N° 264
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 janvier 2019 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de l' accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l' Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Nouvelle-Zélande , d'autre part,
Par M. Raymond VALL,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
615 , 1026 et T.A. 156 |
|
Sénat : |
646 (2017-2018) et 265 (2018-2019) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi du projet de loi n° 646 (2017-2018) autorisant la ratification de l'accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part .
Les relations entre les États membres de l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande étaient initialement régies par la « Déclaration commune sur les relations et la coopération » du 21 septembre 2007, au caractère non contraignant, qui a permis un approfondissement des échanges bilatéraux. L'Union européenne souhaite développer ses relations politiques, économiques et sectorielles dans la zone indo-pacifique où elle est encore trop souvent vue comme un partenaire économique et non comme un acteur essentiel sur les enjeux politiques et de sécurité. Pour remédier à cette situation, dans le cadre de la stratégie globale de l'Union européenne adopté en juillet 2016, le Conseil a décidé du renforcement de l'engagement communautaire en faveur de la sécurité en Asie. À cette fin, l'accord-cadre permettant la participation de la Nouvelle-Zélande à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), signé en 2012, est entré en vigueur en octobre 2016. Cette coopération renforcée avec la Nouvelle-Zélande doit comprendre également un volet politique et un volet économique.
Signé le 5 octobre 2016, le présent accord dépasse les seuls aspects économiques et commerciaux qui, par ailleurs, devraient faire l'objet d'un accord de libre-échange, en cours de négociation.
Juridiquement contraignant , l'accord de partenariat permet, entre autres, de tenir un dialogue politique et de sécurité régulier avec la Nouvelle-Zélande, dont les forces participent déjà aux opérations de PSDC de l'Union européenne. En outre, il ouvre la coopération entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande à de nouveaux domaines tels que la lutte contre la prolifération et la cybercriminalité, la justice, l'asile et la migration, la culture, etc.
L'accord de partenariat sur les relations et la coopération (APRC) renforcera également le positionnement politique de l'Union européenne et la visibilité de son action dans le Pacifique, région où il est important qu'elle reste engagée.
Compte tenu de l'intérêt que présente ce nouvel accord pour la consolidation de la coopération euro-néo-zélandaise, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en second. L'Assemblée nationale l'a adopté, en première lecture, le 5 juillet 2018.
I. LA MISE EN PLACE D'UN PARTENARIAT POLITIQUE RENFORCÉ
A. UN CONTEXTE FAVORABLE AU RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION POLITIQUE
1. Une relation bilatérale France Nouvelle-Zélande renforcée
Votre rapporteur, au cours de ces auditions, a eu confirmation que dans le Pacifique, la présence de la France au coeur de ses territoires ultra-marins, est aujourd'hui perçue comme un élément important de stabilité de la zone indo-pacifique par la Nouvelle-Zélande. En témoigne le soutien apporté par la Nouvelle-Zélande et l'Australie à l'accession de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie Française au statut de membres pleins au sein du Forum des Îles du Pacifique (FIP - principale organisation politique régionale) en 2016 1 ( * ) .
La commémoration de la Grande Guerre - épisode fondateur de l'identité néo-zélandaise (100 000 soldats engagés, 18 500 tués et 41 500 blessés) - a conduit à une intensification de la relation bilatérale avec en particulier la visite croisée des deux Premiers ministres en 2016. Les visites de haut niveau se sont multipliées ces dernières années, avec notamment la rencontre à Paris le 16 avril 2018 entre le président de la République et le Premier ministre Mme Jacinda Ardern, lors de laquelle a été adoptée une déclaration commune ( cf. infra ) marquant le renforcement de la coopération bilatérale pour une meilleure gouvernance mondiale, en s'appuyant sur quelques thèmes majeurs comme la lutte contre le changement climatique ou encore la promotion du multilatéralisme.
Les relations bilatérales militaires sont également dynamiques, au bénéfice de l'ensemble de l'Océanie ; les dernières consultations politico-militaires se sont ainsi tenues à Paris, en mars 2018. Les armées coopèrent régulièrement, en particulier dans le cadre de l'accord FRANZ 2 ( * ) (France, Australie, Nouvelle-Zélande) lors d'interventions humanitaires et de secours en cas de catastrophe naturelle dans la région, comme ce fut le cas dernièrement dans le cadre de l'éruption volcanique sur l'île d'Ambaé au Vanuatu. Cette coopération s'incarne également au travers du Quadrilateral Defence Coordination Group (QUAD, sous format FRANZ, qui inclut les États-Unis) dont la sécurité maritime demeure l'objet principal, en étroite liaison avec la Forum Fisheries Agency (FFA).
2. L'Union européenne souhaite renforcer ses relations stratégiques en Asie
D'abord perçue comme un bloc à vocation d'abord économique et commerciale dans la zone Asie-Pacifique, l'Union européenne (UE) cherche à renforcer son image d'acteur incontournable sur les enjeux politiques et de sécurité en Asie, en mettant notamment en avant son action dans certains domaines tels que la lutte contre les catastrophes naturelles, la sécurité maritime ou encore la lutte contre le terrorisme, secteurs dans lesquels la France est en pointe. De plus, l'Union veille à promouvoir son approche en matière de connectivité entre l'Europe et l'Asie alors que les pays asiatiques développent leurs propres initiatives telles les nouvelles routes de la soie, auxquelles votre commission a consacré un rapport en 2018 3 ( * ) .
L'Union européenne souhaite développer son impact en Asie en renforçant des relations globales comprenant une véritable dimension politique, notamment avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et quatre autres partenaires stratégiques (Chine, Corée, Japon et Inde).
Ainsi, pour donner une nouvelle dimension à sa relation avec l'ASEAN, l'UE participe chaque année à la réunion ministérielle de l' ASEAN Regional Forum (ARF) 4 ( * ) . Elle développe également la coopération dans le domaine maritime ; le séminaire UE-ASEAN sur la sécurité maritime s'est tenu pour la quatrième fois en septembre 2017 aux Philippines, avec une participation active de la France. Une forme similaire de dialogue avec la Chine sur les enjeux maritimes est également envisagée par le SEAE et soutenue par la France.
Avec la Chine, l'UE souhaite développer la dimension politique de son partenariat, conformément à la stratégie UE-Chine adoptée en juillet 2016. La Chine et l'UE travaillent également à identifier des synergies entre la stratégie chinoise des Nouvelles routes de la soie et les politiques européennes de développement des infrastructures de transports, au sein de la Plateforme UE-Chine sur la connectivité 5 ( * ) .
Dans ce contexte, le renforcement de la relation politique entre l'Union et la Nouvelle-Zélande, qui partagent une réelle communauté de valeurs, constitue un atout pour les deux parties.
La Nouvelle-Zélande est le premier État de la région Asie-Pacifique à avoir signé avec l'UE, en 2012, un accord cadre de participation dans les opérations de gestion de crise de l'UE ( Framework Participation Agreement ) : un avion de reconnaissance maritime des forces aériennes néo-zélandaises a ainsi été déployé au sein de l'opération PSDC EUNAVFOR ATALANTA entre le 24 octobre et le 6 novembre 2014. Par le passé, la Nouvelle-Zélande a également contribué aux opérations EUFOR Althéa en Bosnie-Herzégovine et EUPOL en Afghanistan.
3. La Nouvelle-Zélande souhaite renforcer ses relations avec l'Union européenne
La relation privilégiée entre la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, membres du Commonwealth, a longtemps semblé faire écran au développement d'une relation plus étroite avec l'Union européenne. Toutefois, le précédent et l'actuel gouvernement néo-zélandais ont fait savoir, après le référendum britannique de sortie de l'Union européenne, qu'ils privilégieraient désormais leur relation avec l'Union européenne, notamment au moyen de l'APRC UE-Nouvelle-Zélande et d'un accord de libre-échange UE-Nouvelle-Zélande 6 ( * ) . Lors de ces auditions, votre rapporteur a reçu confirmation de cet état d'esprit.
La Nouvelle-Zélande considère que son système politique et sa culture trouvent leurs racines en Europe, proximité renforcée par la fraternité d'armes développées dans tous les conflits majeurs, et notamment la Première Guerre mondiale. La communauté de valeurs entre la Nouvelle-Zélande et l'Union européenne est fondamentale : le respect et la défense de droits de l'Homme, de l'État de droit et de la défense de la paix, notamment par le soutien au multilatéralisme, sont des marqueurs forts des politiques communautaire et néo-zélandaise.
Dans cette perspective, paraissait nécessaire le renforcement de la relation au-delà de ce que prévoyait la déclaration conjointe de 2007 grâce à l'accord de partenariat sur les relations et la coopération UE-Nouvelle-Zélande. Celui-ci ouvre de nouveaux champs de coopération tels que la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (article 8), les armes légères et de petit calibre (article 9), la coopération judiciaire (article 29), la lutte contre la cybercriminalité (article 33), la migration et l'asile (article 35) ou encore la coopération dans les domaines de la culture, de l'audiovisuel et des médias (article 41).
En termes juridiques, l'accord revêt un caractère juridiquement contraignant, à la différence de la déclaration conjointe de 2007. Ceci implique notamment la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends entre les parties, détaillé à l'article 54 de l'accord. En outre, l'accord met en place à l'article 53 un comité mixte chargé de la mise en oeuvre de l'accord qui, assisté de sous-comités et de groupes de travail, permet des réunions régulières des hauts fonctionnaires de l'Union européenne et de la Nouvelle-Zélande et, ce faisant, une intensification de la relation bilatérale.
* 1 Ainsi, le 10 septembre 2016, après trois jours d'intenses négociations et des années d'attente, deux territoires ultra-marins, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ont acquis le statut de membre de plein droit du FIP. Cette évolution a fait l'objet d'un consensus des leaders du Pacifique et du soutien de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Vanuatu. Ceci est un indice extrêmement fort de la demande et de l'acceptation du rôle et du rayonnement de la France dans cette région. Cette étape est de plus essentielle pour ces territoires qui peuvent désormais construire des partenariats directs avec les pays et les États insulaires de la région.
* 2 L'accord FRANZ, datant de 1992, est un accord à vocation opérationnelle aux procédures volontairement peu formelles. Ses signataires s'engagent à échanger leurs informations afin d'assurer le meilleur usage de leurs ressources pour les opérations de secours à la suite de cyclones et autres désastres naturels dans la région. Mis en sommeil en raison du refroidissement des relations franco-néo-zélandaises et franco-australiennes à la suite de la reprise des essais nucléaires français de 1995, cet accord a été réactivé depuis la fin des années 90.
* 3 « Pour la France, les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? » Rapport d'information de M. Pascal ALLIZARD, Mme Gisèle JOURDA, MM. Édouard COURTIAL et Jean-Noël GUÉRINI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 520 (2017-2018) - 30 mai 2018.
* 4 Ainsi, depuis 2012, la Haute-représentante (Mme Ashton, puis Mme Mogherini) a participé à l'ARF. L'Union copréside certaines formations de l'ARF (diplomatie préventive ou, sur la période 2018-2020, sécurité maritime). La Haute-représentante a également participé en 2015 au Shangri-La Dialogue.
* 5 Il s'agit d'identifier des projets pouvant faire l'objet d'investissements conjoints en Europe et en Chine. L'Union européenne a présenté sa stratégie sur la connectivité entre l'Europe et l'Asie, sous la forme d'une communication conjointe de la Commission et du SEAE en juillet 2018 et de conclusions du Conseil en octobre.
* 6 Sans que cela n'empêche le gouvernement néo-zélandais de poursuivre l'approfondissement de sa relation bilatérale avec Londres.