B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La mise en place de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) et de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC)
Les domaines de la santé, de la culture, du sport et de la vie associative relèvent de la vie de campus. La vie de campus est un espace-clef dans la mesure où elle favorise l'épanouissement de chacun, multiplie et renforce les liens de solidarité entre les individus, induit un sentiment d'appartenance et est susceptible de favoriser la réussite des étudiants.
Aussi, pour amplifier le développement de toutes ces politiques d'établissement dans le domaine de la vie de campus, la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants crée la CVEC : « une contribution destinée à favoriser l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d'éducation à la santé réalisées à leur intention ».
L'objectif de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) est d'assurer des moyens financiers supplémentaires aux établissements d'enseignement supérieur pour qu'ils développent les actions déjà menées et le cas échéant en créent de nouvelles en matière de vie étudiante et vie de campus. La CVEC va donc contribuer directement à l'amélioration des conditions de vie et d'études et à la dynamisation de la vie de campus.
Dans son alinéa 25, l'article 29 du projet de loi de finances pour 2019 introduit la CVEC dans la liste des taxes affectées et plafonne son produit à 95 millions d'euros, sur la base d'un taux de recouvrement d'environ 70 %.
Ce plafonnement signifie que jusqu'à 95 millions d'euros, le produit de la taxe sera affecté au CNOUS qui répartira ensuite le produit entre les CROUS et les établissements; mais que les sommes collectées au-delà des 95 millions d'euros seront reversées au budget général de l'État.
Dans la mesure où la collecte 2018 semble d'ores et déjà s'établir autour de 115-120 millions d'euros, une vingtaine de millions collectés sur les revenus des étudiants pourraient ainsi abonder le budget de l'État et participer à l'équilibre des finances publiques.
Votre rapporteur estime que l'argent ainsi collecté doit être intégralement affecté à la vie étudiante.
Il se félicite que la ministre de l'enseignement supérieur, conjointement avec son collègue chargé des comptes publics, s'est engagée à réévaluer le plafond fixé par l'article 29 du projet de loi de finances pour 2019 si le produit de la CVEC venait à dépasser le plafond de 95 millions d'euros.
Il estime nécessaire que le plafond de cette taxe affectée soit réévalué et amendé par le Gouvernement dès le projet de loi de finances pour 2019.
2. Des aides directes : des montants largement modifiés en gestion
Le dispositif d'aides sociales en faveur des étudiants dont les crédits sont rassemblés dans l'action 1 du programme 231 a un rôle essentiel. Il a pour objectif d'améliorer les conditions de réussite des étudiants issus de familles les moins favorisées et des classes moyennes tout en réduisant la nécessité pour ces jeunes de travailler concurremment à leurs études.
Les crédits de l'action 01 consacrée aux aides directes paraissent globalement stables (- 0,3 %) dans le présent projet de loi de finances comme l'année dernière (+ 0,3 %). Néanmoins, il s'agit d'une stabilité en trompe-l'oeil, masquant en gestion des annulations très conséquentes.
En effet, en gestion, le Gouvernement a annulé sur le programme 231 plus de 56 millions.
En effet, cette stabilité intégrait l'année dernière et l'année d'avant comme votre rapporteur l'avait déjà souligné une surbudgétisation manifeste de l'ARPE 17 ( * ) .
Une annulation de 56 millions sur le programme 231 concerne plus 2,5 % des crédits qui manifestement n'étaient pas utiles ou pas consommés.
3. ... dont les procédures de contrôle laissent toujours à désirer
Dès lors, les observations que votre rapporteur spécial a formulées dans un récent rapport d'information 18 ( * ) au sujet du désolant manque de contrôle entourant l'octroi des bourses restent d'actualité .
Ce rapport montrait à quel point les modalités très variables en vertu desquelles le contrôle était réalisé ne garantissaient ni une égalité de traitement entre les étudiants, ni l'attestation du « service fait ». La procédure est par ailleurs trop longue et segmentée, ce qui crée une dilution des responsabilités et des délais de retour des informations bien trop importants. Ses principales recommandations sont rappelées dans l'encadré suivant.
Les principales recommandations du rapporteur
spécial
Pour garantir une plus grande équité entre les étudiants et attester du « service fait » : 1. Définir plus précisément les modalités du contrôle d'assiduité attendu des établissements d'enseignement supérieur au niveau national. 2. Développer un véritable contrôle d'assiduité des étudiants, y compris dans les universités, en : - concentrant le contrôle d'assiduité aux cours sur les travaux dirigés et les travaux pratiques (par opposition aux cours magistraux) et en faire un critère obligatoire pour poursuivre le versement de la bourse sur critères sociaux. Le recours aux nouvelles technologies (cartes multiservices avec système de badge, système d'information permettant aux enseignants d'informer directement le service administratif des étudiants absents) pourrait être envisagé ; |
- exigeant que la condition de présence aux examens implique l'émargement par l'étudiant à toutes les épreuves de fin de semestre. 3. En l'absence de contrôle régulier d'assiduité aux cours, coupler l'obligation de présence à tous les examens à celle de résultat, en obtenant, par exemple, une moyenne minimale ou un certain nombre de crédits ECTS à chaque semestre. Il pourrait également être envisagé que, dans certains cas, l'assiduité de l'étudiant comme condition de maintien des droits à bourse soit remplacée par une simple obligation de résultat minimal. Pour raccourcir les délais de la procédure actuelle et suspendre au plus vite les bourses d'étudiants non assidus (la récupération des sommes indûment versées s'avérant très difficile) : 4. Rendre effectif le contrôle de l'inscription pédagogique des étudiants boursiers au-delà d'une date préalablement définie et qui pourrait se situer vers la fin du mois de novembre pour le premier semestre. Le cas échéant, lorsque le calendrier universitaire le permet, subordonner le premier versement de la bourse à l'inscription pédagogique de l'étudiant. 5. Développer l'interfaçage et la synchronisation entre les logiciels APOGEE et AGLAE afin notamment que l'inscription pédagogique de l'étudiant boursier dans son université soit automatiquement remontée vers les Crous. Plus globalement, améliorer les systèmes d'information afin d'automatiser davantage les contrôles et limiter les interventions humaines répétées (listes à remplir et à pointer notamment). 6. Permettre une gestion plus fluide et continue, en prévoyant notamment la possibilité pour les universités de suspendre elles-mêmes le versement des bourses (comme c'est déjà le cas pour les lycées et certaines écoles). 7. Étudier la possibilité de transférer des rectorats vers les Crous la gestion des bourses sur critères sociaux et autres aides sociales directes relevant du programme 231 « Vie étudiante ». Pour inciter les différents acteurs au développement d'un contrôle d'assiduité effectif : 8. Faire du contrôle d'assiduité des étudiants boursiers un réel critère d'évaluation de la performance des différents acteurs. 9. Créer un indicateur de performance au sein du programme 231 « Vie étudiante », par exemple en mesurant le temps nécessaire pour le retour des informations par les établissements d'enseignement supérieur ou en calculant le taux de retours obtenus par les Crous à une certaine date. Pour mettre un terme aux abus prolongés : 10. Interdire l'attribution d'une nouvelle bourse à l'étudiant non assidu qui ferait l'objet d'un ordre de reversement et n'aurait pas remboursé les sommes indûment versées. 11. Ne pas permettre à un étudiant déclaré non assidu de bénéficier d'un nouveau droit à bourse pour suivre la même formation. Pour éviter les étudiants inscrits par défaut et « décrocheurs » dans certaines formations : 12. Faire de l'orientation des étudiants un axe réellement prioritaire de l'action du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. |
En réponse, le ministère chargé de l'enseignement supérieur avait simplement indiqué partager « pleinement le souci affiché d'un contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers », sans pour autant s'engager sur la voie de la mise en oeuvre des préconisations du rapport ou, simplement, de la moindre mesure concrète. Cette inaction coupable n'est ni un facteur de maîtrise budgétaire ni un facteur d'équité.
4. Le logement étudiant, une priorité pour développer la mobilité
Enfin, en complément des crédits du présent programme et à la suite du « Plan 40 000 » qui visait à créer 40 000 nouveaux logements étudiants pendant le quinquennat précédent 19 ( * ) , le Gouvernement a annoncé un plan de construction de 60 000 nouveaux logements 20 ( * ) pour les étudiants.
Le financement de ce nouveau plan est prévu dans le Grand Plan d'Investissement de 57 milliards d'euros. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, 22 000 places ont déjà été identifiées et devraient pouvoir être livrées entre le 1 er janvier 2018 et le 31 décembre 2020.
Votre rapporteur spécial soutient cette démarche, le développement des logements étudiants est un élément essentiel pour favoriser la mobilité des étudiants.
Il se félicite de la mise en place de deux innovations pratiques qui devraient faciliter l'obtention d'un logement par les étudiants :
- d'une part, la création d'un « bail mobilité », contrat de location d'une durée d'un à dix mois qui ne nécessitera pas de dépôt de garantie et qui favorisera la colocation étudiante par une clause de non-solidarité entre locataires ;
- d'autre part, la généralisation du dispositif Visale , système de caution locative gratuite et dématérialisée, garantie par l'État et accessible à tout étudiant quels que soient ses ressources et le type de logement qu'il occupe.
* 17 Rapport général n° 140 (2016-2017), Tome III, annexe 25.
* 18 Rapport d'information n° 729 (2015-2016).
* 19 De fait, quelque 40 391 places nouvelles ont été créées pendant cette période, dont, comme prévu, près de la moitié (19 904) sont situées en Ile-de-France.
* 20 Ce plan prévoit également la création de 20 000 places pour les « jeunes actifs ».