B. DES INTERROGATIONS AUTOUR DE CERTAINS ASPECTS DU PROJET EN L'ABSENCE DE CONCERTATION PRÉALABLE
Si certaines de ces annonces ont été bien accueillies, d'autres ont en revanche immédiatement soulevé des interrogations .
C'est le cas du concours international d'architecture pour la reconstruction de la flèche. L'idée d'un « geste architectural » pour la flèche ne va pas forcément de soi. Une reconstruction de celle-ci à l'identique est parfaitement envisageable et apparaît d'autant plus justifiée que les plans de Viollet-le-Duc sont à disposition, les relevés existent, et les statues et le coq qui ornaient la flèche ont été sauvées. Elle va plutôt dans le sens des recommandations formulées par les textes de référence internationaux en matière de restauration, à commencer par la Charte de Venise de 1964. Elle constituerait enfin un gain de temps précieux au regard de l'objectif d'une reconstruction en cinq ans.
Ce délai de cinq ans constitue une autre source d'interrogations. S'il est compréhensible de vouloir rendre Notre-Dame de Paris aux fidèles, aux Français et aux touristes le plus rapidement possible compte tenu de l'importance qu'elle représente, imposer un tel délai alors qu'aucun diagnostic n'a encore pu être réalisé manque de sens . La restauration de Notre-Dame est un chantier d'ampleur. Aucune cathédrale n'est restaurée pour seulement une dizaine d'années. Il faut se donner le temps de la réflexion et mener une restauration de qualité. C'est pourquoi l'objectif autour de la restauration de Notre-Dame ne saurait être d'aller vite. Au mieux ce délai de cinq ans doit-il être vu comme une ambition . Mais on voit mal comment le chantier pourrait être achevé d'ici l'organisation des jeux Olympiques à Paris en 2024, d'autant que le public de ce type d'événements n'est pas forcément celui de la cathédrale. Les auditions réalisées par votre rapporteur ont montré, en revanche, qu'il était envisageable de rouvrir la cathédrale au culte dans ce délai, quitte à poursuivre les travaux de la charpente et de la flèche au-delà.
Les monuments victimes d'incendies accidentels Plusieurs incendies d'origine accidentelle ont endommagé des monuments historiques français ces dernières décennies. - En 1972, un incendie détruit la toiture de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes . Le feu avait été déclenché accidentellement par un ouvrier effectuant des réparations sur la toiture de la cathédrale. Elle rouvre trois ans plus tard et un grand chantier de restauration est initié. Il s'achèvera en 2013. - En 1994, le Parlement de Bretagne, à Rennes , est touché par le tir d'une fusée de détresse pendant une manifestation. Le toit et le premier étage du Parlement sont détruits, la restauration est achevée dix ans plus tard pour un coût total de 55 millions d'euros. La charpente en bois qui avait brûlé est remplacée par une charpente métallique. - En 2003, le château de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) est ravagé par un feu dû à un court-circuit. Les travaux de restauration devraient s'achever en 2023 pour un montant total de 100 millions d'euros. - En 2009, la toiture du Logis royal du château d'Angers est détruite par un incendie accidentel. Le château rouvre en 2012 après 19 mois de travaux de restauration qui auront coûté 6,2 millions d'euros. - En 2013, un incendie d'origine accidentelle détériore une grande partie de l'Hôtel de ville de La Rochelle , classé au titre des monuments historiques. Les travaux sont initiés en 2016 après trois années d'expertises, ils devraient être achevés en novembre 2019 pour un montant total de 21,5 millions d'euros. Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat |
Les causes du sinistre restent encore inconnues à ce stade. Une enquête est en cours pour les déterminer. Beaucoup a été écrit dans les jours qui ont suivi le sinistre sur le manque d'entretien de la cathédrale lié au sous-financement chronique des monuments historiques et le manque de précautions prises sur les chantiers portant sur des monuments historiques. Les entreprises qui intervenaient sur le chantier qui venait tout juste de démarrer à Notre-Dame ont été mises en cause, alors même que l'échafaudage qui était en cours de montage autour de la flèche a résisté. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'État n'a jamais cessé d'investir à Notre-Dame : en témoigne le programme de travaux qui venait d'y être lancé pour une durée de dix ans. Notre-Dame faisait partie des monuments cultuels les mieux protégés contre les incendies : elle disposait d'un plan spécifique de sécurité et deux exercices de sécurité incendie y avaient été organisé au cours de l'année précédant le sinistre, qui ont sans doute permis que les oeuvres soient si rapidement retirées et mises à l'abri le soir du 15 avril.
Des travaux de sécurisation du site ont été engagés après le sinistre. Ils sont conduits par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Ile-de-France. Plus de neuf millions d'euros ont déjà été engagés à ce stade, jusqu'ici financés par l'État sur la base du programme 175 « Patrimoines ».