effort financier, sans attendre que les perspectives d'évolution d'ensemble soient dressées.
Les orientations fixées par le Gouvernement dans le cadre de la réforme annoncée en juillet dernier consistent, selon les termes du rapport annuel de performances, à « remettre le citoyen au coeur du projet de la télévision publique, de renforcer la valeur ajoutée de ses contenus et son utilité sociale et de s'adapter à la révolution numérique pour s'adresser à tous les publics . Quatre priorités ont été définies pour concrétiser ce projet de transformation : la culture et l'éducation ; la proximité ; l'information ; et la création française et européenne. »
Votre rapporteur spécial avait souligné la difficulté que peut constituer l'exercice qui consiste à demander aux opérateurs de l'État de diminuer leurs dépenses préalablement à une discussion sur le périmètre de leurs missions. Pour les plus petites sociétés de l'audiovisuel public, qui ont généralement procédé à des réformes de structure importantes et démontré une capacité à maîtriser leurs charges en poursuivant leurs missions, réaliser de nouvelles économies sans orientations permettant de concentrer leur action sur certaines de leurs activités uniquement paraît relever de l'équation impossible. Les deux sociétés les plus importantes, France Télévisions et Radio France, doivent quant à elle s'atteler au chantier de réduction des charges de structure qui implique inévitablement une maîtrise de la masse salariale.
Votre rapporteur spécial estime que les économies demandées au secteur de l'audiovisuel public, si elles sont nécessaires, ne doivent pas avoir pour conséquence de diminuer la qualité des contenus ou de renoncer à des missions stratégiques, comme l'est par exemple la présence de l'audiovisuel extérieur dans certaines régions du monde. Il appelle une nouvelle fois à ouvrir au plus vite la discussion sur les contours du service public audiovisuel, qui devra permettre de rendre effectif l'objectif d'économies annoncé par le Gouvernement pour l'audiovisuel public : la trajectoire pluriannuelle doit conduire à 190 millions d'euros d'économies à l'horizon 2022 , dont 160 millions d'euros pour France Télévisions.
L'inertie liée à l'absence de calendrier et d'annonce concernant le contenu de la future loi audiovisuelle risque de conduire à ce que cette trajectoire d'économies annoncée en 2018 reste lettre morte, après un effort d'une trentaine de millions demandés à France Télévisions en 2018 et en 2019. La dotation du groupe reste, encore en 2019, supérieure d'une dizaine de millions d'euros à celle accordée en 2015. Il ne serait donc pas admissible que les économies envisagées ne soient pas réalisées, d'autant que le niveau des efforts demandés, en comparaison des efforts que les collectivités locales ont dû réaliser ces dernières années notamment, n'est pas insurmontable.
Enfin, la question du devenir de la contribution à l'audiovisuel public, liée notamment à la suppression progressive de la taxe d'habitation, n'a toujours pas trouvé de réponse. Votre rapporteur spécial s'interroge là encore sur les choix du Gouvernement, qui devront impérativement être dévoilés au plus tard lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2020.