II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Des effectifs à la hausse
a) La création de 568 postes pour la justice judiciaire
Les dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » ont augmenté de 3,6 % , atteignant 2,27 milliards d'euros. Cette augmentation est supérieure à celle de l'an dernier (+ 3 %). Elle est la conséquence logique du schéma d'emplois. En effet, le projet annuel de performance prévoyait la création nette de 600 emplois ; au total, 568 postes nets ont été créés , contre 751 en 2016. En particulier, 209 postes de magistrats ont été créés contre 215 l'an dernier. Le schéma d'emploi concernant les métiers du greffe a été sous-exécuté (383 postes créés contre 465 prévus), afin, d'après le rapport annuel de performance, de compenser la sur-exécution de 2016.
Le plafond d'emplois (32 748 ETPT) a été respecté et l'on observe que l'écart entre ce plafond et la réalisation se resserre, par rapport aux années précédentes.
Évolution comparée du plafond d'emplois
et de la réalisation
sur le programme 166 « Justice
judiciaire »
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Le taux d'exécution des dépenses de personnel est quasiment identique à celui de 2016 et atteint 98,5 %.
Évolution de la prévision et de la
consommation des dépenses de personnel
du programme 166
« Justice judiciaire »
(en millions d'euros) (en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
b) Une difficulté persistante à recruter des surveillants pénitentiaires
Concernant le programme « Administration pénitentiaire », les dépenses de personnel sont en hausse de 6,1 % et atteignent 2,34 milliards d'euros . Leur taux d'exécution par rapport à la loi de finances s'élève à 99,4 %.
Évolution de la prévision et de la
consommation des dépenses de personnel
du programme 107
« Administration pénitentiaire »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
La difficulté à pourvoir les postes de surveillant pénitentiaire persiste : seuls 82 % des postes prévus dans le schéma d'emploi ont été pourvus. Le rapport annuel de performance pointe ainsi « des difficultés à recruter et à fidéliser » ces personnels. Plus précisément, « le taux de présence au concours n'excède pas le tiers des inscrits » et « 68 % des admissibles ne se présentent pas aux épreuves d'admission ». De plus, « 77 % des admis entrent effectivement à l'école » et « le taux de démission en cours de scolarité est relativement élevé : entre 8,3 % et 9,9 % des agents ne valident par leur formation, essentiellement par démission ».
Ce taux de 82 % est néanmoins bien meilleur qu'en 2016 , où il ne s'élevait qu'à 57 %. Ainsi, 722 postes de surveillants ont été créés, contre 507 en 2016.
Réalisation du schéma d'emploi des
surveillants pénitentiaires
en 2016 et 2017
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
2. Une diminution des frais de justice
Les frais de justice constituent l'un des enjeux budgétaires de la mission « Justice », du fait des difficultés à les piloter, de leur montant (un demi-milliard d'euros) et d'une sous-budgétisation récurrente.
En 2017, ils se sont élevés à 496 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 55 millions d'euros (- 10 %) par rapport à 2016. Ainsi, pour la première fois depuis 2012, les frais de justice s'orientent véritablement à la baisse .
Le montant exécuté demeure néanmoins supérieur de 27 millions d'euros par rapport aux prévisions , soit une sur-exécution qui, bien qu'en diminution, demeure très proche de celle de l'an dernier (34 millions d'euros).
Évolution des frais de justice depuis 2014
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Cette diminution des frais de justice doit cependant être relativisé : elle est observée après une année 2016 où la hausse avait été particulièrement importante (+ 75 millions d'euros) et le montant 2017 est supérieur à celui de 2015.
Plus précisément, les frais de justice commerciale diminuent de 14 millions d'euros (- 21 %), mais des erreurs d'imputation avaient conduit à une minoration de la dépense en 2015 et à sa surestimation en 2016. De même, le projet annuel de performance prévoyait que la mise en oeuvre complète en année pleine de la plate-forme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ) permettrait des économies importantes, qui se limitent pour l'instant à 8 millions d'euros, alors même que 5 millions d'euros de factures avaient été reportés sur 2016. À l'inverse, on peut se réjouir que les frais d'interprétariat diminuent de 9 millions d'euros et les honoraires juridiques de près de 10 millions d'euros .
Enfin, les restes à payer diminuent, mais demeurent à un niveau important (73,4 millions d'euros).
3. L'aide juridictionnelle : une augmentation importante en lien avec la réforme de 2015
Le protocole d'accord signé le 28 octobre 2015 par le ministère de la justice et les représentants de la profession d'avocat a modifié le fonctionnement de l'aide juridictionnelle : en particulier, l'unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats a été augmentée, la modulation géographique de cette rétribution a été supprimée et le barème de cette rétribution a été revu. De plus, la présence d'un avocat lors de la garde à vue d'un mineur est désormais obligatoire.
Il résulte de ces évolutions que les dépenses au titre de l'aide juridictionnelle sont en hausse. Elles ont ainsi augmenté de 12 % en 2017 par rapport à 2016 et atteignent 342,4 millions d'euros . Cette évolution a cependant été relativement bien anticipée lors de la budgétisation : les crédits de la loi de finances initiale étaient en hausse de 10 %.
Évolution des dépenses d'aide juridictionnelle
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
L'évolution de cette dépense devra être particulièrement suivie en 2018, lorsque l'ensemble des effets de la réforme de 2015 se feront sentir en année pleine.
Le programme de construction d'établissements pénitentiaires : un pur affichage qui impacte l'exécution de l'ensemble de la mission
L'exécution des AE hors dépenses de personnel de la présente mission est relativement basse et atteint à peine 69 %. Ce chiffre s'explique par le taux d'exécution du programme 107 « Administration pénitentiaire », limitée à 56 %. En excluant cette ligne, le taux d'exécution de la mission serait de 91 %.
Plus précisément, les AE des dépenses d'investissement (titre 5) du programme « Administration pénitentiaire » ont un taux d'exécution d'à peine 34 % . Par ailleurs, cette consommation d'AE est sensiblement supérieure à celle de 2016 (3,7 fois plus).
L'explication de ce chiffre est à trouver dans l'avancement du programme de construction d'établissements pénitentiaires annoncé en octobre 2016 148 ( * ) . Une enveloppe de près de 1,2 milliards d'euros était ainsi ouverte en AE. Mais comme le notait votre rapporteur spécial, ces AE n'étaient assorties de quasiment aucun CP : « grâce à ce subterfuge, le Gouvernement peut annoncer un programme immobilier ambitieux sans dégrader le déficit public. Il autorise ainsi l'administration pénitentiaire à initier les recherches de terrain et à engager les dépenses afférentes ; charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer ».
En définitive, sur les 1 157,7 millions d'euros d'AE ouvertes en 2017, 1 110,8 millions d'euros (96 %) ont été reportés en 2018. Ainsi, les crédits annoncés à l'automne 2016 par l'ancien Gouvernement n'étaient qu'un pur affichage . Le lancement du programme permet néanmoins d'avoir un niveau de crédits consommés supérieur à celui de 2016.
* 148 Programme d'encellulement individuel (PEI), désormais dénommé programme « 15 000 places ».