B. VERS UN ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE ?

L'Union européenne est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande , derrière la Chine, liée avec le pays par un accord de libre-échange signé en 2008, et son voisin australien. L'Union est en outre le deuxième investisseur en Nouvelle-Zélande (9,2 % du total, derrière l'Australie et les États-Unis).

Les exportations européennes sont principalement composées d'équipements de transports et de machines-outils ; les produits agricoles constituent quant à eux les principales importations en provenance de Nouvelle-Zélande. En 2016, la balance commerciale européenne était excédentaire à hauteur de 1,3 milliard d'euros .

L'Union estime néanmoins que le potentiel reste largement inexploité . La Nouvelle-Zélande, qui considère que le commerce constitue la « part essentielle de [sa] relation avec le reste du monde » , bénéficie en effet d'une excellente santé financière : sa dette représente 22 % de son PIB et sa croissance s'établissait à 3 % ces cinq dernières années.

L'annonce du Brexit a poussé le nouveau gouvernement néo-zélandais à privilégier l'approfondissement de ses relations avec l'Union européenne , au moyen de l'APRC et de l'ALE. La conclusion de l'accord de libre-échange constitue, à cet égard, l'une des priorités du nouveau gouvernement .

En mai 2018, le Conseil a accordé à la Commission européenne un mandat de négociation pour deux ALE : le premier avec l'Australie, et le second avec la Nouvelle-Zélande. Ces négociations s'inscrivent dans le cadre de la politique commerciale de l'Union européenne visant à étendre son réseau commercial par la conclusion d'accords de ce type.

Ces accords devraient être scindés en deux volets :

- un premier volet consacré exclusivement aux aspects commerciaux pour lesquels la Commission européenne a une compétence exclusive , par délégation des États membres ;

- un second volet consacré aux investissements , domaine où la compétence est partagée entre la Commission et les États membres.

Par conséquent, et sauf avis contraire du Conseil européen, les parlements nationaux ne seront pas saisis de l'accord commercial ; seule l'approbation du Parlement européen sera requise en vue de sa ratification 9 ( * ) , ce qui permettra une entrée en vigueur plus rapide.

L'ALE devrait ouvrir la voie à un renforcement des échanges commerciaux entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande grâce à la suppression des droits de douane sur les biens et à un accès facilité aux marchés des services . Bien que les droits à l'importation soient faibles en Nouvelle-Zélande, le pays applique des droits de douane élevés pour certains produits, auxquels s'ajoutent différentes barrières non tarifaires . L'Union envisage donc de coopérer sur le plan réglementaire, dans des domaines choisis en fonction des besoins .

D'après le ministre néo-zélandais du commerce, David Parker, l'ALE entraînera une augmentation des volumes d'échanges de l'ordre de 10 à 22 %, ainsi qu'une hausse, à terme, du produit intérieur brut (PIB) de son pays pouvant atteindre jusqu'à 0,52 %, soit 1 voire 2 milliards de dollars néo-zélandais 10 ( * ) .

La Nouvelle-Zélande étant principalement exportatrice de produits agricoles, les négociations devraient soulever plusieurs questions particulièrement sensibles comme celle de l' augmentation des quotas d'exportations agricoles vers l'UE , ou encore de la reconnaissance du système européen de protection des indications géographiques (IG). La Commission européenne a affirmé qu' il sera tenu compte dans les négociations de la vulnérabilité de certains pans de l'agriculture européenne aux exportations néo-zélandaises, notamment de lait et de viande ovine. La France a appelé à un renforcement des volets consacrés au développement durable et à la sécurité sanitaire .

D'après les études d'impact publiées par la Commission européenne en septembre 2017, l'ALE pourrait faire progresser le PIB de l'Union européenne de 0,02 %, soit 4,9 milliards d'euros par an .

La nouvelle politique commerciale de l'Union 11 ( * ) ne défend pas seulement des intérêts ; elle prône également des valeurs telles que le respect des droits de l'homme et des droits du travail, la protection de l'environnement, de la santé et des consommateurs.

Cette orientation rejoint la nouvelle vision néo-zélandaise du commerce international, progressiste, durable et inclusif - inclusive trade -, c'est-à-dire profitable aux régions, aux petites et moyennes entreprises, à la population maorie et aux femmes, et surtout plus attentif aux exigences sociales et environnementales. En effet, la croissance et la politique de libre-échange n'ont, jusqu'à présent, profité qu'à une minorité.

À l'occasion de la visite à Paris, le 16 avril 2018, de Jacinda Ardern, Premier ministre de Nouvelle-Zélande, le président de la République a rappelé que la France était favorable à ces négociations, à condition que l'accord soit « cohérent avec le modèle social que défend l'Europe , avec engagements environnementaux et sanitaires » . Emmanuel Macron a également indiqué que nos deux pays portaient « une vision commune de ce que doivent être les nouveaux accords commerciaux » .

La déclaration conjointe présentée à cette occasion consacre un chapitre aux relations commerciales, intitulé « Promouvoir en matière commerciale un programme d'action durable, inclusif et progressif afin de coopérer contre le protectionnisme » . Les deux parties s'engagent à « maintenir [leur] engagement en faveur d'un système commercial réglementé dont l'OMC constitue l'élément central » , tout en assurant la promotion du développement durable à travers notamment la rationalisation des subventions aux combustibles fossiles et à la pêche non durable.

En Nouvelle-Zélande, l'agriculture occupe une place prédominante dans l'économie. Bien que le secteur ne représente qu'une faible part du PIB (environ 5 %), les produits agricoles et agroalimentaires représentent plus de la moitié des exportations du pays, la filière laitière assurant à elle seule plus du quart du total des exportations. Le pays occupe d'ailleurs la première place des pays exportateurs de lait et de viande ovine .

La Nouvelle-Zélande a un modèle d'agriculture « productiviste » qui est responsable de plus de la moitié de ses émissions de gaz à effet de serre . Par ailleurs, environ 55 % du territoire néo-zélandais est consacré à l'agriculture, dont plus de 90 % aux pâturages - la production étant essentiellement orientée vers l'élevage.


* 9 Cf. avis n° 2/15 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 16 mai 2017, relatif à l'accord de libre-échange « nouvelle génération » conclu entre l'Union européenne et Singapour, dans lequel la Cour indique cet accord relève à la fois de la compétence exclusive de l'UE (accès privilégiés aux marchés publics européens, accords en matière de propriété intellectuelle, protection des investissements, objectifs de développement durable) et d'une compétence partagée entre elle et ses États membres (investissements étrangers autres que directs - c'est-à-dire « de portefeuille » -, régime de règlement des différends entre investisseurs et États).

* 10 C'est-à-dire une estimation comprise entre 600 millions et 1,2 milliard d'euros.

* 11 Cf. la communication de la Commission intitulée « Le commerce pour tous » .

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