D. LA RECRUDESCENCE DES PRATIQUES FRAUDULEUSES QUI NE RENTRENT PAS DANS LE CHAMP DU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE STRICTO SENSU
De nombreuses réclamations faites par les consommateurs auprès d' Opposetel ne concerneraient pas, en réalité, l'activité de démarchage téléphonique.
Il s'agirait plutôt de pratiques frauduleuses consistant à inciter un consommateur à appeler un numéro surtaxé, sans qu'aucun produit ou service réel soit in fine mis à sa disposition. L'incitation frauduleuse peut être très variable, mais dans tous les cas, le message, qu'il soit envoyé par SMS ou via un appel téléphonique, demande d'appeler un numéro surtaxé.
Les numéros surtaxés font partie de la catégorie des numéros de service à valeur ajoutée (SVA), catégorie qui comprend des numéros gratuits ou dont le tarif correspond au coût d'une communication normale, mais aussi des numéros dont le coût est majoré, à due concurrence du tarif du service payant proposé en plus du coût de la communication elle-même. Seuls ces derniers numéros peuvent, en réalité, être qualifiés de surtaxés.
Aussi, la mise en place de tels numéros à valeur ajoutée est tout à fait légale, s'ils correspondent à un réel produit ou service rendu. Seuls deux cas y font exception : pour réceptionner l'appel d'un consommateur en vue d'assurer la bonne exécution d'un contrat, ou pour traiter la réclamation d'un consommateur.
Certains éditeurs les détournent de leur finalité en incitant, par des pratiques frauduleuses, les consommateurs à appeler un numéro surtaxé, sans qu'aucun service réel ne soit mis à sa disposition. Ainsi, d'après Opposetel , près de 41 % des réclamations portées à sa connaissance concernent des fraudes aux numéros surtaxés, et non pas la seule méconnaissance de la liste d'opposition au démarchage téléphonique.
Il existe plusieurs pratiques de fraude parmi lesquelles :
- les appels en absence ou « ping call », qui incitent le destinataire à rappeler le numéro du correspondant qui s'est affiché alors qu'il ne correspond en réalité à aucun service à valeur ajoutée ;
- les SMS ou appels par automate ou téléopérateurs incitant à rappeler un numéro surtaxés pour des raisons mensongères ;
- ou encore les SMS permettant des micro-paiements détournés à des fins frauduleuses.
Le « spoofing », qui consiste à usurper un numéro déjà attribué indiquant un index géographique connu du consommateur, permet de ne pas attirer son attention.
Ces pratiques peuvent évidemment causer des préjudices importants aux victimes, qui sont souvent les personnes les plus vulnérables. Pour la plupart des consommateurs, ces pratiques se confondent nettement avec le démarchage téléphonique.
Le code de la consommation prévoit pourtant déjà, aux articles L. 224-43 et suivants, plusieurs dispositions visant à encadrer l'usage des numéros à valeur ajoutée. Parmi celles-ci :
- l'obligation faite aux opérateurs de numéros SVA de mettre en place un outil (« l'annuaire inversé ») permettant aux consommateurs d'identifier, à partir d'un numéro d'appel ou de SMS, le nom du produit ou du service proposé à ce numéro, sa description rapide, le nom et l'adresse du fournisseur, le cas échéant son site internet, ainsi que l'adresse et le numéro de téléphone auxquels le consommateur peut formuler ses éventuelles réclamations, 23 ( * ) la description du produit ou du service devant permettre à l'opérateur de s'assurer qu'il ne fait pas partie de ceux qu'il exclut, le cas échéant, au titre de ses règles déontologiques 24 ( * ) . De surcroît, grâce à un « mécanisme de signalement » des anomalies relevées par le consommateur au sein de cet annuaire inversé, l'opérateur procède, en cas d'inexactitude sur l'une des informations devant figurer dans l'outil, à la suspension ou à la résiliation du contrat avec l'abonné auquel il affecte un numéro à valeur ajoutée 25 ( * ) ;
- l'obligation fixée aux fournisseurs d'un service téléphonique au public de mettre en place un dispositif (le numéro « 33 700 ») permettant aux consommateurs de signaler, par messages textuels, les appels ou SMS émis par les professionnels, non sollicités et qu'ils jugeraient suspects 26 ( * ) ;
- l'obligation posée aux mêmes fournisseurs d'un service téléphonique au public de proposer au consommateur une option gratuite permettant de bloquer les communications à destination des numéros surtaxés de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée 27 ( * ) .
L'ensemble de ces dispositions serait toutefois insuffisant, de l'aveu même des opérateurs de communications électroniques ou des fournisseurs d'un service téléphonique au public, pour empêcher les pratiques frauduleuses. En particulier, les opérateurs seraient dans une situation d'insécurité juridique pour suspendre ou résilier le contrat avec leur abonné éditeur d'un service à valeur ajoutée, lorsque celui-ci procède à des manoeuvres frauduleuses.
* 23 Article L. 224-43 du code de la consommation.
* 24 Article L. 224-46 du code de la consommation.
* 25 Articles L. 224-46 et L. 224-47 du code de la consommation.
* 26 Article L. 224-51 du code de la consommation.
* 27 Article L. 224-54 du code de la consommation.