III. AUDITION DE REPRÉSENTANTS DES ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES DES SALARIÉS
___________
Réunie le mercredi 20 juin 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend les organisations représentatives des salariés.
M. Alain Milon , président . - Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la liberté de choisir son avenir professionnel que nous examinerons, en commission la semaine prochaine et en séance publique la semaine du 9 juillet prochain. Nous accueillons ce matin les organisations représentatives des salariés : M. Philippe Debruyne et Mme Chantal Richard de la CFDT ; MM. Éric Courpotin, Maxime Dumont, Mme Aline Mougenot et M. Michel Charbonnier de la CFTC ; M. Jean-François Foucard et Mme Laurence Matthys de la CFE-CGC ; MM. Denis Gravouil et Lionel Lerogeron de la CGT et Mme Karen Gournay de FO.
Je les remercie d'avoir répondu à notre invitation et je vais donner la parole à chaque organisation pour 10 minutes d'exposé introductif. Je donnerai ensuite brièvement la parole à nos rapporteurs qui vous déjà ont reçus dans le cadre de leurs auditions, puis aux commissaires qui souhaitent vous interroger.
M. Philippe Debruyne (CFDT). - Ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel nous a été présenté par le Gouvernement comme le volet « sécurisation » des réformes en cours sur l'emploi. Selon lui, ce texte présentait deux aspects : un relatif à la formation professionnelle, incluant notamment l'apprentissage et l'assurance chômage ; et un second traitant de plusieurs mesures relatives à l'emploi, notamment la problématique spécifique des travailleurs des plateformes, du handicap, des questions d'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Sur le premier aspect - formation professionnelle, apprentissage et assurance chômage - l'ambition affichée du gouvernement était de répondre aux mutations en cours, qu'elles soient technologiques, numériques ou écologiques, affectant l'économie et les mutations du travail. Cette ambition s'articule autour de trois axes : la lutte contre le chômage de masse, la question de la transition professionnelle et l'avènement d'une société de la compétence.
Nous pouvions nous retrouver sur ces objectifs. C'est la raison pour laquelle la CFDT s'est engagée dans l'ensemble des concertations et négociations qui ont eu lieu avant le dépôt du projet de loi.
Nous avons souhaité aborder ces négociations dans une démarche systémique, à la différence du Gouvernement qui privilégiait une approche public par public. En outre, nous visions à construire des réponses pertinentes, sur l'accès aux droits des publics les plus fragiles notamment.
La difficulté à laquelle nous avons été confrontés dans ces négociations alors que certains diagnostics étaient partagés par l'ensemble des partenaires sociaux, a résidé dans les arbitrages forts, voire les préjugés du Gouvernement qui ne procédaient pas du diagnostic partagé.
En outre, le Gouvernement avait une approche très cloisonnée. Nous avons essayé d'apporter des éléments de cohérence. Je citerai deux exemples en lien avec la négociation sur l'assurance chômage et la formation professionnelle : la question des transitions professionnelles et celle de la pédagogie de l'alternance. Pour nous, il ne s'agit pas de s'interroger uniquement sur le financement de ce dispositif, son montant et son pilotage. Il est nécessaire de réfléchir aux stratégies à mettre en place, au développement de compétences qui soient adaptés aux futurs enjeux de la société.
Au final, nous voyons quelques éléments positifs dans cette réforme globale, qui va au-delà de ce projet de loi. Je pense notamment à la formation des demandeurs d'emploi et des réformes autour du plan d'investissement dans les compétences. J'ai toutefois une réserve sur ce point : pour l'année 2017, ce plan d'investissement dans les compétences est largement financé par les partenaires sociaux. Pour autant, il est mis en oeuvre dans le cadre des contractualisations entre les régions et l'État, sans association des partenaires sociaux. Nous nous interrogeons ainsi sur la place des partenaires sociaux dans la construction de ces pactes régionaux pour les prochaines années.
Une autre avancée positive concerne la réforme de l'apprentissage. Cette dernière doit, pour nous, s'inscrire dans les réflexions sur les pédagogies de l'alternance et concerner tous les publics : les jeunes, les salariés, les demandeurs d'emploi, et s'articuler autour du développement des compétences.
Si nous constatons des avancées majeures sur les principes, des questions persistent sur les dimensions opérationnelles. En outre, il nous semble essentiel, pour une réforme réussie, de se concentrer sur la manière de mieux accompagner les apprentis, et ne pas se concentrer uniquement sur les questions de financement ou les jeux de pouvoirs.
Le troisième point positif de cette réforme - que l'on doit à la négociation collective - est l'accompagnement des transitions professionnelles. Le présupposé de l'exécutif est qu'il suffirait de construire un droit à la démission pour construire les transitions professionnelles. Nous nous sommes battus dans le cadre des négociations sur la formation professionnelle et l'assurance chômage pour que, si ce droit existe pour les démissionnaires, l'accent soit mis, pour les personnes en emploi, sur la mobilisation du compte personnel de formation pour des projets de transition professionnelle.
En outre, face à la volonté du Gouvernement de désintermédier, nous avons obtenu le principe du financement du conseil en évolution professionnelle pour tous. Il reste néanmoins à aller jusqu'au bout des questions de financement, d'accompagnement et de droit effectif à la transition professionnelle.
En revanche, nous avons des désaccords de philosophie générale et de choix structurels sur deux sujets : il s'agit tout d'abord de la volonté du gouvernement de désintermédier la formation professionnelle. L'idée selon laquelle, il suffit de monétiser le CPF (compte personnel de formation) et d'instaurer une application numérique pour que l'accès à la formation professionnelle soit simplifié est fausse. Il est nécessaire d'accompagner ces personnes, que ce soit au niveau interprofessionnel dans l'accompagnement au plus près des territoires, ou dans le cadre du dialogue social dans l'entreprise, afin de co-construire la sécurisation des parcours.
L'autre différence d'approche concerne la simplification, essentiellement abordée par le Gouvernement sous l'angle de la « tuyauterie », et non pas de la gouvernance. Ainsi, cette simplification devait aboutir à une seule cotisation pour la formation professionnelle et l'apprentissage. Le texte adopté par l'Assemblée nationale maintient les deux cotisations et les éléments de simplification ne sont pas si évidents. En outre, ces éléments de tuyauterie ont été mis en place à partir de l'agence France Compétences. Or, il reste un angle mort important portant sur la mise en oeuvre concrète dans les territoires et les entreprises de cette réforme.
Pour que cette réforme aboutisse, trois points nous paraissent essentiels -c'est le message que nous portons depuis plusieurs semaines. Il s'agit tout d'abord de construire les conditions opérationnelles de sa réussite : comment faire vivre les droits ? En outre, il est nécessaire d'avoir une approche globale et un portage politique de cette réforme. Elle ne peut se réduire à réfléchir à la seule tuyauterie financière. Par ailleurs, la dimension territoriale reste aujourd'hui la grande oubliée. Nous avons essayé de travailler sur ce point en promouvant le dialogue social dans l'entreprise. Or, l'on constate la remise en cause du bilan à six ans de l'engagement social de l'entreprise sur le développement des compétences des personnes et les enjeux de certification. Ces points sont très peu portés par cette réforme, alors qu'ils étaient au coeur de la dernière réforme sur l'accès de tous à la certification.
Nous avons en outre un changement radical de philosophie qui n'est pas assumé par le Gouvernement, mais qui est réel dans ses propositions : il fait ainsi passer l'assurance chômage d'un système contributif à un système de minima sociaux, sans l'assumer. Nous rappelons que nous n'étions pas demandeurs de cette réforme. Un accord, négocié l'année dernière et entré en vigueur en novembre 2017, avait déjà traité une large partie des points énoncés.
Nous avons toutefois contribué aux négociations multipartites sur les démissionnaires, les indépendants, la modulation de la cotisation, la gouvernance et le renforcement des contrôles. Un point positif est l'évolution de l'échelle des sanctions. En outre, concernant les démissionnaires, la loi prévoit désormais l'accès à ce droit au bout de 5 ans, contre 7 ans comme le prévoyait l'accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février 2018.
S'agissant des indépendants, une difficulté majeure est que l'on passe d'un système de contribution à l'assurance chômage à un système où on indemniserait les indépendants sans cotisation.
Cela signifie une hausse des dépenses pour l'assurance chômage sans que des ressources supplémentaires soient prévues. Il y a donc un risque de baisse des droits pour l'ensemble des salariés.
Par ailleurs, un amendement vient d'être adopté à l'Assemblée nationale prévoyant que les mois indemnisés seront comptabilisés dans les trimestres de cotisation pour la retraite. Là encore, alors qu'une concertation sur les retraites est en cours, on apporte un changement important sans le dire.
On nous propose également une expérimentation sur les CDD de remplacement. Nous sommes très réservés. Il s'agit d'une question d'ordre politique et non technique comme cela est présenté. La vraie question est de savoir comment changer les comportements, les méthodes de recrutement ou encore la gestion de la main-d'oeuvre. Nous sommes extrêmement attachés à une responsabilisation des acteurs dans le cadre de la négociation collective. Il ne doit pas seulement s'agir d'une mesure financière, mais d'une mesure de gestion de l'emploi et de réduction des abus de recours aux contrats courts.
Nous aborderons sans doute les règles de cumul entre allocation chômage et salaire. Je rappelle que la négociation de l'année dernière avait traité ce point. Leur remise en cause à l'occasion de cette réforme fait porter un risque grave sur le retour à l'emploi des personnes concernées.
Je souhaite également insister sur le risque considérable sur le financement du système, en raison de la baisse des recettes et de la fin du régime contributif.
Enfin, je vous mets en garde contre le risque véhiculé par la mise en place d'une charte pour les travailleurs des plateformes. Cette dernière serait unilatérale et elle pourrait remettre en cause la capacité de ces travailleurs à faire valoir leur contrat de travail.
Les dispositions concernant le handicap sont plutôt décevantes par rapport à la concertation. Nous sommes également demandeurs d'être partie prenante des négociations internationales pour les travailleurs transfrontaliers.
Les mesures ne sont pas non plus à la hauteur en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu'en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Tous les partenaires sociaux ont fait ensemble des propositions pour faire évoluer ces mesures sur ces deux points.
M. Maxime Dumont (CFTC). - Avant tout, je souhaite revenir sur la manière dont se sont déroulées les négociations. Nous nous sommes engagés dans l'ensemble de ces dernières. Ainsi, en matière d'apprentissage nous avons été très largement partie prenante. Le texte auquel nous avons abouti était plutôt bon pour nos jeunes et pour l'apprentissage. Nous ne pouvons regretter que l'ANI n'ait pas été repris dans son intégralité, d'autant plus qu'il a été conclu dans des conditions très compliquées, avec des rythmes de négociation extrêmement soutenus. Nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement continue à presser les négociateurs, mais également les parlementaires, ne permettant pas un travail approfondi. Les grandes lignes politiques sont annoncées par le Gouvernement, et nous découvrons au fil de l'eau des amendements qu'il dépose à l'Assemblée nationale. Cela nous oblige à travailler les dossiers par petits bouts sans révision d'ensemble. Cela a énormément perturbé notre travail. Nous ne nous sentons pas acteurs des décisions prises pour la Nation et nos concitoyens.
En ce qui concerne l'apprentissage, ou d'autres domaines, les réformes nous sont imposées. A titre d'exemple, les partenaires sociaux avaient décidé de conserver les Fongecif (Fonds de gestion des congés individuels de formation), car leur expérience et leurs compétences nous semblaient importantes et ont été démontrées. Or, l'État a décidé de ne pas les retenir et de remplacer le CIF par le CPF de transition professionnelle. Certes, les partenaires sociaux ont accepté d'aller dans cette direction mais, contrairement à ce qui a été dit, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui sont responsables de la fin des Fongecif, mais bien le Gouvernement.
La création des CPIR, appelées à réintégrer les effectifs et une partie des compétences des Fongecif, est donc une bonne chose. Pour autant, on n'en mesure pas toutes les conséquences pour les futurs Opco L'État souhaite donner plus de missions à ces derniers, dont celle d'accompagner - et c'est une bonne chose - les entreprises et notamment les petites, face à leurs difficultés à promouvoir la formation professionnelle. Nous posons la question de savoir s'il ne serait pas bon que les Opco puissent également accompagner les salariés. Ils ont en effet un rôle paritaire.
Dans les points positifs dans cette loi -il y en a quelques-uns, heureusement- nous avons noté la reprise du passeport formation. Il est de nouveau remis en avant et pourra servir pour accompagner le salarié. Nous avons obtenu que l'entretien professionnel soit l'occasion d'évoquer le CEP. Il faudrait aller plus loin et préciser que l'opérateur compétent soit l'indiqué au salarié à cette occasion.
Nous sommes réservés sur l'abondement correctif prévu lorsque l'entretien professionnel fait apparaître que le salarié n'a pas bénéficié pendant six ans de deux des trois actions prévues par la loi Nous pensons que cet aspect uniquement coercitif n'apporterait pas grand-chose aux salariés en eux-mêmes. Certes cet abondement est nécessaire. Mais nous pensons également nécessaire de créer une obligation de l'employeur d'une rencontre sur le temps de travail avec un CEP. Cette rencontre doit avoir lieu pendant le temps de travail et être payée par l'entreprise. A la suite de cet entretien, le conseiller en évolution professionnel peut proposer de mettre en place un bilan de compétences. Celui-ci devrait être payé intégralement par l'entreprise, via l'abondement complémentaire. Cela rendrait le système plus efficace.
En ce qui concerne l'emploi des travailleurs handicapés, nous pensons également que le texte apporte des aménagements qui sont non négligeables. On sait que les postes adaptés sont compliqués à obtenir. Les entreprises préfèrent payer la cotisation de 6 % plutôt que d'embaucher des personnes handicapées. Il en va de même pour l'apprentissage. Nous avons une demande à ce sujet : au bout de trois ans, en cas de non-respect de l'obligation d'employer des personnes handicapées, un référent handicap devrait être mis en place dans l'entreprise. Celui-ci serait soit un élu du nouveau CSE, soit de la DUP. Il serait formé par l'Agefiph et disposerait de 60 heures de délégation supplémentaires par mois, dédiées à sa mission qui consisterait à créer des conditions d'accès à l'emploi de salariés en situation de handicap et à la sensibilisation des salariés de la structure, ainsi qu'à l'accompagnement des salariés de la structure porteurs d'un handicap. Elle prendrait fin lorsque le plancher d'obligation d'emploi serait atteint. A défaut d'un élu volontaire, la mission pourrait être assurée par tout salarié de l'entreprise. C'est une approche nouvelle que nous proposons.
En ce qui concerne l'action en faveur de l'égalité professionnelle, le projet mis en place prévoit dans un délai de trois ans de réduire les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Puisque l'on constate ces inégalités, pourquoi se donner ce délai de trois ans, alors que le problème d'égalité professionnelle a été constaté ? Pour nous, il faut donner un délai d'un an pour réduire ces dernières, à partir du moment où elles sont constatées. En outre, cette action ne concerne que les structures de plus de 250 salariés. Que fait-on pour les structures de moins de 250 salariés, alors même que c'est dans ces dernières qu'il y a le plus d'inégalités professionnelles ? Dans les autres, il existe des institutions représentatives du personnel.
Enfin, sur l'apprentissage, nous sommes favorables à l'ensemble des dispositions. Il faut toutefois rappeler que l'apprenti devrait avoir les mêmes droits que les étudiants et prendre les mesures nécessaires en conséquence : carte d'étudiant, prêt étudiant, restauration, hébergement, transport.
En revanche, il y a un certain nombre de points négatifs. Mon collègue de la CFDT en a rappelé plusieurs. Le CPF monétisé en est un. C'est une incompréhension du Gouvernement -ou peut-être un dogme- que de penser que l'on donne plus de droit en mettant tout le monde à 14,28 euros de l'heure pour pouvoir faire une formation. Or, on a démontré que cela n'était pas le cas. Au contraire, cela réduit les droits des salariés. Il faut absolument augmenter le taux de conversion. Nous vous proposons 40 euros par heure, ce qui est la moyenne actuelle dans l'ensemble des Opca pour la formation professionnelle.
Nous avions proposé pour les CPF de transition professionnelle l'obligation de passer par un CEP. Cette mesure n'a pas été reprise. Nous demandons qu'il continue à exister un accompagnement pour le CPF de transition professionnelle, soit par le CEP, soit bien évidemment par la possibilité d'avoir recours à un bilan de compétences. Cela permet de ne pas se tromper dans la formation longue désirée. Il doit être proposé au salarié le financement de ce bilan de compétences dans le cadre du CPF de transition professionnelle.
Nous sommes en faveur de la création des CPIR pouvant permettre aux partenaires sociaux de reprendre une place dans la négociation régionale, laissée libre par la suppression des Coparef. Il y a toutefois une catégorie de salariés qui ne se retrouve pas dans les CPIR : ceux issus des secteurs multiprofessionnels. Il faut que ceux-ci puissent être représentés dans les CPIR, pour pouvoir faire entendre leurs voix.
Nous demandons que les co-investissements, pour lesquels la CFTC était largement demandeur, aillent au-delà du 50/50 dans les entreprises. En effet, on co-investit sur une demande de l'entreprise.
Nous venons d'apprendre, comme tout le monde, que le conseil d'administration de France compétences sera composé de 15 membres. Nous émettons de vives interrogations. Cela signifie que les partenaires sociaux auront une représentation à une personne par organisation syndicale. On le sait, par expérience, il est très difficile de pouvoir avoir une animation et une transmission correcte sans avoir de suppléance. Nous avons peur qu'il ne se transforme en chambre d'enregistrement.
M. Jean-François Foucard (CFE-CGT) . - Nous considérons qu'il y a eu globalement un problème de forme. En outre, il y a des problèmes de fond.
Les deux domaines qui étaient initialement abordés par le projet de loi étaient la formation professionnelle et le chômage. Sont venues se greffer des concertations au fil de l'eau sur le handicap, l'égalité professionnelle et la lutte contre la fraude au détachement et le travail illégal. En outre, des discussions sur la fonction publique sont apparues.
Même les aspects pourtant cadrés n'ont pas été respectés. On nous a reproché d'avoir tué les Fongecif, alors que nous étions contre leur suppression qui était dans la lettre de cadrage.
Sur le fond, il y a un changement radical de philosophie tant sur la formation professionnelle que le chômage. On postule la responsabilité individuelle et, de façon populiste, on a instauré un compte en euros. On imagine mal que les salariés mobilisent massivement leur CPF hors temps de travail. Les droits inscrits seront donc mobilisés par Pôle emploi lorsque les titulaires seront au chômage. C'est dramatique de devoir attendre de devenir chômeur, avec les différents traumatismes que cela entraîne, pour pouvoir bénéficier d'une transition professionnelle. Il reste un angle mort : la transition professionnelle en entreprise. Aujourd'hui, tout est axé sur l'apprentissage. Mais il s'agit de l'apprentissage infra-bac, qui concerne 20 % de la population. Certes ce n'est pas négligeable, mais tout axer sur les prochaines évolutions technologiques sans se préoccuper sur la manière dont les gens en situation de travail - 16 millions de travailleurs - vont se les approprier, n'est pas pertinent en termes de compétitivité.
S'agissant de l'assurance chômage, sans aller jusqu'à parler de minima social, on voit que l'Etat va reprendre la main sur le système contributif. Le rapporteur a évoqué la baisse de la cotisation patronale de 4 % à 2 % lors de la prochaine loi de finances. Nous pensons qu'il n'y aura pas de nouvel accord « convention d'assurance chômage » en 2020. Elle n'aurait pas de raison d'être. On nous parle également beaucoup du bonus-malus. Concrètement, s'il n'y a plus de cotisations patronales, le bonus-malus n'aura aucun effet.
Il a été expliqué que l'Unédic était déficitaire. Mais, les deux tiers du déficit viennent de charges indues imposées par l'État, et un tiers est dû au problème de la crise qui dure depuis 10 ans. Comme le système est contracyclique, ce déficit est normal. Je rappelle que nous n'avions pas pu créer de réserve en raison de l'opposition de la partie patronale avant 2007.
Il y a un dogme selon lequel l'Etat et le quadripartisme seraient plus performants que les corps intermédiaires. Actuellement, de grandes idées sont lancées, mais l'opérationnalité dépendra de décrets sur lesquels nous n'avons aucune visibilité. On a tué la confiance entre les différents partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs. Je pense notamment aux régions.
Nous vous mettons en garde sur la création d'une charte pour les plateformes. De manière très simple, ou bien il s'agit de salariés, ou bien il s'agit d'indépendants. Si ce sont des salariés, l'intermédiation existe déjà via l'intérim. S'il s'agit d'indépendants, alors il y a des règles qui doivent être négociées.
Ce n'est pas une charte : cela s'appelle des droits d'usage, assortis de devoirs. Le rapport n'étant pas équilibré, nous pensons que la négociation doit être collective. Nous vous demandons de ne pas créer une zone grise entre ces deux statuts. Une partie du problème a été traité en 2017 sur les portées : on a créé les salariés portés. Ce sont des indépendants qui veulent la couverture des salariés, mais pas les risques. Cela leur coûte un peu plus cher. C'est un public restreint et bien délimité. Ils doivent vendre de la prestation intellectuelle.
Le Gouvernement a eu beaucoup d'ambition sur la partie égalité professionnelle, ainsi que sur le handicap. Globalement, la montagne a accouché d'une souris. Certaines choses vont dans le bon sens, d'autres non. La CFE-CGC avait deux propositions. Pour les sociétés cotées, une partie de la rémunération variable du dirigeant -10 ou 20 %- pourrait dépendre d'objectifs liés à la mixité. Il faut arrêter de penser que l'absence d'égalité entre les hommes et les femmes vient de la base. Une femme qui finit sa carrière en tant que chef de service au lieu d'être directeur connaît une différence de revenus significative. Nous vous incitons à améliorer les choses pour les rendre plus opérationnelles.
Pour le détachement et le travail illégal, les propositions vont dans la bonne voie. Toutefois, nous aimerions que les inspecteurs puissent procéder aux vérifications à partir de documents rédigés en français. En outre, sans moyen supplémentaire, cette mesure restera des voeux pieux. Comment mener 7 000 contrôles, alors que l'on baisse les effectifs de contrôle ?
Nous sommes en faveur d'une agence nationale pour l'égalité professionnelle concentrant les données disponibles pour éclairer les entreprises et les branches.
Enfin, l'entretien professionnel, clé de voute de l'ANI de 2014, a perdu de son efficacité en raison du lobbying patronal. En effet, toutes les contraintes qui avaient été prévues si l'entreprise ne le mettait pas en oeuvre, sont en train d'être vidées de leur sens. Or, l'entretien professionnel est le pendant du CEP pour l'ensemble des salariés sur le territoire. Vous pouvez avoir tous les outils que vous voulez, comme le CPF de transition professionnelle, si vous ne savez pas où aller, cela n'aura aucun impact.
M. Lionel Lerogeron (CGT). - Le Gouvernement a structuré ce projet de loi sur un objectif unique et dogmatique de ne financer la formation professionnelle que si elle répond au besoin du marché, quelles qu'en soient les conséquences. Antoine Foucher, le directeur de cabinet de Mme Pénicaud, déclarait récemment devant les Opca que c'est un pari. Nous trouvons excessivement dangereux de faire un pari sur l'avenir des salariés et de notre économie.
En outre, il y a un grand absent dans cette réforme : c'est la réflexion sur la manière de réussir à bien faire son travail dans ce pays. Or, la réforme renvoie la responsabilité de sa formation au salarié. Nous pensons que la formation doit être pensée dans un cadre collectif. Qui peut mieux connaître les besoins d'évolution et de formation que les salariés eux-mêmes ? Or, avec la disparition d'un certain nombre d'aides prévues par les négociations collectives, tels que les plans de formation, il est demandé au salarié, seul, d'être capable d'anticiper les transitions économiques, écologiques, numériques. Nous pensons qu'il y a là un abandon total à la loi du marché.
En ce qui concerne l'apprentissage, il y a eu un certain nombre de réunions. Or, lorsque le Gouvernement a constaté que les conclusions n'allaient pas dans le sens qu'il souhaitait, il a décidé de les stopper brutalement et de présenter un rapport qui ne reprenait pas les échanges que nous avions pu avoir. En outre, la négociation s'est faite dans un cadre très contraint. Notre lettre de mission était très précise et il ne nous était pas possible de nous en écarter. La ministre a même essayé de nous faire porter la responsabilité de la suppression du CIF.
On est en train de détruire la formation professionnelle initiale par la mise en concurrence avec d'autres formes de formation. Cela se traduit par la baisse de moitié du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, qui permet aux lycées professionnels d'acheter du matériel pour former les élèves. En outre, on fusionne des dispositifs, comme le contrat d'apprentissage et les contrats de professionnalisation, conçus pour répondre à des besoins différents. On constate également un assouplissement de nombreuses règles relatives au contrat de travail de l'apprenti.
Cette réforme va entraîner une nouvelle baisse du financement de la formation professionnelle. Elle va réorienter une partie de l'argent de la formation vers des personnes privées d'emploi. Certes, c'est à saluer. Mais cela se fait au détriment des salariés en activité. En outre, l'État va centraliser la gestion de ces fonds ce qui ouvre la voie à leur utilisation à d'autres effets.
Mais l'escroquerie la plus flagrante de cette réforme reste la monétisation du compte personnel de formation. En effet, si on fait les calculs correctement, avant la réforme, un salarié qui avait acquis 150 heures de formation pouvait obtenir un financement moyen de 5 250 à 6 000 euros. Aujourd'hui, avec, la monétisation du CPF, cette somme sera comprise entre 3 058 et 3 108 euros. Cette réforme acte la fin du congé individuel de formation. Or, c'était le seul droit dont pouvait bénéficier un salarié, lui permettant d'être formé sur son temps de travail, en conservant sa rémunération. Le CPF de transition professionnelle n'est pas l'héritier du CIF ; c'est un autre dispositif. En effet, la formation de transition professionnelle se faisant hors temps de travail, le salaire n'est pas garanti.
M. Denis Gravouil (CGT). - Beaucoup de choses ont déjà été dites sur l'assurance chômage. Je vais compléter sur certains points. Tous les partenaires sociaux -y compris la CGT parfois pointée du doigt comme le « vilain petit canard » refusant de signer les accords- avaient une position commune visant à rappeler que l'assurance chômage est une assurance sociale et qu'elle est financée par des cotisations. Or, nous constatons un changement de philosophie, souhaité par le Gouvernement, qui consiste à passer à une logique de cotisation ouvrant des droits, à un financement par l'impôt, la CSG, imposant des devoirs. Il en est de même pour la formation professionnelle, l'apprentissage : nous avons le sentiment d'un changement de système qui sera extrêmement préjudiciable et qui écarte la responsabilité des employeurs.
Il en est de même pour le recours au contrat court et la précarité : la responsabilité du chômage est renvoyée aux précaires et les chômeurs. Pour les démissionnaires, par un accord entre partenaires sociaux, nous souhaitions que les droits des démissionnaires ne soient pas dégradés par rapport à ceux d'autres demandeurs d'emploi allocataires pour d'autres motifs.
Nous regrettons que le curseur placé à 5 ans d'ancienneté, même s'il a été abaissé, pour pouvoir bénéficier de ce dispositif d'ailleurs très complexe -CEP, puis instance ad hoc, puis validation par Pôle emploi. Cette complexité limitera l'accès, notamment pour les plus jeunes qui, compte tenu de leurs études et des années de précarité, auront du mal à satisfaire la condition d'ancienneté. On est loin d'une assurance chômage universelle. On nous parle très précisément de 29 300 personnes potentielles concernées par ce dispositif.
Pour les travailleurs indépendants, nous avions proposé, pour lutter contre le dumping social, qu'ils puissent avoir des droits à l'assurance chômage. Mais il faut des droits équivalents à ceux des salariés et financés de la même façon, par équivalence avec la cotisation patronale, qui soit acquittée par les donneurs d'ordre. Nous pensons aux plateformes numériques. Or, on nous propose un système forfaitaire, limité dans le temps à six mois et à 800 euros par mois comme le préconise le rapport de préfiguration IGAS/IGF. Le nombre de bénéficiaires serait limité. Surtout, il s'agit d'un système de filet de sécurité minimal. On introduit le loup dans la bergerie par un système qui change de nature, et remet en cause la logique des droits contributifs.
En ce qui concerne la précarité et la « permittence », la question est bien de faire reculer le recours aux contrats précaires. Je ne me limite pas aux contrats de moins d'un mois pour lequel nous sommes en négociation dans les différentes branches. Les formes de précarité sont nombreuses. Les chiffres du chômage montrent une augmentation de la précarité malgré la baisse constatée pour la catégorie A. Les demandeurs d'emploi en catégories B et C ont augmenté de 8 % au cours de l'année 2017 et la tendance se poursuit en 2018 traduisant une explosion des contrats précaires. Cette structuration du marché est voulue par le Gouvernement, qui à travers les ordonnances, a encouragé le recours à la précarité. Or, ces contrats sont une forte contrainte pour trouver un logement, pour établir une vie de famille, notamment chez les jeunes.
Les négociations sur l'assurance chômage avaient déjà échoué en 2016 sur ces questions face à l'intransigeance du patronat. Cette lutte contre la précarité n'a pas été traitée. Par une manoeuvre déloyale, le Gouvernement s'est arrangé avec le patronat pour faire en sorte que le bonus-malus -déjà peu incitatif à nos yeux- soit renvoyé à une négociation dans chacune des branches. En outre, on fait passer l'idée selon laquelle ce seraient les travailleurs précaires qui optimiseraient leur temps de travail afin de cumuler revenus du travail et assurance chômage. En réalité, il s'agit d'alternance de courtes périodes de travail, ou de temps partiel, et de périodes de chômage faiblement indemnisé. La convention de 2017 a déjà prévu une baisse des allocations des travailleurs en activité réduite. Le Gouvernement envisage de retirer le bénéfice des allocations chômage à toute personne qui au bout d'un an continuerait à alterner des petits boulots avec des périodes de chômage, comme si ces personnes ne cherchaient pas de CDI.
Nous verrons les suites réservées à ces réflexions sur les contrats courts. Nous allons nous retrouver pour des négociations sous pression. Le fait de mettre en balance les discussions des contrats courts avec cette menace sur la disparition des allocations chômage est à combattre avec la plus grande fermeté.
Nous avons proposé, dans la négociation, de sortir de cette logique de coercition et de suspicion à l'égard des chômeurs, basée sur le fait que l'on amalgame les demandeurs d'emploi aux 0,4 % de fraudeurs. La CGT propose au contraire une logique de confiance, un droit au travail, qui par ailleurs est prévu par la France dans différents traités, notamment le traité du Pidesc (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) non appliqué, et un droit à l'accompagnement. Cela nécessite de ne pas supprimer de postes à Pôle emploi, alors même que le budget 2018 est en baisse de 50 millions d'euros et qu'on nous annonce 4 000 suppressions de postes. En outre, nous pensons que beaucoup de choses devraient être améliorées dans le service public de l'emploi. Beaucoup d'offres sont illégales depuis que Pôle emploi ne les clarifie plus. De même, le milliard de trop-perçu sur les 37 milliards d'allocations versées est absolument insupportable. Ce sujet que nous portons depuis plusieurs années arrive enfin sur la table. Un certain nombre de réglementations ne sont pas appliquées. Je ne prendrai qu'un seul exemple : l'accord de 2017 -que nous n'avions pas signé- prévoyait un point positif pour contrebalancer la baisse des droits des seniors -à savoir un abondement du CPF pour les 50-55 ans. Malgré nos demandes conjointes au bureau de l'Unédic ou au conseil d'administration de Pôle emploi, cette disposition qui aurait dû entrer en vigueur le 1 er novembre n'est toujours pas appliquée. Pôle emploi explique que ce retard est dû à des difficultés informatiques. Il existe une forte attente des salariés.
Un amendement à l'Assemblée nationale a introduit la création d'une nouvelle forme de précarité qu'est le recours au CDD pour couvrir plusieurs remplacements. Il s'agit pour nous de la poursuite d'un travail de flexibilisation que vous devez refuser. Il en est de même pour la charte pour les plateformes. Cette dernière ne servira qu'à sécuriser les plateformes souhaitant requalifier le contrat de travail de leurs salariés, en contrat de travail faussement indépendant. On ira ainsi vers une fragilisation des travailleurs concernés et une sécurisation de ceux qui ne respectent pas le droit, et qui font également concurrence à d'autres employeurs, notamment les artisans, qui respectent la norme.
Le texte ne va qu'à mi-chemin sur les travailleurs détachés, notamment dans le secteur du transport, ou les travailleurs transfrontaliers. Des négociations sont en cours entre les États en matière d'assurance chômage pour revoir les flux financiers entre les différents pays. Le Luxembourg et la Suisse nous doivent de l'argent. J'attire votre attention sur le fait qu'il risque d'y avoir une redéfinition des droits des demandeurs d'emploi concernés.
Sur l'égalité professionnelle ou le handicap, nous regrettons que ces sujets soient traités par amendement. Des reculs ont eu lieu, sur la pénibilité notamment sous la pression du patronat. La question du salarié se retrouvant inapte n'a pas été réglée. On est censé les protéger, or on les met en difficulté par manque d'accompagnement.
Nous sommes également très loin des mesures nécessaires pour résorber les inégalités entre les hommes et les femmes, et lutter contre les violences sexistes au travail. Nous déplorons notamment que l'AVFT, seule association qui travaille sur la question des violences faites aux femmes au travail, ne bénéficie plus de subventions de la part du ministère de Mme Schiappa.
L'intersyndical a fait une déclaration commune sur ce sujet. Nous demandons au Parlement de réfléchir à la création d'un congé paternel obligatoire et rallongé, en plus du rallongement du congé maternité, de façon à ce que l'on progresse réellement dans le partage des tâches et l'éducation des enfants, dès la naissance.
Mme Karen Gournay (FO). - FO déplore le non-respect des dispositions des accords nationaux interprofessionnels du 22 février 2018 relative à la formation professionnelle et à l'assurance chômage. Même si les interlocuteurs sociaux ne sont pas des co-législateurs et que le législateur n'est pas tenu de reprendre l'intégralité de ces textes, il existe tout de même une philosophie qui se doit, à notre sens, être respectée.
En outre, l'ambition du projet de loi est loin d'être à la hauteur des annonces de l'exécutif. Contrairement à ce qui nous avait été annoncé, cette réforme ne constitue pas le volet sécurité qui devait faire suivre au volet « flexibilité » mis en oeuvre l'été dernier avec la réforme du code du travail par ordonnances. Ce projet porte gravement atteinte aux droits des travailleurs. Les dispositifs relatifs à la formation professionnelle concourant à l'objectif historique de promotion sociale, restent dans ce texte dans une optique de flexibilité.
En outre, les dispositions relatives aux travailleurs détachés ne devraient pas être traitées dans un projet de loi fourre-tout, mais faire l'objet d'une transposition ambitieuse de la directive révisée.
Nous sommes parvenus à trouver quelques points positifs à ce projet. Toutefois, lors de cette audition, nous souhaitons mettre en avant les aspects négatifs de ce texte.
FO dénonce la suppression pure et simple du congé individuel de formation, dispositif de formation à l'initiative des salariés. De manière générale, ce Gouvernement abroge les dispositifs garantis collectivement pour ne laisser substituer que les droits individuels tendant à laisser les salariés responsables de leur parcours professionnel. A notre sens, il s'agit, ni plus ni moins d'une logique d'individualisation des droits et non plus d'une logique de droits collectifs.
Nous sommes également opposés au choix opéré de monétisation du compte personnel de formation. Cela conduirait à notre sens, irrémédiablement, à une diminution des droits des travailleurs. Si le Gouvernement souhaite persister dans sa volonté de détruire les droits d'initiative personnelle d'accès à la formation garantis collectivement, en supprimant le CIF, FO souhaite que davantage de garanties soient inscrites dans la loi, quant à la mise en oeuvre du CPF de transition professionnelle. Pour nous le CPF de transition professionnelle est un minima. Il doit présenter les mêmes garanties collectives que le CIF, et nous demandons que l'enveloppe dédiée à ce dispositif soit rehaussée, afin de permettre à davantage de travailleurs d'en profiter. Nous condamnons également le choix du Gouvernement mettant en péril les Fongecif et le choix fait d'ouvrir la prestation du CEP à des structures privées, au moment où cet accompagnement va enfin disposer de moyens financiers dédiés.
Nous recommandons que des moyens humains et financiers soient accordés aux Fongecif et qu'une évaluation objective des prestations fournies par l'ensemble des opérateurs soit réalisée à l'horizon 2021. Celle-ci doit permettre d'imaginer des axes d'amélioration. Nous rappelons également notre attachement au paritarisme de gestion que nous avons toujours défendu. Nous condamnons ainsi le choix de faire disparaitre les instances paritaires interprofessionnelles nationales et régionales. Les interlocuteurs sociaux ont fait la démonstration au sein de ces différentes instances, et à tous les niveaux, de leur expertise et de la bonne utilisation des fonds confiés.
Nous sommes opposés à la création de l'agence France Compétences dans les termes du projet de loi, car la composition de son conseil d'administration ne laisse qu'une place réduite aux interlocuteurs sociaux. Nous regrettons également la décision de transférer les consultations en matière d'emploi, de formation et d'orientations professionnelles du Cnefop (Conseil National de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelles) vers la CNNC (Commission nationale de négociation collective). En effet, ces sujets, qui sont actuellement traités au sein d'une instance dédiée, seront demain fondus parmi d'autres dans une commission au champ de compétences bien plus vaste.
Nous condamnons également le choix de transformer le plan de formation en place de développement des compétences et demandons à ce que soit maintenue la catégorisation du plan de formation. Cette dernière permet de distinguer les actions d'adaptation au poste de travail ou de maintien dans l'emploi, qui relèvent de la responsabilité pleine et entière de l'employeur, des actions de développement de compétences.
Nous sommes également opposés à l'expérimentation prévue par la loi du dispositif relatif au contrat de professionnalisation sans qualification. Pour nous, cela contournerait l'objectif de qualification du contrat de professionnalisation en visant l'ensemble des demandeurs d'emploi, et pas uniquement ceux éloignés de l'emploi. Plus globalement, nous dénonçons le glissement d'une logique de qualification à celles de compétences, qui oblige les salariés à entrer dans une démarche d'adaptabilité permanente aux besoins des entreprises et à une stagnation dans les grilles de classification. Nous sommes également inquiets de la gestion des fonds du CPF par la Caisse des dépôts et consignations, en raison de la facilité avec laquelle l'État aurait la capacité de ponctionner des fonds qui pourraient rester non utilisés à la fin de chaque année, sans aucune consultation des interlocuteurs sociaux.
Sur l'apprentissage, nous sommes contre le rehaussement de la limite d'âge d'entrée en apprentissage, en permettant une généralisation de celui-ci jusqu'à 30 ans. Pour nous, une telle mesure menacerait gravement les CDI et les CDD. Nous souhaitons également que la durée minimale d'un an des contrats d'apprentissage soit maintenue afin d'éviter le recours abusif à l'embauche d'apprentis. De même, nous sommes contre tout assouplissement des conditions d'emploi des apprentis, qu'il s'agisse des horaires, ou de la durée de travail hebdomadaire.
Dans l'hypothèse d'une rupture de contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur, FO souhaiterait que soit prévu un accompagnement de l'apprenti. Pour nous, il est impératif de renforcer la reprise par le CFA du jeune apprenti, et l'accompagnement dans la recherche d'un nouvel employeur.
Nous condamnons la décision du transfert des délégations régionales de l'Onisep aux régions, qui accentue la territorialisation de l'orientation. En outre, ce transfert favorisera dans certains cas une privatisation de l'orientation. Nous souhaitons au contraire que soit renforcé le service public d'orientation.
Nous n'étions pas demandeurs de l'entrée en indemnisation de tous les démissionnaires et des indépendants, estimant d'ailleurs que les démissionnaires étaient déjà indemnisés par l'assurance chômage au bout de quatre mois, après saisine des instances paritaires régionales ou territoriales. En ce qui concerne les indépendants, nous redoutons une baisse générale des droits des autres demandeurs d'emploi liée aux problèmes de financement dus au surcoût d'indemnisation de ces deux nouvelles catégories. Lors des discussions de l'ANI, FO avait demandé l'instauration d'une cotisation sur les indépendants, afin de prendre en compte la hausse de charge à venir.
Nous sommes également opposés à la suppression de la cotisation salariale d'assurance chômage car le financement du régime se ferait désormais pour partie par une hausse de la CSG, de 1,7 %. Par ce moyen de financement, le caractère assurantiel disparaît. En outre, le recours à la CSG conduit les retraités et fonctionnaires à financer un système d'assurance chômage alors qu'ils ne sont pas exposés à ce risque.
Nous sommes également opposés à la remise en cause du dispositif permettant le cumul entre emploi et allocation chômage permettant aux bénéficiaires de garder un pied dans le marché du travail. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas imputable aux demandeurs d'emploi mais à certaines entreprises qui considèrent Pôle emploi comme un complément de salaire pour leurs travailleurs.
FO s'oppose à tout système de flicage des demandeurs d'emploi, et prône un meilleur accompagnement passant par des rendez-vous physiques avec le conseiller Pôle emploi. Nous appelons ainsi à la plus grande vigilance concernant la digitalisation et la mise en place d'un journal de bord informatisé. La fracture numérique en France est une réalité.
Nous attendons du Gouvernement des mesures ambitieuses concernant les travailleurs détachés. La déclaration préalable au détachement et la présence d'un représentant de l'entreprise sur le territoire français sont des éléments majeurs pour lutter contre les abus des employeurs. Alléger ces obligations pour les employeurs se trouvant dans les zones transfrontalières contournera la future agence européenne du travail prévue pour 2019. En outre, la création d'une nouvelle infraction de travail dissimulé en cas d'activité stable et continue en France n'impose en rien la coopération avec les autres organismes de sécurité sociale pour reconnaitre un faux détachement Notamment la diffusion de cette condamnation pour les seules personnes coupables d'un délit commis en bande organisée vient limiter la portée de cette mesure.
M. Michel Forissier , co-rapporteur . - Je souhaite remercier l'ensemble des interlocuteurs, notamment pour les précisions relatives à l'évolution de leurs positions au fil des discussions.
Que pensez-vous du délai laissé aux partenaires sociaux pour redéfinir les périmètres d'intervention des nouveaux opérateurs de compétences.
Ma deuxième question porte sur la place de la région et ses capacités d'intervention. Les montants attribués aux régions pour soutenir les CFA -250 millions d'euros pour le fonctionnement et 180 millions d'euros pour l'investissement, seront-ils à même de garantir un équilibre satisfaisant ? Ne pensez-vous pas que les régions doivent conserver certaines prérogatives pour piloter ou copiloter la politique d'apprentissage sur le territoire, compte tenu de leur connaissance des bassins d'emploi et de leurs compétences en matière de développement économique ?
Mme Catherine Fournier , co-rapporteur . -J'ai bien compris que vous n'étiez pas d'accord sur la monétisation du CPF. Toutefois, le Gouvernement en a fait un argument phare. Selon vous, à quelle hauteur cette monétisation doit-elle être fixée ?
Le CPF a pour but de permettre une individualisation du droit à la formation et la maîtrise par le salarié de sa formation. Si nous souhaitons que cette formation puisse intervenir dans le cadre des horaires de travail, comment pouvons-nous imaginer la co-construction avec l'entreprise de l'utilisation de ce CPF ?
Mme Frédérique Puissat , co-rapporteure . - Vous nous avez interpellés, lorsque nous vous avons auditionnés il y a quelques semaines sur la possibilité de l'introduction d'une charte pour les plateformes. Est-ce que vous considérez que cette charte constitue une avancée pour ces travailleurs ?
Les articles 63 et 65 du projet de loi prévoient, qu'en cas de disponibilité, un fonctionnaire conservera une garantie de poursuite du déroulement de sa carrière et de maintien du droit à l'avancement d'échelon, dans la limite de 5 ans. Considérez-vous, que ces mesures, pour faciliter la perméabilité entre le public et le privé sont déterminantes ? discriminantes ?
M. Philippe Mouiller , co-rapporteur . - En ce qui concerne les personnes handicapées, je souhaite avoir votre sentiment sur les nouvelles modalités de calcul de l'obligation de la contribution annuelle. Est-ce que cela sera une véritable avancée pour améliorer l'emploi des personnes handicapées ?
En outre, je voudrais connaître votre vision sur les règles d'équité entre le secteur public et le secteur privé. Le texte parle d'aligner ces deux approches. On voit bien qu'il y a aujourd'hui des différences.
J'ai bien entendu la proposition de la CFTC. Comment cette dernière pourrait concrètement s'appliquer ?
M. Yves Daudigny . - Il me parait y avoir une contradiction fondamentale entre le besoin d'accompagnement que vous avez, les uns et les autres, mis en avant, et l'individualisation qui est liée au caractère universel des droits. Quel rapport, ou absence de rapport, quel lien, ou absence de lien, y a-t-il entre le plan de formation dans l'entreprise, qui devient le plan de compétences et le CPF ?
Le CIF était, me semble-t-il, avant tout un droit à congés pour formation. Il se transforme en CPF de transition professionnelle qui doit être mis en oeuvre en dehors du temps de travail. Ne perd-il pas, dès lors, tout lien avec le CIF ?
La gestion paritaire va disparaître au niveau national et au niveau régional. Est-ce que la formation professionnelle est actuellement présente dans le dialogue social au sein des entreprises, ou dans les accords d'entreprise qui sont signés ?
M. Dominique Watrin . - Quel fil conducteur, quelle cohérence voyez-vous entre les différents textes : ordonnances de Mme Pénicaud modifiant le code du travail, ce projet de loi et le projet de loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), présenté hier en conseil des ministres ? Celui-ci fait voler en éclat de nombreux seuils sociaux, et donc les obligations qui y sont liées. Je pense au financement des transports publics ou du logement social.
J'ai rencontré hier la présidente de l'Unédic et lui ai dit que ce projet de loi induisait un système asymétrique. Un document de l'Unédic de juin 2018 sur les perspectives financières fait en effet état de mesures pour dissuader les contrats courts, mais dans le cadre d'une enveloppe de recettes à cotisation stable. C'est clairement dit à la page 34 de ce document. Cela voudrait dire qu'il y a des perdants, des gagnants, mais globalement, les employeurs ne seraient pas impactés. On peut craindre un durcissement pour les salariés, sous la forme d'un renforcement des contrôles et du régime des sanctions, mais aussi et vous l'avez évoqué, par une modification des règles de cumul allocation chômage-emploi, au nom d'une suspicion selon laquelle les salariés bénéficieraient en quelque sorte de la précarité du travail. Ce raisonnement est absurde. Je donne souvent l'exemple des systèmes de contrats courts d'intermittents. On institutionnalise le recours à l'intérim dans le secteur automobile, ou encore dans les centres de transformation du poisson dans mon département. Ainsi, vous avez en permanence 50 à 60 % d'intermédiaires sur les chaînes, et les entreprises d'intérim sont présentes dans l'entreprise. Le risque n'est-il pas finalement de faire payer aux salariés le coût des avantages consentis aux indépendants sans cotisation, mais aussi aux quelques milliers de démissionnaires supplémentaires ?
J'ai rencontré récemment le directeur d'un organisme de formation de mon département qui exprime son opposition au « tout apprentissage » et souligne la nécessité de financer des actions qualifiantes. Cela parait évident quand on sait que la transition numérique va transformer radicalement 40 % des emplois. J'ai entendu la CGT parler d'un chiffre de 4 milliards d'euros retirés à l'accompagnement des salariés en matière de formation par la loi de 2014. Est-ce que les autres organisations syndicales confirment ce chiffre ?
Il faut également préciser que le texte ne prévoit pas un accompagnement supplémentaire des apprentis pour les aider à réussir. Or, il y a au moins 30 % d'échec parmi les contrats d'apprentissage. Cela pose le problème du contenu des formations. Un directeur de CFA m'a indiqué que la finalité de l'apprentissage ne devait pas être de former seulement de futurs professionnels, mais aussi des citoyens responsables. N'est-il pas contre-productif d'opposer apprentissage et formation professionnelle initiale ?
Mme Laurence Rossignol . - En ce qui concerne l'égalité professionnelle, vous avez exprimé votre perplexité sur l'efficacité du dispositif proposé par le projet de loi Pénicaud. Je partage votre sentiment, car il ne vise que ce qu'on appelle les cas résiduels, c'est-à-dire des différences pour des emplois égaux, à postes égaux. Or, j'entendais encore ce matin, qu'à la sortie des grandes écoles, on constate un écart de 11 points en matière de taux d'embauche en CDI.
Il me semble également que le projet de loi ne touche pas aux grilles de classification, qui sont un facteur déterminant pour tout ceux ne sortant pas d'une grande école. On sait que les mêmes taches sont rémunérées différemment selon les grilles. Des différences existent notamment entre les grilles pour des métiers à dominante masculine et celles à dominante féminine. Comment peut-on avancer sur ce point ?
Enfin, alors que la formation professionnelle va devenir un grand marché, je m'interroge sur l'avenir des CFA ruraux. Nous tous, au Sénat, connaissons leur importance. Ce sont des éléments d'aménagement du territoire, proposant des formations de proximité pour des jeunes ayant des problèmes de mobilité. La mobilité est un facteur important d'inégalité scolaire. Que vont devenir ces CFA ruraux ? Cela ne risque-t-il pas d'accroitre la désertification des zones rurales ou non urbaines ?
Mme Laurence Cohen . - A la suite des questions de mes collègues, je souhaite me concentrer sur deux points. Mme Pénicaud a indiqué être sensible à la question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Elle a notamment annoncé une multiplication des contrôles de l'inspection du travail sur ce point. On ne peut que s'en réjouir. Toutefois, le gouvernement refuse d'augmenter les effectifs des Direccte. Dès lors, ces contrôles vont se faire au détriment d'autres.
Je pense également qu'il y a un abandon terrible sur la question des violences sexistes et sexuelles. On fait comme si ces dernières n'existaient pas. Vous l'avez souligné dans vos propos introductifs. Il y a une unité syndicale sur ces questions, fruit d'un véritable travail intersyndical. Le projet de loi prévoit d'introduire ces questions dans les institutions représentatives du personnel ou aux conseils des prud'hommes. Or, c'est le strict minimum, mais, en corollaire, aucun jour de formation supplémentaire n'est prévu. Cela va donc se faire au détriment d'autres missions.
Il est question de mettre en place un référent choisi par les représentants des élus du personnel. Encore, une fois, l'idée est bonne, mais aucune précision sur les modalités d'application de ce dispositif n'est donnée, qu'il s'agisse de la procédure du choix de la personne référente, de ses droits et moyens. Ces missions s'ajoutent à celles déjà existantes, dont la liste a augmenté ces dernières années. On prend souvent les autres pays comme exemple. Au Canada, les syndicats ont réussi à mettre en place un droit de cinq jours de congés payés pour permettre aux femmes victimes de violences conjugales d'effectuer toutes leurs démarches après le dépôt de plainte. En France, malgré la mobilisation des syndicats, le chemin à parcourir reste important.
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Ma question portera sur le volet handicap du texte. J'ai bien noté que vous faisiez état d'un manque d'ambition important du projet de loi. Ce texte aborde cette question principalement au travers de la DSN - la déclaration sociale nominative - qui devraient simplifier les démarches. J'ai noté la proposition de la CFTC visant à mettre en place un nouveau référent. Mais quelle mobilisation de l'employeur pourrait être faite ?
En outre, que pensez-vous d'étendre l'obligation de 6 % de salariés handicapés dans une structure à celles de moins de 20 salariés ?
La contribution handicap serait désormais calculée non plus en fonction de la lourdeur du handicap, mais selon un critère d'âge. Selon moi, cela comporte un risque pour les personnes les plus éloignées de l'emploi. Du fait de leur handicap, elles seront encore plus pénalisées.
M. Olivier Henno . - Ma question porte sur la taxe d'apprentissage. L'un d'entre vous a évoqué la possibilité ouverte de financer les CFA par le hors quota. Cela a une conséquence importante pour les lycées professionnels et technologiques et même les universités. Y a-t-il des discussions entre vous et le ministère sur ces questions ?
Mme Corinne Féret . - Pour continuer sur le volet apprentissage, je souhaite avoir votre avis sur l'évolution du rôle et de la place des régions, prévus par ce texte. En outre, quel est votre point de vue sur le financement au contrat ?
M. Daniel Chasseing . - Le taux d'apprentis en France est très bas. Pourtant, cela apparaît comme une solution efficace pour retrouver un emploi. Plusieurs intervenants ne souhaitent cependant pas d'évolution sur l'apprentissage. Dès lors, que proposez-vous pour augmenter le nombre d'apprentis ? En outre, ne pensez-vous pas, pour résorber le chômage, qu'il faudrait prioritairement former des personnes en fonction des emplois proposés sur le territoire ?
Mme Monique Lubin . - Ce qui m'inquiète dans ce projet de loi est un certain nombre de mesures qui semblent remettre en cause la protection des jeunes apprentis. J'aimerais savoir quelles sont les mesures qui vous satisfont, celles que vous trouvez positives pour l'apprentissage.
M. Jean-Louis Tourenne . - Vous avez fait preuve de beaucoup de pédagogie. Je souhaiterais avoir un complément d'explications sur le CDD de remplacement. Il amène le remplaçant à effectuer la tâche de 5 ou 6 personnes différentes, selon des modalités particulières, avec des horaires qui peuvent varier. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
M. Jean-François Foucard (CFE-CGC). - Je ne pourrai malheureusement pas dans le temps imparti aujourd'hui répondre à toutes les questions. En ce qui concerne les délais pour modifier les périmètres des opérateurs de compétences, ces derniers seront très difficiles à tenir. Mais, la vraie question est de savoir si ce sera un outil pour les branches, ou le bras armé de France Compétences. Un certain nombre de décisions vont être prises par décret.
En outre, le résultat ne sera que parcellaire et temporaire en raison de la restructuration en cours des branches. Celle-ci devrait durer encore deux ou trois ans. In fine, on passera de 420 conventions collectives aujourd'hui à 200 voire 50. La situation de demain sera différente de celle qui existera dans 5 ans.
Plusieurs questions concernent la région, l'apprentissage et le contrat d'apprentissage. Le paiement au contrat présente l'avantage de présenter une vérité sur les prix. Il y a des endroits sur le territoire national où 41 % des places d'apprentissage ont été subventionnées pour rien.
Les régions devront s'entendre entre elles à un moment donné, notamment si pour une formation donnée, il n'y aura plus qu'un CFA sur le territoire. La question se posera de savoir où l'implanter. Elles devront travailler également pour trouver des solutions de logement, ou des aménagements de temps, si les apprentis habitent trop loin. Au Danemark, les apprentis vont 6 semaines à l'école, puis 2 à 3 mois d'affilée en entreprise. La temporalité de l'alternance pourrait être modifiée. Si on ne fait rien, cela risque d'accroitre la précarité de ces gens qui n'auront pas les moyens, ou à frais importants, de se déplacer.
Avec un financement du CPF à hauteur de 0,3 % de la masse salariale, 2,2 à 2,5 % des actifs pourraient y prétendre chaque année. Un recours plus massif pour les 16 millions d'actifs supposerait de multiplier par 3 ou 4 la contribution des entreprises.
La monétisation du CPF est-elle suffisante ? Aujourd'hui, elle est prévue à un niveau de 14 euros de l'heure. Nous estimons qu'elle doit se faire plutôt autour de 40 euros de l'heure. Cela nécessiterait une augmentation des cotisations patronales. Nous pensons que la transition professionnelle a été l'oubliée de cette réforme. Nous proposons de mettre en place une cotisation temporaire pour financer cette augmentation. Toutefois, je suis réaliste. Je ne pense pas que le législateur, dans les temps actuels, proposera ce type d'augmentation.
Pour avoir une transition professionnelle efficace, il faut des moyens. Nous pensons que ces réflexions doivent avoir lieu dans les entreprises ou dans les branches. Or, aujourd'hui, très peu de branches ont des véritables outils en matière de formation et d'évolution professionnelles. C'est un sujet majeur pour ces branches. Elles ne doivent pas uniquement se focaliser sur les classifications.
S'agissant des plateformes, nous ne voulons pas de troisième voie. Une charte n'engage que ceux qui la signent. Si on souhaite des engagements de la part des plateformes, ceux-ci doivent être négociés puis s'appliquer obligatoirement. Demain, que se passera-t-il si une plateforme ne respecte pas la charte ? Quelles seront les contraintes et les recours ?
Pour la fonction publique, on constate qu'il y a une volonté pour pouvoir faciliter les transferts de part et d'autre. D'ailleurs, le Gouvernement souhaite ouvrir un certain nombre d'emplois de la fonction publique territoriale à la contractualisation. C'est la technique qui avait été utilisée pour France Telecom : intégrer du personnel du secteur privé puis privatiser l'entreprise.
En matière d'égalité professionnelle, il faut être en capacité de gérer les parcours professionnels, de voir les évolutions et ne pas se contenter d'examiner la situation de manière statique. On voit de grandes différences sur les grilles de classification. Les partenaires sociaux ont demandé des évolutions sur ce point, mais cela prendra du temps.
Tout comme vous, j'ai entendu la ministre dire vouloir renforcer les contrôles portant sur l'égalité professionnelle. Or, les services ont déjà du mal à effectuer 1 200 contrôles. Ce nombre doit passer à 7 000, soit être multiplié par 5, sans effectif supplémentaire. Si vous interrogez des personnes directement en charge, voire des responsables de Direccte, ils vous expliquent ne pas voir comment cela est possible.
Nous avons défendu la mise en place d'un référent sur le volet « violence sexuelle et sexiste ». Celui-ci devra bénéficier de formations pour savoir comment recevoir une personne victime de violences. Les seules formations prévues aujourd'hui sont celles délivrées dans le cadre du CSE. Or, aucun moyen n'a été accordé à cette politique, sous la pression des lobbyings patronaux, alors même que l'expérience « MeToo » a montré qu'en libérant un peu la parole, des résultats sont possibles.
Pour le handicap, nous souhaitons que toutes les entreprises participent à l'effort d'intégrer des salariés handicapés. Toutefois, le seuil de 20 salariés est choisi pour avoir une unité entière avec un taux à 6 %. Nous étions pour augmenter le taux.
Enfin, le CDD de remplacement est une mauvaise réponse à un vrai problème. Auparavant dans les entreprises, il y avait des salariés polyvalents qui allaient combler les trous temporaires, pour remplacer des congés maladies par exemple. Aujourd'hui, on a externalisé toutes ces fonctions, et les employeurs ont recours à des CDD. Actuellement, lorsque 5 personnes sont absentes, les entreprises doivent recruter 5 CDD. On nous a expliqué que si elles pouvaient avoir recours à un seul CDD ce serait mieux. Or, ce ne sont pas forcément les mêmes compétences, les mêmes horaires qui sont concernés. Tant que l'on reste dans le secteur tertiaire, cette réflexion peut s'entendre, mais dans de nombreux cas, la question des compétences se posera.
Mme Karen Gournay (FO) - Nous sommes clairement opposés à la monétisation du CPF. Nous demandons que l'heure soit monétisée au minimum à 35 euros, ce qui correspondrait au coût moyen d'une heure de formation. Toutefois, nous attirons votre vigilance sur le fait qu'en fonction des secteurs, le coût horaire de formation n'est pas le même. Il est plus élevé pour les métiers techniques, de l'industrie. En outre, les formations sont généralement les plus coûteuses pour les salariés les plus pauvres. Enfin, se pose la question de la co-construction de son parcours professionnel, avec l'entreprise. Il est légitime pour le salarié d'attendre comme contrepartie la reconnaissance dans son emploi de ses compétences, la certification de la qualification acquise, et donc une augmentation de son salaire.
Sur le délai laissé aux partenaires sociaux pour restructurer les Opca, le calendrier est très contraint. D'ailleurs, le ministère ne semble plus croire au scénario retenu.
Nous ne sommes pas opposés au passage d'une logique de subvention par les CFA, à un financement au contrat, dès lors que la définition du coût soit bien faite par les branches, avec l'appui des opérateurs de compétences. Cette logique correspond à celle des contrats de professionnalisation. Elle permet une simplification et une plus grande lisibilité du financement de l'alternance.
Pour le handicap, nous avons été déçus que le taux d'emploi soit maintenu à 6 %. Nous revendiquons une augmentation de ce taux à hauteur du taux de prévalence du handicap dans la population active, soit 7 %. Nous déplorons également l'absence de mesures incitant les entreprises à dépasser ces cibles, au travers d'un crédit de contribution.
La charte pour les plateformes est selon nous une mesurette, qui ne répond pas à la question. Elle ouvre une troisième voie qui ne solutionne pas le problème et peut même s'avérer dangereuse. Les troisième voies sont souvent des sas de non-droit, un statut un peu bancal.
Le lien entre les ordonnances travail, le présent projet de loi et le projet de loi Pacte est idéologique : c'est une volonté d'individualisation des droits et non plus une logique de promotion des droits collectifs.
Mme Chantal Richard (CFDT) . - Nous estimons que l'expérimentation mise en place pour les CDD de remplacement va couper le pied à toutes les négociations actuelles sur l'utilisation des contrats courts. Dans le cadre de l'accord interprofessionnel de l'assurance chômage, on avait obtenu une négociation par branche de l'utilisation des contrats courts, avec une réflexion sur la place des intérimaires, mais aussi sur toutes les autres formes de contrats courts. Avec le CDD de remplacement, on coupe court à toutes les négociations de branches qui allaient s'enclencher, et prévoyaient d'analyser les postes et conditions concernés par de tels contrats. On le voit bien : les réalités des contrats courts n'est pas la même dans la branche hôtellerie-restauration, que dans la branche « maisons de retraite », ou encore « nettoyage ». Nos collègues dans les maisons de retraite avaient déjà commencé à proposer des solutions, sous la forme de contrat à durée indéterminée.
On entend beaucoup parler des emplois non pourvus. Or ces derniers sont ceux où les conditions de travail et de salaires ne sont pas réglées. Parfois, ce n'est pas une question de formation, mais de conditions du travail sur lequel débouche la formation.
M. Philippe Debruyne (CFDT). - Sur la monétisation du CPF, nous étions auparavant dans un système mutualisé qui montait en charge et dont on n'a pas pu voir l'effet définitif. On attendait de pouvoir faire un bilan dans deux ans. Certes ce système posait des problèmes. Mais le dispositif proposé ne fait que déplacer le problème. Ce que l'on a quand même obtenu, c'est le fait que France compétences puisse tous les trois ans réviser le montant des heures du CPF -à la fois le montant attribué tous les ans et le plafond possible. Ce sont des éléments de régulation indispensables. Mais je tiens à rappeler que ces euros ne sont pas sur un compte individualisé : ils sont mutualisés au sein de la Caisse des dépôts et consignations.
Vous posez la question du dialogue social sur la formation professionnelle et des droits individuels. Nous sommes favorables aux droits attachés à la personne, parce que c'est un levier d'émancipation. Mais ces droits doivent être garantis collectivement. Tous les pays européens regardent ce que la France a inventé autour des droits attachés à la personne, avec le compte personnel de formation et le compte personnel d'activité.
Grâce au compte personnel d'activité on constate des éléments de convergence des droits entre l'ensemble des travailleurs, quel que soit leur statut.
Enfin, la monétisation du CPF ne sera pas effective pour les fonctionnaires, alors même qu'il y a un discours prônant un accompagnement des transitions professionnelles, y compris du public vers le privé. Concrètement, on revient en arrière sur des éléments de convergence des droits de tous les travailleurs.
Historiquement, ce sont les branches qui ont pris en charge les négociations collectives sur la formation professionnelle. La réforme de 2014 a plutôt accéléré ce processus. Nous espérons que ce dynamisme va se poursuivre. Mais vous avez raison, si on ne promeut pas le développement des compétences dans l'entreprise, on n'y arrivera pas. Sur ce point, il y a une responsabilité partagée. Les syndicats ont fait plusieurs propositions. Mais on connait le refus des patrons de négocier le plan de formation. Par un amendement à l'Assemblée nationale nous avons réussi à obtenir de vérifier que le plan de compétences réponde bien aux orientations à trois ans. Toutefois, tout le monde se focalise sur les moyens accordés à la formation, alors que l'objectif est d'accompagner effectivement les parcours professionnels, l'évolution professionnelle, le développement des compétences et l'employabilité. Aussi nous avons fait une proposition, reprise par l'Ani, de créer un lien plus fort avec les négociations sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle. C'est à travers la qualité de vie au travail et les perspectives du développement des compétences que l'on augmentera la qualité du travail. On le sait, dans un environnement de qualité, on apprend au travail. De manière générale, et plusieurs études le montrent, plus un salarié apprend sur son lieu de travail, plus il a accès à la formation.
Le lien entre les négociations sur la qualité du travail et l'égalité professionnelle est essentiel. Au-delà de la lutte contre les inégalités de rémunération, ce sont les dynamiques de parcours professionnels qui sont sources d'inégalités entre les hommes et les femmes. C'est à certains moments de la vie, que les évolutions professionnelles permettent d'évoluer professionnellement et de réduire ou augmenter les écarts de rémunération.
Enfin, pour faire le lien entre les ordonnances de l'été dernier, ce projet de loi et le projet de loi Pacte, nous revendiquons le droit à une co-détermination à la française, par la négociation collective, par le dialogue social, la participation à la décision stratégique de l'entreprise via les conseils d'entreprise. Le projet Pacte peut aider à renforcer le pouvoir d'agir des salariés à la fois sur leur parcours personnel et collectivement sur l'avenir de leur communauté de travail.
Nous sommes des défenseurs acharnés de la pédagogie de l'alternance, car cette dernière permet de mieux réduire les inégalités. Cette pédagogie de l'alternance ne doit pas concerner que les contrats de professionnalisation ou d'apprentissage. Elle doit innerver la formation initiale, la formation continue dans les entreprises, toutes les politiques de retour à l'emploi des demandeurs d'emploi. Il faut battre en brèche l'idée selon laquelle il y a ceux qui apprennent la théorie et auront des postes à responsabilité et ceux qui apprendront par la pratique et auront des postes subalternes. Or cette idée reste très forte dans notre pays. L'alternance ne doit pas non plus se cantonner à appliquer en entreprise ce que l'on a appris.
Aussi, le bras de fer actuel entre les régions et les employeurs sur le pilotage de l'apprentissage n'est pas le sujet. Ce n'est pas forcément celui qui finance qui décide. D'ailleurs en 2017 les partenaires sociaux ont participé au financement du plan d'investissement dans les compétences, mais ne décident de rien. En revanche, il faut s'interroger sur la manière de mettre les acteurs autour d'une table pour définir des stratégies. Nous savons que si chacun reste sur ses positions, nous ne trouverons pas de solution. Si l'apprentissage est vu uniquement comme un outil d'aménagement du territoire sans le lier au développement économique, le jeune aura peut-être un CFA près de chez lui, mais ne trouvera pas d'entreprise à proximité pour y faire son apprentissage. Ces sujets sont à multiples compétences et personne ne peut s'arroger une compétence unique. Il y a des liens avec le développement économique, avec les mutations du travail. Le fond du sujet, n'est pas de savoir qui pilotera cette politique -débat qui a attiré toute la lumière médiatique- mais l'accompagnement du jeune, la construction d'une chaîne où chacun est responsabilisé. Cette dimension manque cruellement dans le projet de loi. Les partenaires sociaux ont permis d'avancer un petit peu sur la dimension territoriale grâce à la mise en place des commissions partiaires régionales, dont nous souhaitons qu'elles soient fusionnées avec les Fongecif. La question des liens avec France compétences se pose également.
Pour le handicap, l'une des principales questions est la longue liste d'exceptions à la règle des 6 %. On peut augmenter ce taux tant que l'on veut, si des exceptions, poussées par des lobbys, permettent d'échapper à ce taux, cette mesure ne sera que de l'affichage. Or, de nombreux progrès restent à faire sur ce point. Une révision du taux tous les 5 ans est prévue, ce qui est bien, mais cela reste insuffisant. Nous demandions la suppression des listes d'exemption. Malheureusement, nous ne l'avons pas obtenue. En revanche, nous avons obtenu des révisions par les négociations de branches, pour pouvoir réadapter ces listes à la réalité de l'aménagement des postes de travail, tel qu'il existe aujourd'hui. Les postes ont aujourd'hui changé. Nous étions également favorables à la fin de l'exemption pour les structures de moins de 20 salariés. Toutefois, l'amendement qui portait cette mesure a été retiré à l'Assemblée nationale. Un des grands oubliés sur ce sujet est la négociation sur la qualité de vie au travail : il faut avancer poste de travail par poste de travail, atelier par atelier, entreprise par entreprise sur ces questions. Ce qui est également en jeu c'est l'organisation du travail, la mobilisation de tous les acteurs. Je pense que nous avons tous des progrès à faire pour proposer un meilleur accueil à nos collègues victimes d'un handicap.
En matière d'égalité professionnelle, nous avons souhaité une communication directe à l'ensemble des salariés des niveaux de rémunération à poste équivalent afin de renforcer la transparence. En outre, nous pensons effectivement que c'est en revisitant les classifications professionnelles dans les branches que nous pourrons sortir de préjugés sexués sur certains postes.
Nous avons fait un certain nombre de propositions relatives à la lutte contre les violences sexistes et faites aux femmes. Nous pourrons vous les transmettre. Toutefois, la formation des personnels est essentielle.
Il y a un vrai travail éducatif tout au long de la vie à faire, dès le plus jeune âge, mais qui doit se poursuivre. En outre, un accompagnement et une sensibilisation des managers sur ces questions sont également importants, car le métier de manager est de plus en plus central.
Le problème d'une charte pour les plateformes est qu'elle est unilatérale. Nous commençons à introduire des éléments de dialogue social dans ces plateformes sur des minima. Comme tout travailleur, ils ont besoin de pouvoir effectuer leur travail dans de bonnes conditions. Or, les voies unilatérales ne produisent souvent pas grand-chose.
Mme Aline Mougenot (CFTC). - En matière d'égalité homme-femme, il est essentiel que le référent soit un délégué du personnel afin qu'ils soient protégés. Il doit également disposer d'un temps de délégation supplémentaire à ce qui existe actuellement, afin de disposer des moyens d'agir. Nous souhaitons l'extension de ce dispositif aux structures de moins de 250 salariés. En effet, le harcèlement sexuel existe partout. En outre, en aucun cas, une telle mesure ne pourra fonctionner s'il n'y a pas un accompagnement du référent par un psychologue du travail, de manière à ce que le référent ait quelqu'un vers qui se tourner pour évaluer les dossiers et accompagner au mieux les salariés.
Concernant l'incitation de l'obligation d'emploi de travailleurs porteurs de handicap et notre proposition de mettre en place un référent dans les structures en cas de non-respect, trois années consécutives, du seuil de 6 %, nous avons pensé ce projet pour toutes les structures et associations, avec un point d'étape tous les deux ans.
M. Maxime Dumont (CFTC). - Les délais pour négocier sont évidemment trop courts. Cela est symptomatique de la façon de fonctionner de ce gouvernement, mettant systématiquement sous pression les négociations. Or, tout comme vous, nous ne connaissons pas l'état des branches professionnelles dont le nombre doit être réduit de 700 à 200. C'est le nombre final de branches retenues qui permettra de former les Opac. Concrètement, il nous reste deux mois pour travailler, et c'est toujours très compliqué d'avancer en juillet et août. Peut-être qu'un texte est déjà prêt à ce sujet.
En ce qui concerne l'abondement par les entreprises, le projet actuel est d'un abondement 50/50. Il faut que l'abondement possible pour le CPF soit négocié par l'accord d'entreprise. On peut imaginer des abondements 60/40 voire 70/30. Il faut laisser les négociations jouer pleinement leur rôle. Tout comme la CFDT et bien d'autres, nous avions demandé à ce qu'il y ait une négociation en entreprise sur le plan de formation. Toutefois, nous avons compris que nous touchions à un point névralgique. En effet, l'entreprise considère que son plan de formation est, en fin de compte, la récompense qu'elle va donner aux salariés qu'elle estime être les plus compétents, mais aussi ceux qui ne font pas grève, ne sont jamais malades... Aussi, cette négociation collective du plan de formation nous semble essentielle.
En matière d'apprentissage, la CFTC a fait depuis le début de la concertation une proposition sur la formation des maîtres d'apprentissage. Vous avez parlé d'un taux de rupture de 30 % des formations d'apprentissage.
Ces dernières sont aussi malheureusement dues au fait que les maîtres d'apprentissage, parfois eux-mêmes employeurs pour les petites entreprises, sont de très bons professionnels, mais absolument pas de bons pédagogues. Le jeune peut ainsi se retrouver confronter à un patron un peu dur, qui le perturbe, le fait paniquer et rompt son apprentissage. Nous demandons une formation obligatoire des maîtres d'apprentissage, y compris s'il s'agit du chef d'entreprise
Nous sommes favorables au financement de l'apprentissage au contrat. Cela oblige les CFA à donner aux jeunes l'appétence de continuer leur formation et d'aller au bout. Actuellement, le financement est forfaitaire.
L'apprentissage sera désormais ouvert de 14 ans à 30 ans. On peut se poser la question de favoriser le travail saisonnier ou du moins pendant les vacances scolaires pour les jeunes de 16 à 18 ans, afin qu'ils découvrent vraiment ce qu'est le monde du travail, les cadences, les coups de gueule. Cela serait mieux qu'une seule journée par an pour découvrir des métiers.
M. Lionel Lerogeron (CGT). - Pour répondre à certaines de vos questions, j'ai envie de partir d'un cas concret : le chanter de l'EPR de Flamanville. Nous y constatons la concentration de toutes les conséquences des lois libérales, détruisant la dimension collective du travail. Sur le terrain, cela ne fonctionne pas. Les salariés sont dans l'incapacité de pouvoir faire normalement leur travail. Je vous invite à y aller et vous poser la question des raisons des problèmes rencontrés en cascade. On n'embauche pas les gens à partir d'une qualification, mais par rapport à une compétence.
Je suis persuadé, que la France n'a pas moins de jeunes en formation dans les entreprises que d'autres pays européens. On confond le contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, et la pédagogie de l'alternance en lycées professionnels, qui fait que les jeunes passent quelques semaines en entreprise. Au lieu de vouloir tout basculer sur l'apprentissage, il faut un système de formation avec des voies différentes, sans les mettre en concurrence, mais au contraire en les associant. Un jeune va peut-être préférer un contrat d'apprentissage, un autre préfèrera aller en lycée professionnel car il se sent moins prêt. Il faut garantir à tous les jeunes un parcours qui leur convient, et non pas imposer, de façon doctrinaire, la seule voie de formation. Un ingénieur INSA passe un an et demi en entreprise. C'est aussi une formation en alternance, mais il n'a pas besoin de contrat d'apprentissage. Il en est de même pour le médecin ou le chirurgien qui, pendant ces études, passent plusieurs mois en milieu professionnel.
Les régions se sont vu transférer l'entretien des lycées et cela a été une bonne chose. Aujourd'hui, les régions revendiquent le fait d'avoir un droit de regard en matière de création de formation et de pédagogie, c'est-à-dire de définir les besoins de l'économie. J'ai beaucoup de doutes. Il faut garder une égalité entre les citoyens sur l'ensemble du territoire. Aussi, je suis en faveur d'une coordination nationale sur l'évolution des métiers, des formations. Ce n'est pas parce que vous habitez dans une zone où il n'y a plus d'industrie, qu'on doit fermer toutes les formations portant sur les métiers de l'industrie. D'une part, on nous dit que les salariés doivent être mobiles, mais en même temps on nous explique qu'ils ne peuvent se former que dans la ville à côté de chez eux ou de leur lieu de travail. On le sait, les salariés doivent disposer d'une qualification suffisante, afin de pouvoir rebondir dans divers secteurs.
Pour nous, la charte pour les plateformes vise à protéger les employeurs recourant à de faux indépendants. Cette charte pose à la fois la question de la reddition de certains droits pour les salariés, mais également de concurrence avec un certain nombre d'employeurs qui respecte l'usage sociale. C'est ainsi une logique de destruction des droits sociaux, et de dumping.
M. Denis Gravouil (CGT). - Pour les CDD de remplacement, on est en train de créer un nouveau motif de CDD, au moment même où nous sommes censés lutter contre la précarité. Lors des négociations, on s'est rendu compte dans les statistiques de l'Unédic que les contrats de moins d'un mois sont majoritairement occupés par des hommes via les intérims, alors que les femmes sont beaucoup plus concernées par les CDD plus longs et les CDI à temps partiel. 31 % des CDI pour les femmes sont à temps partiel, 8 % pour les hommes. Ce point est donc à lier à la question de l'égalité entre les hommes et les femmes et la mise en place d'un référent disposant de moyens pour agir, ainsi que ceux de l'inspection du travail. Nous pensons que cela peut être résolu par des mutualisations, comme cela existe dans d'autres domaines. Il en est de même avec le référent handicap.
En matière de handicap, le changement du critère de l'âge est très dangereux, notamment pour des chômeurs déjà âgés, se trouvant dans les deux dernières décennies avant la retraite. On les retrouve souvent dans les catégories des chômeurs de longue durée. Nous avons besoin d'un vrai plan pour lutter contre le chômage de longue durée. C'est une catégorie qui continue à progresser.
Nous nous sommes élevés contre la remise en cause des minima sociaux, qui ne sont pas dans ce projet de loi, mais dont on a entendu parler. Le risque posé par le financement de l'assurance chômage par des cotisations est extrêmement grave, d'autant plus que la question des droits des travailleurs indépendants n'est pas financée. Nous craignons que cela se fasse par un contrôle accru des chômeurs du régime salarié.
Le délai donné pour les Opco est irréaliste. Il est impossible de concerter les confédérations, les fédérations dans un délai de deux mois. Cela nous semble très risqué et compliqué de donner dans ce délai une cohérence aux filières, alors même que la notion de filière n'est pas définie.
Je ne souhaite pas donner de chiffres sur le montant nécessaire de la monétisation des heures de formation ; Cela dépend de sa formation. Une formation de maître de tôle à l'arsenal de Cherbourg pour faire des sous-marins coûte 300 euros de l'heure. En outre, pour certaines formations, des préformations, ou des remises à niveau sont exigées. Vouloir réfléchir en taux horaire est une erreur. Ce qu'il faut, c'est garantir des droits aux salariés.
À titre personnel, je ne suis pas favorable à autoriser les mineurs à travailler dans des débits de boisson. On a beaucoup dérogé à la réglementation relative à l'apprentissage.
M. Jean-François Foucard (CFE-CGT). - Afin que les salariés n'aient pas le sentiment de payer pour les indépendants, nous proposons de créer deux sections financières distinctes.
En matière d'apprentissage, si on vise l'excellence, il faut arrêter l'orientation par défaut et recycler dans l'apprentissage tous les rebuts de l'éducation nationale.
Pour éviter les ruptures forcées, nous proposons la mise en place de permis de tuteur. En Suisse, 400 heures de formation sont nécessaires pour être tuteur. Si le tutorat prend plus de 50 % de votre temps de travail, la formation passe à 600 heures.
Enfin, j'attire votre attention sur le lien entre compétences et CPF. À l'heure actuelle, les formations obligatoires doivent avoir lieu sur le temps de travail. On peut penser, qu'en l'absence de toute barrière, des employeurs indélicats obligeront certains salariés à financer ces formations obligatoires via leur CPF.
M. Philippe Debruyne (CFDT).- Sur la question du dialogue social et du bilan à six ans permettant un contrôle des obligations sociales de l'employeur, un amendement à l'Assemblée nationale a remis en cause ces critères qui sont remplacés par un seul. On devra ainsi vérifier seulement qu'il y ait eu une formation qui ne soit pas une formation obligatoire. Nous entendons bien qu'il puisse y avoir des débats sur les critères mais nous proposons de ne pas toucher à ces derniers s'il n'y a pas d'accords d'entreprise. En effet, le bilan à six ans doit permettre de faire le point en 2020. On ne peut pas changer unilatéralement les règles du jeu en cours de match. En revanche, en cas d'accord entre les partenaires sociaux, une adaptation de ces critères est possible.
Maxime Dumont (CFTC).- En matière d'assurance chômage, nous estimons que si on a des droits, on a aussi des devoirs. Mais la proposition du Gouvernement de couper pour quatre mois l'intégralité des aides d'un demandeur d'emploi est pour nous inacceptable. Cela ne conduira qu'à affaiblir cette personne qui est déjà en situation de précarité.