SECONDE PARTIE -
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

Observations principales sur le programme

- Principal programme de la mission par le montant de ses crédits, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficie d'une augmentation de 13,7 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2018, pour atteindre au total 420 millions d'euros en CP en 2019.

- Le programme concentre à la fois l'essentiel de l'augmentation de crédits de la mission et la totalité de l'augmentation du plafond d'emplois de la mission, soit + 132 ETPT . 122 nouveaux emplois seront ainsi affectés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), les 10 restants iront aux juridictions administratives.

- En 2019, les crédits de la CNDA atteindront un niveau inédit, à 36,8 millions d'euros en CP (hors crédits de l'action 06 « Soutien »), afin de faire face à l'accroissement considérable du contentieux de l'asile . En effet, la CNDA est l a première juridiction administrative française en termes de requêtes traitées (47 814 à la fin 2017).

- Malgré les efforts d'économies liés à la dématérialisation croissante des procédures, les frais de justice augmentent en 2019, en raison d'une hausse des dépenses pour l'interprétariat, corrélée à la progression du contentieux de l'asile.

- La concentration des moyens supplémentaires sur la CNDA ne doit pas susciter un effet d'éviction au détriment des autres juridictions administratives . En effet, celles-ci font également face à une augmentation des affaires entrantes, globalement supérieure au rythme des sorties, et les délais moyens de jugements tendent à se dégrader pour 2019.

Regroupant 61,7 % des crédits de la mission, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » a pour objet de garantir le respect du droit par les administrations , à travers les fonctions contentieuses et consultatives de ses 51 juridictions non spécialisées 2 ( * ) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) , juridiction administrative spécialisée, rattachée au programme 165 depuis 2009.

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE DANS UN CADRE BUDGÉTAIRE PLUS CONTRAINT

Principal programme de la mission par le montant de ses crédits - 420 millions d'euros - le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » est aussi le plus concerné par les évolutions de crédits présentées dans le PLF pour 2019, tandis que les crédits des autres programmes sont quasi-stables ou progressent très faiblement.

1. Un abondement de crédits non prévu par la programmation pluriannuelle

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, le programme 165 bénéficie d' une ouverture de crédits supplémentaires d'environ 13,7 millions d'euros pour les crédits de paiement (CP) et de 63 millions d'euros pour les autorisations d'engagement (AE).

Cet abondement dépasse cependant les montants inscrits dans la programmation pour les années 2018-2022, d'environ 8,3 millions d'euros en CP et de 75,6 millions d'euros en AE, alors que la trajectoire prévoyait une augmentation progressive des CP jusqu'en 2022. Cet écart est justifié par une accélération du renforcement des moyens de la CNDA en parallèle de l'accélération de la hausse des affaires entrantes devant cette même juridiction ces dernières années.

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 165

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LPFP

419

405

408

412

473

416

401

420

446

426

Crédits ouverts (loi de finances)

420

406

483

420

Écart

1,1

1

75,6

8,35

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Les crédits progressent dans l'ensemble des titres de dépenses. Celles de titre 2 augmentent de 3,8 %, en raison de l'impact du schéma d'emplois (+ 9,8 millions d'euros), mais aussi d'un glissement vieillesse-technicité (GVT) solde de + 1,5 million d'euros et du report en 2019 de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ( PPCR) pour les 3 269 ETP concernés (+ 0,37 million d'euros ).

2. Une participation plus rigoureuse à la maîtrise des dépenses
a) Le maintien de la mise en réserve des crédits pour la deuxième année consécutive

Depuis la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2005 , le programme 165, à l'instar du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » , était exonéré de mise en réserve en début de gestion 3 ( * ) .

Cependant, cette exonération n'empêchait pas le Conseil d'État de contribuer à la solidarité interministérielle et ainsi au respect de la norme de dépenses, aussi plusieurs gels puis annulations de crédits sont intervenus rien que sur l'année 2017.

Le Gouvernement a toutefois mis fin à cette dérogation en 2018 et a ainsi procédé à un gel des crédits en début d'exercice 2018 atteignant le seuil maximal du taux de mise en réserve fixé par circulaire 4 ( * ) - 0,5 % pour les dépenses de titre 2 et 3 % pour les autres titres, soit au total 4,2 millions d'euros en AE et 3,7 millions d'euros en CP.

Pour 2019, une partie des crédits du programme 165 devrait également faire l'objet d'une mise en réserve.

b) Une hausse des frais de justice malgré la poursuite des économies sur ce poste

Les juridictions administratives s'efforcent par ailleurs de réduire leur frais de fonctionnement, notamment les frais de justice , à travers la dématérialisation croissante des procédures.

Le développement des téléprocédures devant les juridictions administratives

Après l'extension de l'application Télérecours et son utilisation obligatoire par les avocats et les administrations , le Conseil d'État a déployé en 2018 son équivalent pour les justiciables non représentés - « Télérecours citoyens » - afin de faciliter leurs échanges avec les juridictions administratives. Son usage n'est en revanche pas obligatoire.

Les modalités d'utilisation de « Télérecours citoyens » ont été précisées dans le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 . L'application a été déployée le 7 mai 2018 dans trois juridictions pilotes : les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun et la section du contentieux du Conseil d'État. Le 6 septembre 2018, l'application comptait déjà 870 inscrits et a servi au dépôt de 272 requêtes. Elle sera étendue aux cours administratives d'appel et aux autres tribunaux administratifs le 30 novembre 2018.

Le rattachement de Télérecours à la Cour nationale du droit d'asile est par ailleurs à l'étude, et devrait intervenir à l'occasion d'une refonte de l'application à la fin de l'année 2019.

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Si le développement puis la généralisation obligatoire des téléprocédures pour les avocats et les administrations en 2017 a permis des économies significatives sur les frais de justice (frais postaux notamment), peu de nouvelles marges semblent désormais exister pour les années à venir.

En effet, l'utilisation de Télérecours pour les citoyens non représentés ( 12 % des recours devant les cours administratives d'appel et 38 % des recours devant les tribunaux administratifs ) reste facultative et ne devrait donc pas concerner un aussi grand nombre d'affaires que celles portées par les avocats et les administrations. Le Conseil d'État estime que des économies sur les frais de justice générées par « Télérecours citoyens » atteindraient près de 0,35 million d'euros à l'horizon 2022.

Gains réalisées par les téléprocédures sur les frais de justice

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (PLF)

Frais de justice - dotation en LFI

12,9

14,25

12,3

11,85

9,7

10,14

12,75

Frais de justice - consommation

11

11,2

9,9

9,3

8,8

9,5

-

Économies réalisées par les téléprocédures - estimations

0,023

0,85

2,5

2,7

3,1

non disponible

non disponible

Source : commission des finances, d'après les réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

La dotation pour les frais de justice devrait augmenter en 2019 et rattraper le niveau d'il y a cinq ans, en raison de la hausse des entrées devant la CNDA, nécessitant des dépenses croissantes pour l'interprétariat.


* 2 Il s'agit du Conseil d'État, des 8 cours administratives d'appel et des 42 tribunaux administratifs.

* 3 Lettre du Premier ministre adressée au vice-président du Conseil d'État du 25 mai 2005.

* 4 Circulaire du 29 novembre 2017 relative à la mise en oeuvre des mesures visant à assurer le respect en gestion du plafond de dépenses global de la loi de finances initiale 2018.

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