LES MODIFICATIONS
APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a minoré les crédits de la mission de 3 926 euros.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 73
Revalorisation de
l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère des conjoints
survivants d'anciens membres des formations supplétives
Commentaire : le présent article vise à préciser la rédaction de l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 fixant le régime de l'allocation de reconnaissance en faveur des rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés et à revaloriser de 400 euros l'allocation viagère versée à leurs conjoints et ex-conjoints survivants issus d'un mariage ou d'un pacte civil de solidarité
I. LE DROIT EXISTANT
La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés , a fixé le régime de reconnaissance de la France envers les harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie et ayant fixé leur domicile en France.
Ce régime inclut l'attribution d'une allocation de reconnaissance dont les conditions ont été fixées par l'article 6 de la loi.
Celui-ci dispose que la reconnaissance de la Nation envers les harkis et anciens supplétifs prend notamment la forme d'une l'allocation de reconnaissance qui peut être versée selon les différentes modalités suivantes telles qu'elles se sont trouvées revalorisées par la loi de finances pour 2018 21 ( * ) :
- soit une allocation annuelle de 3 663 euros indexée sur l'inflation ;
- soit une allocation annuelle de 2 555 euros indexée sur l'inflation, complétée du versement d'un capital de 20 000 euros ;
- soit le versement, en lieu et place de l'allocation annuelle de reconnaissance, d'un capital de 30 000 euros.
Le bénéfice de cette allocation de reconnaissance qui est réversible et pouvait même être accordée aux successeurs du bénéficiaire, avait été borné dans le temps. L'article 52 de la loi n° 2013-158 du 23 février 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 avait mis en place une forclusion à sa date d'entrée en vigueur. Aucune nouvelle demande d'allocation de reconnaissance ne pouvait plus être déposée depuis le 20 décembre 2014.
Celle-ci devait être assouplie par l'article 133 de la loi de finances pour 2016 (loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015), qui a surmonté les effets restrictifs de cette forclusion pour les bénéficiaires potentiels en prévoyant la création d'une nouvelle allocation, l' allocation viagère due aux conjoints survivants et ex-conjoints survivants en faisant la demande dans certaines conditions 22 ( * ) , mais dont la réversibilité aux descendants n'est pas prévue.
Le montant de ces allocations est indexé sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac) par arrêté.
Les différentes allocations mentionnées bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée (CSG).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
En premier lieu, il est proposé de modifier la rédaction de l'article 6 de la loi n° 2005-158 afin de clarifier le régime de l'allocation de reconnaissance. C'est l'objet du I de l'article.
Le II assure la coordination des dispositions fiscales et sociales (articles 81 du code général des impôts et article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale), qui ménage les exonérations mentionnées plus haut.
En second lieu, il est proposé d'appliquer aux trois allocations mentionnées une revalorisation unitaire de 400 euros si bien que :
- l'allocation prévue au deuxième alinéa du I de l'article 6 de la loi de 2005 (option « hors capital ») passerait à 4 109 euros ;
- celle prévue par le troisième alinéa (option « complément de capital ») passerait à 2 987 euros ;
- enfin, l'allocation viagère prévue par l'article 133 de la loi de finances pour 2016 passerait à 4 109 euros.
On relève que l'adoption de l'article entraînerait, en réalité, une augmentation apparente des montants concernés de plus de 400 euros par rapport aux montants résultant de la revalorisation opérée par la dernière loi de finances. Cette situation résulte du fait que l'application de la mesure de revalorisation concernerait des montants qui ont fait l'objet, entre-temps, d'une revalorisation par arrêté conforme aux règles d'indexation ordinaire des allocations de reconnaissance.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le Sénat, avec tout l'appui de sa commission des finances, a constamment manifesté sa volonté de renforcer la reconnaissance de la Nation envers les harkis.
Il ne peut que souscrire à la revalorisation des allocations proposée par le présent article en faisant valoir cependant quelques observations qui constituent autant de demandes adressées au Gouvernement.
La situation des harkis est, on le sait, souvent particulièrement difficile et il en va de même de leurs veuves ou de leurs descendants.
Les conditions financières que le devoir de reconnaissance tel qu'il est accompli leur réserve sont minimales et très incomplètes.
Il faut certes se féliciter de l'augmentation entreprise.
Mais, force est de reconnaître qu'elle n'aboutit au mieux qu'à porter à 342 euros par mois les subsides issus des allocations.
Par ailleurs, le jeu des forclusions conduit à des situations pénibles. La progression des bénéficiaires de l'allocation viagère (voir infra ) est freinée par la rigueur des délais de forclusion appliqués, la demande devant être présentée dans un délai d'un an à compter du décès du titulaire direct de l'allocation de reconnaissance tandis que pour les veuves des harkis décédés avant l'entrée en vigueur de la loi la forclusion avait été fixée au 31 décembre 2016. Il semble que 81 dossiers aient été rejetés par l'ONAC du fait de cette dernière forclusion.
Ces éléments, mis en regard des souffrances particulièrement fortes subies par les harkis tant en Algérie qu'en France à l'issue de la guerre d'Algérie plaident pour une amélioration plus franche de nos témoignages de reconnaissance d'autant que l'effort financier de la Nation envers les harkis n'est pas de nature à mettre en péril nos finances publiques, loin de là.
D'après le rapport de M. Dominique Ceaux consacré aux actions de mémoire et de reconnaissance en faveur des harkis publié en juillet 2018, le nombre des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance correspondant à la loi de 2005 était au 1 er août 2017 de 5 276 personnes, dont 3 624 harkis et 1 652 veuves de harkis décédés. Le nombre des bénéficiaires au titre de la descendance n'est pas précisé. Cet effectif connaît une attrition spontanée le recul de la population bénéficiaire de 2017 à 2018 ayant atteint 200 personnes. Le coût du dispositif (15,4 millions d'euros en 2017) tendrait à se réduire fortement n'étaient les revalorisations décidées par le Parlement, qui conduisent à le stabiliser autour d'un montant de 15 millions d'euros. La population des bénéficiaires est d'un âge moyen de 78 ans et le dispositif devrait d'éteindre en 2040 environ.
L'effectif prévisionnel des bénéficiaires en 2019 est estimé à 5 811 personnes (harkis, conjoints et ex-conjoints).
Cet effectif se répartirait selon les catégories suivantes :
- 424 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 3 709 euros prévue au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;
- 4 588 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 2 587 euros prévue au troisième alinéa de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;
- 799 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 3 709 euros prévue à l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 modifiée.
La charge supplémentaire, qui s'élèverait à 2,3 millions d'euros par an correspond à l'effectif prévisionnel (5 811 bénéficiaires), multiplié par le montant de la revalorisation des allocations concernées (400 euros).
Votre rapporteur spécial observe que le mécanisme d'indexation qui était jusqu'à présent encadré par la loi serait laissé à l'initiative du Gouvernement. Cette évolution résulterait d'une demande du Conseil d'État, aboutissant à consacrer un partage entre la loi et le règlement susceptible de conférer à celui-ci une latitude excessive. Cette justification ne convainc guère votre rapporteur spécial. Il souhaiterait qu'elle puisse être confirmée par les conseils juridiques du Gouvernement. Dans la mesure où les pratiques d'indexation mises en oeuvre posent d'incontestables problèmes, il apparaît à tout le moins souhaitable que les rapporteurs spéciaux de la mission soient informés régulièrement des décisions prises sous cet angle.
Proposition de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 21 Votre commission des finances avait recommandé l'adoption de la mesure alors proposée qui consistait à appliquer aux diverses allocations exposées dans le présent I une revalorisation unitaire de 100 euros.
* 22 Voir le rapport spécial n° 164-Tome III-Annexe 5, Sénat, commission des finances, 9 novembre 2015, page 38, Marc Laménie.