EXAMEN EN COMMISSION
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M. Loïc Hervé , rapporteur . - Nous connaissons tous parfaitement la place prépondérante des entreprises publiques locales, dites EPL, et de l'économie mixte dans nos territoires. Ces sociétés de droit privé dont le capital est totalement ou partiellement public permettent de faire converger les moyens et les énergies pour conduire nombre de projets, concernant aussi bien l'aménagement, l'immobilier que les services publics locaux.
La Caisse des dépôts et consignations nous l'a confirmé lors de son audition, les sociétés publiques locales (SPL), les sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) et les sociétés d'économie mixte locales (SEML) sont des éléments clés du dynamisme de nos territoires.
Leur succès rend aujourd'hui les EPL incontournables. Il en existe 1 300 en activité, dont plus de 900 SEML, et plus de 350 SPL et SPLA. Ensemble, elles représentent plus de 65 000 emplois, près de 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires et fournissent un logement à 1,4 million de personnes en France.
Ces sociétés courent aujourd'hui un grave danger. Par une décision du 14 novembre dernier, le Conseil d'État a imposé que chaque collectivité actionnaire détienne désormais l'ensemble des compétences sur lesquelles porte l'objet social de la société.
D'un trait de plume, le juge a plongé dans l'incertitude la très grande majorité des EPL existantes et bloqué la plupart des projets de création. Cette jurisprudence ne s'appliquait qu'aux SPL, mais on peut penser que les SPLA et les SEML seront également concernées puisqu'elles sont soumises à des dispositions similaires. Or la majorité de ces sociétés sont capitalisées par des collectivités ou des groupements de collectivités ne détenant pas l'ensemble des compétences sur lesquelles porte leur objet.
En l'état, cette jurisprudence sonne donc le glas des EPL « multicouches » et de la coopération inter-collectivités.
Plus grave, une SPL ne peut exercer son activité que pour le compte des collectivités ou des groupements qui en sont actionnaires. Réduire le nombre de collectivités autorisées à participer au capital limite donc le nombre de « clients » de la SPL et porte une atteinte, parfois insurmontable, à sa viabilité économique.
Les territoires attendent une réponse rapide et efficace du législateur pour contrer cette jurisprudence. Je suis sûr que vous avez quasiment tous reçu des demandes en ce sens.
C'est précisément l'objet de la proposition de loi déposée par Hervé Marseille et soutenue par pratiquement tous les groupes de notre assemblée. Ce texte tend à préciser que la possibilité d'être actionnaire d'une SPL ou d'une SEML est ouverte à toute collectivité ou groupement ayant compétence pour, au moins, une activité comprise dans l'objet de cette société. Je remercie son auteur d'avoir avancé cette mesure, que je soutiens totalement.
Les amendements déposés par mes soins, avec l'accord d'Hervé Marseille, sont essentiellement techniques. Ils visent à clarifier les dispositions de la proposition de loi et à en étendre le champ.
Ainsi, pour plus de clarté, j'ai souhaité que seules des dispositions strictement nécessaires à la mise en échec de la jurisprudence du Conseil d'État soient introduites, afin de ne pas bouleverser inutilement le droit applicable.
J'ai également souhaité que la formulation retenue lève toute ambiguïté sur le rôle des entreprises publiques locales, qui sont des prestataires, et non des EPCI. Sociétés commerciales strictement tenues par leur objet social, les EPL n'exercent aucune compétence en lieu et place des collectivités actionnaires ; elles fournissent des prestations, pour leur compte et sous leur contrôle, afin que celles-ci exercent leurs compétences.
S'agissant de l'extension du champ de la proposition de loi, j'ai déposé un amendement pour que celle-ci s'applique aussi aux SPLA et aux SPLA d'intérêt national, afin de protéger ces dernières contre les effets de cette jurisprudence, mais aussi de garder l'homogénéité du droit applicable aux différentes EPL.
Un autre de mes amendements tend à valider l'actionnariat des EPL existantes qui ne respectent pas le nouveau critère fixé par le Conseil d'État.
Enfin, je vous informe qu'un amendement sera déposé, au stade de l'examen en séance, pour prévoir les modalités d'application outre-mer de cette proposition. Le sujet est complexe et il nous faut encore y réfléchir.
M. Philippe Bas , président . - Chacun d'entre nous a pu expérimenter les difficultés engendrées par le caractère trop rigide de la législation sur les sociétés publiques locales et les sociétés d'économie mixte locales. J'imagine donc que cet assouplissement sera bien accueilli au sein de la commission.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je partage totalement les mesures avancées dans cette proposition de loi et l'objectif que l'on cherche à atteindre. Mais où est le problème ? On nous explique que l'un des considérants de la jurisprudence du Conseil d'État exclut la participation d'une collectivité ou d'un groupement n'exerçant pas l'ensemble des compétences : le Conseil d'État a donné raison à la collectivité, et non au préfet ! Je reste donc sur ma faim, mais, après tout, tant mieux si la proposition de loi permet de régler un faux problème !
M. Loïc Hervé , rapporteur . - Dans tout le pays, les préfets envoient des courriers aux EPL en cours de création ou s'intéressent à celles qui sont déjà créées. Plus qu'un émoi, c'est une difficulté qui se pose partout !
M. Pierre-Yves Collombat . - Mais le Conseil d'État a donné raison à la collectivité...
M. Loïc Hervé , rapporteur . - Il a aussi posé un considérant de principe, qui est problématique.
M. Alain Richard . - Le Conseil d'État fixe une règle et considère qu'elle ne s'applique pas en l'espèce.
M. Pierre-Yves Collombat . - Du coup, on n'y comprend rien du tout !
M. Loïc Hervé , rapporteur . Avant de passer à l'examen des amendements, je souhaite formuler deux remarques.
Conformément aux souhaits du président du Sénat, je vous précise que tous les amendements de séance ne portant pas sur le régime juridique des EPL seront susceptibles d'être déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
Par ailleurs, les dispositions de la présente proposition de loi sont attendues de toute urgence dans les territoires. Afin de favoriser une adoption rapide, Hervé Marseille et moi-même tenons à ce que tout amendement éloigné de son objet initial soit écarté. Trop élargir le champ du texte aurait pour conséquence de rompre le consensus qui l'entoure et prolongerait d'autant la navette parlementaire. Nous ne pouvons pas nous le permettre !
M. Loïc Hervé , rapporteur . - Mon amendement COM-6 tend à clarifier la rédaction de l'article 1 er et limiter au minimum les modifications apportées au code général des collectivités territoriales.
L'amendement COM-6 est adopté.
M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement du Gouvernement COM-4 devient, de ce fait, sans objet. Je précise toutefois que je n'étais pas favorable à cette rédaction. En l'absence d'une signification claire des termes « part significative », celle-ci était susceptible de nous exposer à plusieurs années d'élaboration de jurisprudence et d'insécurité juridique.
M. Jacques Bigot . - Le dépôt de cet amendement confirme la nécessité de la proposition de loi. Derrière les recours et interrogations des préfets, se trouve la volonté de l'administration centrale de freiner le développement des SPL, qui sont des sociétés « in-house », permettant d'éviter la complexité des sociétés d'économie mixte et la mise en concurrence.
M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je partage cette analyse. Les services de la Direction générale des collectivités locales affichent une forme de défiance à l'égard de l'économie mixte. C'est regrettable car les outils proposés dans ce cadre sont très opérationnels et adaptés aux réalités de terrain. Effectivement, cela justifie encore plus le dépôt de ce texte, venant, a contrario , confirmer l'intérêt du législateur pour cette économie mixte et pour les SPL.
Mme Brigitte Lherbier . - Je rejoins le rapporteur : pourquoi enrayer un processus qui fonctionne ?
L'amendement COM-4 devient sans objet.
M. Loïc Hervé . - Mon amendement COM-7 vise à appliquer aux SEML les efforts de clarté et de concision que nous avons voulus pour les SPL.
L'amendement COM-7 est adopté.
Les amendements COM-3 , COM-5 et COM-2 rectifié quater deviennent sans objet.
Articles additionnels après l'article 2
M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-1 tend à prévoir l'assouplissement du régime de cession de parts de SEML par les départements. Comme je l'ai indiqué, je ne souhaite pas étendre le champ de la proposition de loi au-delà de son objet premier. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Loïc Hervé , rapporteur . - Mon amendement COM-8 vise à étendre la clarification prévue aux articles 1 et 2 aux sociétés publiques locales d'aménagement et aux sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national.
L'amendement COM-8 est adopté.
M. Loïc Hervé . - La sécurisation de l'actionnariat des EPL existantes constitue un impérieux motif d'intérêt général, justifiant l'application de la présente loi aux sociétés constituées antérieurement à sa publication. C'est l'objet de mon amendement COM-9 .
L'amendement COM-9 est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
M. Loïc Hervé , rapporteur . - En englobant désormais les sociétés publiques locales, les sociétés publiques locales d'aménagement et les sociétés d'économie mixte locales, la proposition de loi vise la très grande majorité des EPL. Mon amendement COM-10 tend à adapter son intitulé en conséquence.
L'amendement COM-10 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1 er |
|||
M. Loïc HERVÉ, rapporteur |
6 |
Clarification de la rédaction de l'article 1 er |
Adopté |
Le Gouvernement |
4 |
Réécriture de l'article 1er de la proposition de loi par le Gouvernement |
Satisfait ou sans objet |
Article 2 |
|||
M. Loïc HERVÉ, rapporteur |
7 |
Harmonisation de l'écriture de l'article 2 avec l'article 1 er |
Adopté |
M. de BELENET |
3 |
Correction d'une erreur matérielle |
Satisfait ou sans objet |
Le Gouvernement |
5 |
Réécriture de l'article 2 par le Gouvernement |
Satisfait ou sans objet |
Mme BERTHET |
2 rect. quater |
Élargissement du champ de compétence géographique des SEML. |
Satisfait ou sans objet |
Articles additionnels après l'article 2 |
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M. GRAND |
1 |
Assouplissement du régime de cession de parts de SEML |
Rejeté |
M. Loïc HERVÉ, rapporteur |
8 |
Élargissement du champ de la proposition de loi aux SPLA |
Adopté |
M. Loïc HERVÉ, rapporteur |
9 |
Validation des EPL existantes |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
M. Loïc HERVÉ, rapporteur |
10 |
Adaptation de l'intitulé à l'élargissement du champ du texte |
Adopté |